La faute de l’Homme, une punition pour les générations à venir

Il est écrit (Béréshit 2:15-18): « L’Eternel D. prit l’Homme et le plaça dans le Jardin d’Eden pour le cultiver et le garder; et l’Eternel D. donna un ordre à l’Homme en disant: de tous les arbres du Jardin tu peux manger, mais de l’arbre de la Connaissance du Bien et du Mal tu ne mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu mourras. Et l’Eternel D. dit: Il n’est pas bon que l’Homme soit seul, Je vais lui faire une partenaire à ses côtés ».

Concernant le verset « Il n’est pas bon que l’Homme soit seul », Rashi rapporte le commentaire des Sages (Pirkey D’Rabbi Eliézer 12): « Pour qu’on ne puisse pas dire qu’il y a deux souverains, D. seul dans les Cieux sans partenaire, et l’Homme seul sur la terre sans partenaire ».

Nous manquerions de papier pour écrire tout ce qu’il faudrait comprendre au sujet du Jardin d’Eden et de la faute commise par l’Homme. Nous allons tenter de l’expliquer selon nos moyens, après avoir posé quelques questions.

1. Le Bney Réouven, au nom du Rav Bachach, rapporte les paroles de Rashi « pour que l’on ne puisse pas dire qu’il y a deux souverains. C’est pour cette raison que D. a créé la Femme, car si l’Homme voulait s’enorgueillir et prétendre qu’il est dieu, on pourrait lui rétorquer: si tu étais D. tu serais unique et non pas deux ». Apparemment, cela contredit le verset (3:22): « Maintenant l’Homme sera comme l’un de nous, connaissant le Bien et le Mal, car voilà qu’il pourra étendre la main et cueillir aussi le fruit de l’arbre de la Vie et le manger et vivre pour toujours », que Rashi explique ainsi: « Comme l’un de nous - il est unique sur terre comme Moi Je suis unique dans les Cieux (Béréshit Rabba 21:5), et « maintenant il pourra étendre la main - et s’il vivait éternellement il est fort probable qu’il induirait en erreur les créatures qui le croiraient dieu ». C’est une contradiction étonnante. En quoi peut-il tromper les créatures puisqu’il a une femme et qu’il « est deux », comme il ressort du commentaire de Rashi cité plus haut?

2. Le Bney Réouven, au nom du Minh’at H’inouch’, pose une autre difficulté que nous allons expliquer plus loin.

3. Il nous semble nécessaire d’expliquer le verset (Béréshit 2:15): « L’Eternel D. prit l’Homme et le plaça dans le Jardin d’Eden pour qu’il le cultive et le garde ». Le Or Hah’ayim remarque: « le verset nous fait entendre que le jardin a besoin d’être cultivé et gardé, mais la réalité contredit ce fait. Y avait-il des voleurs qu’il faille surveiller le jardin et a-t-il besoin d’être cultivé? »

4. Nous devons surtout comprendre comment l’Homme, qui était un Juste (Yirouvin 18b) et la création des mains mêmes de D. (Kohélet Rabba 3:14), a pu se laisser séduire par les paroles du Serpent, ce « roi vieux et insensé » (Kohélet), et par celles de H’ava son épouse, « une femme étourdie » (Shabbat  33b), et manger du fruit de l’arbre de la Connaissance que D. Lui-même lui avait interdit? Lorsqu’il dit à D. « la femme... m’a donné du fruit de l’arbre et j’ai mangé » (Béréshit 3:12) c’était de sa part une effronterie, et il est même dit que l’Homme fut chassé du Jardin d’Eden pour avoir blasphémé et renié D. (Béréshit Rabba 19:22). Comment a-t-il pu agir de la sorte? En effet, entre les ordres du maître (D.) et les ordres de l’élève (l’homme), auxquels devons-nous choisir d’obéir? Evidemment aux ordres du maître! (Kidoushin 42b). Il est dit aussi d’Adam qu’il s’est montré ingrat (Midrash HaGadol Béréshit 3:12). Comment l’expliquer?

