La lutte contre le mauvais penchant, une responsabilité collective

Au début de la section Vayigach, il est écrit: « Alors Yéhouda s’avança vers lui (Yossef) en disant: De grâce seigneur! que ton serviteur parle aux oreilles de mon seigneur et que ta colère n’éclate pas contre ton serviteur! » (Béréchith 44:19).

Le Rabbin Na’houm de Tchernoville, écrit dans son livre Méor Einaym, au début de la section Vayigach: « Il faut comprendre pourquoi ce récit est écrit dans la Torah qui n’est pas un livre de récits, maudit celui qui fait de la Torah un livre d’anecdotes » (Zohar III, 149b). Il est écrit: « Mon D.! Tu es infiniment grand, Tu es revêtu de splendeur et de majesté! » (Téhilim 104:1). La splendeur et la majesté représentent la Torah, comme il est écrit (ibid. 8:2): « Tu as répandu Ta majesté sous les cieux! », et il est dit que D. est revêtu de splendeur et de majesté, car le Créateur S’est enveloppé de la Torah qui est comparée à un feu comme il est écrit (Yérémia 23:29): « Est-ce que Ma parole ne ressemble pas au feu dit l’Eternel ». De même qu’il est impossible de saisir le feu sans protection, de même la Torah est appelée un feu parce qu’il est impossible de la saisir sans outils, et sans protection. Parfois la Torah est comparée à de l’eau, comme il est écrit (Ichaya 55:1): « Vous qui avez soif, venez, voici de l’eau! » Apparemment, il est difficile de comprendre comment la Torah peut être composée de deux éléments contraires, le feu et l’eau. Une telle chose n’est possible que parce que D., béni soit-Il, « établit la paix du haut de Ses demeures célestes » (Yov 25:2), et les Sages remarquent (‘Haguigah 12a) que le mot Shamayim, les cieux, est composé de Esh, le feu, et de Mayim, l’eau, que D. a mêlés pour créer les cieux. Il les lie ensemble et les unit, car Il est au-dessus d’eux et les contrôle ».

Nous devons comprendre le sens caché de l’étonnant dialogue entre Yéhouda et Yossef.

1. La section Mikets raconte l’histoire de la coupe qui fut finalement trouvée dans la sacoche de Benyamin. Lorsque le serviteur de Yossef rattrape les frères de Yossef et les accuse d’avoir volé la coupe de leur maître, Yéhouda prend l’initiative et sans avoir été invité à décider de son sort, il répond immédiatement: « Celui de tes serviteurs qui l’aura en sa possession, qu’il meure; et nous-mêmes nous serons les esclaves de mon seigneur » (Béréchith 44:9). Il est impossible de revenir sur une telle déclaration. Lorsque finalement la coupe est découverte dans la sacoche de Benyamin, pourquoi Yéhouda commence-t-il par discuter du sort de Benyamin, alors que l’envoyé a déjà réduit la sévérité de la sentence en disant que seul celui chez qui la coupe sera trouvée sera son esclave, et que les autres frères seront quittes (ibid. 44:10). Yéhouda n’avait-il pas prononcé sa propre sentence?

2. Si l’on voulait signifier que Yéhouda parlementait avec cet homme parce qu’il s’était porté garant de l’enfant, de Benyamin, comme il est écrit (ibid. 43:9): « C’est moi qui réponds de lui, c’est à moi que tu le redemanderas... » au point qu’il était prêt à perdre les deux mondes pour lui, comme le disent les Sages (Béréchith Rabah 91:10), pourquoi n’a-t-il pas pesé ses paroles plus soigneusement, avant même que le serviteur de Yossef n’entreprenne ses recherches? N’aurait-il pas pu s’y refuser et sauver Benyamin, sans cette discussion?

3. A propos du verset: « Alors Yéhouda s’avança vers lui... », les Sages disent (Béréchith Rabah 93:6): « Il s’approcha de Yossef autant dans l’intention de l’apaiser que de le combattre, en le menaçant: si je tire mon épée, je commencerai par toi, et je terminerai par Pharaon ». C’est troublant. Pourquoi Yéhouda veut-il combattre Yossef à cause de Benyamin, alors que lui-même avait décrété une sentence de mort pour celui qui détiendrait la coupe (et ce n’est que l’envoyé qui muta la sentence)?

