Vous saurez que Je suis l’Eternel

«Moïse étendit sa main vers le Ciel, et d’épaisses ténèbres couvrirent tout le pays d’Egypte pendant trois jours» (Exode 10:22).

Le Midrach (Chémoth Rabah 14:3; Rachi ad. loc.) commente à cet effet: «Béni soit le nom du Tout Puissant, qui fait preuve d’impartialité totale et sonde les cœurs. Voyant que des pécheurs, au sein des enfants d’Israël, tiraient bénéfice de la plaie et ne voulaient en aucun cas abandonner richesses et honneurs en sortant d’Egypte, Il se dit «Si je les frappe publiquement, les Egyptiens diront: «ils ont subi le même sort que nous.» C’est pourquoi Il plongea l’Egypte dans les ténèbres pendant trois jours. Les enfants d’Israël purent ainsi enterrer leurs morts sans être vus par leurs ennemis, et louer l’Eternel.» C’est durant ces trois jours que moururent les quatre cinquièmes des enfants d’Israël.

La plaie des ténèbres visait donc essentiellement à châtier les enfants d’Israël qui ne voulaient pas sortir d’Egypte. Elle leur permit également de voir où les Egyptiens cachaient leurs trésors (Chémoth Rabah 14:3; Tan’houma, Bo 3; Rachi ad. loc.), afin que ces derniers ne puissent rien dissimuler lorsque les enfants d’Israël allaient leur demander. Elle visait enfin au repentir des enfants d’Israël qui avaient assisté à la mort de leurs frères mécréants... La plaie ne visait donc pas Pharaon et l’Egypte, comme nous l’avons déjà vu (Le Ba’al Hatourim écrit cependant que c’est la plaie des premiers-nés qui n’a pas été mentionnée dans Exode 10:1, parce que le verset: «Or tu n’as pas obéi jusqu’à présent» (Exode 7:16) y fait déjà allusion).

D’autres questions restent cependant en suspens:

1) Comment peut-on concevoir que les enfants d’Israël, asservis à de durs labeurs, aient pu continuer à avoir confiance aux Egyptiens à la bouche mielleuse (péh rakh), jusqu’à souhaiter prolonger leur séjour chez eux? Ne craignaient-ils pas une vengeance de leur part, car c’est bien à cause d’eux que l’Egypte avait cessé d’être une puissance mondiale?

2) N’était-ce pas un précepte divin de sortir d’Egypte pour recevoir la Torah et monter en Terre Sainte? Comment certains des enfants d’Israël, qui avaient par ailleurs assisté à tant de miracles accomplis en leur faveur par l’Eternel, qui ont vu Sa force redoutable et Sa main puissante, osèrent-ils enfreindre une telle mitsvah?

3) Les enfants d’Israël semblent se contredire: au début, ils ont supplié Dieu de les libérer de l’asservissement. «Les enfants d’Israël gémirent du sein de <%-2>l’esclavage et se lamentèrent: leur plainte monta vers Dieu du sein de l’esclavage»<%0> (Exode 2:23). On égorgeait leurs bébés pour que Pharaon se baigne dans leur sang (Chémoth Rabah, 1:34). Mais après toutes ces souffrances, alors que Dieu leur envoyait Son secours en la personne de Moïse, après avoir entendu leurs plaintes, comment peut-on concevoir qu’en dépit de toute leur reconnaissance, il y ait eu encore parmi eux des volontaires pour rester sur la terre d’esclavage? Rappelons-nous le verset: «Et le peuple eut foi; ils comprirent que l’Eternel s’était souvenu des enfants d’Israël, qu’Il avait considéré leur misère, et ils courbèrent la tête et se prosternèrent» (Exode 4:31).

4) Après avoir vu que les Egyptiens restaient figés sur place lors de la plaie des ténèbres (Chémoth Rabah 14:3) alors qu’«il y avait de la lumière dans les lieux où ils habitaient» (Exode 10:23) et qu’ils ont vu les quatre cinquièmes de leurs frères mourir devant eux, comment les enfants d’Israël n’éprouvèrent-ils pas immédiatement l’envie de faire téchouvah? Voulaient-ils franchir la cinquantième porte de l’impureté?

5) Le Midrach relate: Rabbi Yossi dit que la plaie des sauterelles donna de gros espoirs aux Egyptiens qui se dirent: «Remplissons-en des pots et des fûts.» «Mécréants, leur dit le Saint, béni soit-Il, la plaie que Je vous inflige vous satisfait-elle?» «Aussi, l’Eternel fit-il tourner le vent, qui souffla de l’ouest avec une grande violence, emporta les sauterelles, et les noya dans la Mer des Joncs: il ne resta plus une seule sauterelle sur tout le territoire d’Egypte» (Exode 10:19). Même celles qu’ils avaient salées disparurent (Chémoth Rabah 13:6). Comment peut-on concevoir, note l’auteur de Na’halath Eliézer que les Egyptiens, qui subissaient la huitième plaie, n’aient pas compris que les sauterelles n’étaient pour eux qu’un mal. Pareille erreur était-elle possible? D’autre part, sachant que les Egyptiens se destinaient à saler les sauterelles et à s’en enrichir, pourquoi Dieu leur a-t-Il infligé cette plaie?

6) Avant la plaie des sauterelles, Pharaon avait dit à Moïse et Aharon: «Que l’Eternel soit avec vous, puisque je compte vous laisser partir avec vos enfants! Prenez garde, car le malheur est devant vous!» (Exode 10:10) Pharaon était-il prophète pour tenir de tels propos à Moïse et Aharon et pourquoi Moïse s’est-il tu? Etait-il d’accord avec Pharaon sur ses précisions? Autre question: Pourquoi dit-il cela précisément avant la plaie des sauterelles? Avons-nous remarqué une quelconque conséquence mauvaise que les enfants d’Israël aient eu à subir à la suite de ces paroles?

