L’Eternel, « Homme de guerre »

« Abram était âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans, et l’Eternel lui apparut et lui dit: Je suis le D. Tout-Puissant, marche dans Ma voie, et sois parfait.... Et Avram tomba sur sa face... » (Béréshit 17:1-3).

Rashi explique: « Sois irréprochable - cela représente un commandement de plus, celui d’être sans faille dans Mes épreuves ». D’après le Midrash (Yalkout Shemot 80): « Marche dans Ma voie, par la circoncision, et en cela tu seras parfait ». Car tant que tu es incirconcis tu es imparfait à Mes yeux. Et Avram tomba sur sa face - par crainte de la Présence Divine car n’étant pas circoncis, il n’avait pas la force de se tenir debout » (Yalkout Shemot 18). Il est dit de même, au sujet de Bilaam (Bamidbar 24:4): « Il tombe (sur sa face), mais son œil est ouvert... »

Plusieurs fois déjà, D. était apparu à Avraham mais il n’était pas tombé sur la face bien que n’étant pas encore circoncis. Pourquoi ici seulement, n’a-t-il pas la force de se tenir debout?

Afin d’expliquer cela clairement, je vais tout d’abord présenter en guise d’introduction la question que pose le ben Ish H’aÿ  à propos du verset: « D. est Maître de la Victoire à la Guerre » (Ich Milhama, littéralement: un homme de guerre) (Shemot 15:3). « Pourquoi justement, au moment de la guerre, D. est-Il appelé Homme de Guerre? ».

Et le ben Ish H’aÿ  répond ainsi à sa propre question: « Parce que, lorsqu’Il réalise des miracles pour les Juifs, au moment où les nations leur déclarent la guerre ou les oppriment comme ce fut le cas en Egypte (où ils furent cruellement asservis pendant deux cent dix ans), il Lui faut manifester trois des Noms par lesquels Il agit dans le monde pour amener la rédemption.

Le premier est le Nom E-l (le Tout-Puissant, qui représente la Bienveillance divine, comme il est écrit (Téhilim 52:3): « La bonté du Tout-Puissant est permanente »). D. manifeste par ce Nom Son courroux envers les accusateurs d’Israël, ceux qui prétendent qu’ils ne méritent pas la rédemption et qui rappellent leurs fautes en les comparant aux nations, « ceux-ci sont idolâtres et ceux-là sont idolâtres », (Shoh’ar Tov 15:5, Zohar II 170b). Avec le Nom E-l, D. leur impose le silence et infirme leurs arguments, tandis qu’Il accomplit Sa volonté de protéger Israël de Ses bontés.

Le second est le Nom Sha-day (le Suffisant), celui qui bouleverse les projets que les nations fomentent contre Israël, en faisant tomber tout d’abord l’ange tutélaire préposé à chaque peuple.

Le troisième Nom, le Tétragramme (qui ne se prononce pas), est celui par lequel D. réalise les miracles en anéantissant les peuples qui dominent Israël et libère Son peuple de leur emprise. Nous savons que les miracles sont toujours réalisés par ce Nom comme il est écrit (Shemot 17:16): « L’Eternel est ma bannière, nissi » (le mot sn a les deux sens de bannière et de miracle).

Les premières lettres de ces trois Noms, E-l, le Tétragramme, et Sha-day forment le mot ish, homme. Au moment de la guerre, lorsque D. dirige le combat pour Israël, ces trois Noms, dont les initiales forment le mot ish, agissent ensemble. C’est pourquoi D. est appelé un « homme de guerre » (Telles sont les paroles du ben Ish H’aÿ. ).

Sur cette base nous pouvons comprendre aussi la fin de ce verset (Shemot 15:3): « L »Eternel est Son Nom ». L’essentiel du miracle en faveur d’Israël provient de la manifestation du Tétragramme (comme il est dit plus haut « L’Eternel est ma bannière, nissi »), c’est pourquoi il est dit tout d’abord « L’Eternel, Homme de Guerre » et ensuite « L’Eternel est Son Nom » pour signifier que l’essentiel du miracle vient du fait que Hashem (le Tétragramme se lit ainsi) est Son Nom. Et de même, il est écrit (Shemot 34:7): « Eternel, Eternel, D. Tout-Puisant, clément, miséricordieux... » A l’aide de la proclamation de trois de Ses Noms dont les initiales forment le mot ish, homme, D. donne la victoire et accomplit des miracles pour Israël.