4. Le Rabbi Menachem Mendel de Loubavitch dans son livre Likoutey Si’hot s’interroge à ce sujet: « Effectivement Yéhouda s’est porté garant de Benyamin, comme il est écrit (Béréchith 44:32): « Ton serviteur s’est porté garant de l’enfant », mais pourquoi Yéhouda tenait-il à combattre Yossef? car en réalité Yéhouda et ses frères étaient peu nombreux, et Yossef était gouverneur de toute l’Egypte. S’il déclarait la guerre contre les frères, il les vaincrait certainement. Bien que Yéhouda ait été un combattant exceptionnel, Yossef et ses fils étaient encore plus vaillants que lui, comme le disent les Sages (Béréchith Rabah 97:7): « Yéhouda et ses frères ont frappé des pieds et toute la terre d’Egypte en a tremblé ». Face à eux, le fils de Yossef révéla une force extraordinaire car « il a frappé du pied la colonne de pierre qui lui servait de siège et en a fait un amas de poussière ». Yéhouda fut très surpris et se dit: Celui-là est plus fort que moi. Cela montre que Yéhouda s’était mis en danger en déclarant la guerre à Yossef! »

5. En dernier lieu, nous devons comprendre le sens de la mission du serviteur envoyé par Yossef. Il est écrit (ibid. 44:4-5): « Yossef dit à l’intendant de sa maison: Va, cours après ces hommes, et aussitôt que tu les auras rattrapés, dis-leur: Pourquoi avez-vous rendu le mal pour le bien? N’est-ce pas dans cette coupe que boit mon maître, et ne lui sert-elle pas pour la divination? Vous avez très mal agi ». La séquence n’est pas claire. Apparemment, il aurait dû dire tout d’abord que son maître buvait dans cette coupe et qu’elle lui servait pour la divination, et seulement ensuite il aurait dû leur faire savoir que, grâce à cette divination, il savait qu’ils allaient voler cette coupe et qu’il les avait poursuivis pour cette raison. Il les soupçonne, et donc pourquoi rendez-vous le mal pour le bien? Tout d’abord il aurait dû leur dire ce qu’il leur reprochait, et seulement ensuite les réprimander de leur conduite, au lieu de commencer par la réprimande, et leur faire savoir ensuite en quoi ils avaient mal agi.

Avant de répondre aux questions soulevées, remarquons des choses merveilleuses dans cette section: la coupe, dissimulée dans la sacoche de Benyamin, les paroles de Yéhouda à l’envoyé de Yossef, enfin l’affrontement entre Yéhouda et Yossef.

Le récit de Yéhouda et Yossef donne à chacun une leçon de morale en indiquant comment vaincre le mauvais penchant, l’éloigner, ne pas l’écouter, se repentir de tout cœur, confesser ses fautes et se rapprocher de D.

Si l’homme faute et qu’il regrette sa faute, il doit savoir que la confession est l’essentiel du repentir, comme l’écrit le Rambam (Hala’hoth Téchouvah 1:1): « L’aveu de ses fautes est un commandement de la Torah, comme il est écrit (Bamidbar 5:6-7): Si un homme ou une femme ont causé quelque préjudice... ils doivent confesser les fautes commises ». Les fautes commises à l’âge adulte transforment rétrospectivement toutes les fautes de l’enfance en fautes volontaires, parce que maintenant nous sommes responsables de nos actes dont nous comprenons le sens et la gravité. Il est donc indispensable de nous repentir et, de ce fait, nos fautes se changent en mérites (Yoma 86b).

