La vertu des Matriarches, un exemple d’amour du prochain

Il est écrit (Béréchith30:1-2): « Ra’hel vit qu’elle ne donnait pas d’Enfants à Ya’akov et Ra’hel jalousa sa sœur et elle dit à Ya’akov: donne-moi des Enfants, sinon je suis morte. Ya’akov se fâcha contre Ra’hel et dit: suis-je à la place de D. qui t’a refusé la fécondité? » Rachi commente: « Ra’hel jalousait les bonnes actions de Léah, elle se disait que si sa sœur n’était pas plus vertueuse qu’elle, elle n’aurait pas eu d’enfants ».

Et il est écrit (ibid. v. 22): D. Se souvint de Ra’hel, Il exauça sa prière et lui rendit la fécondité ». Et là, Rachi dit: « D. Se souvint qu’elle donna à sa sœur les signes de reconnaissance, parce que Léah craignait d’être unie à Essav, mais maintenant c’est Ra’hel qui craint d’être répudiée parce qu’elle n’a pas d’enfants. Essav le pensait aussi lorsqu’il apprit qu’elle n’avait pas d’enfants… »

Il faut répondre à toutes les questions qui se posent à nous.

Ra’hel craignait que Ya’akov la répudie parce qu’elle n’avait pas d’enfants, mais pourquoi s’ensuit-il qu’Essav l’épouserait, de sorte qu’Essav y pensa en apprenant qu’elle n’avait pas d’enfants? Pour qu’elle raison voudrait-il prendre une femme stérile pour épouse, et pourquoi Ra’hel doit-elle craindre une telle chose?

Comment Ra’hel, si vertueuse, a-t-elle pu penser que Ya’akov la renverrait parce qu’elle n’avait pas d’enfants, car il est dit explicitement qu’elle s’était sacrifiée en faveur de sa sœur Léah lorsqu’elle lui donna les signes de reconnaissance. Est-il pensable que Ya’akov renvoie une femme aussi vertueuse, qui avait donné à sa sœur les signes de reconnaissance pour la sauver d’une union avec Essav, le pervers? La Torah nous dit que les yeux de Léah étaient faibles (Béréchith 29:17) parce qu’elle pleurait beaucoup. Elle entendait les gens jaser et dire: « l’aînée pour l’aîné (Léah pour Essav) et la plus jeune pour le plus jeune (Ra’hel pour Ya’akov) », et « elle en pleurait au point que ses cils en étaient tombés » (Baba Bathra 123a). Pourquoi penser que Ya’akov renverrait une femme aussi vertueuse que Ra’hel, et qu’il aimait (ibid. 29:18)?

Pourquoi Ra’hel dit-elle à Ya’akov: « … sinon je suis morte »?

Pourquoi le fait de n’avoir pas d’enfants est-il assimilé à la mort? Les Sages ont dit (Nédarim 64a): « Qui n’a pas d’enfants est considéré comme mort », mais pourquoi Ra’hel utilise-t-elle justement cet argument lorsqu’elle demande à Ya’akov de lui donner des enfants? Quel est le sens de cette expression?

De plus, comment se fait-il que Ra’hel se soit mise en danger lorsqu’elle donna à sa sœur Léah les signes de reconnaissance? Elle aurait pu en être maudite par Ya’akov, et elle aurait pu être unie à Essav si Ya’akov avait refusé de l’épouser pour l’avoir trompé.

Même si Léah entendait les gens jaser et dire qu’elle serait unie à Essav, quel mal y avait-il là pour qu’elle en pleure? Elle aurait pu vivre dignement et confortablement avec Essav, et de plus le ramener dans le droit chemin. Quel mal y a-t-il à cela?

Et surtout, comment Léah a-t-elle pu comprendre que « l’aînée pour l’aîné » voulait dire justement « Léah pour Essav »? Car nous savons qu’Essav avait vendu son droit d’aînesse à Ya’akov (Béréchith 25:33), et par conséquent Ya’akov était l’aîné. Quel besoin de s’affliger et de tant pleurer?

Tout ce récit vient nous enseigner des merveilles concernant les qualités sublimes de nos Matriarches.

En considérant attentivement les raisons des Matriarches et leur façon de servir D., nous nous rendons compte qu’elles ne tenaient pas compte de leur propre intérêt, et ne considéraient que le bien-être d’autrui, même si cela devait les mettre en danger et leur coûter la vie. Elles ne considéraient que le bien des autre, pour les aider, les soutenir, les encourager, et les réconforter. De quelle façon?

Ra’hel est peinée de voir sa sœur verser tant de larmes à la pensée qu’elle devrait épouser Essav. Elle décide de céder à sa sœur rivale, Léah, sa place auprès de Ya’akov, en prenant le grand risque d’être elle-même rejetée et de tomber entre les mains d’Essav. Car Ya’akov risquait de se fâcher et de refuser de l’épouser pour l’avoir trompé.