Il faut affirmer tout d’abord que les commentaires de Rashi ne se contredisent pas. Lorsque Rashi dit que l’Homme a été créé avec la Femme pour nous éviter l’erreur de croire qu’il est un dieu, cela concerne les anges préposés aux affaires de ce monde, car ce sont eux qui se sont trompés et l’ont pris pour une divinité (Béréshit Rabba 8:9). D. a créé l’Homme et ensuite la Femme, pour qu’il n’ait pas l’audace de prétendre vis-à-vis des anges qu’il était un dieu, car ils lui auraient rétorqué: « Si ce que tu dis est vrai, pourquoi es-tu deux? » Mais vis-à-vis des êtres humains dominés par leurs penchants et facilement trompés et induits en erreur, il serait facile de faire valoir qu’effectivement Adam est un dieu et que lui et sa femme ne formaient qu’un seul être à double visage qui fut par la suite divisé. H’ava ne contredirait pas cela, au contraire. C’est cela que Rashi souligne: « Il induirait les créatures en erreur... » les créatures précisément, et non pas les anges. Même si H’ava devait manger de l’arbre de la Vie et vivre avec Adam pour toujours, elle pourrait continuer à obéir à la volonté de son mari et l’aider à tromper les créatures en leur faisant croire qu’ils sont des divinités, qu’ils forment un seul corps, et donc ne meurent pas.

Même si l’on prétendait que H’ava fasse savoir aux créatures qu’il n’est pas une divinité mais seulement un être humain, Adam pourrait rétorquer que lui est divin, contrairement à H’ava, et que si elle ne meurt pas c’est parce qu’elle a mangé de l’arbre de la Vie. Il est sous-entendu dans le commentaire de Rashi qu’Adam ne craignait pas les arguments de H’ava et qu’il aurait pu convaincre les gens qu’il est un dieu. Même si seule une partie du genre humain l’avait cru, cela aurait suffi pour le chasser du Jardin d’Eden. Et effectivement D. dit: « Voilà qu’il pourrait étendre la main... et l’Eternel D. le chassa du Jardin d’Eden pour cultiver la terre de laquelle il fut formé » (ibid. 3:23).

Ce n’est pas la raison pour laquelle D. a créé la Femme, car D. dispose de nombreux autres moyens d’empêcher les hommes d’être induits en erreur. Il est dit: « Il n’est pas bon que l’Homme soit seul » et les dernières lettres des mots heyot haAdam, forment le mot meth, mort. Après avoir interdit à l’Homme de manger de l’arbre de la Connaissance, D. a dit: « Il n’est pas bon que l’Homme soit seul » car s’il mourrait, il manquerait dans le monde une créature, c’est pourquoi « Je vais lui créer une partenaire » (ibid. 2:18) afin que, s’il se laisse séduire et mange de l’arbre de la Connaissance, la Femme lui vienne en aide, comme il est dit (Yébamot 63a): « S’il le mérite, elle lui sera une aide ». S’il veut désobéir et se rendre coupable, la Femme s’opposera à lui et l’aidera à ne pas fauter. De plus, avec elle, il veillera comme il convient sur le Jardin car « deux valent mieux qu’un » (Kohélet 4:9).

C’est pourquoi, après avoir mangé du fruit de l’arbre, l’Homme dit à D. « La femme que Tu m’as donnée m’a présenté du fruit de l’arbre et j’ai mangé » (Béréshit 3:12), c’est-à-dire: au lieu de s’opposer à moi et de m’aider en m’empêchant de manger pour m’éviter la mort que Tu as décrété, elle m’a séduit et m’a donné à manger du fruit et j’ai mangé. La répétition « à manger » et « j’ai mangé » signifie: « j’ai mangé et j’ai continué à manger » (Béréshit Rabba 19:22) - je me suis laissé séduire et j’ai mangé encore et encore.