Le Satan continue à provoquer et faire fauter même celui qui a déjà pris la décision de se repentir de ses fautes et de voir un peu de lumière, la lumière de la Torah, comme il est écrit: « La Torah est une lumière » (Michley 6:23; Méguilah 16b), et qui désire se libérer de son matérialisme, comme il est écrit: « Le matin venu, on laissa partir ces hommes, eux et leurs ânes » (Béréchith 44:3). Il ne laisse pas à l’homme la possibilité de lui échapper (ibid. 44:4), « il le poursuit et l’atteint », ou bien pour l’apaiser, ou bien pour le combattre. Le mauvais penchant dit à l’homme désireux de se repentir (sur la base de la discussion entre les frères de Yossef et son envoyé): la voie des méchants réussit. Tant que tu étais en ma présence tu réussissais, pourquoi me délaisses-tu à présent et pourquoi veux-tu me rendre le mal pour le bien? Au lieu d’être puni pour toutes tes fautes, tu aurais réussi... C’est seulement grâce à moi que tu t’es enrichi et que tu as progressé. Pour le convaincre de revenir vers lui (vers le mauvais penchant) et pour le maintenir sous son emprise, le mauvais penchant énumère en détail les avantages reçus, et lui reproche de lui rendre le mal pour le bien. Mais il ne mentionne pas le mal que l’homme qui se repent cause au mauvais penchant lorsqu’il s’éloigne de lui, sans compter les malheurs qui arrivent à l’homme en conséquence de ses fautes et de ses transgressions.

Celui qui se repent a le devoir de réfuter les arguments du mauvais penchant et de faire valoir que tant qu’il ne s’était pas repenti sincèrement, il était comme un enfant qui ignore en quoi consiste sa faute et quelles en sont les conséquences, mais à présent, il s’est repenti de ses fautes, non pas qu’il veuille rendre au mauvais penchant le mal pour le bien mais parce qu’il a décidé de surmonter toutes les difficultés et peu lui importe d’être privé de toutes ses « bontés » qui sont en fin de compte néfastes. Il sait que les souffrances et les ennuis proviennent des avantages douteux qu’il tire de sa mauvaise conduite. Dorénavant, il est même prêt à mourir, plutôt que de fauter sur les conseils du mauvais penchant et il préfère être l’esclave de D., dont il a reconnu la bonté et la bienveillance, à chaque instant de sa vie. Ceci est indiqué dans le verset (Béréchith 44:9): « Celui de tes serviteurs qui l’aura en sa possession, qu’il meure; et nous-mêmes nous serons les esclaves de mon seigneur ». Il préfère mourir, parce qu’il choisit d’être le serviteur de son seigneur, de D.

Le mauvais penchant ne lâche pas pour autant son homme, le menaçant de l’amener à regretter de l’avoir abandonné, et menaçant aussi tous ceux qui se repentent d’en subir les conséquences et d’affronter des épreuves « jusqu’à ce que vous reveniez sous mon joug, comme auparavant », comme il est dit dans le verset: « Celui qui en sera trouvé possesseur sera mon esclave » (Béréchith 44:10). Dans la lutte entre celui qui se repent et le mauvais penchant, chacun essaie de faire échouer l’autre, dans le sens où il est dit: « Ils se hâtèrent chacun de descendre leurs sacs à terre » (ibid. v. 11). Bien que celui qui se repent s’occupe de Torah et désire s’abreuver de cet élixir de vie, il risque de retomber dans les pièges du mauvais penchant dont l’habileté est connue. Il est capable de lui faire croire que, s’il s’est appauvri et  a perdu sa situation, c’est pour avoir adopté le chemin de la Torah et avoir négligé ses besoins matériels - tels sont les arguments du mauvais penchant, même envers un homme de Torah.

Mais il faut le vaincre, et savoir que cette chute est nécessaire à l’élévation, que l’espoir n’est pas perdu et que grâce à l’assiduité et aux prières, nous remonterons la pente, avec l’aide de D. Si le mauvais penchant demande: Comment se fait-il que justement maintenant, alors que nous suivons les voies de la Torah, nous nous trouvions dans une situation désespérée, qui semble sans avenir? C’est dans le but de nous convaincre de suivre ses conseils, en nous faisant miroiter plus de succès que par le passé. Il faut lui rétorquer que « le Tout-Puissant a su atteindre l’iniquité de tes serviteurs » (Béréchith 44:16), c’est-à-dire: à cause des fautes que j’ai commises, je suis tombé dans la situation difficile où je me trouve aujourd’hui, mais malgré tout, je continue - et je désire continuer - à être le serviteur de D.