7) Pourquoi, contrairement à toutes les lois de la guerre en vigueur chez les nations, les Egyptiens poursuivirent-ils avec tous leurs biens les enfants d’Israël à tel point que le butin de la Mer Rouge allait être plus grand que celui d’Egypte (cf. Bamidbar Rabah 13:19, Tan’houma Bo, 8)?

C’est que nous devons nous rappeler, à tout instant de notre vie, les miracles accomplis par l’Eternel en notre faveur. «Vous saurez que c’est Moi, l’Eternel, votre Dieu, qui vous ai soustraits aux tribulations de l’Egypte» (Exode 6:7). En effet, vu toutes les difficultés qu’il endure, l’homme est susceptible d’oublier son rôle et son but dans ce monde. Il peut même oublier son Créateur. S’il prospère dans ses entreprises, il peut faire preuve d’ingratitude en disant: «C’est ma propre force, c’est le pouvoir de mon bras qui m’a valu cette richesse» (Deutéronome 8:17). Il ne reconnaîtra même plus que tout vient de Dieu.

Car cette prise de conscience que tout vient de Dieu, n’est pas intrinsèque à l’homme... Dieu n’a certainement pas créé l’homme pour qu’il se gave des «délices» de ce monde. L’homme a été créé pour reconnaître, louer et servir Dieu. Ainsi avant de prier pour que son corps soit totalement imprégné de Torah, l’homme doit prier pour que ces «délices» ne l’envahissent pas (Tana débéElyahou Rabah; Tossefoth Kéthouvoth 104a; lo néhénéti).

La Torah rappelle constamment à l’homme la sortie d’Egypte pour développer en lui la vertu de reconnaissance, afin qu’il n’agisse pas comme les enfants d’Israël, qui, après avoir supplié Dieu de les libérer du joug de l’esclavage, refusèrent en fin de compte de quitter le pays où ils avaient amassé tant de richesses. Ils n’étaient pas suffisamment conscients du fait que c’est l’Eternel qui est leur Rédempteur, et que tous leurs biens proviennent exclusivement de Lui.

Dieu tenait à enrichir les enfants d’Israël, afin qu’ils prennent conscience du fait que tout vient de Lui, et qu’ils Le servent dans la prospérité. C’est ce que Moïse dit à Pharaon: «...car nous devons en prendre pour servir l’Eternel, notre Dieu; or, nous ne saurons de quoi Lui faire hommage que lorsque nous serons arrivés» (Exode 10:26). La fin de toute richesse est de servir l’Eternel et nous ne devons rien prendre pour nous-mêmes, car nous ignorons comment nous pourrons parfaire le service divin. Peut-être Dieu nous «en demandera-t-Il plus que nous n’en avons» (Rachi, ad. loc.).

La phrase: «Et vous saurez que c’est Moi, l’Eternel» (Exode 6:7; 10:2, etc...) revient constamment pour rappeler aux enfants d’Israël qui se sont enrichis à chacune des plaies d’Egypte (Yalkhout Chimoni, Vaéra 182) que tout provient de Dieu et qu’ils doivent constamment Lui manifester leur gratitude. Chacune des plaies devait provoquer un éveil supplémentaire et leur faire prendre conscience de Sa puissance illimitée. Si Dieu n’a pas tué les Egyptiens d’un seul coup, mais leur a infligé dix plaies successives, c’est pour amener les enfants d’Israël à un niveau de croyance supérieur et à une sérieuse prise de conscience qui les prépareraient à recevoir la Torah.

Mais tous ces prodiges apparurent à bon nombre d’entre eux comme une recette de lucre et ils préférèrent rester en Egypte, aveuglés par leurs réussites mercantiles, plutôt que de se conformer à la volonté divine.

Si les Egyptiens étaient revenus sur le bon chemin, la plaie des sauterelles aurait été une bénédiction pour eux, et ils auraient pu vivre de cette «plaie» de nombreuses années. Ils auraient reconnu l’Eternel, alors qu’ils étaient tellement éloignés de Lui. Dieu attendit leur téchouvah, mais quand elle ne vint pas «l’Eternel fit tourner le vent qui souffla de l’ouest avec une grande violence» (Exode 10:19).

Les enfants d’Israël auraient dû tirer de cette plaie l’enseignement que tout ne vise que le bien et que tout mal a son remède. La plaie des sauterelles aurait pu être source de revenus. Elle était destinée à leur faire reconnaître le Nom sublime de Dieu aux enfants d’Israël. L’Eternel dissipa la joie des Egyptiens et endurcit leur cœur, parce qu’ils refusaient de reconnaître Sa puissance. Il fit disparaître aussi bien les sauterelles vivantes que les sauterelles mises au sel, celles dont Pharaon n’aurait pas voulu se débarrasser (cf. Kéli Yakar; Exode 10:17). De la même façon, toutes les richesses des enfants d’Israël risquaient de fondre s’ils ne faisaient pas téchouvah. S’ils souhaitaient, contrairement à la volonté divine, rester en Egypte, c’est que toutes leurs richesses avaient été acquises dans l’illégalité, et qu’ils ne les méritaient pas autant que leurs premiers propriétaires. Ainsi, au lieu de louer l’Eternel et de Lui exprimer leur reconnaissance, certains des enfants d’Israël furent aveuglés par leurs acquisitions. Au lieu de s’émerveiller devant les nombreux miracles accomplis par Dieu en leur faveur, ils les considéraient comme des événements naturels auxquels ils s’étaient déjà habitués.

 

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