En dépit de ce risque, Ra’hel agit sans tenir compte de son propre avantage, uniquement pour que Léah cesse de pleurer. Elle renonça à devenir la maîtresse de maison en faveur de sa sœur, bien que cela puisse l’obliger elle, à vivre le reste de sa vie malheureuse dans la maison d’un voleur, d’un brigand, d’un maudit comme Essav. Mais elle accepta ce risque pour l’amour du Ciel, car il ne fait pas de doute qu’elle ne dédaignait pas son droit de vivre avec Ya’akov, mais le bien d’autrui a primé sur toute autre considération. Les Sages disent (Tan’houma Vayetsé 6) que « Ya’akov envoya des cadeaux de mariage à Ra’hel et Lavan les donna à Léah ». Ra’hel voyait ces cadeaux entre les mains de Léah et se taisait, car elle la voyait heureuse. Cela nous montre de façon indubitable combien Ra’hel était noble et vertueuse.

Ya’akov aussi le voyait, et il s’étonnait de tant de vertus. Au lieu de se mettre en colère et de la rejeter pour avoir usé de cette ruse, il eut pour elle encore plus d’amour – non pas pour sa beauté et sa prestance (Béréchith 29:17) car « La grâce est mensongère et la beauté n’est que vanité, mais une femme qui craint l’Eternel, celle-là est digne de louanges » (Michlei 31:30), mais parce qu’il sut combien son cœur était bon, son âme sensible, et combien elle était généreuse. Il s’étonnait au plus haut point des sacrifices qu’elle faisait en faveur de sa sœur. Les Sages disent de Ra’hel (Péti’ha Ekhah Rabah 24; Béréchith Rabah 70:17; Méguilah 13b) qu’elle se cacha sous le lit, et c’est elle qui répondit à Ya’akov concernant les signes de reconnaissance, afin qu’il n’entende pas la voix de Léah…

Chacun est stupéfait par la bonté de cœur et l’esprit de sacrifice de Ra’hel envers sa sœur! Lorsqu’elle entend Ya’akov parler à sa sœur et lui poser diverses questions, au moment d’accomplir le premier commandement de la Torah de croître et de multiplier en toute pureté et sainteté, justement la nuit de ses noces, au début de leur vie conjugale, au lieu de protéger son droit et de garder les signes de reconnaissance pour elle-même (afin que Ya’akov sache qu’on l’avait trompé), elle se tait, elle se domine, et transmet à sa sœur les signes de reconnaissance. Ce faisant, elle se prive de l’avenir heureux qui aurait pu être le sien. Il est possible que Ra’hel aurait préféré ne pas donner ces signes, mais elle savait la honte de sa sœur, si Ya’akov la renvoyait et si elle épousait Essav comme le proclamait la rumeur. Elle répondit à la place de Léah et lui transmit les signes, uniquement pour ne pas causer de honte et de peine à sa sœur, car elle ne désirait que son bien.

Malgré tout, il faut se demander pourquoi Ra’hel s’est sacrifiée pour sa sœur en se mettant elle même en danger? Fallait-il qu’elle soit la victime de sa sœur? Et pourquoi Léah pleure-t-elle parce qu’elle ne veut pas épouser Essav? N’aurait-elle pas vécu aisément, comme nous l’avons dit plus haut?

Justement Ra’hel voyant que Léah ne cessait de se lamenter sur son sort, comprit que Léah préférait une vie dans la pauvreté et l’exil, une vie de souffrances et de restrictions avec un homme vraiment vertueux, plutôt que de vivre une vie aisée et agréable en ce monde en compagnie d’un homme méchant, et c’est de cela qu’elle se lamentait. Elle en pleurait au point de flétrir sa beauté, car « Léah était tout aussi belle que Ra’hel par ses traits et sa stature, si ce n’est que ses cils étaient tombés et que sa vue s’était affaiblie » (Tan’houma Vayetsé 12). Ra’hel s’est dit qu’elle devait faire quelque chose pour une créature aussi vertueuse.

Nous voyons ici la grandeur et la noblesse de Léah qui préfère vivre dans la pauvreté pourvu que ce soit avec un homme intègre, plutôt que dans le luxe avec un  homme méchant. D’autre part, nous voyons la grandeur et la noblesse de Ra’hel, qui comprit comme sa sœur était méritante, au point qu’elle était prête à lui céder sa place et son bonheur éternel.

Mais D. « qui sonde les cœurs et les reins, D. équitable » (Téhilim 7:10), avait pénétré les sentiments et les pensées de Ra’hel, Il avait vu sa bonté de cœur envers sa sœur Léah. Et D. augmenta l’amour et la bienveillance de Ya’akov pour Ra’hel, et il l’aima et la respecta plus qu’auparavant. Au lieu de l’accuser de l’avoir trompé, Ya’akov accusa Lavan et lui dit (Béréchith 29:25): « N’est-ce pas pour Ra’hel que j’ai servi chez toi? Pourquoi m’as-tu trompé? » Il était fâché contre Lavan de l’avoir obligé à épouser Léah, et d’avoir voulu obliger Léah à accepter Essav contre son gré – si Ra’hel dans sa bonté, ne l’avait pas sauvée d’un tel sort. C’est pourquoi Ya’akov aima Ra’hel encore plus, au point de servir Lavan sept ans de plus.

 

 

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