Le mauvais penchant n’en est pas découragé pour autant, et il ne se laisse pas affaiblir, comme le disent les Sages (Tan’houma Bechala’h 3): « Le mauvais penchant grandit avec l’homme depuis son enfance jusqu’à sa vieillesse, et il tente chaque jour de le faire faillir », et (Soucah 52b; Kidouchin 30b): « Le mauvais penchant de chaque homme prend le dessus chaque jour et tente de le faire tomber. Tout d’abord, il se présente comme un invité... et en fin de compte il devient le maître », et (Béréchith Rabah 22:11): « Il tente de l’attraper dans ses pièges ». Chaque jour il se présente sous une forme différente et avec des arguments nouveaux afin de lui faire commettre quelque délit, et il ne laisse à l’homme aucun répit. Jusqu’au jour de sa mort, il tente par tous les moyens de l’éloigner de D., et de le maintenir assujetti, comme auparavant. Mais il faut être prêt à risquer même sa vie dans la lutte contre le mauvais penchant puisque l’homme « est garant de l’enfant », de l’enfant qu’il était, et alors les fautes volontaires sont considérées comme des fautes par inadvertance et elles lui sont pardonnées et effacées. Mais à présent, « Comment retournerai-je auprès de mon père sans ramener son enfant? » (Béréchith 44:34), car à présent, il réalise la gravité des transgressions et la justesse de la punition ainsi que de la récompense pour l’obéissance aux commandements, et s’il commet une faute maintenant, il est jugé rétrospectivement pour les fautes commises durant son enfance, comme s’il avait agi en connaissance de cause.

C’est la raison pour laquelle l’homme doit déclarer une guerre sans merci « au mauvais penchant qui est le Satan, qui est l’ange de la mort » (Baba Bathra 16a), bien qu’il sache que le Satan est plus fort que lui car « il est un ange de feu » (Zohar I, 80a), et que lui n’est fait que « de chair et de sang » (comme nous le disons dans la prière de Yom Kippour). Malgré tout, la victoire est promise à l’homme qui lutte, comme il est écrit: « Quand tu déclareras la guerre à tes ennemis, que l’Eternel ton D. livrera en ton pouvoir... » (Devarim 21:10). Celui qui avoue ses fautes est semblable à Yéhouda qui n’a pas eu honte d’avouer sa faute, et qui finit par hériter, effectivement, du monde à Venir (Sotah 7ab).

[Il est essentiel de ne pas tomber dans les pièges que le mauvais penchant tend à celui qui se repent et commence à l’abandonner. Tout d’abord le mauvais penchant se présente à lui en ami soucieux de son bien et il lui demande: pourquoi me rends-tu le mal pour le bien? Le repentant lui répondra que jusqu’à présent il ignorait que sa conduite était contraire à la volonté de D. et qu’il avait suivi ses conseils, mais que, maintenant, il préférerait mourir plutôt que de l’écouter car il désire rester le serviteur de D. Alors, le mauvais penchant tente de le persuader qu’il a perdu sa situation parce qu’il a choisi la Torah et une vie religieuse. Or il ne faut pas se laisser prendre à cet argument, et comprendre que cette nouvelle conduite lui fait pardonner ses fautes passées. De même que le mauvais penchant nous déclare la guerre, de même nous avons le devoir de le combattre ouvertement et avec détermination, et les mots vayassiguem, vayigach, indiquent une approche belliqueuse].

Chacun doit savoir qu’il est nécessaire de prendre bien garde aux pièges du mauvais penchant et aux épreuves qu’il nous propose car il risque fort de nous causer beaucoup de souffrances, de nous priver de nos moyens de subsistance ou de nous éprouver par une maladie, mais il faut le repousser. Le mauvais penchant nous souffle: tant que tu n’observais pas la Torah et que tu ne t’occupais pas de faire des bonnes actions, tu réussissais et maintenant, non seulement la Torah ne te soutient pas, mais elle te nuit, tu as perdu tes moyens de subsistance, et tu n’as même pas la possibilité de faire ce que la Torah commande...

