La force du mérite des Patriarches

« Il prit de la crème et du lait, et le veau qu’il avait préparé et les servit, et lui se tenait devant eux sous l’arbre tandis qu’ils mangeaient... » (Béréshit 18:8).

Les Sages disent (Babba Metzya 86b): « L’école de Rabbi Ismaël enseigne: en récompense de la crème et du lait, ils ont reçu la manne, en récompense du fait qu’il se soit tenu debout pour les servir, ils ont reçu la colonne de nuée, en récompense de l’eau « qu’on aille quérir un peu d’eau, lavez vos pieds » (ibid. verset 4), ils ont reçu le puits de Miriam ».

Cela demande à être explicité:

1. Avraham avait l’habitude d’accueillir des invités et « il convertissait les hommes » (Béréshit Rabba 39:21) mais le faisait-il pour mériter une récompense?

2. Y a-t-il une commune mesure entre le repas qu’il a servi à ses invités et la grandeur des récompenses, telles la manne, la colonne de nuée et le puits?

3. Le Maharsha dans son commentaire de ce passage du Talmud, remarque que cela contredit un autre passage (Ta’anith 9a): « Rabbi Yossi fils de Rabbi Yéhouda dit: Israël avait trois bons dirigeants, Moshé, Aaron, et Miriam... et ils bénéficièrent grâce à leurs mérites de trois choses: le puits, la colonne de nuée, et la manne. Grâce à Miriam, ils reçurent le puits, grâce à Aaron, la colonne de nuée et la manne grâce à Moshé ». Est-ce à dire que ces choses n’ont pas été données en récompense de la conduite d’Avraham?

4. Le Maharsha soulève, dans le même esprit, une autre difficulté. Il est dit: « En récompense de « prenez un peu d’eau » Israël a reçu le puits de Miriam, et s’il est dit « le puits de Miriam, c’est que c’est grâce à elle qu’ils reçurent le puits (car sinon il aurait été dit « le puits », sans précision, comme il est dit: ils reçurent la manne, et la colonne de nuée, sans précision). Pourquoi, en ce qui concerne le puits, est-il dit qu’en récompense de « prenez un peu d’eau », Israël a reçu le puits de Miriam la prophétesse?

Le Maharsha entreprend de donner une réponse aux questions qu’il a soulevées. « Par le mérite d’Avraham, ils n’auraient reçu ces trois choses - la manne, la colonne de nuée et le puits - que temporairement, selon les besoins du moment, mais grâce au mérite de Moshé, Aaaron et Miriam, ils les ont reçues pour une période prolongée de quarante ans ». Effectivement, lorsque Moshé mourut, la manne cessa de tomber (Kidoushin 38a), lorsque Aaron mourut, la colonne de nuée disparut (Rosh HaShana 3a, Ta’anith 9a), et lorsque Miriam mourut, le puits se tarit.

Le Torah Témima remarque que l’explication du Maharsha est surprenante et forcée, et il suggère une autre explication: « en récompense des trois actes accomplis par Avraham, ses enfants ont eu le mérite d’avoir à leur tête trois bons chefs comme Moshé, Aaron et Miriam, grâce auxquels ils bénéficièrent de la manne, de la colonne de nuée et du puits ».

Son explication ne nous semble pas ressortir des deux sections du Talmud, ce qui nous donne la possibilité de formuler un autre avis.

Mais avant de résoudre la contradiction entre les enseignements de Rabbi Ismaël et de Rabbi Yossi, il faut se demander pourquoi les Sages ont attribué la manne justement à Moshé, la colonne de nuée à Aaron, et le puits à Miriam. Quel est le rapport entre ces dirigeants et les bienfaits qui sont attribués à leur mérite? Chacun d’eux eut le mérite de pourvoir Israël d’un don particulier, mais pourquoi justement ce don-là?

