Combien grandes sont Tes bontés...

Il est écrit (Béréshit 15:1): « Après ces événements, l’Eternel apparut à Avram dans une vision, disant: Ne crains rien Avram, Je te protège », Rabbi Levi et les autres Sages discutent de cela (Béréshit Rabba 44:5). Rabbi Levi dit: « Avraham avait peur, il se disait: parmi les populations que j’ai tuées, se trouvaient peut-être un homme innocent ou quelqu’un qui craignait D. », tandis que les Sages disent: « Avraham avait peur et se disait: Je fus jeté dans la fournaise et je fus sauvé » (Béréshit Rabba 39:18), « Je suis parti en guerre contre les rois et je fus sauvé » (Béréshit 14:15), et il pensait: J’ai déjà reçu ma rétribution en ce monde, et il ne me reste rien à faire valoir dans le monde à venir. D. lui dit: « Ne crains rien Avram », Je te protège, tout ce que J’ai fait pour toi en ce monde, Je l’ai fait gratuitement, ta récompense reste entière dans le monde à venir, comme il est écrit (Téhilim 31:20): « Combien grandes sont les bontés, que Tu réserves pour ceux qui Te craignent... »

Cela nous permet d’expliquer que la peur d’Avraham avait uniquement pour cause le fait que bénéficier d’un miracle représente un désavantage car ce bénéfice est pris sur le compte de ses mérites » (Shabbat 32a). D’autre part: « Il est interdit de compter sur des miracles » (Pessah’im 64b), et c’est pourquoi D. dit à Avraham: « Ne crains rien Avram, Je te protège, ta récompense sera grande... »

Cela demande une explication. Avraham ne s’attendait pas à des miracles, au contraire, il avait l’intention de se sacrifier pour sanctifier le Nom de D. Pourquoi a-t-il peur lorsque D. accomplit pour lui un miracle auquel il ne s’attendait pas?

Effectivement Avraham n’avait pas demandé à D. de réaliser un miracle, mais en fin de compte il en avait tout de même tiré un profit personnel, et donc, il craignait à juste titre que le bénéfice de ce miracle ne fût soustrait de ses mérites. C’est pourquoi D. lui dit: « Ne crains rien Avram, Je te protège, ta récompense sera très grande », c’est-à-dire, bien que tu aies bénéficié d’un miracle, cela ne diminuera en rien ta récompense. Et cela, parce que cet avantage, le miracle dont tu as bénéficié, te fut donné en tant que don gratuit. Il ne diminue en rien tes mérites, ni dans ce monde ni dans le monde à Venir.

Malgré tout, beaucoup de détails dans cette section demandent à être précisés:

1. Pourquoi Avraham a-t-il peur que ses mérites ne soient diminués dans le monde à venir parce qu’il a été sauvé d’Our Kassdim? Au contraire, il aurait dû être heureux d’avoir bénéficié d’un miracle et d’avoir sans aucun doute multiplié ses mérites pour avoir accepté de se jeter dans la fournaise ardente, au milieu des flammes énormes. Il ne tire personnellement aucun avantage de cet acte, et il ne l’a fait que pour proclamer: « l’Eternel est D., il n’en est point d’autre » (Dvarim 4:35). Il ne fait aucun doute que son but était la glorification du Nom de D. et donc Avraham aurait dû sauter de joie, et ne pas avoir peur!

2. Il est certain qu’Avraham ne s’est pas jeté dans la fournaise en comptant sur un miracle, puisque les Sages ont dit (Sifra Vayikra 22:32): « Quiconque se sacrifie en comptant sur un miracle, ne bénéficie pas d’un miracle ». Haran, le frère d’Avraham, avait fait un pari: « Si Avraham est sauvé, je suis des siens et avec D. et je me jetterai aussi dans la fournaise, sinon, je reste avec Nimrod » (Béréshit Rabba 39:18), et en fin de compte, il fut brûlé dans la fournaise où il s’était jeté en comptant sur un miracle. Il est donc évident qu’Avraham s’est jeté dans la fournaise en pensant qu’il y brûlerait. Mais D. a vu qu’Avraham était fidèle, comme il est écrit: « Tu as trouvé son cœur fidèle à Toi » (Néh’émia 9:8), et Il a voulu le sauver du feu, et pourquoi donc sa récompense en serait-elle diminuée? Est-il possible « d’être à la fois battu et de payer des dommages »? Il ne fait aucun doute que le miracle était un don inconditionnel qui n’était pas retenu sur ses mérites. Comment expliquer la peur d’Avraham?