Comment Adam a-t-il eu l’audace de dire à D. « la femme que Tu m’as donnée... » car enfin, c’est D. qui a interdit à Adam de manger du fruit de l’arbre de la Connaissance, et entre les ordres du maître et ceux de l’élève, auxquels devrait-il choisir d’obéir? D’où lui vient cette audace face à D.?

A propos du verset (Béréshit 2:23): « L’Homme dit: cette fois-ci... » les Sages nous enseignent (Béréshit Rabba 18:5) que lorsque D. créa l’Homme, Il créa en même temps la Femme, mais ils se disputaient sans cesse, et elle prit la fuite, si bien que l’Homme resta seul. Et alors D. dit: « Il n’est pas bon que l’Homme soit seul » (ibid. 2:18) et donc « Je vais lui faire une partenaire issue de lui, et ils vivront ensemble sans dispute et sans querelle et « Il prit une de ses côtes... et forma la Femme à partir de la côte qu’Il prit de l’Homme » (ibid. 2:21-22). Il la créa à partir de l’Homme afin que cette fois, elle ne prenne pas la fuite.

Après avoir mangé de l’arbre de la Connaissance, H’ava s’approcha d’Adam son mari pour lui ordonner et le presser de manger lui aussi du fruit (voir le commentaire du Kli Yakar). L’Homme, craignant que H’ava ne meure et que D. ne lui rende la première femme, celle qui s’était enfuie, décida de manger lui-aussi de ce fruit, car il préférait mourir avec H’ava plutôt que de vivre avec la première. Et il fit valoir que c’est à cause de sa deuxième femme qu’il avait mangé du fruit car il ne voulait pas vivre avec sa première femme.

Un autre argument nous permet de comprendre pourquoi l’Homme a mangé du fruit de l’arbre. Il pensait que D., étant miséricordieux et compatissant, bien que tous deux se soient rendus coupables, suspendrait la sentence et ne les ferait pas mourir la veille de Shabbat, car alors Il ne pourrait pas se reposer de toutes les œuvres qu’Il avait faites (Béréshit 2:2) et nous savons que l’Homme a fauté la veille de Shabbat (Sanhédrin 38ab). Ce qu’Adam dit à D. signifiait: « La femme que Tu m’as donnée m’a invité à manger. Mais j’espérais que nous resterions en vie, que nous n’allions pas mourir avant le commencement du Shabbat ».

Adam préférait mourir avec H’ava plutôt que de rester seul durant le Shabbat, car après avoir connu son épouse il avait trouvé la paix, comme disent les Sages (Yébamot 63a): « l’Homme a connu tous les animaux et toutes les bêtes et ne fut apaisé qu’après avoir connu H’ava ». Il lui était difficile de se séparer d’elle et il dit à D. que c’était elle qui lui avait donné du fruit de l’arbre, qu’elle lui plaisait, et qu’elle était digne de lui.

D’après la Cabbale (Séfer HaYetzira 1:14), en transgressant l’interdit, Adam a violé le signe de l’Alliance et la Torah, puisque la Torah est comparée à un arbre comme il est écrit (Mishley 3:18): « C’est un arbre de vie... »

Nous pouvons maintenant répondre à la question posée par le Bney Réouven au nom du Minh’at H’inouch’ (rapportée au début de ce chapitre, question 2). Comment peut-on dire que la mort fut décrétée à l’encontre de l’Homme parce qu’il avait mangé de l’arbre de la Connaissance, alors qu’il est écrit explicitement (Béréshit 3:19) « Tu viens de la poussière et tu retourneras à la poussière »?  Et c’est effectivement ce que les anges demandent à D. (Shabbat 55b): « Pourquoi as tu décrété la mort de l’Homme?  Etant donné que D. avait dit à l’Homme (Béréshit 2:16): « De tous les arbres du Jardin, tu as le droit de manger... » nous pouvons supposer que l’Homme a mangé de l’arbre de la Vie, puisque cet arbre lui était permis. Comment peut-il mourir alors que la Torah témoigne que quiconque mange de l’arbre de la Vie vit éternellement (ibid. 3:22)? Et cet auteur explique que le fruit de l’arbre de la Vie n’a d’effet que conjugué au fruit de l’arbre de la Connaissance, mais que l’un sans l’autre n’a aucun effet ».