Les Sages racontent (Brach’ot 28a) que lorsque Rabban Gamliel visita Rabbi Yoshoua pour se réconcilier avec lui, il vit que les murs de sa maison étaient noircis de fumée et il lui dit: « les murs de ta maison montrent que tu es charbonnier ». Rabbi Yoshoua lui répondit: « Malheur à la génération dont tu es le dirigeant, car tu ignores la souffrance des hommes de Torah et tu ne sais pas comment ils gagnent leur vie et de quoi ils se nourrissent ».

Rabbi Yoshoua nous enseigne ici une grande leçon. Le vrai chef n’est autre que celui qui connaît la peine de tout un chacun, qui sait comment vivent et de quoi se nourrissent les gens de son temps. Ce souci doit être la priorité de tout dirigeant, qui ne doit pas viser à faire des merveilles ni chercher à se distinguer par des bouleversements sociaux, car ces actions-là ne sont pas prioritaires et peuvent attendre.

Les expressions de Rabbi Yoshoua: « comment ils gagnent leur vie » et « de quoi ils se nourrissent », indiquent que même si un élève travaille et reçoit un revenu quelconque, cela ne dispense pas son maître du devoir de s’intéresser à cet étudiant, de savoir de quoi il se nourrit, et comment il vit. Il doit vérifier si les apparences correspondent à sa situation réelle. Même Rabban Gamliel, président du Sanhédrin, a levé les yeux vers les murs enfumés de la maison, sans voir qu’en fait Rabbi Yoshoua vivait dans le plus grand dénuement. C’est la raison des deux expressions, car le dirigeant doit savoir de quoi les élèves vivent et de quoi ils se nourrissent, et non juger de leur situation sur des apparences.

Expliquons un autre Midrash (Shemot Rabba 2:3): « D. ne donne la grandeur à un homme qu’après l’avoir testé sur des détails, et seulement ensuite Il l’élève à une position dominante ». Moshé et le roi David furent tout d’abord jugés sur leur conduite envers leur troupeau, et ce n’est qu’ensuite qu’ils furent choisis pour être les bergers du peuple juif.

Pourquoi justement sur de petites choses? Parce que ce n’est que dans les petites choses, celles qui sont accomplies sans ostentation, sans publicité et loin des projecteurs, que l’on peut constater la vraie nature et le caractère de la personne, tester ses qualités et savoir si ses vertus exceptionnelles sont effectivement un acquis et font partie intégrante de sa nature, ou bien si ses actes sont la conséquence de décisions précipitées et d’élans passagers, dont le seul but est d’acquérir l’assentiment des autres.

Ce n’est que lorsque quelqu’un se conduit avec un esprit de sacrifice et « ne méprise pas les petites choses » (Zach’aria 4:10), surtout lorsque personne ne le voit et qu’il est seul face à D., qu’il prouve effectivement sa vraie nature, et qu’il est possible, s’il en a les dispositions, de lui donner de grandes responsabilités. Ce n’est pas le cas de celui que l’on ne connaît que par les « grandes » choses accomplies en public et dont on ignore le comportement dans le privé, car il ne fait pas de doute que dans les grandes réalisations se mêlent une large mesure d’honneur et probablement une certaine dose d’intérêt.

Il s’ensuit que deux points caractérisent le bon dirigeant:

1) une sympathie totale et sincère pour toute peine que peut ressentir son prochain.

2) une attention particulière aux choses qui semblent peu importantes, ce qui garantit qu’il s’occupera de choses importantes avec la même pureté d’intention qu’il a manifestée dans les petites choses.

Les trois dirigeants du peuple juif, Moshé, Aaron et Miriam, possédaient ces deux qualités.