Il nous semble pouvoir expliquer sur cette base le verset (Téhilim 29:11): « L’Eternel donne la force à Son peuple, l’Eternel bénit Son peuple par la paix ». Car les trois Noms Sha-day, E-l, et Hashem ont, selon un certain calcul, la valeur numérique de shalom, paix. Le verset s’explique ainsi: Dans le même temps où D. par Son Nom E-l fait taire les accusateurs, par Son Nom Sha-day Il bouleverse leurs projets en faisant tomber tout d’abord l’ange tutélaire de la nation qui tyrannise Israël, tandis que par le Nom Hashem D. accorde à Israël une victoire miraculeuse en anéantissant cette même nation. C’est alors qu’Israël, qui a souffert des cruautés de cette nation, est béni par la paix dans toutes ses demeures, comme il est dit: « il n’y a pas de meilleur réceptacle pour les bénédictions que la paix » (fin du Traité Ouktzin, Dvarim Rabba 5:14). Comment fait-Il régner la paix? Par la proclamation de ces trois Noms, dont la valeur numérique est la même que shalom, paix. C’est ce qui est écrit: « L’Eternel donne la force à Son peuple », en ce qu’Il détruit la nation qui opprime Israël, afin de montrer que Lui seul est Roi. Le monde entier, qui est témoin de l’anéantissement surnaturel de cette nation, en vient à reconnaître la puissance du D. d’Israël et la paix règne sur Israël dans toutes ses demeures.

Nous savons par ailleurs que D. bénit de paix celui qui n’a jamais dénaturé la sainteté du signe de l’Alliance (la circoncision), comme ce fut le cas de Pinh’as, fils d’Eléazar, fils d’Aaron HaKohen qui « a détourné Ma colère des Enfants d’Israël en prenant jalousement Mon parti parmi eux » (Bamidbar 25:11), et qui a tué Zimri, fils de Salou et chef de la tribu de Shimon, pour avoir péché aux yeux de tous avec Kozbi, fille de Tzour, prince de Midian. Pinh’as n’a certainement jamais porté atteinte au signe de l’Alliance et il a publiquement frappé à mort Zimri pour avoir trahi le signe de l’Alliance. En récompense de son zèle, Pinh’as reçut de D. une alliance de paix éternelle, comme il est écrit (ibid. 12): « Je lui accorde Mon alliance de paix, shalom ». Ces mêmes Noms de D. qui sont indiqués dans le mot shalom l’ont protégé, et les Sages décrivent les nombreux miracles qui se sont produits pour Pinh’as lorsqu’il a tué Zimri et la Midianite (Sanhédrin 82b, Tanh’ouma Balak 21).

Cela nous permet de comprendre pourquoi Avraham est tombé sur la face justement à ce moment-là, ce qu’il n’avait fait en aucune occasion précédente:

Il est écrit: « Et l’Eternel lui apparut », sous le Nom Hashem, puis il est écrit: « Je suis E-l Sha-day... ». Il en ressort que D. est apparu à Avraham sous ces trois Noms, dont la valeur numérique est shalom. D. est apparu à Avraham pour le bénir par la paix. Mais Avraham, parce qu’il n’était pas encore circoncis, est tombé à la vue de la Présence Divine venue le bénir, car il pensait qu’il ne méritait pas encore cette bénédiction puisqu’il n’était pas parfait et n’avait pas encore la paix en lui. « Avraham n’est devenu parfait qu’après la circoncision » (Nédarim 31b), et seul celui qui est circoncis est parfait et béni par la paix.

Cela explique aussi pourquoi, les fois précédentes, Avraham n’est pas tombé sur la face bien que n’étant pas encore circoncis. C’est que D. ne Se révélait pas à lui avec ces trois Noms, et ne venait pas pour le bénir par la paix.

D. console Avraham qui est tombé sur sa face, en lui disant: « Marche dans Ma voie et sois parfait », car celui qui ne porte pas atteinte au signe de l’Alliance sainte est appelé tam, parfait, complet dans les deux cent quarante-huit membres de son corps par le signe de l’Alliance sacrée. (Les mots Chalom, paix, et Chalèm, complet, ont la même racine et dans le verset de la bénédiction à Pinh’as, fils de Elazar, la lettre Vav de Chalom est plus petite que les autres, car cette lettre représente ici le signe de l’Alliance, la qualité de yessod. Sans la lettre Vav, il reste le mot Chalèm, parfait, complet - Tam - comme il est dit à Avraham « sois parfait »).

Nous pouvons expliquer cela autrement. Avraham est tombé sur sa face car il lui était difficile de soutenir une révélation des trois Noms de D. du fait qu’il n’était pas encore circoncis. Mais D. lui dit: « sois parfait » en ce que tu veilleras, toi et tes enfants, à observer toujours le commandement de la circoncision, et alors Moi aussi, Je réaliserai Mon alliance, Je combattrai toujours aux côtés de ta descendance et Je la sauverai de l’emprise de ses ennemis, comme il est dit plus loin: « Je réaliserai Mon alliance entre Moi et toi, et tes descendants après toi, pour toutes les générations ». Mais si vous n’observez pas le commandement de la circoncision, si toi ou un de tes enfants est incirconcis, vous serez imparfaits à Mes yeux et Je ne pourrai pas combattre vos ennemis par la manifestation des trois Noms par lesquels Je Me suis révélé à toi. Ces Noms n’auront aucune influence sur les Enfants d’Israël.

