La confiance en D.

« Si tu te souviens de moi lorsque tu seras heureux, rends-moi, de grâce, un bon office: parle de moi à Pharaon et fais-moi sortir de cette demeure » (Béréchith 40:14)... « Mais le maître-échanson ne se souvint plus de Yossef et il l’oublia » (ibid. v. 23).

Rachi rapporte le Midrach (Béréchith Rabah 89:2-3): « Le maître-échanson ne se souvint pas de lui ce jour-là, et par la suite aussi, il l’oublia. Yossef est resté prisonnier deux ans de plus pour s’en être remis au bon souvenir de l’échanson, comme il est écrit (Téhilim 40:5): « Heureux l’homme qui a confiance en l’Eternel et ne se tourne pas vers les grands de ce monde ». Il s’agit de Yossef qui a confiance en D. et ne s’appuie pas sur les Egyptiens ». Et le Midrach ajoute: « A cause de ces mots, souviens-toi et parle de moi, il est resté deux ans de plus en prison, comme il est écrit (ibid. 41:1): Au bout de deux ans... »

Yossef fut puni pour avoir demandé au maître-échanson de se souvenir de lui. C’est une chose d’importance primordiale qu’il nous faut expliquer.

1. Comment se fait-il que Yossef le Juste, fondement du monde (Zohar I, 59b), ait placé sa confiance en un être humain, car « Maudit est l’homme qui met sa confiance en un mortel, qui prend appui sur un être de chair, et dont le cœur s’éloigne de D. » (Yérémia 17:5). Est-il possible de dire que Yossef est maudit? (loin de nous une telle pensée)! D’autant plus que nous savons que Yossef est resté vertueux en Egypte (Tan’houma Nasso 28), et qu’il servait D. en tout lieu. Comment comprendre les paroles de nos Sages?

2. Le Midrach lui-même se contredit, comme le souligne le Ymerey ‘Hen. Tout d’abord, selon le Midrach, le verset « Heureux l’homme qui place sa confiance en D. » s’applique à Yossef, ce qui indique que Yossef a gardé confiance en D. Mais à la fin, le Midrach dit que Yossef fut puni et resta deux ans de plus en prison pour avoir placé sa confiance en le maître-échanson, lorsqu’il lui demanda de se souvenir de lui et de parler en sa faveur à Pharaon. Est-ce à dire qu’il a placé sa confiance en lui et non en D.?

Tout d’abord, examinons comment Yossef a préservé son Judaïsme dans la maison de Poutiphar, avant d’être jeté en prison, ce qui nous permettra d’évaluer sa confiance en D. et nous montrera qu’il n’acceptait pas de faveurs de la part des hommes.

Il est écrit (Béréchith 39:10): « Il ne céda point à ses appels pressants pour venir à ses côtés, pour avoir commerce avec elle ». « Pour venir à ses côtés », en ce monde, « pour avoir commerce avec elle », dans le monde à Venir. Bien que Yossef ait été vendu comme esclave en Egypte, il ne s’est pas laissé influencer par son entourage. Il resta vertueux malgré tous les efforts de Zelich’a, femme de Poutiphar, pour le séduire comme il est écrit (ibid. v. 10): « Quoiqu’elle en parlât chaque jour à Yossef, il ne céda pas... » Les Sages expliquent (Yoma 35b): « Il ne voulait pas se rendre coupable envers D. en venant à ses côtés pour avoir commerce avec elle », c’est-à-dire qu’il ne voulait même pas se trouver en sa présence sans commettre de faute, car « tout d’abord le mauvais penchant invite l’homme à s’approcher et toucher la chose interdite, et ensuite à en faire usage » (Béréchith Rabah 87:6). Si Yossef avait accepté de se trouver en sa présence, même sans agir, il aurait pu jouir d’une promotion dans la maison de son maître. Malgré tout, il s’est dominé et il s’est mis en danger pour ne pas commettre de faute envers D. et ne pas donner libre cours à ses penchants, car ouvrir la moindre brèche à la faute c’est fauter envers D. comme le disent les Sages (Béréchith Rabah 22:6): « Lorsque le mauvais penchant voit un homme occupé, ne serait-ce qu’à s’arranger les cheveux, il se dit: celui-là m’appartient », et c’est dans ce sens que « penser à une faute est plus grave que commettre la faute elle-même » (Yoma 29a).