Il est dit: « la grandeur n’est accordée qu’à celui qui s’est révélé dans de petites choses. Moshé fut testé dans son comportement avec le troupeau » (Shemot Rabba 2:3). Moshé, qui s’était enfui d’Egypte dans le désert, était devenu le berger du troupeau de Yithro, qui est à la fois son beau-père et le Grand-Prêtre de Midian. Un jour, une brebis s’échappa du troupeau et il la poursuivit jusqu’à H’assouah où se trouvait une étendue d’eau. La brebis s’est mise à boire, alors Moshé s’approcha d’elle et dit: Je ne savais pas que tu t’étais échappée parce que tu avais soif! Tu dois être fatiguée... Et il la porta sur ses épaules sur le chemin du retour. D. dit: Tu es miséricordieux envers le troupeau d’un homme, Je te promets que tu seras le berger de Mon troupeau Israël ».

Nous voyons que notre Maître Moshé, le dirigeant que D. a choisi pour mener Son troupeau Israël, possédait vraiment ces deux qualités. Il a compati à la peine de cette brebis assoiffée et fatiguée, et il s’occupait de détails apparemment ordinaires. Il fit preuve de compassion naturelle, puisque cela s’est passé dans le désert, terre aride, et non face à un public, et il n’escomptait aucune récompense, aucun honneur ni aucune admiration.

Cela montre clairement pourquoi la manne est attribuée à Moshé et que c’est grâce à lui qu’elle fut donnée à Israël. C’est lui qui dirigeait le peuple juif, c’est lui qui avait la responsabilité du bien-être de chacun, et ce bien-être dépendait de leur subsistance... La manne est appelée « pain », comme il est écrit (Téhilim 78:25): « Tous eurent à manger de ce pain de délice ». C’est grâce au mérite de Moshé qu’Israël reçut la manne.

Nous en venons à Aaron. De lui il est dit (Malach’y 2:6): « Il a marché devant Moi en paix et en droiture, et beaucoup grâce à lui ont renoncé au crime ». Le Midrash (Yalkout Shimoni H’oukat 764, Avot D’Rabbi Nathan 12:3) rapporte: « Lorsque deux personnes se querellaient, Aaron allait s’asseoir chez l’un d’eux et lui disait: Sais-tu ce que dit ton ami? « Mon cœur est déchiré, mes pensées vacillent, je m’arrache les cheveux, comment puis-je regarder en face mon ami? J’ai honte du mal que je lui ai fait... » Et Aaron restait auprès de lui jusqu’à ce qu’il ne lui reste plus aucune trace de rancune dans le cœur. Puis il allait chez l’autre et lui parlait de même, si bien que lorsqu’ils se rencontraient, ils s’embrassaient l’un l’autre chaleureusement, c’est pourquoi toute la Maison d’Israël a pleuré Aaron pendant trente jours » (Bamidbar 20:29).

Les Sages disent en outre (Avot I:12): « Soyez comptés parmi les disciples d’Aaron, qui aimait la paix et recherchait la paix ». Il est clair que la poursuite de la paix est plus puissante que le simple désir de paix, car la poursuite indique que l’on ne se donne pas de repos et que l’on ne connaît pas la tranquillité jusqu’à ce que l’on obtienne la paix tant souhaitée. Aaron ressentait la peine de l’autre et connaissait les soucis de chacun, même dans les plus petits détails.

C’est pourquoi la colonne de nuée est attribuée au mérite d’Aaron HaKohen. Les Sages ont dit (Shabbat 23b): « On allume une lumière le Shabbat pour faire régner la paix dans le foyer », parce qu’en marchant dans l’obscurité, on risque de se cogner et de tomber et cela causerait une dispute (Rashi explique : « Là où il n’y a pas de lumière il n’y a pas de paix, car on trébuche en marchant dans l’obscurité »).

