L’éducation des enfants dépend des parents

Il est écrit (Béréchith 25 :19) : « Telles sont les générations d’Yits’hak fils d’Avraham. Avraham engendra Yits’hak. Et Yits’hak avait quarante ans... »

Ce verset est étonnant sur plusieurs plans.

1. Si la Torah dit « Telles sont les générations d’Yits’hak », elle devrait mentionner Ya’akov et Essav. Pourquoi dit-elle « Avraham engendra Yits’hak », et pourquoi la fin du verset n’est-elle pas la suite logique de son début ?

2. Pourquoi la fin du verset dit-elle « Avraham engendra Yits’hak » ? Si c’est pour donner une réponse aux railleurs qui disaient que Sarah avait conçu Yits’hak d’Avimelech’ (Baba Metsya 87a, Tan’houma Toledoth 1), il est déjà dit au début du verset qu’Yits’hak est le fils d’Avraham, ce qui indique que « les traits du visage d’Yits’hak étaient identiques à ceux d’Avraham, de qui il est né et à qui il ressemblait en tout » (Béréchith Rabah 53 :10, 84 :8). Qu’est-ce que la fin du verset nous enseigne de plus ?

3. De même l’expression « Avraham Holid (littéralement « enfanta ») Yits’hak » est étrange, puisqu’un homme n’enfante pas.

4. Que vient nous apprendre la Torah lorsqu’elle écrit (Béréchith 25 :20) : « Yits’hak avait quarante ans lorsqu’il prit Rivka pour épouse ». Ya’akov, lui, avait quatre-vingt-quatre ans lorsqu’il épousa deux sœurs, Ra’hel et Léah (Béréchith Rabah 70 :17), mais la Torah écrite ne le mentionne pas, comme elle ne donne pas l’âge d’Avraham au moment de son mariage.

5. Par la suite il est dit (ibid. 25 :21) : « Yits’hak implora l’Eternel au sujet de sa femme qui était stérile ». Rivka était stérile, ainsi qu’Yits’hak. Il leur fallait beaucoup prier pour faire annuler ce décret. Pourquoi la section commence-t-elle par les mots : « Telles sont les générations d’Yits’hak », alors qu’il est ici question de Rivka et d’Yits’hak qui sont stériles ? Pourquoi la Torah parle-t-elle d’engendrements, alors qu’ils n’ont pas encore d’enfants ?

Pour répondre à ces questions, il faut rappeler que « l’essentiel des engendrements des hommes vertueux sont les commandements qu’ils accomplissent et leurs bonnes actions » (Béréchith Rabah 30 :6 ; Rachi au début de la section Noa’h). Ces bonnes actions produisent des fruits qui sont bons et doux, comme il est dit : « L’œuvre du Juste est un arbre de vie, gagner les cœurs est le fait du Sage » (Michley 11 :30), des fruits qui ont les qualités de celui qui les engendre, et qui sont ses engendrements. Plus la connaissance qu’ont les hommes vertueux est grande, mieux ils pénètrent les secrets de D., et leur capacité de produire augmente et ne les abandonne pas, ni eux ni leurs enfants, jusqu’à la fin des temps.

C’est ce dont la Torah témoigne à propos d’Yits’hak, dont tous les actes étaient bons depuis son enfance grâce à l’éducation qu’il avait reçue d’Avraham. C’est ce qui est écrit : « Avraham enfanta Yits’hak », précisément (la fin du verset est maintenant compréhensible et elle a même un sens spécifique, ainsi que le mot « enfanta »), tels sont ses engendrements, car il lui ressemblait dans tous ses actes.

