Avraham proclame la souveraineté de D. dans le monde

Il est écrit (Béréshit 17:1-2): « Avram étant âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans, D. lui apparut et lui dit: Marche dans Mes voies et sois parfait. Et Je maintiendrai Mon alliance avec toi et Je te multiplierai grandement ».

Malgré sa grandeur et sa foi profonde dans le Créateur de tous les mondes, Avraham ne pouvait pas parvenir à la perfection tant qu’il n’était pas circoncis, comme le disent les Sages (Nédarim 31b): « Avraham ne fut considéré parfait qu’après s’être circoncis ». C’est seulement après s’être débarrassé de ce morceau de chair qu’il a pu se tenir debout et parler à D. car « tant qu’il n’était pas circoncis il n’avait pas la force de se tenir debout face à la Présence Divine » (Pirkey D’Rabbi Eliézer 29, Rashi ad. loc., Tanh’ouma Lech’ 20).

Il reste à expliquer clairement le sens de la circoncision et l’épreuve du sacrifice d’Yits’hak, la dernière épreuve que D. imposa à Avraham:

1. Avraham consulta ses amis, Anèr, Eshkol et Mamré avant de se circoncire, et leur demanda conseil. Anèr et Eshkol lui dirent de ne pas se circoncire, tandis que Mamré lui conseilla de le faire (Béréshit Rabba 42:14, Tanh’ouma Vayéra 3). Il faut se demander pourquoi Avraham prit conseil, étant donné qu’il avait reçu un ordre de D. Anèr et Eshkol n’étaient pas des gens quelconques mais les alliés d’Avraham (Béréshit 14:13). Avaient-ils une raison valable de lui conseiller de ne pas se circoncire? Pourquoi Mamré de son côté lui a-t-il conseillé de le faire?

2. Les Sages ont dit (Midrash Shmouel, ch. 12): « Lorsqu’Avraham signa un pacte d’alliance avec Avimelech’ à Béer Sheva, comme il est écrit (Béréshit 21:32): « Et ils contractèrent une alliance à Béer Sheva’, D. se fâcha et le mit à l’épreuve par le sacrifice de son fils Yits’hak». Il faut comprendre pourquoi, effectivement, Avraham a contracté une alliance avec un étranger. Quelle était son intention?

3. En quoi consiste l’épreuve du sacrifice, car nous savons bien que beaucoup de peuples sacrifiaient leurs enfants dans des rites idolâtres?

Tout d’abord, il faut citer les paroles du Zohar (Vayera 97b, 98a): « Lorsque D. dit à Avraham de se circoncire et qu’il le fit, le monde s’est consolidé et la Parole de D. fut révélée ». Concernant le verset (Béréshit 18:1): « Et D. se révéla à lui », Rabbi Elazar remarque que cette révélation eut lieu après la circoncision. Car avant la circoncision, D. ne s’adressait à Avraham que de façon imprécise, et les plus hauts degrés de prophétie ne lui parvenaient pas. Lorsqu’il fut circoncis, il est écrit: « Et D. se révéla à lui », sans préciser à qui. S’il avait été dit: « Et D. se révéla à Avraham » cela aurait impliqué qu’il n’y avait aucune différence qualitative entre les révélations précédentes et celle-là. Mais ce verset cache un secret: D. se révéla « à lui » comme il ne l’avait pas fait précédemment, et maintenant la Voix divine est révélée en même temps que Sa parole ». Et le Zohar poursuit (Bo II 36a): « Rabbi Abba rapporte deux versets: « Il était assis au seuil de la tente », et (Béréshit 24:1): « L’Eternel bénit Avraham en tout », et il explique: ce seuil est la dixième couronne, le seuil du saint sanctuaire du monde d’en-Haut (c’est la Séphira de la Royauté, le seuil de toutes les Portes et des Séphirot supérieures). « Il est assis au seuil de la tente » - au seuil du monde supérieur... » (Zohar I 98b).

