Où réside la sainteté? Dans les yeux...

Les explications concernant l’obligation de veiller à la sainteté des yeux sont nombreuses et variées. Beaucoup de livres ont été publiés qui traitent de ce sujet important, mais « il n’est pas de maison d’étude qui ne produise un nouveau commentaire ». Bien qu’il nous soit impossible de cerner ici le sujet dans toute son ampleur, nous devons toutefois mettre le lecteur en garde. Le regard - même par mégarde et sans intention - peut avoir des conséquences désastreuses parce qu’il est prompt à s’égarer, et que les yeux sont facilement attirés par les choses interdites. Notre amour pour les choses saintes nous a amenés à écrire ces mots, revenons maintenant à notre premier sujet, l’explication de la faute d’Adam et de Caïn.

Nous avons déjà cité le Midrash selon lequel le Serpent a vu Adam et H’ava nus et enlacés, et son désir en fut attisé. C’est ce qui fait dire aux Sages (Béréshit Rabba 20:5) que « le Serpent voulait tuer Adam et épouser H’ava ». Le Ari zal écrit à ce sujet dans son livre Likoutey Torah que « l’Homme aurait dû attendre jusqu’au Shabbat pour s’unir à sa femme et alors la lumière de la création qui baigne le Shabbat les aurait enveloppés, et le Serpent n’aurait pu leur faire aucun mal ». Les Sages soulignent (Tanh’ouma Béréshit 25) que le rayonnement du visage de l’Homme ne l’a pas quitté jusqu’à la fin du Shabbat. L’Homme et sa femme « n’eurent pas honte » parce qu’il n’y avait pas encore de Shabbat (les mots boshet, honte, et Shabbat sont formés des mêmes lettres) et c’est ce qui a permis au Serpent de les tenter.

Le Ari zal s’étonne de l’expression « ils n’eurent pas honte », qui semble superflue. S’il était écrit seulement: « ils étaient tous deux nus », nous aurions compris que c’est ainsi que D. les avait créés et ils n’avaient pas reçu le commandement de se vêtir car ils n’avaient pas d’inclination pour le mal. De quoi auraient-ils honte?

Mais Adam n’a pas attendu jusqu’au Shabbat qui aurait pu le protéger grâce à la lumière de la création, ce qui a amené le Serpent à désirer H’ava et à fomenter ses ruses.

C’est ce que disent les Sages (Shabbat 146a): « Le Serpent embrassa H’ava et elle en fut souillée ». L’intention n’est pas de dire qu’il eut des rapports avec elle, mais que ce méchant (le Serpent, le Satan) a jeté les yeux sur eux. Il les vit enlacés et eux aussi l’ont regardé, ce qui lui a permis de les contaminer de l’impureté de son désir. C’est cette « infection » qui les a entraînés à désirer par la suite d’autres plaisirs. H’ava fut touchée par l’infection du Serpent (c’est la raison pour laquelle elle s’est soumise à lui) et sa relation avec son mari fut entachée, ce qui lui permit de convaincre Adam de fauter.

Le cours de l’Histoire aurait été tout autre si le Serpent n’avait pas réussi à les contaminer. Les forces du Mal n’auraient eu aucune emprise sur le monde, que rien n’aurait pu priver de sa sainteté, jusqu’à la fin du monde. Mais parce qu’ils ont dénaturé la pureté de leur regard et ont été contaminés par le Serpent, le désir s’est éveillé, ils se sont laissé entraîner par leur mauvais penchant, et ce fut le début de leur chute. Ils ont fui et renoncé à leur état de sainteté et « La fuite est le début de la chute » (Sotah 44b). Le fait même d’avoir opté pour les mauvais penchants a causé leur chute.

Il était plus facile de les inciter à manger du fruit de l’arbre de la Connaissance que de les en éloigner. Mais après en avoir mangé, au lieu de reconnaître sa faute, chacun en a porté le blâme sur l’autre! Cela montre clairement la puissance du péché. Lorsque l’homme commet une faute envers D., elle l’aveugle au point de lui faire nier effrontément son crime, et il ne peut plus reconnaître la vérité (car ses yeux sont aveuglés par le mal qu’il a commis).

Ce genre de regard a un pouvoir de destruction immense... et pourtant, Adam lui-même était pur, il n’a pas ressenti la nécessité d’attendre jusqu’au Shabbat tant il était ignorant du mal, et il n’a pas imaginé que le Serpent, le Satan, fût capable de les souiller par sa jalousie, ses désirs et toutes sortes de pensées meurtrières. Le Satan a réussi à faire chasser l’Homme du Jardin d’Eden et à introduire la mort dans le monde (Yirouvin 18b), pour lui et sa descendance, pour toutes les générations futures.