Il est possible d’ajouter un autre point de vue. Le cas de Moshé Rabbeinou nous servira d’introduction. Lorsque D. Se révéla à Moshé pour la première fois, il est écrit (Shemot 6:3): « Je suis apparu à Avraham, à Yits’hak et à Ya’akov en tant que E-l Sha-day, et Je ne leur ai pas fait connaître Mon Nom Hashem ». Le Ben Ish H’aÿ remarque que beaucoup de commentateurs se sont demandé comment il faut comprendre ce verset, étant donné qu’il est explicitement écrit plusieurs fois dans la Torah que D. S’adressa aux Patriarches par Son Nom Hashem. Le Rabbin Shayk, de mémoire bénie, cité par le Ben Ish H’aï,  explique ce verset ainsi: « J’ai pourvu à leurs besoins et Je leur ai révélé Mes trois Noms, car avec Mon Nom Hashem J’ai aussi agi pour eux. Mais malgré cela « Je ne leur ai pas fait connaître », c’est-à-dire qu’ils n’en ont pas eu une connaissance claire et explicite, ce qui n’est pas le cas de Moshé Rabbeinou à qui D. S’est révélé clairement et explicitement ».

Cela nous permet de répondre à la question posée plus haut, à savoir, pourquoi Avraham est-il tombé sur sa face lorsque D. S’est révélé à lui (comme aux autres Patriarches) par Ses trois Noms, Hashem, Sha-day, et E-l? Etant donné que cette révélation n’était pas claire et explicite, Avraham ne pouvait pas rester debout, et c’est pourquoi il tomba sur la face. Il ne pouvait pas se tenir debout devant une révélation qui manquait de clarté.

Il faut se demander pourquoi, effectivement, D. ne S’est révélé aux Patriarches que de façon peu claire tandis qu’Il S’est révélé à Moshé ouvertement et clairement? La réponse est merveilleuse. Comme nous le savons, du temps d’Adam, deux cent quatre-vingt-huit étincelles de sainteté furent englouties et perdues, et à l’époque des Patriarches ces étincelles n’avaient pas encore été retrouvées et libérées, si bien que l’obscurité régnait sur le monde à cause de l’idolâtrie. Les étincelles de sainteté étaient cachées, ce qui empêchait une révélation claire de la Présence Divine, et donc toutes les manifestations de D. envers les Patriarches étaient obscurcies, non parce qu’ils ne méritaient pas une révélation lumineuse, mais parce que leur époque n’en était pas digne. Mais à l’époque de Moshé, Israël avait régénéré les deux cent quatre-vingt-huit étincelles de sainteté et le temps de la rédemption était arrivé, c’est pourquoi D. S’est manifesté à Moshé par une révélation claire et des miracles évidents alors qu’Il S’est révélé aux Patriarches secrètement. »

Vous vous demandez peut-être pourquoi Moshé avait besoin de savoir tout cela. Quel est le rapport entre cette connaissance et la plainte que Moshé formule à la fin de la section précédente (Shemot 5:22-23): « Pourquoi as-Tu rendu ce peuple misérable? Le sort du peuple a empiré et Tu n’as pas sauvé Ton peuple »?

L’explication est merveilleuse. Moshé a dit à D.: « Il est vrai que Tu m’as fait savoir que Tu ne T’es révélé aux Patriarches que par la manifestation secrète et voilée de Tes trois Noms, mais Tu as quand même accompli pour eux nombre de miracles, alors que maintenant Tu Te révèles à moi tout à fait ouvertement par la manifestation de Tes trois Noms, mais non seulement Tu ne fais ni miracles ni merveilles pour les Enfants d’Israël et « Tu n’as pas sauvé Ton peuple », mais au contraire, « leurs souffrances deviennent encore plus grandes et Pharaon encore plus cruel ».

Mais D. lui répond: Pour les Patriarches, il était nécessaire de faire des miracles en secret car les deux cent quatre-vingt-huit étincelles de sainteté n’avaient pas encore été délivrées. Mais à présent, à cause des souffrances que Pharaon a accumulées sur Mes enfants durant leur esclavage, presque toutes les étincelles ont été régénérées. La preuve en est que Je parle avec toi, que Je me révèle à toi par la proclamation évidente de Mes trois Noms. Et donc, désormais, Je vais délivrer les Enfants d’Israël et avec une main puissante, Je les ferai sortir d’Egypte » (Shemot 6:1), par de grands miracles et des merveilles manifestes.

 

 

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