De même que la lumière du Shabbat est une source de paix dans le foyer, de même les colonnes de nuées qui montraient la route le jour et l’éclairaient la nuit faisaient régner la paix, comme le disent les Sages (Tanh’ouma Beshalah’ 3): « Il y avait sept nuées: une en haut et une en bas, et quatre autres dans les quatre directions. L’une allait devant le camp comme il est écrit: ‘L’Eternel les guidait le jour par une colonne de nuée qui leur indiquait le chemin, la nuit par une colonne de feu qui les éclairait, afin qu’ils puissent marcher jour et nuit’ (Shemot 13:21). Cette colonne tuait les serpents et les scorpions, égalisait les montagnes, et brûlait les ronces... » Les colonnes de nuées supprimaient tous les obstacles afin que le peuple d’Israël puisse avancer en toute sécurité, et c’est la raison pour laquelle elles sont attribuées au mérite de Aaron, dont tous les efforts tendaient à faire régner la paix entre les amis et les époux.

De même nous pouvons expliquer le puits de Miriam, la prophétesse. Miriam était connue pour son dévouement envers les autres, puisque les Sages ont dit (Shemot Rabba 1:17): « Qui étaient les sages-femmes? Rabbi Shmouel Bar Nah’man dit: une mère et sa fille, Yoch’ebed et Miriam ». Miriam n’avait que cinq ans. Elle accompagnait sa mère Yoch’ebed et la servait en tout avec diligence, c’est ce que dit le roi Shlomo (Mishley 20:11): « L’enfant se révèle par ses actes ».

A propos du verset « elles laissaient vivre les garçons » (Shemot 1:17) les Sages ajoutent : « Non seulement elles ne les tuaient pas, mais elles les revigoraient en leur donnant de l’eau et de la nourriture » (Sotah 11b), ce qui montre l’esprit de sacrifice de Miriam et de sa mère Yoch’ebed, car le roi d’Egypte leur avait personnellement ordonné de tuer les garçons (ibid. v. 17) et elles ont transgressé cet ordre au risque de leur vie. Non seulement elles n’ont pas tué les garçons, mais elles se souciaient de les faire vivre par des soins tout particuliers et des actes sublimes que le Midrash rapporte longuement (ad. loc.).

Plus tard, Miriam agit envers son frère Moshé avec le même esprit de sacrifice qu’elle avait révélé envers tous les enfants Juifs, lorsqu’il fut placé dans un berceau étanche et jeté à l’eau. En récompense du fait qu’elle soit restée un moment à ses côtés au bord de la rivière, les Enfants d’Israël firent halte pendant sept jours en son honneur quand elle eut la lèpre et séjourna hors du camp d’Israël (Sotah 9b). C’est pourquoi il convient de la compter parmi les dirigeants valeureux du peuple d’Israël.

Le puits d’eau qui accompagnait Israël dans le désert lui fut donné justement grâce au mérite de Miriam, car l’eau est source de vie, comme il est écrit (Zach’aria 14:8): « En ce jour, les eaux vives s’épancheront de Jérusalem ». Pour avoir laissé vivre les nouveau-nés, et pour avoir sauvé Moshé son frère, elle a gratifié Israël d’un puits - symbole de vie.

Nous avons demandé en tête de ce chapitre en quoi le fait de donner du pain et de l’eau - ce qui n’est pas une chose très difficile, comparée aux actes de courage permanents d’Avraham - peut procurer une aussi grande récompense? Le Gaon Rabbi Hayim Shmoulevitz, dans ses écrits, pose la question, et explique: « Ce ne sont pas les actes grandioses qui témoignent de la grandeur de la personne, mais la grandeur de la personne qui détermine la grandeur de ses actes. Ce que fait un homme de valeur est sans commune mesure avec le même geste accompli par un homme ordinaire, et les Sages le confirment lorsqu’ils disent qu’en récompense du beurre et du lait que Avraham a servis, ses enfants ont reçu la manne du ciel. Il n’est pas un seul Juif qui ne pratique l’hospitalité, en quoi le beurre et le lait offerts par Avraham déterminent-ils une telle récompense, alors que nous ne sommes pas rétribués également pour le même geste? Sans aucun doute, Avraham reçut une juste récompense car la valeur de son acte est sans commune mesure avec le même geste accompli par nous, bien qu’ils se ressemblent superficiellement » (il faut lire dans ses écrits comment il élabore ce point).

