L’exil d’Egypte

Pourquoi les enfants d’Israël descendirent-ils précisément en Egypte, et non dans un autre pays?

Nos Sages répondent que l’exil et l’esclavage d’Egypte visaient à rectifier les étincelles de sainteté — souillées par Adam — par ce pain de misère (allusion aux étincelles saintes) qu’ont mangé nos pères en terre d’Egypte (Or Ha’hayim; Genèse 49:9, de Rabénou HaAri, zal). La question reste cependant posée.

En effet, comme on le sait, le YeTseR HaRA’, ou penchant au mal, porte le nom de TSaR (oppresseur), mot qui est formé des deux premières lettres de son nom TSefouni Ra’ (qui cache en lui le mal) (Soucah 52a; Zohar II, 263a). Car c’est un ennemi qui presse et angoisse, empêchant l’homme d’être serein et d’accomplir les préceptes divins. Il le met constamment à l’épreuve pour l’affaiblir et le dissuader d’accomplir des mitsvoth qui, d’après lui, ne lui conviennent pas. Il incite aussi l’individu à se conformer aux préceptes divins pour manifester son orgueil ou pour des intérêts personnels.

Cependant, le penchant au bien porte également le nom de tsar (tov), en ce sens qu’il ne laisse pas l’homme réfléchir longtemps avant d’accomplir une bonne action qui se présente à lui. Il annule ses doutes et l’incite à l’action immédiate, comme nos Sages disent: «Ne repousse pas d’un instant une mitsvah qui se présente devant toi» (Mékhilta 7, Rachi Bo 12:17) «Quand [l’accomplir] alors, si ce n’est maintenant?» (Pirké Avoth 1:4; Pirké deRabbi Nathan 12:9) et «Ne dis pas: «J’étudierai quand j’aurai du temps libre...» (Pirké Avoth 2:14). Il empêche l’homme de changer d’avis et d’être influencé par son mauvais penchant ou d’oublier la mitsvah qu’il doit accomplir...

C’est que l’homme jouit de l’exercice du libre arbitre. Il peut suivre soit le penchant au bien qui donne à l’homme la félicité dans l’accomplissement des mitsvoth, soit le mauvais penchant qui naît avec lui, comme il est écrit: «Le penchant du cœur de l’homme est mauvais dès son enfance» (Genèse 8:21); «dès qu’il sort du sein de sa mère» (cf. Béréchith Rabah 34:12). Le mauvais penchant ne fait jamais preuve d’oisiveté, mais siège entre les deux parties du cœur (Bérakhoth 61a; cf. Soucah 52b). Il affaiblit tellement l’homme qu’il ne se presse pas d’accomplir de bonnes actions, ou qu’il n’y pense plus.

Nos ancêtres ont en fait livré une bataille fort rude aux forces du mal, et les ont sérieusement affaiblies. Sans leur aide à rectifier les étincelles de sainteté et à en retrancher les klipoth (les écorces ou forces du mal, qui entourent la sainteté, le fruit), les enfants d’Israël n’auraient pu rien faire. Nos ancêtres ont subi les pires épreuves pour servir l’Eternel dans la joie. Pour rectifier les étincelles saintes disséminées à la suite de la faute de Adam, les enfants d’Israël ont dû régresser de leur niveau 210 ans (valeur numérique de ReDOu: descendez) dans l’exil d’Egypte, alors que nos patriarches ont œuvré dans ce but en pleine ascension spirituelle. En fait, seul Jacob dut descendre en Egypte, comme il est écrit: «Moi-même je descendrai avec toi en Egypte... mais Je t’en ferai remonter» (id.). Les enfants d’Israël apprendraient ainsi de Jacob à rectifier les étincelles de sainteté quand ils se trouveraient en pleine régression car alors ils sauraient que leur chute spirituelle a un but et qu’elle déboucherait sur une pleine ascension.

Les klipoth n’eurent ainsi aucune emprise sur nos ancêtres, car le mauvais penchant était, comme on le sait, entre leurs mains. Nos ancêtres désiraient ardemment rectifier les âmes et les étincelles saintes. C’est pourquoi ils descendirent en Egypte, siège mondial de la débauche (Chémoth Rabah 1:21; cf. Genèse 42:9). C’est précisément là que se trouvaient les étincelles de sainteté dont se nourrissaient les klipoth.

L’Eternel ne mentionna pas à notre patriarche Avraham le lieu de l’exil des enfants d’Israël. Il se contenta de lui dire: «Tes descendants seront étrangers sur une terre qui ne sera point à eux» (Genèse 15:13). Il ne le mentionna pas non plus à Isaac et Jacob, car les klipoth ne sévissaient pas encore en Egypte. Ce n’est que lorsque Joseph, l’intègre, fondement de l’univers (cf. Zohar I, 59b), descendit en exil en Egypte pour y devenir roi plus tard, que l’Eternel révéla à Jacob qu’il s’agissait du pays d’Egypte où les enfants d’Israël se fixèrent, crûrent, et se multiplièrent prodigieusement (Genèse 47:27). Jacob y descendit également, comme il est écrit: «Ils vinrent en Egypte, Jacob et avec lui toute sa descendance» (id. 46:6), et y restèrent deux cent dix ans.