Avraham a investi beaucoup d’efforts dans l’éducation de son fils Yits’hak. S’il n’avait pas chassé Ichmaël de sa maison comme le voulait Sarah (Béréchith 21 :10) : « Chasse cette servante et son fils, car le fils de cette servante n’héritera pas avec mon fils, avec Yits’hak », les conséquences n’auraient pas été aussi fructueuses, car Yits’hak aurait pu être influencé par la mauvaise conduite d’Ichmaël. Bien qu’Avraham ait eu beaucoup d’enfants d’Hagar, comme il est écrit (ibid. 25 :4) : « Tous ceux-là sont les enfants de Kétoura », c’est Yits’hak qui reçut l’essentiel et le meilleur de son attention, car Avraham avait placé en lui tous ses espoirs pour qu’il suive sa voie. C’est ce qui est écrit : « Telles sont les générations d’Yits’hak, fils d’Avraham ». L’élévation spirituelle à laquelle Yits’hak est parvenu vient du fait qu’Avraham l’a engendré et a investi en lui toutes ses forces spirituelles, et il a tu son affection pour Ichmaël en l’éloignant d’Yits’hak, de même qu’il a renvoyé les enfants de Kétoura (Béréchith Rabah 61 :7), afin qu’ils n’aient pas d’influence sur Yits’hak. C’est ce que disent les Sages (Baba Bathra 71a-b) : « Lorsque Avraham mourut, tous les peuples du monde ont dit : malheur à la génération qui perd son dirigeant, malheur au bateau qui perd son capitaine ». Ils pensaient que le monde tomberait alors dans l’obscurité, et ils ne savaient pas qui était l’héritier légitime d’Avraham. Mais lorsqu’ils virent que son fils Yits’hak avait hérité de toutes les qualités d’Avraham, ils comprirent que c’est lui qui continuerait dans sa voie.

Cela explique que l’essentiel des efforts éducatifs n’était nécessaire qu’envers Yits’hak, fils d’Avraham et Sarah, et héritier des bénédictions de D. (Béréchith Rabah 61 :6). Avraham lui-même était le fils de Téra’h, dont il n’avait reçu aucune éducation et c’est tout seul et par ses propres efforts qu’il était parvenu à la connaissance du Créateur (Rambam, Halakhoth Akoum I :3) : « Dès l’âge de trois ans (certains disent quarante-huit) il parvint à la connaissance de D. » (Nédarim 32a ; Bamidbar Rabah 18 :17), et « il est appelé Avraham l’Yvri, (celui qui est passé de l’autre côté), car il se tient d’un côté et le reste du monde se tient de l’autre » (Béréchith Rabah 42 :13). Ya’akov ne nécessitait pas autant d’efforts éducatifs parce qu’il était le fils d’Yits’hak et le petit-fils d’Avraham, mais Yits’hak avait besoin d’une éducation attentive et de beaucoup de soins pour guider sa conduite.

Il est écrit : « Yits’hak avait quarante ans lorsqu’il prit Rivka pour épouse » pour nous enseigner qu’Yits’hak, pendant ses quarante ans de célibat, n’avait pas fauté et n’avait pas profané le signe de l’Alliance. De plus, alors que Rivka était déjà chez lui, il attendit qu’elle grandisse et soit en âge de se marier (Pirkey D’Rabbi Eliézer 31), et cela grâce aux forces qu’Avraham lui avait instillées. Cela montre que les efforts que les parents investissent dans l’éducation de leurs enfants ne sont jamais perdus, pas plus que le temps consacré à leur enseigner quelles sont les voies de D., et comment Le servir.

Avraham est loué pour le temps qu’il a consacré à l’éducation de ses enfants, puisqu’il est écrit (Béréchith 18 :19) : « Pour qu’il prescrive à ses enfants et à sa maisonnée après lui d’observer la voie de l’Eternel en pratiquant la vertu et la justice ». D. révéla à Avraham ce qu’il adviendrait de Sodome et de Gomorrhe, parce qu’il se souciait de l’éducation de ses enfants.

Les bonnes actions des Patriarches servent d’éducation à leurs enfants. Yits’hak savait que sa femme était stérile, qu’elle ne pouvait pas enfanter. Il aurait pu se séparer d’elle, comme le disent les Sages (Yébamoth 64a), et comme le veut la loi (Rambam, Ichout 15 :7 ; Choul’han Aroukh Even HaEzer 154 :10) : « Si un homme est marié pendant dix ans et que sa femme ne lui a pas donné d’enfants, il divorce ». Mais Yits’hak n’a pas divorcé de sa femme, au contraire, il pria pour elle. Il connaissait ses vertus et ne voyait que ses qualités. « Lorsqu’elle entra dans la tente de Sarah, les trois miracles, la lumière allumée, la bénédiction de la pâte, la nuée sur la tente, réapparurent » (Béréchith Rabah 60 :15). Yits’hak ne considérait que la vertu et la noblesse de Rivka. En cela, il suivait la voie de son père qui n’a vu la beauté de sa femme que poussé par les événements (Tan’houma Le’h Le’ha 5), comme il le lui dit (Béréchith 12 :11) : « Je sais que tu es une femme belle ». Lui, ne voyait que ses vertus et son inspiration divine, bien que « tous admiraient sa beauté » (Méguilah 14a). Mais Avraham ne voyait que ses qualités morales et les efforts qu’elle faisait pour convertir les femmes (Béréchith Rabah 39 :21, 84 :2). Yits’hak suivait le chemin de ses parents.

