L’homme parfait

Il est écrit (Béréshit 1:27): « Et l’Eternel créa l’homme à Son image, à Son image Il le créa... » Est-ce à dire que D. a une image et une figure?

Les commentateurs se sont longuement penchés sur la question mais comme « il n’y a pas de maison d’étude qui ne découvre pas de sens nouveaux à la Torah » (H’aguiga 3a, Yéroushalmi H’aguiga), je veux moi aussi, avec l’aide de D., apporter ma part à cette discussion. C’est un fait connu de tous, que plus quelqu’un se perfectionne dans l’observance des voies de D. et s’attache à Lui et à Ses qualités, plus il ressemble effectivement à son Créateur. C’est ce qui est écrit: « Et l’Eternel D. créa l’homme à Son image ». Ce verset est en quelque sorte une exigence. D. demande et désire que chaque homme créé Lui ressemble dans ses vertus et dans ses actes. De même que chaque objet suscite une ombre lorsque le soleil l’éclaire, et que cette ombre a la forme de l’objet en question, de même par analogie, l’homme est en quelque sorte l’ombre de D., dans le sens où il est dit: « L’Eternel est à ta droite comme ton ombre tutélaire » (Téhilim 121:5), D. fera de toi Son ombre. « L’image de D. » a le sens de « Son ombre ». Le mot Tsélem, image, vient du mot Tsél, ombre.

Le Midrash le confirme: « Lorsque D. créa l’Homme, les anges furent induits en erreur et voulurent le sanctifier. D. l’a alors endormi et tous surent qu’il était un homme » (Béréshit Rabba 8:9). Nous voyons donc que l’Homme fut créé effectivement à l’image de D., de sorte que les anges se sont trompés jusqu’à penser qu’il était divin. Cela, parce qu’il fut créé avec une part divine, lui permettant de ressembler à son créateur. Il fut aussi créé avec un potentiel énorme, afin de pouvoir servir D. humblement, par l’annulation de soi. C’est dans cette intention que l’homme fut endormi, comme il est écrit (Béréshit 2:21): « Et l’Eternel D. fit peser une torpeur sur l’Homme et il s’endormit ». Le sommeil et la torpeur montrent la faiblesse de l’homme, afin de lui enseigner l’humilité. En constatant l’annulation de sa vitalité, les anges surent que l’homme était obligé de se soumettre et de s’annuler. Et l’homme aussi comprend de Qui il dépend et devant Qui il doit rendre compte: devant Celui qui peut lui retirer ses forces vitales en un instant, à tout instant.

Nous constatons que l’homme est formé pour ressembler à son Créateur, ce qui nous permet de comprendre qu’il est dit d’une part (Bamidbar 12:8): « C’est l’image de D. même qu’il [Moshé] contemple », et d’autre part (Shemot 33:20): « Tu ne saurais voir Ma face, car aucun homme ne peut Me voir et vivre », deux versets qui sont à première vue contradictoires.

Mais il n’y a pas réelle contradiction. Moshé contemplait « l’image » de D., c’est à dire qu’il cherchait à découvrir Ses qualités pour savoir en quoi Lui ressembler, et de même que l’image témoigne de la réalité et de la totalité de l’objet contemplé, de même Moshé contemplait l’ensemble des vertus divines pour y rendre conforme sa conduite, mais il est évident qu’il ne pouvait pas voir D. de ses yeux, puisque « aucun homme ne peut Me voir et vivre ».

Nous pouvons maintenant répondre à la question que nous avons posée au début de ce chapitre à savoir, pourquoi le verset dit: « Et D. se montra à lui », au lieu de dire « à Avraham ». Pourquoi son nom n’est-il pas mentionné? Et pourquoi (en Hébreu) le sujet de la phrase (D.) est-il placé après le complément (à lui), et fait précéder celui qui voit de celui qui est vu, c’est-à-dire qu’Avraham est mentionné avant D.?

Nous expliquerons aussi ce que les Sages ont dit (Shabbat 127b, Shavouot 35b): « La pratique de l’hospitalité prévaut contre l’accueil de la Présence Divine, c’est une chose qui nous est enseignée par Avraham ». Mais comment Avraham connaissait-il cette règle?

Le jour où Avraham s’est circoncis, il a acquis une perfection qui fit de lui le support de la sainte Présence Divine (Béréshit Rabba 82:7, Zohar I 213b) comme le Ohr Hah’ayim l’explique au début de cette section. A partir du moment où lui fut révélée la marque de l’Alliance sacrée, il devint partenaire de la création. C’est ce qui est écrit (Béréshit 18:1): « Il était assis au seuil de la tente, dans la chaleur du jour », assis - c’est-à-dire comme l’ombre qui est toujours pour ainsi dire « assise » aux pieds de l’homme, « dans la chaleur du jour » - à cause du soleil, analogue à la Présence de D., béni soit-Il, comme si Avraham en était devenu l’ombre. Quand? Lorsqu’il contracta l’Alliance avec D. Le mot shalem, (complet, parfait) a la même valeur numérique que les mots Avraham tzel, « Avraham est une ombre » (comptés en ajoutant le nombre de mots), ce qui fait allusion au fait qu’en devenant parfait il est devenu l’ombre de D.

