L’épreuve dans l’observance et l’étude de la Torah

Il est écrit (Béréchith 28:10): « Et Ya’akov quitta Béer Cheva et se rendit à Haran ». Mais concernant le verset « et Téra’h mourut à Haran » (ibid. 11:32) Rachi écrit: « La lettre noun du mot Haran est inversée, pour nous enseigner que la colère de D. était enflammée jusqu’à la naissance d’Avraham ». Le mot Haran indique la colère (haron) divine envers tous les idolâtres de ce temps-là.

Il faut expliquer ce que la narration du départ de Ya’akov de Béer Cheva et son voyage vers Haran veut nous enseigner. Le Moussar Vedaat pose une question: « Pourquoi Ya’akov n’a-t-il pas envoyé un émissaire pour lui choisir une épouse parmi les filles de Lavan, comme le fit Yits’hak, mais alla lui-même à Haran? « Un homme peut choisir une épouse par l’entremise d’un émissaire » (Kidouchin 41a). Les pérégrinations ne l’inciteront-elles pas à abandonner l’étude de la Torah?

Il faut rappeler que Ya’akov n’avait jamais quitté la maison d’étude. Rachi écrit (Béréchith 25:27), rapportant le Midrach (Béréchith Rabah 63:10): « Jusque-là Ya’akov se trouvait ou chez son père Yits’hak, ou dans la maison d’étude de Chem et Ever ». Il est donc certain qu’il continuerait à suivre la voie de ces hommes vertueux et veillerait à pratiquer leur enseignement. Mais par ailleurs, Ya’akov n’avait pas encore connu l’expérience de vivre dans un lieu sans Torah. Si, en résidant parmi des gens méchants, il s’attache à la Torah et observe ses commandements, il restera vertueux. Ya’akov accueille cette épreuve dans l’intention de s’améliorer davantage dans le service de D., ce qui lui permettra d’atteindre la perfection voulue. C’est la raison pour laquelle il alla personnellement à Haran, ce lieu qui faisait l’objet de la colère divine, ce lieu habité par des gens malfaisants et idolâtres. Il y fut effectivement mis à l’épreuve, mais il resta vertueux et n’imita pas leurs mauvaises actions.

Le verset met en parallèle la sortie de Ya’akov de Béer Cheva et son voyage vers Haran, pour dire que, de même qu’à sa sortie il était vertueux, de même il est resté vertueux en route, et même à Haran il surmonta les épreuves et resta intègre.

Nous comprenons donc pourquoi il alla lui-même à Haran choisir une épouse, au lieu d’envoyer un émissaire: il désirait être mis à l’épreuve personnellement, habiter à Haran parmi des gens pervers et malgré cela, prouver qu’il resterait vertueux du début de son séjour jusqu’à la fin.

Ce que nous avançons permet d’expliquer le début de la section Vayichla’h: « Ya’akov envoya des messagers en avant, vers Essav son frère... «  (ibid. 32:4). Rachi, sur ce verset, rapporte le Midrach (Béréchith Rabah 75:4, 10): « Il s’agit littéralement d’anges » (en hébreu le mot mala’h signifie à la fois « messager » et « ange »). Par la suite (ibid. v.5) il est dit « Il leur ordonna: Vous parlerez ainsi à mon seigneur, à Essav. Ainsi parle ton serviteur Ya’akov, j’ai séjourné chez Lavan… » Rachi explique que le mot garti, j’ai séjourné, a la valeur numérique de six cent treize, ce qui signifie que Ya’akov informe Essav: « J’ai habité avec Lavan, j’ai observé chez lui tous les commandements de la Torah et je n’ai pas imité sa mauvaise conduite ». Il faut comprendre pourquoi Ya’akov veut faire savoir à son frère Essav, justement par l’intermédiaire d’anges, qu’il a observé toute la Torah!