Nos ancêtres livrèrent par conséquent une lutte amère et douloureuse contre les forces du mal, mais tout en vénérant l’Eternel. Ils finirent par chasser les klipoth qui ne pouvaient plus rien puiser en eux... Si Avraham (cf. Genèse 12:10) et Isaac (cf. id. 26:1-2) quittèrent la Terre d’Israël, ce ne fut pour Avraham que de courte durée, alors que Isaac, le «sacrifice parfait», ne foula jamais la terre d’Egypte (Béréchith Rabah 64:3). Cependant, comme ils n’avaient pu rectifier les étincelles de sainteté en Israël, Jacob et tous les enfants d’Israël durent descendre en Egypte.

Le mot Mitsraïm, Egypte, fait allusion à métsarim (passage étroit). Quiconque y descendait ressentait cette impression d’étroitesse et tombait sous l’emprise des klipoth et du mauvais penchant qui contrit l’homme et l’empêche de servir Dieu. La klipah était assoiffée (les deux premières lettres de MiTSRaïM sont TSaMé, assoiffé) de sang d’âmes. Les dernières lettres de MiTSRaïM forment le mot TSARIM car les enfants d’Israël y étaient opprimés. C’est pourquoi Jacob envoya Juda «en avant vers Joseph» (Genèse 46:28) pour fonder des Yéchivoth à Gochen (cf. Béréchith Rabah 95:3; Tan’houma Vayigach 11), faisant ainsi précéder le mal du remède. Car nous l’avons vu c’est la Torah qui est l’arme la plus puissante contre le mauvais penchant (Kidouchine 30b). Ce n’est donc pas par hasard que Joseph descendit en Egypte: c’est que sa sainteté lui permettait de préparer la voie aux enfants d’Israël et d’affaiblir les klipoth.

Il est écrit: «Hâtez-vous, montez chez mon père et dites-lui...: «Dieu m’a samani (nommé) Elohim (maître) de toute l’Egypte» (Genèse 45:9). Une question difficile se pose: Quel message Joseph veut-il transmettre à son père? Veut-il lui révéler qu’il jouit des plus grands honneurs (illusoires) en Egypte? L’auteur de Darké Moussar cite l’explication suivante de Rabbi Israël de Roujine: «Ne lis pas samani (il m’a nommé), mais cham ani (là-bas je suis). Là-bas en Egypte, je représente Elokim une divinité: j’inculque à tous les Egyptiens la foi en Dieu: seul le Saint, béni soit-Il, est Maître.»

Nous voyons ainsi combien nos ancêtres ont sapé les forces du mal pour aider les enfants d’Israël à rectifier la souillure des étincelles de sainteté que causa le péché d’Adam... Cela nous laisse conclure qu’il ne faut jamais désespérer, mais qu’il faut constamment s’attacher à l’accomplissement de quelque mitsvah, afin que Dieu nous aide dans notre lutte contre le mauvais penchant et les klipoth.

Nos Sages nous ont déjà appris que les enfants d’Israël ne se rappelèrent leur judéité qu’après avoir connu la souffrance. Avant cela, ils fréquentaient les théâtres, les cirques et autres lieux de divertissements égyptiens (Yalkout Chimoni, Chémoth 1). Les Egyptiens «conçurent de l’aversion pour les enfants d’Israël» (Exode 1:12), car ils les trouvaient partout où ils allaient. Aussi allèrent-ils se plaindre d’eux chez Pharaon... Les enfants d’Israël connurent alors la souffrance, ils se repentirent et commencèrent à accomplir un certain nombre de mitsvoth, comme à Marah par exemple (Sanhédrine 56b) et le Saint, béni soit-Il, finit par les libérer de la servitude d’Egypte en particulier grâce aux trois mitsvoth qu’ils réussirent à observer.

On peut se demander pourquoi les Egyptiens se plaignirent des Juifs à Pharaon: Ne préféraient-ils pas les voir se mêler à eux et s’inspirer de leurs coutumes? C’est qu’aussi longtemps que les Egyptiens et les forces du mal puisaient la sainteté en eux, ils se taisaient. Maintenant que s’était levée une nouvelle génération éloignée de la Torah et de la sainteté, ils ne pouvaient plus profiter d’eux et se plaignirent donc des enfants d’Israël à Pharaon.

C’est exactement ainsi qu’agit le mauvais penchant. D’abord il fait souffrir l’homme et le rend mauvais, puis se plaint de lui en Haut, et demande qu’il soit châtié pour ses péchés. «Le mauvais penchant s’attaque à l’homme dans ce monde et témoigne contre lui dans le Monde Futur» (Soucah 52b). «Il le trouble, l’irrite, s’empare de son âme et se joue de lui» (Bava Bathra 16a). Mais les plaintes des Egyptiens ont eu des conséquences positives. Tourmentés de toutes parts, les enfants d’Israël se repentirent et commencèrent à veiller sur leur conduite, en particulier sur le plan sexuel (car les Egyptiens prétendaient que les enfants d’Israël leur ressemblaient). Il en est ainsi pour tous. Comme nous l’ont enseigné nos Sages, si l’homme se voit assailli de souffrances, il doit examiner sa conduite et neutraliser ses mauvais penchants (Bérakhoth 5a).

Dans sa grande miséricorde, l’Eternel envoie des souffrances à l’homme, afin de l’éveiller de sa torpeur (Tana débé Elyahou Rabah 13). Dieu lui donne le temps de se repentir (Mekhilta, Pessikta Zouta, Bechala’h 15:6).

 

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