Maintenant nous pouvons comprendre pourquoi il n’est pas dit « Et l’Eternel se montra à Avraham », mais seulement « à lui ». La Torah indique l’état auquel il était parvenu. Il était devenu l’ombre de D, il était à Son image par l’adhésion à toutes Ses qualités: par sa générosité, sa miséricorde etc. Un tel homme est décrit (sans nom) uniquement par ses qualités et la Présence divine repose toujours sur lui. Lorsqu’Avraham vit les trois personnages debout devant lui (Béréshit 18:2), il fut rempli de bienveillance et de miséricorde, ces vertus divines qu’il faut imiter (Sotah 14a). Il est certain qu’en ce jour de grande chaleur, il devait courir à leur rencontre et les inviter à se restaurer, car s’il ne le faisait pas, qui l’aurait fait? Est-ce que D. ferait un miracle pour eux? Nous savons que « D. amène des bonnes choses par l’intermédiaire de gens bien intentionnés » (Shabbat 32a, Bamidbar 13:17, Pessikta Rabba Emor 24:12). « Si l’occasion se présente à toi de faire le bien, ne la laisse pas échapper » (Mech’ilta Bo 12:17, voir aussi Makot 10a), et si l’occasion se présente d’accueillir des invités, c’est qu’ils sont envoyés du Ciel. Il est évident que cette « ombre » (Avraham) est obligée de courir en avant pour réaliser sans tarder ce qui est bon et juste car il ne fut créé que dans le but de ressembler au Créateur par ces vertus. Il est certain qu’Avraham va choisir le devoir d’hospitalité et qu’il ne laissera pas passer cette occasion, puisque D. veut qu’il les accueille. Et lorsque « l’ombre court », l’objet qui est la cause de cette ombre l’accompagne, ce qui montre qu’ »accueillir des invités est plus important qu’accueillir la Présence Divine ».

C’est une chose merveilleuse. Au lieu que ce soit le mouvement de l’objet qui cause un déplacement de l’ombre, c’est l’ombre (analogie à Avraham) qui ici incite l’objet (analogie à D.) à la suivre, ce qui contredit l’ordre naturel des choses. Mais « D. fait la volonté de ceux qui Le craignent » (Téhilim 145:19), c’est-à-dire que D. se comporte conformément à la volonté des Justes. Les Sages font dire à D. (Moed Katane 16b, Shabbat 63a, Zohar I 45b): « Qui Me gouverne? Le Juste, car Je prononce une sentence et le Juste l’annule ». Lorsque le Juste modèle sa conduite sur les vertus de D. il a le pouvoir de transformer la volonté divine (et de l’amener où il veut aller), et alors D. peut s’exclamer: « Mes enfants m’ont vaincu! Mes enfants ont raison! »

Cela permet de comprendre que « Les Patriarches sont un support pour la Présence Divine » (Béréshit Rabba 47:8, 82:7, Pessikta Zouta Lech’ Lech’a 17:22, Rashi, Béréshit 17:22). A partir du moment où ils ont atteint la perfection, D. repose sur eux comme il est écrit (Ishaya 19:1): « Voici le Seigneur, Il chevauche sur un nuage léger ». Et de même que le support meut ce qui est supporté, de même les Justes, les saints Patriarches, « portent » la connaissance de D. et glorifient Son Nom partout où ils vont. Grâce à eux D. est révélé aux yeux de tous, partout où Il veut paraître. Dans l’analogie de l’ombre qui porte l’objet, les Patriarches sont les porteurs de la Présence Divine.

Quelle est l’importance du char royal pour un roi? Nous lisons (Sanhédrin 22a, 95a, Shemot Rabba 8:1, Bamidbar Rabba 14:10): « Il est interdit de chevaucher le cheval du roi », c’est-à-dire qu’il est interdit de se servir de son char, comme il est interdit de s’asseoir sur son trône ou d’utiliser ses vêtements, et malgré cela il est dit du roi Shlomo (Shemot Rabba 8:1) que D. l’a placé sur Son propre trône, comme il est écrit (Divrey HaYamim I, 29:23): « Et Shlomo prit place sur le trône de l’Eternel et régna ». A propos de son règne, il est écrit (Melach’im I, 1:33): « Et le roi (David) leur dit: Faites-vous accompagner par les serviteurs de votre maître, vous ferez monter Shlomo mon fils sur ma propre mule... et vous le sacrerez roi d’Israël ». Les commentateurs (Rashi, Radak, Ralbag) expliquent (ad. loc.): « La mule et le char personnels du roi, pour signifier que Shlomo sera roi, puisqu’il est interdit à un homme du commun d’en faire usage ». Nous voyons aussi qu’Avishaï  ben Tzérouya (Sanhédrin 95a), lorsqu’il apprit que David HaMelech’ était en danger chez les Philistins, a demandé au Sanhédrin la permission d’utiliser le char et le cheval rapide du roi. Haman, fils de Hamdatta le Ghittéen, dit lui-même (Esther 6:8): « Qu’il le pare du vêtement du roi et qu’il chevauche le cheval du roi... car c’est ainsi qu’il convient d’honorer celui qui a sauvé le roi ».