Ya’akov voulait prouver à Essav qu’il n’est pas facile de vivre avec Lavan à Haran, chez des gens pervers. Il lui envoie justement des anges pour lui expliquer la gravité et la sainteté des commandements, et combien il est difficile de les pratiquer dans une telle société, chose que seuls les anges sont capables d’expliquer. Ya’akov ajouta : « J’ai habité chez Lavan », pour signifier qu’il avait observé tous les commandements de la Torah chez Lavan dont « la réputation d’homme pervers et trompeur s’était répandue dans le monde entier » (Zohar I, 166b), il était pratiquement impossible de vivre avec lui tout en restant vertueux. Ya’akov voulait démontrer qu’il était innocent, contrairement à l’opinion de ceux qui pensaient qu’en habitant avec Lavan il s’était dépravé. Il envoya des anges vers son frère Essav pour l’informer que « quiconque soupçonne l’innocent est lui-même puni physiquement » (Chabath 97a; Yoma 19b). J’ai habité avec Lavan et j’ai observé toute la Torah, je n’ai pas imité ses mauvaises actions et je suis resté intègre. La preuve en est que je t’envoie des anges. Si je n’avais pas de mérite, je ne pourrais pas parler avec des anges et les envoyer transmettre mon message.

Il est possible de donner une autre explication:

La narration de la sortie de Ya’akov de Béer Cheva et son voyage pour Haran nous enseigne la grandeur de Ya’akov. Ya’akov a senti qu’il était imparfait en ce qu’il n’avait pas atteint le niveau souhaité, dans le service de D. Il pensait qu’habiter avec son frère Essav n’était pas une épreuve suffisamment difficile tant qu’il profitait de l’influence de son père Yits’hak et de son entourage. C’est pourquoi il quitta Béer Cheva, c’est-à-dire la source de la Torah (voir Béréchith Rabah 68:7) pour se rendre en un lieu habité par des hommes de la trempe de Lavan et là, affronter l’épreuve et la surmonter. Au lieu de se laisser entraîner par l’entourage, il allait amener les gens à la connaissance de D. (comme avait fait son grand-père), et précisément à Haran amener les gens à se repentir sincèrement.

Tel était le but de Ya’akov, car s’il n’avait pour but que de se marier, il aurait pu envoyer des émissaires chez Lavan avec la mission de lui ramener une épouse. Tout le monde savait déjà que « la fille aînée (Léah) est destinée au fils aîné (Essav), et la plus jeune (Ra’hel) à Ya’akov » (Bava Bathra 123a; Béréchith Rabah 70:16; Tan’houma Vayetsé 4). Ya’akov n’avait donc pas à craindre qu’un envoyé ne lui trouve pas une femme. Il saisit l’occasion d’aller à Haran pour se renforcer dans la pratique de la Torah et surmonter les épreuves qui l’attendront chez Lavan.

Mais en apprenant que Ya’akov partait vivre chez Lavan, certains pensaient naïvement que Ya’akov allait se pervertir sous son influence et en sa compagnie. Essav le pensait aussi, et il n’a pas pris la peine d’envoyer à Haran des mercenaires pour tuer Ya’akov (bien qu’il ait toujours désiré le tuer) car il se disait: Pourquoi tuer mon frère Ya’akov à cause des bénédictions qu’il m’a volées, car il habite à Haran, parmi des gens pervers, et il va sans aucun doute subir leur influence et devenir tout aussi pervers qu’eux et « les méchants sont considérés comme morts même de leur vivant » (Brach’oth 18b). Il en perdra le bénéfice des bénédictions, et j’en tirerai profit. Mais un tel raisonnement était sans fondement. Ya’akov a pu surmonter avec succès les épreuves qui l’avaient assailli à Haran, et il envoya vers Essav des anges pour l’informer qu’il avait habité chez Lavan sans pour autant changer. Au contraire, il était devenu encore plus fort, s’élevant en connaissance, en sagesse et en courage dans le service de D. Et donc, Ya’akov ne craignait pas Essav.

Comment peut-on dire que Ya’akov a pratiqué les six cent treize commandements de la Torah, car il ne pouvait en réalité pas honorer ses parents durant son absence? C’est que « l’étude de la Torah est équivalente à tous les commandements » (Péah 1:1). Ya’akov s’était consacré à l’étude de la Torah et D. le lui comptait comme s’il en pratiquait tous les commandements.  Bien qu’il ait dit: « J’ai tardé jusqu’à présent » (ibid. 32:5), « Je me suis déjà repenti de cette faute sincèrement » (voir à ce sujet Béréchith Rabah 21:6; 38:14; Tan’houma Béchala’h 15), et si je n’ai pas pratiqué le respect des parents, j’ai étudié la Torah, et mon père et ma mère seront heureux de savoir que je suis resté le même Ya’akov, intègre et vertueux. Le mérite que tu as, Essav, d’avoir honoré nos parents pendant mon absence, ne t’aidera pas dans la guerre que tu me déclares, car mes mérites dépassent les tiens.