Ziv HaZohar (ainsi que le commentaire HaSoulam) explique ainsi cette section: « Tant qu’Avraham n’était pas circoncis la Royauté était faible et il lui manquait la perfection nécessaire pour s’unir aux Séphirot supérieures, d’une union comparable à l’union du mâle et de la femelle. Avant la circoncision, Avraham n’entendait qu’une voix, il n’avait pas la révélation de la parole dont il n’avait qu’une compréhension vague. Après la circoncision, l’union parfaite s’est opérée entre la Royauté qui est la Parole et la Splendeur, qui est la Voix, et c’est alors qu’Avraham entendit clairement la Parole de D., lorsque les Séphirot supérieures se révélèrent et devinrent visibles dans leur clarté.

Nous allons expliquer ce passage, selon notre humble avis. Après s’être circoncis, Avraham mérita de devenir le support de la Présence Divine (voir Or Hah’ayim, début de la section Vayera), et il eut la révélation de toutes les Séphirot dans leur lumière, parce qu’il était maintenant lié à la Royauté. La Royauté, qui est la dernière des Dix Séphirot et la base de la Présence Divine, est comme une ouverture qui permet d’atteindre les autres Séphirot. De même, il est dit de Tamar (Béréshit 38:14): « Elle s’assit au carrefour des Deux-Sources », c’est-à-dire qu’elle s’assit et attendit que Yéhouda, porteur de la Royauté, passe (Béréshit Rabba 92:5, Tanh’ouma Korah’ 12). Yéhouda s’appelle « le seuil » parce qu’il perpétue la lignée de la royauté juive jusqu’à la venue du Messie, grâce auquel se révèlera la lumière des autres Séphirot et ainsi nous mériterons la révélation de D.

Sur cette base, il nous semble pouvoir aussi expliquer pourquoi D. dit à Israël: « A Rosh HaShana, dites devant Moi les versets relatifs à Ma royauté, afin que Je me souvienne de vous favorablement (et que Je vous pardonne) » (Rosh HaShana 16a). C’est qu’à Rosh HaShana (le Nouvel An), grâce au lien des Enfants d’Israël avec la Royauté, la dernière des Dix Séphirot, il est possible de parvenir aux Séphirot supérieures et de recevoir leur clarté jusqu’à parvenir à la perfection qui convient, et alors les prières sont agréées.

Pendant les dix jours de pénitence entre Rosh HaShana et Yom Kippour, nous disons dans la prière « le Roi de Justice » au lieu de « D. de Justice », afin de nous attacher à la Royauté, qui permet de s’élever et de recevoir la lumière des Séphirot supérieures jusqu’à parvenir à la Couronne, la Justice. C’est ce qui est dit par la suite dans le Zohar (Vayikra III 14): « Ouvrez-moi les Portes de la Justice, et je viendrai louer l’Eternel... les justes y pénètrent » (Téhilim 118:19-20): « Dites devant Moi les versets de la Royauté à Rosh HaShana, pour que votre souvenir monte favorablement devant Moi grâce à l’appel du Shofar ».

Nous en venons maintenant à l’épreuve du sacrifice d’Yits’hak, dont certains Sages ont dit (Béréshit Rabba 55:8, Yalkout Vayera 62): « Cette épreuve fut plus difficile que l’épreuve de quitter son pays ». N’était-ce pas la coutume de beaucoup de peuples de sacrifier leurs enfants aux idoles? On pourrait penser que cette épreuve était difficile pour Avraham parce qu’il avait toujours conjuré le monde d’entendre la Voix de D. (Sotah 10a), et désavoué la pratique des sacrifices humains pour gagner la faveur des dieux, mais une telle considération ne constitue pas un argument valable puisque Avraham n’a jamais tenu compte de l’opinion publique; lui qui n’aspirait qu’à obéir à D. n’aurait-il pas couru avec joie accomplir la Volonté divine?