Yossef se garda de fauter avec la femme de son maître. Par la suite aussi, en prison, il est certain qu’il s’est gardé de fauter, comme par exemple en consommant des nourritures interdites (Meam Loez, Ramban et Siftey Kohen). Il ne s’est pas laissé entraîner par les coutumes égyptiennes non plus, ce qui exige une ferme volonté et de grandes forces. Il n’avait honte ni des moqueries ni du mépris, ni d’être appelé par dénigrement « l’esclave Hébreu » (Béréchith Rabah 89:7), comme il est dit (Béréchith 41:12): « Il y avait là un jeune Hébreu, esclave du chef des gardes ». Chaque Juif, en tout temps, apprend de l’exemple de Yossef que, malgré les moqueries des non-juifs à cause de ses coutumes, de son nom et de sa façon de s’habiller qui lui sont spécifiques, (Vayikra Rabah 32:5; Pessikta Zouta Chemoth 6:6), il doit garder une grande foi en D. car sans son aide, il ne pourrait pas survivre parmi les non-juifs, ne serait-ce qu’un seul jour.

Pourtant, malgré les vertus de Yossef, sa demande au maître-échanson de parler en sa faveur à Pharaon est considérée comme une faute, et cela bien que la Torah nous oblige à tenter tout ce qui est en notre pouvoir pour amadouer les dirigeants et échapper aux souffrances qui nous affligent. C’est que Yossef savait que la Providence avait voulu qu’il descende en Egypte, qu’il y soit fait prisonnier, et il savait aussi que sa descente et son séjour en Egypte n’avaient pour but que l’exil des Enfants d’Israël. Toutes les souffrances de Yossef et des Enfants d’Israël - et même le fait que Yossef ait été nommé gouverneur d’Egypte - proviennent de la volonté de D. Il était donc interdit à Yossef de faire le moindre effort pour sortir de prison, et il n’aurait pas dû tenter une libération prématurée, il devait rester en prison jusqu’à ce que D. dirige les événements pour le libérer. Sa demande était une faute, un manque de confiance en D., et il fut puni à la mesure de sa grandeur et de sa sainteté. Son emprisonnement fut prolongé afin d’expier cette faute, car il aurait dû savoir que son séjour en Egypte et en prison étaient des décrets divins, et il ne devait pas chercher à précipiter les événements. Il nous est impossible de dire que Yossef n’avait pas confiance en D., car qui servait D. avec autant de foi que lui? Mais son désir de précipiter les événements fut une faute, puisqu’il savait que tout découle de la volonté de D.

S’il avait confiance en D., pourquoi a-t-il demandé au maître-échanson de le rappeler à Pharaon? C’est que Yossef craignait d’avoir peut-être commis quelque faute, tout comme Ya’akov craignait d’avoir commis quelque faute qui le livrerait entre les mains d’Essav (Brach’oth 4a; Chabath 32a; Rachi Vayichla’h 32:11). Yossef craignait de rester en prison à cause d’une faute quelconque qu’il aurait peut-être commise. Il fut puni, afin que d’autres sachent qu’il ne faut avoir confiance qu’en D.

Yossef lui-même a tenté par la suite de corriger cette faute, comme nous le voyons lorsqu’il a expliqué le rêve de Pharaon. Il est écrit (Béréchith 41:16): « Et Yossef répondit à Pharaon: Ce n’est pas moi, c’est D. qui saura tranquilliser Pharaon ». Sa réponse est étonnante car c’est finalement Yossef qui a interprété le rêve.

Tout d’abord, il faut savoir que lorsqu’un homme commet une faute dans quelque domaine que ce soit et qu’il veut se corriger, il doit se repentir « de la même manière qu’il a fauté ». Lorsque l’occasion se présente à nouveau de fauter dans les mêmes circonstances et qu’il ne commet pas la même faute, alors: « Celui qui connaît toutes les raisons témoigne qu’il ne commettra plus cette faute » (Rambam, Halakhoth Techouva 2:2). Si la même faute se présente à lui de nouveau et qu’il ne la commet pas, son regret et son repentir sont acceptés et son mauvais penchant ne l’incitera plus à fauter de nouveau, et alors, disent les Sages (Yoma 86b): « son repentir est complet et total ».

Il en est de même de l’homme doté d’un défaut naturel quelconque. S’il veut se corriger, dès que cette tendance naturelle se manifeste, il doit la réprimer et dominer ses sentiments sans faiblir, et dès lors il est assuré que cette vilaine tendance disparaîtra, faisant place à une qualité.