Ce n’est que grâce à la Torah, que Ya’akov a pu vaincre les dangers et surmonter les obstacles. Il excellait dans l’étude, quelles que soient les circonstances et les conditions, qu’elles soient favorables ou non. De même qu’il étudiait la Torah à Béer Cheva, de même en se rendant à Haran – un lieu qui provoque la colère de D. – il continua à l’étudier. Et donc, il envoya des anges à son frère Essav pour lui faire savoir par leur entremise qu’il continuait à observer les lois de la Torah qui le protègent, et donc qu’il ne le craint pas. De même lorsque Ya’akov « vécut dans le pays des pérégrinations de son père » (Béréchith 37:1), malgré tout ce qu’il avait souffert à cause d’Essav, de Lavan, de Dina, malgré toutes ses luttes et toutes les souffrances, il resta entier dans sa Torah, comme dit le Midrach (Béréchith Rabah 79:2): « Il sortit entier d’entre la gueule des lions » et il continua à servir D. sans se plaindre des circonstances et sans remettre en question Ses raisons. Il acceptait tout ce qui lui arrivait avec amour et dévotion. Ceci est indiqué dans les trois sections: Vayetsé, Vayichla’h, Vayéchev. Les deux premières lettres de ces trois mots, réunies, ont comme valeur numérique quarante-huit (Vav/youd x 3 = 16x3), qui forme le mot ‘Ham, chaleur, pour nous apprendre qu’en toute circonstance, même les plus difficiles, Ya’akov servait D. chaleureusement, autant par son étude que dans sa pratique.

Telle est la teneur du message de Ya’akov à Essav: Je sers D. avec ardeur  bien que j’ai habité chez Lavan, et toi, qui es resté chez notre père, tu n’as pas changé et tu es resté le même homme mal intentionné. Malgré tout, Ya’akov craignait d’avoir commis une faute quelconque (Brach’oth 4a), car Essav était réputé pour son respect des parents, et cela lui donnait un certain avantage. Ya’akov lui, avait quitté son père et s’était attardé en route, ce qui était une faute, de celles « qui demandent à être pardonnées par la personne blessée » (Yoma 85b). Il envoie des anges vers Essav, pour qu’ils le protègent de la punition et l’aident à le vaincre.

Ya’akov nous enseigne, à nous ses descendants, de ne pas avoir honte à cause de ceux qui se moquent de nous, et de préserver notre judaïsme avec fermeté, avec fierté, dans le sens de « j’ai habité avec Lavan et j’ai observé toutes les lois de la Torah » ce qui encouragera d’autres Juifs à être fiers de leur judaïsme. Tel est le sens de « j’ai tardé jusqu’à maintenant, où les mots ad atta, expriment le repentir (Béréchith Rabah 21:6) c’est-à-dire : j’ai même amené d’autres gens à se repentir, et donc, je n’ai aucune crainte, ni de toi, ni de tes semblables.

Nous pouvons tirer un autre enseignement. La Torah que Ya’akov a apprise durant son séjour chez Lavan le protège, et « toute la Torah est Paix » (Tan »houma Yithro 9). Nous savons que « les étudiants de la Torah apportent la paix dans le monde » (Brach’oth 64a), grâce à la Torah. Et donc Ya’akov envoie vers Essav des anges dans l’intention de lui proposer tout d’abord de faire la paix, avant de lui déclarer la guerre, comme le fit Moché avant la guerre contre Sih’on: « Et j’envoyais, du désert de Kédémoth, des messagers à Sih’on… avec des paroles de paix » (Devarim 2:26). Essav ne s’est pas repenti tandis que Ya’akov a réussi, grâce à la sagesse de la Torah, à surmonter toutes les difficultés qu’il rencontrait chez Lavan, et même à enseigner à d’autres la connaissance de D. Il nous enseigne comment nous renforcer et réussir dans le service de D., toujours.

 

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