Cette explication ne me satisfait pas complètement. Même si l’arbre de la Vie n’était pas interdit à l’Homme avant sa faute, il n’avait pas besoin d’en manger puisqu’il était censé vivre éternellement et n’aurait tiré aucun avantage de cette nourriture. Effectivement, jusque là, D. ne craint pas que l’Homme mange du fruit de l’arbre de la Vie, et Il ne le lui interdit pas. Mais, après qu’il eut mangé du fruit de l’arbre de la Connaissance, il fut décrété qu’il mourrait et il était à craindre à juste titre qu’il veuille manger aussi du fruit de l’arbre de la Vie, et il était donc nécessaire de le lui interdire et de le chasser du Jardin d’Eden.

A mon avis, il est possible d’expliquer autrement l’interdit et l’exil du Jardin d’Eden. D. a placé l’Homme dans le Jardin d’Eden « pour le cultiver et le garder ». De quels travaux et de quelle surveillance s’agit-il? D. désirait que l’Homme déracine les broussailles du jardin et enlève les ronces du Rosier Céleste afin de soumettre le monde entier à la souveraineté de D. L’interdit de manger de l’arbre de la Connaissance faisait partie de son devoir de veiller sur le jardin, car l’arbre de la Connaissance avait pour but de répandre le savoir et la sagesse sans qu’il soit nécessaire d’en manger. L’Homme n’avait pas besoin de ce fruit car il possédait déjà le savoir. En mangeant du fruit de cet arbre afin d’augmenter ses connaissances et son savoir, il se rend passible de la peine de mort car il transgresse la volonté du Roi qui a décrété que cet arbre dispenserait le savoir et la connaissance sans qu’il soit besoin d’en manger, et cela afin de prouver la Toute-Puissance de D.  Mais Adam, en désobéissant, a profané la foi en D. et créé une impureté, qui puise sa subsistance dans la sainteté, ainsi qu’il est expliqué dans les Livres Saints (voir Or Hah’ayim, Béréshit 1:2).

Placé dans le Jardin d’Eden, au lieu d’obéir au commandement de D., Adam s’est adonné aux plaisirs sensuels. Au lieu de cultiver le jardin, il a satisfait ses sens, et c’est alors que les désirs du Serpent se sont réveillés et qu’il l’a incité à pécher. Sinon, comment le Serpent aurait-il pu les séduire, puisque le mal n’existait pas encore dans le monde?

Il est écrit (Béréshit 3:1): « Le Serpent était rusé » et les Sages remarquent: « Il aurait fallu écrire ici le verset (ibid. 21): ‘Et l’Eternel D. fit pour l’homme et pour sa femme des tuniques de peau et il les en revêtit’, si ce n’est que la Torah voulait nous révéler les motivations du Serpent: il les a vus nus et accouplés au grand jour, et il désira la femme » (Béréshit Rabba 18:6, Rashi ibid.). Et le Serpent aborda H’ava de façon pernicieuse (ibid. 3:1): « Est-il vrai que D. a dit: vous ne mangerez d’aucun de tous les arbres du jardin? » C’est-à-dire: D. vous a-t-Il vraiment interdit de manger de tous les arbres du jardin? » Et elle lui répondit (ibid. 2-3): « Nous pouvons manger des fruits des arbres du jardin, mais quant aux fruits de l’arbre qui est au milieu du jardin, D. a dit: vous n’en mangerez pas et vous n’y toucherez pas, sous peine de mourir ». « Nous avons le droit de manger de tous les arbres, sauf de l’arbre de la Connaissance » dont le but est de répandre le savoir dans le monde comme une source intarissable, et nous devons cultiver et garder le jardin, enlever les broussailles afin de conduire le monde à se soumettre à la souveraineté de D. « Il nous est interdit de manger de ce fruit, et même d’y toucher », c’est-à-dire qu’il est interdit d’en jouir de quelque façon que ce soit, comme il est dit (Pessah’im 21b): « Chaque fois qu’il est écrit dans la Torah: Vous n’en mangerez pas, c’est toute forme de jouissance qui est interdite » (voir Ohr Hah’ayim ibid.).