Par exemple, le contraire de l’orgueil, c’est l’humilité, le contraire de l’avidité, c’est le contentement, le contraire d’un manque de confiance en D., c’est la confiance en D.

Cela nous permet de dire que le repentir de Yossef était un repentir « par là où il avait fauté ». Lorsque Yossef se tint devant Pharaon pour lui expliquer son rêve, il aurait pu sans aucun doute s’attribuer à lui-même le pouvoir de divination, et dire à Pharaon: « Je vais t’expliquer ton rêve selon ma sagesse », ce qui lui aurait procuré de grands honneurs et sûrement une grande fortune. Mais Yossef savait qu’il avait fauté en plaçant sa confiance en un homme et qu’il avait manqué de confiance en D., c’est pourquoi devant Pharaon, il se mit en danger en proclamant que « seul D. peut tranquilliser Pharaon », lui signifiant: moi-même je n’ai aucune connaissance et aucune sagesse, car la sagesse ne vient que de D. et Lui seul peut tranquilliser Pharaon. C’est dire qu’il plaça toute sa confiance en D. et il se repentit justement de la même manière qu’il avait fauté.

Ce faisant, Yossef s’est mis en danger. Nous savons que Pharaon se faisait passer pour un dieu (Chemoth Rabah 8:3; Tan’houma Vayéra 9), et qu’il se vantait: « Le fleuve est à moi, c’est moi qui l’ai créé ». Pharaon ne croyait en aucune divinité autre que lui-même, et lorsque Yossef lui dit: « D. t’apaisera », il aurait pu lui répondre: « Qui est D. pour que j’écoute Sa voix? (Chemoth 5:2), il n’y a pas d’autre divinité que moi... et il aurait pu jeter de nouveau Yossef en prison. Mais Yossef ne craignait pas cela, car il savait qu’il avait commis une erreur en se fiant au maître-échanson au lieu d’avoir confiance en D., c’est pourquoi il exprima en cette occasion, devant tout le monde, sa confiance totale en l’Eternel, disant à Pharaon que seul D. l’apaiserait, et personne d’autre. Justement, en cet instant critique où son sort allait être décidé où il allait, soit être puni soit être sauvé, il a réparé son erreur, attribuant la grandeur à Qui elle appartient (Béréchith Rabah 89:9). Yossef affirma sa confiance en D. sans crainte d’être renvoyé en prison, il corrigea sa faute en se repentant comme il faut le faire dans une situation semblable où l’on corrige ce qui est défectueux.

Nous voyons donc que le Midrach a raison de dire que le verset: « Heureux l’homme qui place sa confiance en D. » s’applique à Yossef (Béréchith Rabah 89:2), car au moment critique, il exprima sa confiance en D., de même que par le passé il s’était tenu à l’écart des Egyptiens et séparé d’eux dans la maison de Poutiphar, sans imiter leurs coutumes. Mais il savait qu’il avait fauté pour avoir placé, ne serait-ce qu’un bref instant, sa confiance en un homme, et voilà qu’au lieu d’arguer de sa sagesse, il fit dépendre l’explication du rêve de l’inspiration divine sans craindre d’être rejeté en prison car à ce moment-là, il se rappela sa faute, et plaça toute sa confiance en D.

En fait, D. manifesta sa bonté en le gardant en prison deux ans de plus. Si Yossef avait été libéré deux ans plus tôt, avant le rêve de Pharaon, celui-ci n’aurait pas entendu parler de Yossef et ne l’aurait pas convoqué pour qu’il lui explique le sens de son rêve, et alors, Yossef n’aurait pas pu corriger sa faute et exprimer sa confiance en D. S’il avait été libéré plus tôt, un autre maître l’aurait acheté comme esclave, l’aurait peut-être emmené dans un autre pays, et toutes ses prophéties de grandeur ne se seraient pas réalisées. Mais il est resté en prison, et par la suite, il fut nommé gouverneur de l’Egypte et toutes ses prophéties se réalisèrent. Le Midrach confirme ce que nous disons (Béréchith Rabah 89:3; Tan’houma Vayéchev 9): « Pourquoi Yossef resta-t-il deux ans de plus en prison? Afin que Pharaon rêve, que Yossef lui en donne l’interprétation, et qu’il soit nommé gouverneur de l’Egypte ». Chacun de nous doit mettre sa confiance uniquement en D. qui procure le bien en ce monde et dans l’autre.

 

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