Il faut surmonter cette épreuve, il faut combattre le mauvais penchant au risque de sa vie, puisque l’on est garant de son passé (le mot Arèv, garant, est formé des mêmes lettres que le mot Avar, passé), afin que les fautes commises nous soient pardonnées. Combien grande est notre perte si nous tombons dans les pièges du mauvais penchant qui nous aborde tantôt en ami, tantôt en ennemi. Il faut avoir confiance en D. qui vient en aide et soutient, et se dire: « D. est avec moi, en moi, et je n’ai aucune raison de craindre le mauvais penchant, bien qu’il soit fait de feu ». Effectivement, D. habite en chaque homme et il n’y a pas de raison de craindre le Satan et ses exhortations. Il faut uniquement craindre D.

Ton serviteur s’est porté garant de l’enfant

Expliquons maintenant le sens simple de ces écrits.

Yéhouda n’a pas pensé un seul instant que l’un de ses frères ait pu voler la coupe de Yossef, puisqu’il est dit des chefs des tribus (Téhilim 122:4): « C’est là que montent les tribus, les tribus de l’Eternel, selon la charte d’Israël, pour célébrer le Nom du Seigneur ». Pourquoi ces hommes saints voleraient-ils la coupe? Il eut donc l’audace d’affronter le serviteur de Yossef venu les accuser d’avoir volé la coupe de son maître. Il était tellement sûr qu’aucun de ses frères n’avait volé la coupe, qu’il a dit « que celui de tes serviteurs qui l’aura en sa possession meure », et il a renchéri en ajoutant que tous les autres frères seraient ses esclaves. Mais le serviteur de Yossef craignait que, s’il trouvait la coupe dans une des sacoches, les frères le tueraient, et il savait qu’ils étaient puissants et tenaient parole. C’est pourquoi il a rejeté d’emblée les paroles de Yéhouda, en disant que seul celui chez qui se trouverait la coupe deviendrait esclave, et que les autres frères seraient considérés innocents.

Nous avons demandé pourquoi le serviteur de Yossef ne leur fit pas savoir d’emblée de quoi il les accusait, mais commença par leur demander pourquoi ils avaient rendu à Yossef le mal pour le bien. Il y a deux réponses à cette question:

1. Il voulait leur signifier que Yossef était devin même sans coupe. Il leur fit savoir qu’il ne doutait pas qu’ils n’eussent pas tous volé la coupe, mais que l’un d’eux l’eût volée et en cela ils avaient rendu le mal pour le bien.

2. Il leur a intentionnellement dit tout d’abord qu’ils avaient rendu le mal pour le bien afin de les troubler, pour leur faire dire que le coupable devrait mourir ou devenir son esclave. S’il avait abordé d’emblée le sujet à l’amiable, les frères auraient sans doute cherché la coupe sans prononcer de sentence contre le voleur. Dans ce cas, Yossef aurait tout perdu. Mais parce qu’il s’est adressé à eux avec dureté, qu’il les a troublés en leur disant qu’ils avaient rendu le mal pour le bien, Yéhouda a tout de suite pris les devants afin d’extirper tout soupçon du cœur du serviteur de Yossef, et cela parce qu’il n’a pas pensé un seul instant que l’un des frères ait pu commettre un tel vol puisqu’ils étaient tous « les tribus de l’Eternel ». Cela nous montre la grande sagesse de Yossef qui réussit à confondre ses frères grâce aux paroles pleines de sagesse qu’il mit dans la bouche de son envoyé.