Mais après la circoncision Avraham ressentit qu’il était parvenu à la perfection, que toutes les Séphirot l’illuminaient. Juste à ce moment-là, au moment où il pensait être parvenu au comble de la grandeur, D. lui dit: « Va vers le pays de Moriah » (Béréshit 22:2), c’est-à-dire, uniquement par le fait que tu vas vers le pays de Moriah pour sacrifier ton fils, tu pourras parvenir à la vraie perfection. Un grand étonnement emplit le cœur d’Avraham. Est-ce qu’il pourra vraiment parvenir au comble de la perfection par le sacrifice de son fils Yits’hak? Comment le sacrifice de son fils sur l’autel peut-il lui procurer la perfection? D’autant plus qu’un tel acte le laissera sans descendance? Cette épreuve est très grande et très difficile, parce que les nombreuses questions qu’Avraham se posait restaient sans réponse.

Comment Avraham peut-il parvenir à la perfection sur le compte d’Yits’hak, au moment où il est attaché sur l’autel pour le sacrifice? La réponse est donnée par le fait qu’ils « allèrent tous deux ensemble » (Béréshit 22:8), « unis dans la même intention et d’un seul cœur » (Béréshit Rabba 56:4, Rashi ad. loc.), c’est-à-dire que chacun soutenait l’autre. Avraham parvint à la perfection à l’âge de cent ans grâce à Yits’hak, et Yits’hak parvint à la perfection grâce à son père Avraham, à l’âge de trente-sept ans, lorsqu’il fut attaché sur l’autel, en sacrifice.

Les Patriarches Avraham et Yits’hak, qui représentent la Bienveillance et la Puissance (Zohar III 302a), sont parvenus à la perfection, Avraham en vainquant son amour paternel, et Yits’hak en ayant eu le courage de s’offrir en sacrifice. Ce n’est pas sans raison que nous rappelons dans la prière quotidienne, la prière du matin, ce mérite: « Maître du monde! De même que Avraham a vaincu sa miséricorde afin de faire Ta volonté de tout cœur, de même, que Ta miséricorde surmonte Ta colère, que Ta bonté prenne le dessus, et montre-Toi plein de grâce envers nous ».

Cela explique pourquoi Avraham a tardé à pratiquer la circoncision, et a même demandé le conseil d’Anèr, Eshkol et Mamré, et pourquoi il n’a pas obéi tout de suite avec joie et d’un cœur heureux.

Nous savons qu’Avraham servait D. de tout son cœur, avec le bon et le mauvais penchant, mais il le faisait avec une certaine difficulté, une certaine retenue, du fait qu’il était encore incirconcis. Avraham avait réussi à surmonter et vaincre ces difficultés, si bien que même sa chair incirconcise, signe d’impureté, servait D. avec le bon penchant.

Telle était la question d’Avraham à ses amis. Est-il préférable d’attendre pour me circoncire, et en attendant, de continuer à servir D. dans la peine, avec mon impureté, ou peut-être est-il préférable d’être compté parmi « ceux qui sont zélés et obéissent sans tarder » (Pessah’im 4a, Tanh’ouma Vayera 22) - zèle qui nous est d’ailleurs enseigné justement par Avraham - bien qu’une fois circoncis, rien ne me retiendra de servir D.

Anèr et Eshkol lui ont répondu qu’il valait mieux attendre, et pour le moment continuer à surmonter son imperfection, ce qui lui confère un grand mérite. Même si l’on voulait objecter à cet argument que « ceux qui accomplissent un commandement ne sont pas mis en danger » (Pessah’im 8b, Zohar III 273a), il est probable qu’une fois circoncis, D. veuille malgré tout l’éprouver et le mettre en danger. De plus, il est possible que la circoncision ne le fasse pas parvenir à la perfection et à l’illumination.

Par contre Mamré conseille à Avraham d’obéir à D. et de pratiquer la circoncision tout de suite. Grâce à elle, il parviendra à l’illumination et même s’il ne parvient pas à une perfection totale, mieux vaut soutenir cette épreuve. Effectivement, Avraham écouta son conseil et fut récompensé de sa diligence. C’est justement à ce moment-là qu’il est devenu une base pour la Présence Divine.