Mais H’ava était dans l’erreur.  D. ne leur avait pas interdit toute forme de jouissance; sinon il aurait aussi été interdit de regarder l’arbre puisque sa vue procure du plaisir aux yeux. Les décisionnaires expliquent (Pessah’im 26a): « La jouissance de la voix, de la vue ou de l’odeur d’une chose qui en elle-même est interdite, ne constitue pas une transgression ». Si donc regarder l’arbre n’est pas interdit, il n’est pas interdit d’en jouir. Le Serpent utilisa une ruse: « Il a poussé H’ava jusqu’à ce qu’elle touche l’arbre et il lui a dit: de même que le toucher ne tue pas, en manger ne tue pas » (Béréshit Rabba 19:3), et il ajouta: ce n’est pas pour que vous puissiez cultiver le jardin, veiller sur lui et enlever les broussailles que D. vous interdit de manger du fruit de cet arbre, car le Jardin ne manque de rien. D. veut vous faire peur car vous êtes les seuls êtres humains et aucune créature ne peut vous chasser d’ici. Il vous a interdit d’en manger parce que, si vous en mangez, vous deviendrez comme Lui, vous comprendrez beaucoup de choses et « D. sait que le jour où vous en mangerez vos yeux seront dessillés et vous serez comme les puissants qui connaissent le bien et le mal » (ibid. 3:5).

Et effectivement par la suite il est écrit (ibid. 3:6): « Et la Femme vit que l’arbre était bon à manger, agréable au regard, et satisfaisait l’intelligence », c’est-à-dire que c’était le Serpent qui avait raison, et non son mari qui lui avait interdit de toucher à l'arbre, c'est-à-dire d’en jouir, puisqu’il était permis d’avoir le plaisir de le regarder. Elle rejeta donc l’injonction de son mari et écouta les paroles du Serpent, car « l’arbre est un plaisir pour les yeux ». De même qu’il n’est pas interdit de le regarder et qu’il est permis aux yeux d’en jouir, de même il est permis d’en manger et à plus forte raison de le toucher. Non seulement il n’est pas interdit, mais manger de son fruit permet d’atteindre les plus hauts degrés de la connaissance: elle cueillit donc de ses fruits et en mangea. Voyant qu’il n’en résultait aucun mal et que sa mort n’était pas immédiate, elle fut convaincue de la justesse des paroles du Serpent. Les Sages disent qu’elle obligea son mari à manger avec elle (Pirkey D’Rabbi Eliézer 13, Rashi ibid. 3:5): « Elle le supplia de l’imiter, car en voyant que son mari refusait de manger, elle eut peur de mourir alors que son mari vivrait et épouserait une autre femme », et c’est pourquoi elle le poussa à manger aussi.

En voyant que H’ava avait mangé du fruit et qu’il ne lui était arrivé aucun mal, Adam se laissa convaincre et il dit à D. (ibid. 3:12): « La femme que Tu m’as donnée pour être à mes côtés m’a donné du fruit de l’arbre et j’ai mangé ». Il ne faut pas penser qu’Adam, « création des mains de D. » (Kohélet Rabba 3:14) et «  homme vertueux » (Yirouvin 18b) a cru les paroles du Serpent, mais il a allégué qu’en voyant que sa femme n’était pas morte, il en avait déduit que le commandement était limité, qu’il ne s’appliquait pas en toutes circonstances, et que par la suite l’interdit serait levé, et que lui non plus n’allait pas mourir mais continuer à vivre comme elle, et c’est la raison pour laquelle il obéit à sa femme.