3. Une autre difficulté subsiste. Nous viendrait-il à l’esprit de penser qu’Avraham partit en guerre contre les rois afin de se faire une réputation d’homme courageux, de rentrer chez lui couronné de victoires, et de s’enrichir du butin capturé? Son intention était pure et désintéressée, il voulait libérer les captifs, comme il est écrit (Béréshit 14:14): « Avraham apprit que son neveu avait été fait captif » et plus loin (verset 16): « Et il reprit tous les biens et aussi Loth son frère », car il partit en guerre pour sauver les opprimés de l’emprise de leurs oppresseurs. Ce faisant, il a sanctifié le Nom de D. aux yeux de tous. Même les peuples les plus éloignés, en entendant ces hauts faits, aimeront D. de tout cœur car ils admireront l’esprit de sacrifice d’Avraham et la pureté de son intention en accourant au secours des innocents. D’autant plus qu’en fin de compte, tous les peuples sauront que la victoire ne vient que de D., qui a fait des miracles afin de révéler son Omniprésence. De quoi donc Avraham a-t-il tellement peur?

4. Nous devons comprendre pourquoi D. dit à Avraham que la rétribution reçue était un don inconditionnel. Au contraire, Avraham mérite en toute justice d’être rétribué, et dans ce cas, en quoi est-ce un don gratuit? Si D. ne le sauve pas, qui enseignera Sa voie et qui proclamera Sa souveraineté, comme l’a fait Avraham (Béréshit Rabba 59:8)? Et si Avraham n’avait pas été sauvé, les adeptes qu’il avait réunis autour de lui auraient été perdus pour toujours car ils auraient repris leurs mauvaises habitudes en voyant que le serviteur fidèle de D. n’avait pas été sauvé, et cela aurait affaibli leur foi dans la Providence Divine.

5. Nous devons aussi expliquer en quoi consiste la récompense réservée aux Justes dans le monde à venir, et pourquoi Avraham avait tellement peur de la perdre et d’en être privé, au point que D. dut lui dire: « Ta récompense sera très grande »?

6. Enfin, Avraham ignorait-il qu’ »il n’y a pas de récompense pour la pratique des commandements en ce monde » (Kidoushin 39a)? Pourquoi pense-t-il qu’il a reçu en ce monde la récompense qui lui était réservée dans le monde à venir, pour avoir été sauvé de la fournaise ardente et avoir triomphé dans la guerre contre les rois?

« Heureux celui qui craint toujours » (Mishley 28:14). Ce verset décrit la qualité particulière d’Avraham qui progressait de jour en jour dans le service de D. comme il est dit: « Ils avancent avec une force toujours croissante » (Téhilim 84:8), et il ressentait chaque jour ses imperfections de la veille. Atteignant chaque jour un niveau supérieur, il avait l’impression que sa conduite de la veille était défectueuse. On raconte à propos du Rav Saadya Gaon (Lekah’ Tov Dvarim 225) qu’il se repentait chaque jour. Il expliqua à ses élèves: « Aujourd’hui je comprends que ce que j’ai fait hier est une faute en ce qui me concerne, par la perception à laquelle je suis parvenu aujourd’hui. C’est pourquoi je me repens ». C’est aussi la raison pour laquelle Avraham ressentait qu’il ne méritait pas les miracles dont il avait bénéficié, d’autant plus qu’il n’avait pas encore reçu l’alliance de la circoncision, l’empreinte sacrée ne lui avait pas encore été révélée. Il ressentait que s’il avait été sauvé malgré son manque de perfection, la récompense réservée dans le monde à venir, le monde de la vérité, en aurait été diminuée.

Il y a plus. Justement parce qu’il n’existe pas de récompense à la pratique des commandements en ce monde, il lui était difficile de recevoir deux récompenses (une fois lorsqu’il fut sauvé de la fournaise, une autre fois lorsqu’il fut sauvé dans la guerre contre les rois), et donc il aurait préféré mourir dans un acte de sanctification plutôt que de perdre sa place dans le monde à venir, cette place, à propos de laquelle il est écrit: « Combien grandes sont les bontés que Tu réserves à ceux qui Te craignent ». Les Sages disent du monde à venir (Brach’ot 34b): « aucun œil humain ne l’a vu » (Ishaya 64:3), mais ils nous le rendent sensible en disant (Avot IV:17): « Un instant de béatitude dans le monde à venir vaut mieux que toute la vie en ce monde ».

Qui accepterait, ne serait-ce que le temps d’une pensée furtive, de renoncer à la jouissance de la Splendeur divine dans l’autre monde, en échange de la réussite temporaire et matérielle en ce monde? Seul un ignorant ou un imbécile peuvent vouloir renoncer à la vie éternelle pour la vie éphémère en ce monde, un monde matériel et inférieur. Le bonheur du monde à Venir n’est-il pas une chose merveilleuse à laquelle toute âme aspire au cours de sa vie en ce bas monde?

