L’impiété et l’orgueil de Par’o – l’absence de Techouva

Lors des dix plaies, Par’o s’entête et refuse de renvoyer le peuple juif d’Egypte, ainsi qu’il est dit (Chemot 9, 7) : « Cependant, le cœur de Par’o s’obstina. » Pourtant, ses conseillers insistent auprès de lui et l’adjurent (Chemot 10, 7) : « Laisse partir ces hommes, qu’ils servent l’Éternel leur D. : ignores-tu encore que l’Égypte est ruinée ? » Par ailleurs, nous savons qu’à certains moments, c’est D. lui-même qui a endurci le cœur de Par’o, ainsi qu’il est dit : « Mais Hachem endurcit le cœur de Par’o »…

L’obstination de Par’o est surprenante, alors qu’une vérité aveuglante s’impose à lui et qu’il est conscient de la suprématie de Hachem notre D. En effet, lors de la troisième plaie (la vermine), ses conseillers avaient déjà déclaré : « Le doigt de Dieu est là ! » (8, 15). De même, lorsque l’Egypte a été frappée par la grêle, ses serviteurs l’avaient supplié : « Laisse partir ces gens, qu’ils servent Hachem leur D. etc. » (10, 7). Enfin, pendant la plaie des bêtes sauvages, il a pris peur, car même les animaux qu’il avait ‘domptés’ par sorcellerie et placés devant son palais pour le garder se sont attaqués à ses serviteurs, les dévorant (Chemot Rabba 11, 11). Il s’est alors lui-même trouvé en danger. Ainsi, il savait que sa vie était menacée et ne dépendait que de la prière bienveillante que Moché et Aharon feraient en sa faveur. Comment dans ces conditions a-t-il pu continuer à s’entêter ?

De plus, même si c’est D. Lui-même qui a endurci son cœur, Par’o peut toujours se repentir, à condition de le vouloir vraiment. En effet, nos Sages disent au sujet d’Elicha ben Avouya (‘Haguiga 15) qu’une voix céleste est sortie et a annoncé : « Revenez, enfants rebelles, sauf A’her » (Elicha est surnommé ainsi dans le Talmud, suite à son reniement de la Torah).

Ce texte est difficile à comprendre ! Hachem peut-Il empêcher quelqu’un de se repentir ? Bien sûr que non ! Mais de manière habituelle Il apporte son aide à quiconque entame un processus de techouva. La voix céleste vient annoncer ici qu’Elicha ben Abouya ne bénéficiera pas d’une telle aide. Toutefois, s’il est prêt à puiser en lui-même les forces de le faire, la voie de la techouva ne lui sera pas fermée.

Nos Sages racontent d’ailleurs (Traité Avoda Zara 17) au sujet de Rabbi Elazar ben Dourdaya qu’une voix céleste avait déclaré : « De même que ce souffle ne peut revenir à son origine, de même la techouva d’Elazar ben Dourdaya ne pourra être acceptée. Malgré tout, il ne s’est pas découragé ! Il est allé s’asseoir entre deux montagnes, a posé la tête entre ses genoux et a pleuré jusqu’à ce que son âme s’échappe. C’est alors qu’une voix céleste est sortie et a dit : « Rabbi Elazar ben Dourdaya est invité à la vie du monde à venir. » »

S’il en est ainsi, Par’o, qui était un homme très intelligent et qui avait eu la preuve de la grande force de Hachem, aurait pu soumettre son cœur de pierre ! Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? De surcroît, en tant qu’aîné et après avoir constaté que toutes les menaces proférées par Moché et Aharon sur l’ordre de D. s’étaient accomplies, il pouvait craindre d’être le premier à succomber lors de la plaie des premiers-nés !

Ce n’est pas tout : suite à la plaie de l’obscurité, il chasse Moché (et Aharon) ainsi qu’il est écrit (Chemot 10, 28) : « Sors de devant moi ! Garde-toi de reparaître à ma vue, car le jour où tu verras mon visage, tu mourras! » Cette menace semble absurde, car Moché est au-dessus de la nature, et si jusqu’à présent il n’a pas réussi à le tuer comment y parviendrait-il maintenant ?

Voici ce que nous déduisons de cette étude : Par’o sait que Hachem notre D. n’a pas d’égal, pourtant il ne parvient pas à se soumettre et à admettre la vérité. Pourquoi ? Parce qu’il est orgueilleux et qu’il s’est déifié lui-même, ainsi qu’il est dit (Chemot 7, 15) : « Va trouver Par’o le matin, comme il se dirigera vers les eaux. » (Il se faisait passer pour un dieu en faisant croire qu’il n’avait pas besoin de se soulager. Cependant, il se levait tôt le matin et allait faire ses besoins discrètement dans le Nil.) Tant qu’il ne se sera pas effacé devant D. et n’aura pas reconnu explicitement être un simple humain et non une divinité, tout retour vers le vrai D. demeure impossible pour lui. En effet, sa techouva ne dépend que de sa disposition à se soumettre, mais s’il cherche encore à fauter, cela signifie qu’il n’est toujours pas soumis à Hachem.

Nous voyons plus loin que Par’o semble enfin se repentir, puisqu’il dit « Hachem est juste et c’est moi et mon peuple qui sommes les coupables » (Chemot 9, 27). Néanmoins, cette prise de conscience n’est qu’apparente, et dans son for intérieur il ne parvient pas à transiger sur son honneur, c’est pourquoi il est capable de se mettre en danger. En effet, il se savait incapable de tuer Moché et Aharon, et c’est uniquement pour cela qu’il ne l’a pas tenté. Néanmoins, pour préserver son orgueil et son honneur face à ses serviteurs, il a adopté cette attitude insensée de résistance.

Malgré tout, il a fini par revenir à D. en faisant fi de son honneur lorsqu’il a compris qu’il n’y avait plus de raison de se mettre en danger. En voyant le prince d’Essav se noyer ainsi que toute sa propre cavalerie et son armée, il a réalisé que courir après l’honneur ne valait pas la peine. Il a saisi que poursuivre l’honneur, la jalousie, l’orgueil… était inutile, puisque tout le monde disparaissait et que lui-même était sur le point de périr. Il a alors été vidé de son énergie, n’ayant plus de sujets à dominer ou susceptibles de l’honorer, puisqu’ils s’étaient tous noyés. Rétroactivement, il comprend qu’il n’aurait pas dû tenter de résister à D. en Egypte, car c’est ce même D. qui le soumet aujourd’hui.

Par’o accède enfin à la vérité lorsqu’il dit quand la mer se fend : « Qui T’égale parmi les forts, Hachem ? » (Chemot 15, 11). Avec de la volonté, il aurait déjà pu accéder à cette vérité en Egypte, puisqu’à chaque plaie il s’était trouvé en danger de mort comme à présent par la mer. Ainsi, il ne serait pas parvenu à une situation aussi extrême.

Il faut donc comprendre que la techouva était très difficile pour lui, de même qu’annuler son statut de dieu face à ses serviteurs. C’est pourquoi il a préféré se mettre en danger (en résistant à D.) plutôt que de renoncer à cette déification. Cette crainte n’avait plus de raison d’être au moment du passage de la mer, alors qu’ils sont tous morts. Il prend alors conscience de l’immensité de son erreur et de sa bêtise.

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