Dorénavant nous pouvons comprendre ce qui est écrit (Béréshit 3:15): « Je mettrai la haine entre toi et la femme, entre ta postérité et la sienne », car finalement, de quoi la postérité du Serpent est-elle coupable? C’est que le Serpent a corrompu non seulement Adam et sa femme, mais aussi leurs enfants et leurs descendants, jusqu’à la fin des générations, et donc, mesure pour mesure, les enfants et les descendants du Serpent seront poursuivis jusqu’à leur destruction, jusqu’à la fin du monde.

S’il en est ainsi, toutes les questions posées plus haut concernant la faute de l’Homme s’expliquent clairement. Il fut jugé et puni à la mesure de sa grandeur. Il avait le choix d’agir bien ou mal, en fonction de son immense intelligence, et il aurait dû comprendre qu’il lui fallait attendre jusqu’au Shabbat. Pour n’avoir pas attendu, il s’est exposé au regard du Serpent, et fut contaminé. Alors, la tendance au mal a commencé à battre dans son cœur. Le Serpent s’en prit d’abord à H’ava. Et l’Homme, après avoir eu des rapports avec elle, fut atteint lui aussi de cette infection. Cela nous permet de comprendre pourquoi Adam a imputé la faute à sa femme. En ce qui le concerne, c’est elle qui est coupable car c’est elle qui l’a infecté du poison du Serpent. Quant à H’ava, elle imputa la faute au Serpent: c’est lui qui l’a corrompue, elle n’avait pas idée qu’il pouvait l’empoisonner. Leur faute découle directement de ce qu’ils ont contemplé le mal.

Caïn est issu de cette union impure (Tikouney Zohar 69), et par conséquent il est venu au monde entaché de la souillure du Serpent, dont il possède les mauvais penchants, à savoir la jalousie et les désirs « qui excluent l’homme de ce monde » (Pirkey Avot IV:21). En quoi Caïn possédait-il les défauts du Serpent? Les Sages disent (Béréshit Rabba 22:3): « Deux sœurs jumelles sont nées en même temps que Havel ». Caïn voulait tuer Havel afin de les épouser, de même que le Serpent avait voulu tuer Adam afin d’épouser H’ava. La tendance au meurtre du Serpent (qui voulait tuer Adam) se retrouve dans l’âme de Caïn, et cette tendance profonde s’est traduite en acte au moment venu. Caïn a hérité son instinct meurtrier de la souillure du Serpent (ce qui répond à la question 5), et cette tendance fut introduite dans le monde à cause de la faute d’Adam.

Cela nous permet aussi de répondre aux autres questions que nous avons posées. Caïn est né avec un grave défaut, issu des mauvais penchants du Serpent. C’est pourquoi, bien que ce soit lui qui ait eu l’initiative de la présentation d’une offrande à D. il a tout de même offert des produits de moindre qualité. Il n’avait que faire de la perfection puisque son âme défectueuse était incapable de l’atteindre. Il n’a pas compris pourquoi D. avait accepté l’offrande de Havel et rejeté la sienne. C’est pour cette raison que son visage se défait et qu’il se fâche comme victime d’une injustice. « Que puis-je faire si je suis né avec une telle tendance? »

Pourtant D. l’a confronté à son amère erreur en lui disant: « Pourquoi es-tu fâché et pourquoi ton visage est-il déconfit? Si tu améliores ta conduite... », il est vrai, tu es entraîné par ta nature et tu as, de nature, une tendance au mal, mais cela en soi ne t’oblige pas à mal agir. Même si le mal est en toi, il ne dépend que de toi de le dominer. Si seulement tu utilisais ta volonté pour maîtriser ta mauvaise nature et te conduire correctement (c’est le sens de « si tu t’améliores ») tu serais pardonné, comme le traduit Onkelos, et ton mauvais penchant te quitterait. Sinon, si tu ne veux pas améliorer ta conduite, il est sûr que « le péché est tapi sur le seuil », car « le mauvais penchant est tapi entre les deux parties du cœur » (Brach’ot 61a) et tout ce qui l’intéresse, c’est de te faire fauter. Il ne fait aucun doute qu’il t’entraînera dans l’abîme et aucune excuse ne pourra te sauver. C’est que D. a créé toute chose avec son contraire. Parallèlement à la mauvaise nature que tu as héritée du Serpent, tu as aussi reçu des forces incommensurables que tu peux utiliser pour vaincre le mauvais penchant qui est tapi dans ton cœur, si seulement tu le souhaites. Dans ce cas, tu t’élèveras au plus haut degré et tu pourras le vaincre.