Puisque le but de tous les hommes vertueux en ce monde, dans tout ce qu’ils font au cours de leur vie, est de pouvoir parvenir à la jouissance de toutes les bontés qui leur sont réservées dans le monde à venir, et de baigner dans la Splendeur divine dans l’autre monde, sans s’attendre à recevoir de récompense en ce monde, D. agit envers eux de même, et Il veille à ne diminuer en rien leur part dans l’autre monde. D., qui est la cause de toutes les causes, dirige le cours des événements de manière à leur donner inconditionnellement des bienfaits de Son trésor, afin qu’ils parviennent à se perfectionner.

« Ceux qui étudient la Torah n’ont de repos ni en ce monde ni dans l’autre » (Brach’ot 64a). Les Sages nous expliquent que ce qui occupe les Justes en ce monde les occupera aussi dans le monde à Venir. S’il en est ainsi, Avraham qui en ce monde s’occupait de ramener les hommes vers D., qui nourrissait les affamés, soignait les malades et les guérissait, continue sans aucun doute, dans l’autre monde, à avoir la même influence, plus grande encore qu’en ce monde, puisque l’opacité du monde matériel qui sépare le corps de l’âme a disparu, et alors il peut réconcilier le cœur de Ses enfants avec leur Créateur et les amener à un repentir total.

Cela nous permet de comprendre clairement pourquoi Avraham a peur. Il a doublement et triplement peur. D’une part il craint de ne pouvoir continuer ses saintes activités dans le monde à venir, dans le cas où ses mérites seraient réduits à cause des miracles dont il a bénéficié en ce monde. D’autre part, il craint que le fait même d’avoir été sauvé, bien qu’il ne mérite pas de tels miracles, l’empêchera de jouir pleinement de la béatitude qui lui est réservée dans le monde à venir.

Avraham avait donc très peur, jusqu’à ce que D. lui apparaisse et le console en lui disant: Tout ce que J’ai fait pour toi en ce monde, Je l’ai fait sans condition, et ta récompense est intacte dans le monde à venir. Bien qu’apparemment, la Justice m’obligeant à te sauver, car nul autre que toi ne peut proclamer Ma souveraineté dans le monde, ce n’est pas pour cela que J’ai agi. Au contraire, si tu étais mort en sanctifiant Mon Nom, cela aurait accru d’autant Ma gloire en ce monde, comme il est dit: « Je suis sanctifié par ceux qui Me sont proches » (Vayikra 10:3) et « les Justes sont plus grands dans leur mort que durant leur vie » (H’oulin 7b). Mais en fait, tu ne seras en rien privé de ta récompense dans l’autre monde, et tous les bienfaits que Je t’ai accordés en ce monde, Je te les ai accordés gratuitement.

Cela est assez troublant. Avraham, malgré sa vertu, ne se jugeait pas lui-même digne, comme il est dit: « Je ne suis que poussière et cendre » (Béréshit 18:27). De même, chacun doit se sentir indigne et honteux lorsqu’il demande à D. une faveur, et de plus il doit savoir que ce sentiment de honte le submergera dans l’autre monde, lorsqu’il comprendra qu’il a échangé la récompense réservée dans l’autre monde pour un bénéfice passager en ce monde...

C’est que les pensées de la Torah sont fort éloignées des pensées du commun des mortels... J’ai constaté que les gens pensent le contraire: ils exigent de D. une récompense en ce monde pour chacune de leurs bonnes actions et ils ne prennent pas à cœur de réfléchir et de comprendre que leur récompense en sera diminuée au centuple dans l’autre monde.

Il ne faut donc dans ce monde demander à D. que la faveur de dons gratuits, dans le sens où il est écrit: « Je ferai grâce à qui Je veux faire grâce et Je serai miséricordieux envers qui Je veux être miséricordieux » (Shemot 33:19), afin de ne pas être couvert de honte et ne pas échouer sans espoir dans l’autre monde - le monde éternel.