Malgré tout, cela n’explique pas pourquoi D. a trouvé bon de prendre en considération justement cet acte-là d’Avraham plus que tout autre, et pourquoi pour ce seul repas il reçut une telle récompense.

Les Sages disent à propos du verset: « Et l’Eternel se révéla à lui dans les plaines de Mamré - il était assis au seuil de la tente, dans la chaleur du jour » (Béréshit 18:1): « Pourquoi est-il dit « dans la chaleur du jour »? Rabbi H’ama Bar H’anina dit, ce jour-là était le troisième jour après la circoncision. D. était venu visiter Avraham, et Il avait provoqué une chaleur torride (une chaleur telle qu’il n’y aurait pas de voyageurs sur les routes - Rashi), afin de ne pas importuner ce Juste par des visites. Avraham envoya Eliézer chercher des invités, il partit et revint seul. Avraham lui dit: je ne te crois pas, car « on ne peut pas faire confiance aux esclaves ». Il sortit lui-même et, craignant que la Présence Divine ne le quitte, il dit: « Ne passe pas ainsi devant ton serviteur » (ibid. verset 3) et il défit son pansement (à cause de la circoncision - Rashi), car il n’est pas convenable de se lever de la sorte » (Babba Metzya 86b).

Si nous considérons la situation d’Avraham, nous sommes stupéfaits. Voici un vieil homme au troisième jour de sa circoncision, jour où les douleurs sont les plus fortes et où le danger est grand (voir le Targoum Béréshit 34:25, Shabbat 134b, Maharsha Babba Metzya 86b ad. loc.), et voici que justement dans ces conditions Avraham décide qu’il n’est pas pour autant dispensé du commandement de l’hospitalité, et qu’il ne le transgressera pas quoi qu’il arrive. Mais à cause de sa grande faiblesse, il ne sort pas lui-même, il envoie son vieux et fidèle serviteur, son élève assidu, Eliézer, chercher des hôtes, car il est possible qu’il trouve quelqu’un qui ait besoin (justement à cause de la grande chaleur) d’un abri pour se reposer, d’une boisson pour se rafraîchir et d’un repas pour se restaurer . Et voilà qu’Eliézer, « qui puisait dans la Torah de son maître et la transmettait aux autres » (Yoma 25b), sort, et déclare à son retour, n’avoir trouvé personne. S’il le dit, on peut le croire, car en tant que serviteur d’Avraham il avait acquis à son service de grandes qualités. Et pourtant, Avraham ne le croit pas! Il n’a pas confiance en son serviteur! Il lui était tellement difficile d’accepter que le jour passe sans pouvoir accomplir le devoir d’hospitalité qu’il se leva, enleva le pansement de la circoncision qui le gênait, et sortit lui-même. Alors D., voyant combien il était peiné de n’avoir pas de visiteurs, lui envoya trois anges sous l’aspect de marchands arabes (Babba Metzya 86a, Béréshit Rabba 48:9) et Avraham s’empressa de les accueillir avec la joie immense de pouvoir accomplir ce qui lui tenait tant à cœur. On pourrait penser qu’Avraham est satisfait, et qu’il va maintenant pouvoir se reposer et déléguer à d’autres le soin de les recevoir, selon le principe qu’un « messager est en tout comme celui qui l’envoie » (Brach’ot 44b, Kidoushin 41a). Mais non, au contraire « Avraham court vers le troupeau » (Béréshit 18:7), et personnellement, « il se tient debout devant eux, sous l’arbre, tandis qu’ils mangent » (ibid. 18:8), afin d’être sûr qu’ils ne manquent de rien.