Par ailleurs, nous constatons la grandeur de Yéhouda et des autres frères. S’ils avaient voulu s’enfuir d’Egypte, sans revenir chez Yossef, ils auraient pu le faire, puisqu’ils étaient déjà hors de la ville, comme il est écrit (Béréchith 44:4): « Ils venaient de quitter la ville, ils en étaient à peu de distance... » Bien qu’ils n’en fussent pas  loin, ils auraient pu s’enfuir car ils étaient déjà sortis de la ville. De plus, ils étaient tous vaillants, ils auraient pu tuer l’envoyé de Yossef et poursuivre leur route. Mais parce que Yéhouda avait juré que celui chez qui se trouverait la coupe serait passible de la peine de mort et les autres esclaves, ils retournèrent tous chez Yossef autant pour s’expliquer avec lui que pour effacer tout soupçon de son cœur et lui faire savoir qu’ils n’avaient rien volé. Ils étaient certains que Benyamin était innocent, d’autant plus que la divination leur était interdite, comme il est écrit (Vayikra 19:26): « Ne vous livrez pas à la divination ». Benyamin lui-même était un homme pieux et vertueux qui, de sa vie n’avait pas goûté au péché, comme disent de lui les Sages (Baba Bathra 17a): « Il n’est mort qu’à cause de la faute du serpent » (Il est possible aussi de dire qu’il avait tellement de peine de cette accusation que c’est comme s’il en était mort, car le mot Nahash, serpent, ressemble au mot Nihoush, la divination).

En elles-mêmes, les paroles de Yéhouda ne constituaient aucune obligation car il savait qu’il s’agissait d’une accusation sans fondement et qu’il n’y avait pas lieu de soupçonner Benyamin d’avoir volé la coupe. Mais, pour tenir sa parole, il accepta que les autres frères deviennent esclaves, pourvu que Benyamin retournât chez son père, parce qu’il s’était porté garant de lui. Celui qui est garant d’un autre prend sa place et, si Benyamin est accusé de vol, Yéhouda peut recevoir à sa place la punition qui lui revient. Le mot Arèv, garant, est formé des mêmes lettres que le mot Avour, en faveur de, c’est-à-dire qu’il se porte garant de lui, et Yéhouda ne trahirait pas sa parole en prenant sur lui-même la punition de Benyamin. C’est comme si lui - Yéhouda - était le voleur, ce qui est correct puisque quiconque se porte garant d’un autre doit se mettre en danger pour lui.

Yéhouda déclare donc la guerre à Yossef, car il se sentait lui-même accusé à la place du jeune homme dont il s’était porté garant. Il savait qu’il devait se tenir à la place de l’autre et il n’a trahi ni sa promesse, ni son serment, ni sa parole.

C’est une grande leçon pour chacun. Chacun doit savoir qu’il est le garant de ses enfants et que ses enfants sont garants de lui, comme le disent les Sages (Kala 2; Chir HaChirim Rabah 1:24; Yalkout Chimoni Yérémia 267): « Au moment du don de la Torah, les Enfants d’Israël ont pris leurs enfants pour garants, et D. a accepté cette garantie ». L’homme doit savoir que ses enfants sont ses garants. Lorsque nous transgressons les commandements de D., nos enfants qui sont nos garants sont punis, ce qui est aussi une punition pour le père, comme il est écrit (Chemoth 34:7): « Il poursuit les méfaits des pères sur les enfants, sur les petits-enfants, jusqu’à la troisième et la quatrième génération », et ailleurs il est écrit (Yérémia 32:18): « Tu fais retomber la faute des pères sur la tête de leurs descendants ». Pourquoi les enfants sont-ils punis? Parce que les parents ont privé leurs enfants de la Torah, ne les ont pas habitués à obéir à ses commandements et ne les ont pas éduqués dans la voie de D.

Telle est la responsabilité des Enfants d’Israël les uns envers les autres, comme le disent les Sages (Chevouot 39a; Sanhédrin 27b; Sotah 37a): « Si l’un faute, l’autre qui est son garant (et aurait dû l’en empêcher) est aussi puni », et c’est pourquoi les Sages enseignent la responsabilité réciproque sur la base du verset (Vayikra 26:37): « Ils trébucheront l’un sur l’autre... » car du fait qu’ils sont liés les uns aux autres, l’un est puni pour la faute de l’autre, et tous deux sont coupables.

Nous comprenons que Yéhouda ait pris un tel risque et  fût prêt à se faire esclave à la place de Benyamin dont il s’était porté garant. Chacun doit se porter garant de l’autre, l’aider et le soutenir dans l’observance de la Torah et de ses commandements, afin qu’aucun ne soit puni et que chacun reçoive sa juste récompense.

 

 

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