Mais Caïn, au lieu d’accepter la leçon de morale de D. et de se résoudre à faire dorénavant l’effort de se laver de sa souillure, s’est attaqué à son frère Havel et l’a tué. Non seulement il n’a pas reconnu sa faute, mais il a continué à s’élever contre D. et à Lui faire front avec audace. « Même au seuil de l’enfer, les méchants ne se repentent pas de leurs fautes » (Yirouvin 19b). Et donc, lorsque D. lui demande « Où est ton frère », afin de le secouer, afin qu’il tremble de peur et regrette son acte et qu’il se repente de tout cœur, il répond à D. « Suis-je le gardien de mon frère? » Il n’a pas compris, il n’a pas voulu comprendre, le message divin. Il savait parfaitement que D. scrute le fond des cœurs, qu’Il connaît toutes les pensées et que rien ne Lui est caché, mais il l’a nié, il a essayé d’échapper à D., il pensait pouvoir Le tromper, D. nous préserve d’une telle erreur.

Caïn, encore sous l’influence des paroles du Serpent et de leur venin, se souvint que manger de l’arbre de la Connaissance permet de « devenir comme D., connaissant le bien et le mal » (Béréshit 3:5), et il a pensé: « est-ce que nous pouvons vraiment être comme D.? » Il commença alors à douter de la Toute-Puissance divine. Peut-être est-elle limitée (D. nous préserve d’une telle pensée)? C’est pourquoi il n’a pas voulu écouter les paroles de D. Alors, D. lui dit: « Son sang et le sang de sa descendance crie vers Moi de la terre » (Béréshit Rabba 22:21), c’est-à-dire: Je sais tout, Je maîtrise non seulement le présent mais aussi l’avenir, et Je sais que le sang des fils de Havel aussi, jusqu’à la fin de toutes les générations, crie vers Moi, parce que tu as tué ton frère, et Moi Je suis Eternel.

Caïn  alors demande à être pardonné. Il espère une réponse favorable lorsqu’il dit: « Est-ce que mon crime est impardonnable? » (Béréshit 4:13). Ce verset, qui peut se lire comme une affirmation ou comme une interrogation est, selon le commentaire de Rashi, une question, ce qui sous-entend qu’il a reconnu sa faute et effectivement, il a bénéficié d’un sursis. Mais en fin de compte, mesure pour mesure, il fut tué par son descendant Lemech’ (Tanh’ouma Béréshit 11), conformément à la sentence divine.

A cause du meurtre de la descendance de Havel, la descendance de Caïn prit fin également, comme le disent les Sages (Rashi Béréshit 4:24): « Il fut décrété que la descendance de Caïn s’arrêterait après sept générations, comme il est écrit (Béréshit 4:24): « La punition de Caïn sera septuple », et cela à cause de l’origine vénéneuse et empoisonnée qui affecte sa descendance, si bien qu’il n’y avait rien d’autre à faire que de l’éliminer de la terre, et tous furent anéantis dans le déluge.

Il est dit à ce sujet qu’au cours des générations, cette faute aussi sera corrigée. Le Meyrat Einayim (écrit par un élève du Ramban), note que l’âme de Caïn se retrouve plus tard en Yithro, le Grand Prêtre de Midian, qui lui aussi était idolâtre. L’âme de Havel se retrouve en Moshé Rabbeinou qui a épousé Tsipora, la fille de Yithro, comme il est écrit (Shemot 2:21): « Et Yithro donna sa fille Tsipora à Moshé en mariage ». Tsipora possède l’âme de la sœur jumelle de Havel, et c’est à cause d’elle, selon une des opinions de nos Sages, que Havel fut tué par son frère Caïn. Et donc, Caïn (Yithro) corrige sa faute en ce qu’il rend à Havel (Moshé) sa sœur jumelle (Tsipora).

Combien l’homme doit se défendre de tout regard impur. Il doit aussi se garder d’éveiller la jalousie et l’envie des autres, et éviter les invitations séduisantes, dans le sens où il est dit (Téhilim 37:32): « Le méchant épie le juste et cherche à le mettre à mort ». Qui est plus grand qu’Adam, et pourtant, malgré sa grandeur et sa sainteté, il est tombé dans ce piège! Quel homme est plus sage que le roi Salomon, qui a transgressé trois interdits explicites de la Torah (Dvarim 17:16-17): « Il ne doit pas posséder beaucoup de chevaux... ni beaucoup de femmes... ni amasser beaucoup d’or et d’argent »? Le roi Salomon s’est dit: « Je vais en avoir beaucoup et je ne fauterai pas ». En fin de compte, il a transgressé les trois interdits, et s’en est confessé (Kohélet 7:23): « Je me suis dit: j’arriverai à la sagesse, et elle est loin de moi ».

Telle est notre conclusion. Nous devons répéter sans nous lasser cette leçon et la comprendre, car « il n’y a pas de sagesse et pas d’intelligence, et pas de connaissance face à D. » (Mishley 21:30). Nous ne savons que ce que la Torah nous interdit et nous ne suivrons que ses lois, ainsi nous marcherons dans la lumière, tous les jours de notre vie. Amen.

 

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