Et pourtant après avoir mangé du fruit de l’arbre, il est écrit (ibid. 3:7): « Leurs yeux à tous deux se dessillèrent et ils surent qu’ils étaient nus ». Certes, « ils virent qu’ils étaient dénués d’obéissance » (Béréshit Rabba 19:6), car « ils n’avaient pas su garder le seul commandement qu’ils avaient reçu, ils avaient transgressé l’interdit » (Shabbat 55a). Au lieu d’améliorer le monde, ils l’avaient détérioré en mangeant du fruit interdit.

C’est pour cette désobéissance que l’Homme fut chassé, exilé du Jardin d’Eden, et maudit (ibid. 3:19): « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front ». Quelle est l’intention de cette malédiction? Le pain représente la Torah (Béréshit Rabba 70:5), comme il est écrit (Mishley 9:5): « Venez, mangez de mon pain ». Jusqu’alors l’arbre de la Connaissance et son fruit avaient le même goût (Béréshit Rabba 15:7). Adam étudiait la Torah qui est « un arbre de vie pour ceux qui s’y accrochent » (Mishley 3:18), il comprenait facilement et correctement le sens révélé et le sens caché de la Torah, son essence et ses secrets. Mais après qu’il eut fauté, le goût de l’arbre disparut et avec lui le sens des secrets de la Torah, qui s’enveloppa d’un voile de mystère. Dorénavant « tu mangeras ton pain à la sueur de ton front », seulement en faisant des efforts comme il est écrit (Mishley 17:26): « Le travailleur travaille pour lui-même », et (Yob 5:7): « L’Homme est né pour la peine » et (Sanhédrin 99b): « l’Homme fut créé pour peiner dans l’étude de la Torah. » C’est-à-dire qu’après la faute, la Torah ne s’acquiert qu’avec peine, sueur et efforts; sa compréhension nécessite une étude laborieuse, qui seule permet de goûter aux fruits de cet arbre délicieux.

Nous pouvons expliquer ce qui est dit à propos d’Avraham, au moment où les trois visiteurs arrivent chez lui (Béréshit 18:4): « Qu’on aille quérir un peu d’eau; baignez vos pieds, et reposez-vous sous cet arbre ». Pourquoi mentionner spécifiquement « cet arbre »? Le mot Ets arbre, et le mot Etsa conseil, ont la même racine. Lorsqu’une personne a un problème et ne sait que faire, nous lui proposons une solution susceptible de résoudre son problème.

C’est ce que fit Avraham. A son époque, les hommes étaient dans l’erreur et adoraient des idoles (Rambam Halach’ot Akoum 1:2-3) jusqu’à ce qu’Avraham leur expliquât le sens révélé et le sens caché de l’Arbre (etz), de la Torah. Il leur enseigna comment corriger leurs erreurs et « il proclama le Nom de D. partout dans le monde » (Sotah 10b).

J’ai trouvé une explication semblable dans le commentaire Ohr Hah’ayim ad. loc.: « ...Avraham ordonna de puiser un peu d’eau - c’est-à-dire de puiser le sens simple de la Torah, et de baigner leurs pieds - c’est-à-dire la matière connue, et de se reposer sous cet arbre - c’est-à-dire la Torah qui s’appelle un arbre de Vie (Vayikra Rabba 35:6) et c’est pourquoi il dit spécifiquement « cet » arbre. Il leur offrit aussi un peu de pain - c’est-à-dire ces choses qui ne sont pas explicites dans la Torah, et dit « reprenez des forces » - c’est-à-dire qu’ils en nourrissent leurs organes internes, littéralement « le cœur ».