Rachi explique (ad. loc.), « Yits’hak multiplia les prières et les supplications afin que D. accorde à sa femme Rivka des enfants en bonne santé ». Il priait « vis-à-vis de sa femme », c’est-à-dire pour n’avoir des enfants que d’elle et non pas d’une autre, et pour qu’ensemble ils transmettent à leur descendance ce qu’il avait reçu de son père Avraham. « La grâce est mensongère et la beauté éphémère, la femme qui craint D. mérite les louanges » (Michley 31 :30). Toute femme ne désire pas se consacrer à l’éducation des enfants, mais les Sages louent celles qui le font (Brach’oth 17a) : « De quoi les femmes sont-elles récompensées ? De l’éducation qu’elles donnent à leurs enfants... » La femme d’aujourd’hui qui préfère se parer de vêtements et de bijoux afin de plaire à son mari, pense sans doute qu’ »Une femme agréable est un plaisir pour l’homme » (Brach’oth 57b), mais il n’en est pas ainsi car une telle préoccupation pourrait l’amener à négliger les soins dus aux enfants et les astreintes de leur éducation. Si elle se préoccupe de sa beauté, son mari sera attiré par son apparence et il prêtera moins attention à l’éducation des enfants. Nous savons (Tan’houma Ki Tétsé 1) à propos de David HaMelekh que c’est parce qu’il a épousé une femme pour sa beauté qu’Avchalom et Amnon sont nés. Le Midrach cité souligne aussi qu’il y a un lien de cause à effet entre la section de la Torah qui prescrit : « Quand tu iras à la guerre contre tes ennemis et que l’Eternel ton D. les livrera entre tes mains et que tu prendras des otages, si tu vois parmi les prisonniers une femme belle qui te plaît, que tu désires, tu la prendras pour épouse... » (Devarim 21 :10-11) et la section qui suit : « Si un homme a un fils libertin et rebelle... » (ibid. 21 :18) car la beauté physique est trompeuse.

Par contre, si l’on prête moins attention à la beauté extérieure qu’à la beauté intérieure et aux qualités intrinsèques, car « une femme qui craint D. mérite les louanges » (Michley, ch. 30), il est possible de donner une bonne éducation aux enfants et de graver les valeurs spirituelles des parents dans le cœur des enfants. Telle était la grandeur d’Avraham qui avait placé tous ses efforts en Yits’hak et qui n’avait vu que la beauté intérieure de Sarah. C’est pourquoi Yits’hak lui ressemble dans toutes ses qualités et dans tous ses actes. Yits’hak est loué pour avoir continué dans la voie d’Avraham, pour lui avoir ressemblé, lui qui n’a pas épousé Rivka pour sa beauté. Grâce à la bonne éducation qu’Yits’hak a reçue d’Avraham, il a pu continuer à générer dans le monde des bonnes actions, et être l’un des trente-six Justes qui sont les piliers du monde (Soucah 45b).

Nous avons des preuves de la noblesse, de la vertu et de la pudeur de Rivka. Personne ne la connaissait, par contre Yits’hak était connu et reconnu par tous pour être le fils d’Avraham. Il était surtout connu parmi les Philistins, voisins du pays de Canaan. Il est certain qu’Avimelech’, roi des Philistins, connaissait Yits’hak comme il avait connu son père Avraham. Lorsque Yits’hak arriva, à cause de la famine, au pays des Philistins avec sa femme Rivka (Béréchith 26 :1), il dit : « Elle est ma sœur » (ibid. v. 7). Ce n’est que lorsque Avimelech’ vit Yits’hak « jouer » avec Rivka qu’il lui dit (ibid. v. 9) : « Assurément, c’est ta femme », ce qui montre que les gens ne la connaissaient pas et ne savaient pas qui elle était, tant elle était pudique et sa beauté tout intérieure, qualité qui est nécessaire pour guider les enfants dans le service de D.

