Car l’argent aveugle les Sages

Les gens s’enrichissent constamment, et au lieu de s’élever spirituellement, au lieu de glorifier le Nom de Dieu au moyen de leurs richesses, ils prétendent que c’est la force et la puissance de leurs mains qui les leur ont fait acquérir. C’est parce qu’ils ne sont pas encore arrivés à reconnaître que c’est «Moi, l’Eternel, votre Dieu...» (Exode 6:7).

C’est la faute que commirent les enfants d’Israël en Egypte: Pourquoi quitter ce pays? Avec qui feraient-ils leurs affaires, qui ne faisaient que prospérer? Ils ne comprenaient pas encore que toute leur richesse n’existait que pour servir Dieu. Nos Sages enseignent que lorsque Pharaon «laissa aller le Peuple» (Exode 13:17), il se dit: «Mon peuple a reçu des coups terribles; des enfants ont été tués, et voilà que les siens sortent Vay! Vay! Havay! Malheur à moi!» (Chémoth Rabah 20:1-2). Si une partie des enfants d’Israël étaient restés en Egypte, Pharaon et son peuple se seraient cruellement vengés d’eux, se seraient emparés de toutes leurs richesses, et les auraient de nouveau asservis.

Mais, faisant preuve de bonté et longanimité, l’Eternel ne leur infligea la plaie des premiers-nés d’Egypte et celle des ténèbres que longtemps après. Il attendait que, voyant Sa main puissante, les pécheurs d’Israël se repentent et reviennent vers Lui (Mékhilta, Béchala’h 15:6; Pessikta Zouta, id.). Et même quand commença la plaie des ténèbres, Il ne les tua pas tout de suite. Il leur fit voir la lumière là où ils habitaient, espérant que ce miracle prodigieux les ferait réfléchir et revenir vers Lui. Mais cette partie des enfants d’Israël ne se réveillèrent pas et restèrent plongés dans leurs ténèbres.

Le terme BémoCHEVOTam fait allusion à TéCHOuVah. Le Saint, béni soit-Il, espérait que la lumière de la Torah qu’ils étaient appelés à recevoir, les ferait revenir sur le bon chemin (cf. Yérouchalmi, ‘Haguigah, 1:17). Cependant les enfants d’Israël s’enfermaient dans leur aveuglement et continuèrent à chercher partout, dans tous les coins où les Egyptiens cachaient leur argent et leur or (Chémoth Rabah 14:3; Bo 3). Mais les Juifs intègres le firent pour se conformer à la volonté divine (cf. Exode 11:2), afin de ne pas se laisser duper par les Egyptiens, alors que les autres ne cherchaient qu’à s’enrichir et à rester en Egypte avec leurs biens. C’est pourquoi ils périrent au cours des trois jours de ténèbres.

Nous comprenons maintenant pourquoi l’Eternel endurcit le cœur de Pharaon et lui supprima l’exercice du libre arbitre. De toutes manières, dans son for intérieur, le tyran égyptien refusait de libérer de l’esclavage les enfants d’Israël... Son orgueil lui fit perdre toute raison: le Midrach (Chémoth Rabah 9:7; Tan’houma, Vaéra 9) rapporte que tout en prenant enfin conscience du fait que l’Eternel est le maître absolu du monde, Pharaon continuait à se conduire comme un dieu... Aussi, même après qu’il eut fait partir le peuple, Dieu endurcit son cœur et l’incita à poursuivre les enfants d’Israël. Ce n’est que dans la mer qu’il finit par céder et proclamer avec toutes les nations du monde: «Qui est comme Toi parmi les dieux, ô Eternel» (Yalkout Chimoni, Béchala’h 250).

A ce stade, nous pouvons aussi comprendre les propos de Pharaon à Moïse et Aharon: «Prenez garde, car le malheur (ra’ah) est devant vous!» (Exode 10:10). Comment le savait-il? Et de quel malheur s’agit-il? Pourquoi Moïse ne réagit-il pas? Ce malheur, dont parle Pharaon, c’est la cupidité avec tout ce qu’elle entraîne (remarquons à cet effet la similitude des valeurs numériques respectives de ki ra’ah (plus 2 pour les deux mots) et kessef oumamon). Car l’argent et l’or assaillent l’homme de doutes qui perturbent considérablement son service divin: l’argent auquel on pense constamment se trouve en fait «devant nous» (cf. Exode 10:10).

C’est ce que comprit Pharaon: malgré tous les miracles auxquels ils avaient assisté, les enfants d’Israël n’étaient pas arrivés à la reconnaissance de Dieu, aveuglés par les possessions, ils n’arrivaient pas encore à comprendre que tout provient exclusivement de Dieu, et qu’Il ne veut que leur bien.

Ainsi Pharaon dit à Moïse et Aharon: «Réou (voyez) que le malheur, Ra’ah...». Les lettres de RéOu sont les mêmes que OR, la lumière. Même dans les ténèbres, certains des enfants d’Israël n’ont pas vu le OR, la lumière, et n’ont pas fait téchouvah. Ils n’étaient attirés que par l’argent: Ra’ah. Et c’est la raison pour laquelle Pharaon leur dit: «Que les hommes uniquement aillent servir Dieu...», seulement ceux qui veulent vraiment sortir et qu’ils laissent ici les autres.