Mamré non plus n’a rien perdu pour avoir donné ce bon conseil. Il eut le mérite que D. Se révèle à Avraham justement dans ses terres (Tanh’ouma Vayéra 3) comme il est dit: « Et D. se révéla à lui dans les plaines de Mamré » (Béréshit 18:1): « Il a conseillé à Avraham de se circoncire, et c’est pourquoi D. s’est révélé à Avraham dans son domaine ».

J’ai trouvé une confirmation de ce point de vue dans le livre du Admor Sar Shalom de Belz de mémoire bénie, Midbar Kodesh, qui écrit: « Le jour où D. a contracté une alliance avec Avraham par la circoncision, le pouvoir du Serpent fut brisé ». Cela sous-entend qu’Avraham devait lutter contre le pouvoir du Serpent qui avait une emprise sur sa chair depuis quatre-vingt-dix-neuf ans, jusqu’au jour où il s’est circoncis, et alors le pouvoir du Serpent fut brisé (voir aussi Zohar I 148a). Il est vrai qu’avant la circoncision aussi, il aurait pu rompre cette emprise, mais le jour où il fut circoncis il s’en est complètement libéré.

Cela nous permet aussi de comprendre l’alliance d’Avraham avec Avimélech’, alliance contraire à la volonté de D., et qui lui valut d’être mis à l’épreuve par le sacrifice de son fils. Avraham ne voulait que servir D. tout le temps et s’élever à travers les difficultés les plus grandes, comme il avait servi D. avant la circoncision. Après s’être circoncis, il pourrait servir D. en toute sérénité (ce qui lui fit prendre conseil auprès de ses amis). Il désirait continuer à servir D. difficilement, sans s’attendre à une récompense (Avot I:3), et il réussissait dans cette voie.

Avraham le Juste, dans sa piété, désirait servir D. dans la peine. Lorsqu’il fut circoncis, le service de D. fut allégé et facilité pour lui, car il s’était débarrassé du poids de l’impureté, et cela l’inquiétait. Et donc, il est possible qu’il ait contracté une alliance avec Avimelech’, roi des Philistins, afin d’être lié à un non-Juif, fait semblable à l’impureté, afin de continuer à servir D. malgré ce lien, dans la peine, comme son âme le désirait.

Pour cette raison, Avraham entreprit de voyager chez les Philistins après la circoncision (tout cela s’est passé en un temps très court). Justement après être débarrassé, grâce à la circoncision, du poids de l’impureté qui était un fardeau dans son service de D., il alla chez les Philistins signer un pacte avec Avimelech’, ce qui lui permettrait de servir D. avec amour et avec crainte, malgré (il faudrait dire grâce à) l’alliance qu’il avait contractée avec un non-Juif comme Avimelech’. Il est clair que tel est précisément le lien entre la circoncision et l’alliance avec Avimelech’.

Nous devons signaler surtout qu’Avraham désire faire régner D. (la Séphira de la Royauté comme nous l’avons dit plus haut) sur toute la création, par sa façon de servir D. en tout temps. Il contracta cette alliance avec Avimélech’, afin de l’amener, grâce à cette alliance, à reconnaître D. et Le servir.

Pourtant, telle n’était pas la volonté de D. qui dit à Avraham: J’ai voulu te débarrasser de ton impureté corporelle afin que tu puisses mieux Me servir, et toi tu vas contracter une alliance avec ce non-Juif, Avimelech. Tu veux que ce non-Juif s’attache à toi, mais Moi Je ne le désire pas, même pas à titre d’épreuve... Si tu désires être éprouvé, voici, je vais te donner une épreuve plus difficile que la première, c’est l’épreuve du sacrifice (tel est le lien entre l’alliance avec Avimelech’ et le sacrifice d’Yits’hak), par laquelle tu parviendras à la perfection requise pour faire régner Ma Royauté sur toute la création.

Nous devons tous tirer un enseignement de la conduite d’Avraham, comme le disent les Sages (Sotah 34a): « les actes des pères sont des exemples pour leurs enfants ».

 

 

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