Cela nous permet de comprendre ce que disent les Sages (Chir HaChirim Rabah 1 :24 entre autres) : « Au moment de donner la Torah, D. demanda à Israël des garants. Ce n’est que lorsqu’ils proposèrent leurs enfants comme garants que D. accepta ».

D. savait qu’Avraham ordonnerait à ses enfants d’observer la Torah et d’en pratiquer les commandements, comme il est écrit (Béréchith 18 :19) : « Pour qu’il prescrive à ses enfants et à sa maisonnée après lui », c’est-à-dire qu’ils se portent garants de lui, et il est certain que les Patriarches ont institué la garantie des enfants. Ce sont les Patriarches qui ont ancré dans les générations futures la capacité de surmonter toutes les épreuves et de les vaincre comme eux-mêmes les ont vaincues. Tout ce qu’ils ont fait est un exemple pour leurs enfants (Soucah 34a).

Les pères ne peuvent pas être les garants de leurs enfants, puisque Yits’hak est le garant d’Avraham, et Ya’akov le garant d’Yits’hak, et les enfants de Ya’akov sont ses garants jusqu’à l’exil en Egypte - après cela ils oublièrent la Torah à cause de l’oppression de l’esclavage. C’est l’enfant qui veille sur la tradition des ancêtres. Le verset : « Telles sont les générations d’Yits’hak, fils d’Avraham, Avraham engendra Yits’hak » indique que les engendrements essentiels d’Yits’hak proviennent d’Avraham et de sa capacité à enseigner à ses enfants le service de D. C’est dans ce sens qu’ »Avraham engendra Yits’hak », afin qu’il se porte garant de lui, faute de quoi il n’aurait pu s’assurer un avenir.

Cela nous permet de comprendre le verset (Ichaya 29 :22) : « Ainsi parle l’Eternel à la maison de Ya’akov, le libérateur d’Avraham ». Il est difficile de comprendre pourquoi les bonnes actions d’Avraham ne lui suffisent pas à se libérer, et pourquoi il a  besoin de Ya’akov pour le sauver. De plus, pourquoi n’est-ce pas Yits’hak qui a sauvé Avraham, grâce à son sacrifice, pur et parfait ?

Pourtant, sur la base de ce que nous avons dit plus haut, cela est clair. Avraham eut des enfants imparfaits, dont Ichmaël, qui n’étaient pas capables d’être ses garants. De même Yits’hak a donné naissance à Essav qui n’était pas un garant acceptable, puisque les fautes et la mauvaise conduite d’Essav ont causé l’affaiblissement de la vue d’Yits’hak (Tan’houma Toledoth 8), comme il est dit (Béréchith 27 :1) : « Yits’hak vieillit et sa vue s’obscurcit ». C’est aussi à cause de la mauvaise conduite d’Essav que la vie d’Avraham fut abrégée et « il est mort avant son temps afin de ne pas voir son petit-fils prendre un mauvais chemin » (Baba Bathra 16b ; Béréchith Rabah 63 :16). Loin de nous l’intention de dire qu’Avraham et Yits’hak étaient imparfaits, au contraire ils étaient parfaits et saints, mais ils craignaient la mauvaise influence d’Ichmaël et d’Essav.

Par contre, Ya’akov a engendré ses enfants dans la sainteté et ils étaient tous vertueux et saints comme lui (Pessa’him 56a ; Sifri Devarim 6 :4). Lorsque Ya’akov quitte Béer Cheva et se marie, il est capable de surmonter les épreuves que Laban lui fait subir, pires que celles qu’il subit avec son frère Essav (Béréchith Rabah 75 :6), et c’est lui qui a donné naissance aux « tribus de l’Eternel en témoignage d’Israël » (Téhilim 122 :4). Il est donc, lui, un garant solide, car il est parfait en tout. Il était un garant solide pour Yits’hak son père et pour Avraham son grand-père. Celui dont la garantie est solide mérite de venir au secours d’Avraham, le père de la nation et le père de toutes les nations (Béréchith Rabah 46 :6), et le premier à proclamer la vraie foi. Comment Avraham a-t-il réussi dans tout ce qu’il entreprenait ? Sûrement grâce à la garantie et au mérite de Ya’akov et de ses enfants, grâce auxquels il fut sauvé de la fournaise ardente, comme le disent les Sages (Béréchith Rabah 63 :2 entre autres). Tout dépend du mérite des enfants et du pouvoir des parents, et essentiellement du succès d’une éducation parfaite.

 

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