A partir de la faute de l’Homme, la Torah est devenue hors de portée; en découvrir les secrets demande beaucoup d’efforts. En effet, la punition décrétée à l’encontre de l’Homme pour sa faute le fut pour tous les hommes. Si l’Homme pouvait jusqu’alors se promener librement dans le Jardin d’Eden et rencontrer à tout moment la Présence Divine, après la faute il en fut chassé et il ne put alors parvenir facilement à la connaissance de D. Et pourtant il est dit (Divrey HaYamim I, 28:9): « Connais le D. de ton père et sers-Le ». La situation peut être comparée à celle d’un simple ouvrier d’usine qui voudrait en connaître le patron, savoir qui est le maître de ce lieu. Il doit faire de grands efforts et se distinguer dans son travail jusqu’à ce que le patron le remarque et l’invite à une rencontre. Il en est ainsi pour D. Si nous voulons connaître D. et savoir pour qui nous œuvrons, nous devons étudier la Torah et acquérir la connaissance de notre Souverain et Créateur par la découverte du sens des commandements et leur raison d’être. Si malheureusement nous ignorons le fondement des commandements, nous risquons de les transgresser ou de les exécuter avec une intention incorrecte. Celui qui fait l’effort de pénétrer les secrets de la Torah mérite de parvenir à la connaissance de son Auteur.

Selon l’opinion d’un de nos Sages, l’arbre de la Connaissance était du blé (qui était alors le fruit d’un arbre) (Sanhédrin 70b). Le verset (Mishley 28:21): « pour une miche de pain l’homme se rend coupable » y fait allusion. Cet homme c’est Adam, le prototype de l’Homme, qui avait fauté en mangeant de l’arbre de la Connaissance. Pour corriger sa faute nous devons tous tendre vers la pureté et la sainteté, vers la connaissance de ce qui est caché, comme il est écrit (Téhilim 134:2): « Elevez vos mains vers le sanctuaire et bénissez l’Eternel ». Il faut se rincer les mains après le repas, ce qui nous permettra de bénir D. Les Sages ont dit (Brach’ot 53b): « Le rinçage des mains après le repas a pour but de nettoyer la pollution », c’est-à-dire qu’après avoir mangé du fruit de l’arbre de la Connaissance qui était le blé, il faut nettoyer la pollution et l’impureté qui nous enveloppent et cela se fait avec de l’eau, c’est-à-dire par l’étude de la Torah qui est comparée à l’eau (Babba Kamma 17a), comme il est dit (Ishaya 55:1): « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ».

Chacun des commandements sous-entend des sens merveilleux, transmis de génération en génération par les Prophètes et les Sages. Le mot kabbala vient du mot lékabel, recevoir, pour signifier que chacun doit recevoir et accepter même les lois qui ne sont pas claires pour lui et les observer même s’il n’en comprend pas le sens. Les commandements sont des décrets divins. Nous avons tendance à les remettre en question si nous n’en comprenons pas la raison d’être ou le fonctionnement, comme par exemple le sacrifice de la vache rousse, l’interdit de manger du porc (Bamidbar Rabba 19:5), le prélèvement de la dîme sur toute production agricole, ou le jugement de la femme soupçonnée d’infidélité que les eaux amères confirment ou infirment. Ce sont des lois pour lesquelles nous n’avons pas d’explication rationnelle. Malgré tout, il faut les observer à la lettre, comme si nous avions reçu la Torah de nos jours, dans le sens où les Sages disent (Pessikta Zouta): « Les commandements doivent sembler chaque jour nouveaux comme s’ils nous avaient été donnés aujourd’hui même ». En observant les lois de la Torah, nous pouvons opérer la correction de la faute commise par la consommation du fruit de l’arbre de la Connaissance, et alors la connaissance de D. nous reviendra, et nous serons Ses proches, dans ce monde et dans l’autre. Amen.

 

 

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