Il convient vraiment de méditer les qualités des hommes vertueux, desquels les Sages ont dit (Sifri, début de Vaeth’anan): « Les Justes, bien que susceptibles de mettre en valeur leurs bonnes actions, ne demandent à D. que des dons gratuits ». Il est clair que lorsqu’un miracle se produit pour un Juste, il ignore s’il lui est octroyé inconditionnellement, ou sur le compte de ses mérites. Le Juste peut parfois recevoir en ce monde la récompense de ses actes, au détriment de sa récompense dans l’autre monde. Ce fut le cas de Rabbi Eliézer, à qui ses élèves rendirent visite lorsqu’il était malade (voir Sanhédrin 101b). Rabbi Akiva, en voyant la souffrance de son Maître, comprit qu’il recevrait une récompense entière dans l’autre monde. Rabbi Eliézer lui demanda: « Akiva, est-ce que j’ai failli en quoi que ce soit à la Torah? » Rabbi Akiva lui répondit: « Notre Maître nous a enseigné qu’il n’y a pas d’homme en ce monde qui fasse le bien et ne faute pas » (Kohélet 7:20).

Mais le Juste choisit de se repentir par amour de D. et alors « ses fautes, même intentionnelles, sont comptées comme des mérites » (Yoma 86b), et il accepte avec amour toutes les souffrances de ce monde plutôt que de voir sa récompense diminuée dans l’autre.

Lorsque quelqu’un jouit de la faveur divine et de la tranquillité en ce monde, sans subir de souffrances et sans essuyer d’échecs, il est certain qu’il s’agit d’un don gratuit et d’un bienfait inconditionnel. Ce fut le cas de Rabbeinou HaKadosh, qui associait la connaissance de la Torah à la célébrité (Guitin 59a), chose inconnue en ce monde depuis le temps de Moshé Rabbeinou. « Il ne manquait à sa table ni radis, ni raifort, ni courgettes, été comme hiver » (Avoda Zara 11a). De tels aliments montrent qu’il ne cherchait pas le luxe, les délicatesses et les bienfaits de ce monde et effectivement, avant de mourir, Rabbi, levant les mains au ciel, dit: « je n’ai fait qu’étudier la Torah et pas même mon petit doigt n’a joui des biens de ce monde » (Kétoubot 104a). Il ne voulait pas profiter des bienfaits et des richesses qu’il possédait en ce monde, afin de ne pas perdre la récompense qui lui était réservée dans l’autre monde, le monde éternel, le monde où ne règne que le Bien.

Il est du devoir de chacun de renforcer sa pratique de la Torah, des commandements et des bonnes actions, prier D. de lui réserver sa récompense dans le monde à venir, ne dépendre en tout que de la grande miséricorde de D., n’espérer qu’en Sa bienveillance, et ne recevoir tous les bienfaits que comme des dons gratuits.

Ajoutons que si quelqu’un jouit d’un miracle pris sur le compte de sa récompense dans l’autre monde, et qu’il s’inquiète de ce qu’il va perdre dans l’autre monde (comment savoir si ce bienfait est un don gratuit ou une récompense pour ses mérites?), alors D., dans son infinie bonté, lui restitue la récompense de tous ses mérites qui n’est en rien diminuée puisqu’un tel homme, de lui-même, craint ce miracle et ne le désire pas.

Il est possible que ce soit la raison pour laquelle, après avoir bénéficié d’un miracle ou d’un profit quelconque, nous louions D., comme il est écrit (Téhilim 13:6): « Je veux chanter les louanges de l’Eternel car Il m’a comblé de Ses bienfaits », car nous reconnaissons ce bienfait comme un don gratuit de la Providence.

Ajoutons humblement que nous, les enfants d’Avraham, Yits’hak et Ya’akov, lorsque nous sommes accablés de souffrances, de soucis, ou par une maladie, D. nous en protège, nous faisons appel au mérite des Patriarches, ou nous nous prosternons sur la tombe des Justes, ou nous distribuons la dîme à des œuvres de bienfaisance, ou nous faisons un vœu quelconque, comme le disent les Sages (Béréshit Rabba 81:2): « Lorsque l’on est dans la peine, on fait un vœu », afin que la récompense qui nous est réservée dans l’autre monde n’en soit pas diminuée. Parallèlement, nous apprenons qu’il y a certains commandements qui, même sans que nous demandions à en être récompensés, « produisent des bénéfices dont nous jouissons en ce monde, et dont le capital reste entier dans l’autre monde » (Péah I:1).

En résumé:

Nous apprenons ainsi que chacun de nous doit progresser dans l’étude de la Torah et dans la crainte de D., afin de mériter de recevoir des dons gratuits, et de jouir de la vie éternelle et de la Splendeur divine.

Quelle est la juste conduite à tenir?

Dans des moments de difficultés, de peines ou de maladie, D. nous en préserve, nous faisons appel au mérite de nos Patriarches, ou nous nous prosternons sur leur tombe, nous distribuons la dîme à de bonnes œuvres, etc. afin d’annuler un décret sévère sans être obligés d’imputer ce bénéfice sur nos mérites et diminuer la récompense qui nous est réservée dans l’autre monde.

 

 

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