C’est que le char a une grande importance, ainsi que tout objet dont se sert le roi, et les Patriarches ont mérité de devenir eux-mêmes le char de la Présence de D., ce qui prouve leur grandeur insigne.

C’est la raison pour laquelle Avraham n’est pas nommé (il est dit: « à lui »). De même que D. n’a pas de nom et tous les Noms saints ne sont que des attributs qui indiquent les manifestations de D. dans le monde, de même l’homme pieux qui a intégré ces attributs pour en faire sa seconde nature, n’est pas nommé. Il n’est pas mentionné par son nom, car il n’est plus que l’ombre de D. et le support de Sa Présence, et c’est la raison pour laquelle il n’est pas dit: « L’Eternel se révéla à Avraham ». Cela explique aussi pourquoi la mention « à lui », précède la mention de D. (une construction grammaticale intraduisible en Français), car Avraham est l’ombre qui entraîne l’objet après elle, et c’est pour exprimer cela qu’Avraham (« à lui ») est mentionné dans ce verset avant D.

Nous pouvons donner une autre explication au fait que le nom d’Avraham n’est pas mentionné dans le verset. « L’Eternel se montra à lui » signifie aussi qu’il fut révélé « dans son ombre » qui est devenue le support de la Présence Divine. D. se révéla « dans son ombre », en tout conforme à lui-même, et effectivement Avraham fut béni « en tout », comme il est écrit (Béréshit 24:1): « Et l’Eternel bénit Avraham en tout », en tout - totalement. Le pouvoir de cette bénédiction lui permet d’avoir une influence bénéfique sur tout. « En tout » signifie: connais D. dans toutes tes voies, afin d’être comme Lui, juste, et en tout conforme à Ses qualités. Et donc, en voyant de loin les gens de passage, il courut les accueillir comme l’ombre précède l’homme qui court.

« Accueillir des hôtes est chose plus grande qu’accueillir la Présence Divine », puisque Avraham a précédé la Présence Divine comme l’ombre précède l’homme, afin de réaliser le commandement d’hospitalité, et c’est seulement ensuite que D. Se joint à lui. Ce faisant, il enseigne à toutes les générations futures que le but de chacun est de ressembler au Créateur en adoptant Ses qualités, comme il est écrit (Devarim 11:22): « Et d’adhérer à Lui », que les Sages expliquent (Shabbat 133b, Sotah 14a, Tanna D’Bey Eliyahou Rabba 26): « Attache-toi aux qualités de D., sois comme Lui bienfaisant, miséricordieux et bon.

Il est dit (Zohar III 257a) que « les saints Patriarches sont les amis et les bien-aimés de D. ». Cela nous ramène à notre première question, et nous allons conclure ce chapitre par où nous l’avons commencé: « Acquiers-toi un ami ». Avraham a demandé conseil à Anèr, Eshkol et Mamré pour la circoncision afin de les mettre à l’épreuve et pour savoir s’il allait continuer à les fréquenter ou non. C’est qu’en devenant maintenant le support de la Présence Divine et le bien-aimé de D., il fait pour toujours partie de Ses proches et semblable à Son ombre. Mamré s’attache à ces qualités sans chercher de bénéfice personnel, et sous l’influence d’Avraham, il désire aussi adhérer aux voies de D. Il est exemplaire.

Avant la circoncision, Avraham pouvait s’associer à tout le monde, mais après, ses obligations ne lui permettent pas un mode de vie ordinaire, et il doit se tenir à l’écart, tout comme le monde se sépare de lui. C’est par lui que nous apprenons quel doit être le mode de vie et de conduite de tout Israël, pour toutes les générations.

Quel est le chemin à suivre?

Les Sages ont dit: « Ou bien un compagnon d’étude ou bien la mort ». C’est qu’au moment où l’on s’élève dans le service de D., on doit vérifier que ses amis (ou ses partenaires d’étude) sont effectivement dévoués de tout cœur à D. Sinon, il faut s’éloigner d’eux car, à un moment de difficulté, ils risquent de régresser et d’entraîner les autres à leur suite. Il faut se faire un ami (ou un partenaire d’étude) avec lequel il est possible de progresser dans le service de D., dans l’étude et la prière, dans les bonnes actions, conformément à la volonté de D.

 

 

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