Pharaon (qui était d’une grande intelligence) tint ces propos à Moïse et Aharon: «Pourquoi obligez-vous les enfants d’Israël à sortir d’Egypte? Pourquoi m’infligez-vous des plaies aussi terribles? Le peuple ne peut se concentrer dans l’étude de la Torah quand il ne pense qu’à l’argent... Le Roi Salomon demandait à Dieu: «Ne me donne ni pauvreté, ni richesse, accorde-moi le pain qui m’est nécessaire» (Proverbes 30:8). Quand c’est la cupidité qui prédomine, la voix de Jacob ne peut se faire entendre, et ce sont les mains d’Esaü qui ont le dessus (Béréchith Rabah 65:16; Zohar I, 171; II, 58b): «Pourquoi ne régnerai-je pas sur vous d’une main puissante?»

Le silence de Moïse irrita beaucoup Pharaon «et on les chassa de devant Pharaon» (Exode 10:11). Pour Rachi (id.) la phrase est équivoque: le verset ne stipule pas qui les a chassés. A notre humble avis cependant, c’est Pharaon qui chassa Moïse, car il refusait de lui expliquer pourquoi on obligeait les enfants d’Israël à sortir d’Egypte contre leur gré... Il leur prédisait même la mort lors de la plaie des ténèbres et le salut d’une faible partie d’entre eux seulement, ce qui ne valait pas la peine.

La perspicacité de Pharaon nous enseigne que lorsque les Juifs s’écartent des chemins de la rectitude, Dieu révèle leurs secrets aux nations: Il leur révèle le châtiment qu’Il se prépare à infliger à Ses enfants. Les nations tournent alors en dérision les enfants d’Israël, et le Nom de l’Eternel se trouve ainsi profané, à Dieu ne plaise.

Par sa malédiction, Pharaon a ainsi réussi à introduire ce concept de «c’est pour le malheur qu’il les a fait sortir» (id. 32:12): chaque fois que les enfants d’Israël négligent l’étude de la Torah, Dieu se venge d’eux aux yeux de toutes les nations.

Aussi, afin que les nations du monde ne puissent prétendre que c’est la malédiction de Pharaon qui a causé la mort des enfants d’Israël, Moïse adressa-t-il une prière à l’Eternel après le péché du veau d’or: «Reviens de Ton irritation» (id.), Le supplia-t-il. C’est ce qu’il fit également après la faute des explorateurs: «Maintenant, que la puissance du Seigneur se déploie... L’Eternel est plein de longanimité... Pardonne l’iniquité de ce peuple...» (Nombre 14:17-19).

Ainsi, nous devons nous rappeler chaque jour la sortie d’Egypte pour corriger nos défauts et nous attacher à Dieu; nous devons nous rappeler l’accusation de Pharaon contre les enfants d’Israël qui, attirés par les richesses, refusèrent de sortir d’Egypte et de reconnaître le Saint, béni soit-Il. Aveuglés par les biens qu’ils avaient accumulés, ils préférèrent rester dans le pays de l’impureté et de l’immoralité (Chémoth Rabah 1:22); ils furent incapables de percevoir la lumière de la Torah... Car, nous l’avons vu, l’argent perturbe le culte divin. Commentant le verset du prophète (Osée 2:10):

«C’est moi qui lui prodiguais cet argent et cet or dont on se servait en l’honneur de Ba’al», le Talmud explique que la profusion des richesses est susceptible de conduire au péché du veau d’or (Bérakhoth 32a). Cependant, chaque fois que les enfants d’Israël tombent dans la cupidité, et que l’accusation de Pharaon se fait entendre, l’âme, l’étincelle sainte de Moché Rabénou, qui se trouve en toute génération, adresse une prière à l’Eternel pour annuler les accusations de Pharaon. C’est en se rappelant tous les jours les miracles de la sortie d’Egypte qu’on en vient à la reconnaissance de Dieu et de Ses bienfaits et qu’on peut annuler les décrets de Pharaon.

Nous pouvons maintenant comprendre pourquoi Pharaon poursuivit les enfants d’Israël avec toutes ses richesses: c’est qu’il savait combien ils étaient attirés par les biens matériels, et il voyait en cela un moyen de les ramener en Egypte.

Ce en quoi il se trompait, car ceux qu’intéressaient les biens de ce monde avaient péri au cours des trois jours de la plaie des ténèbres, et seuls sortirent d’Egypte ceux qui ’hamouchim ‘alou, le cinquième qui réussit à sortir d’Egypte, sonéi hamamon, haïssaient les biens; (remarquons la similitude des valeurs numériques de ces deux expressions).

Ceux qui ont acquis la connaissance de Dieu, qui ont pris conscience de «Sachez, que Je suis l’Eternel», sont sortis d’Egypte pour une liberté éternelle.

 

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