Voici un exemple d’hospitalité hors du commun, d’abnégation incomparable. Avraham oublie ses douleurs et ses souffrances, comme si elles n’existaient pas! Il est transporté par une telle joie qu’il ne ressent plus aucune douleur, il ne pense qu’à soulager la peine des autres, qu’à la fatigue de ces voyageurs. Il leur dit: « Prenez un peu d’eau et lavez-vos pieds » (ibid. 18:4) pour vous rafraîchir, et il se tient debout devant eux pour les servir.

Un tel dévouement dans des conditions aussi difficiles (le troisième jour de la circoncision), est une preuve de grandeur exceptionnelle. C’est pourquoi il convient que cette qualité soit profondément gravée dans l’âme de ses descendants.

Bien que D. cache habituellement les miracles et qu’Il eût pu pourvoir les enfants d’Avraham de pain et d’eau par des voies naturelles, Il accomplit dans ce cas des miracles évidents. Il fit descendre dans le désert, lieu aride et désolé, « le pain des nobles », la manne, comme il est écrit: « Tous eurent à manger de ce pain de délice » (Téhilim 78:25), « un pain dont se nourrissent les anges » (Yoma 75b), et Il changea les lois de la nature car dans l’ordre naturel des choses, le pain vient de la terre et la rosée tombe du ciel, mais dans le désert, le pain tombait du ciel et l’eau sortait de la terre (Tanh’ouma Beshalah’ 20). D’innombrables merveilles accompagnaient la manne (Otyiot de Rabbi Akiva, Ot Aleph, Bamidbar Rabba 7), parce qu’Avraham aussi avait agi de façon exceptionnelle, D. l’a rétribué, mesure pour mesure, au-delà de l’ordinaire. De même qu’Avraham s’était soucié qu’il ne manque rien à ses invités, de même D. envoya du ciel une sorte de pain céleste ayant le goût de tous les plats et de tous les mets du monde (ibid. Bamidbar), et même « des bijoux tombaient du ciel avec la manne pour les femmes » (Yoma 75a), et « toute femme pouvait se parer avec des perles de manne » (Sifri Béahalotéch’a 9).

Cet enseignement nous ouvre les Portes de l’Entendement et nous permet de comprendre la contradiction notée par le Maharsha entre deux passages talmudiques. Ils ne sont pas contradictoires! Chacun d’eux a un sens propre et « tous deux sont les paroles du D. vivant ». Il est vrai que le mérite de ses trois nobles chefs a procuré à tout Israël trois bienfaits, mais ce mérite ne leur aurait permis que de les recevoir de façon naturelle, sans plus. Le mérite d’Avraham leur ajouta leur aspect miraculeux, au delà des lois de la nature, car son comportement aussi était hors du commun. Tu vois donc clairement que tout ce qui arrive est conforme à la justice rigoureusement, autant en ce qui concerne le mérite d’Avraham que celui des trois dirigeants émérites du peuple juif.

Cela explique le passage cité en tête de ce chapitre: En récompense de « qu’on aille quérir un peu d’eau, lavez vos pieds » les Juifs ont reçu le puits de Miriam. De deux choses l’une: ou bien c’est le mérite de Avraham, ou bien c’est le mérite de Miriam qui leur a valu le puits? Il est dit d’une part qu’Israël reçut trois bienfaits par l’intermédiaire  de trois dirigeants, et d’autre part que ce fut grâce au mérite propre d’Avraham, et non pas grâce à leur intermédiaire. Comment le comprendre? C’est qu’à cette époque, Israël ne méritait pas les bienfaits que ses dirigeants Moshé, Aaron et Miriam, pouvaient obtenir. Mais en ajoutant le mérite d’Avraham, mesure pour mesure, Israël reçut ces bienfaits en tant que don absolu, pour lequel il n’est pas nécessaire de faire des efforts, et de façon miraculeuse comme un cadeau auquel on ne s’attend pas. Tel est le pouvoir du mérite des Patriarches, « un mérite qui se perpétue éternellement » (Yéroushalmi Sanhédrin 10:1, Béréshit Rabba 74:9).

 

 

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