L’étude de la Torah prime

Nos Sages ont enseigné que les enfants d’Israël ont été libérés d’Egypte parce qu’ils n’avaient changé ni de langue, ni de nom, ni de costume (Vayikra Rabah, 32:5, Pirké deRabbi Eliézer 48). A y regarder de plus près, on voit que ces trois concepts constituent la base du Judaïsme et de l’accomplissement des préceptes divins... Les Juifs ont toujours pris soin de «ne pas imiter les rites des nations» (Exode 23:24) et de «ne pas adopter leurs lois» (Lévitique 20:23). Et de nos jours, on a pu constater que l’assimilation des Juifs est due essentiellement à la perte de leur identité. Aussi la Torah nous prescrit-elle d’exterminer les peuples habitant en Israël et de briser leurs statues, qui seraient pour nous un écueil (cf. Exode 23:33).

Comment peut-on concevoir que les enfants d’Israël qui n’étaient même pas circoncis, qui ont failli franchir la cinquantième porte de l’impureté, que l’Eternel a forcés à sortir d’Egypte (cf. id. 12:39), que ces enfants d’Israël aient observé les fondements du Judaïsme qui conduisent l’homme à ne pas souiller le signe de l’Alliance Sainte? Comment d’autre part ont-ils régressé à un point tel que l’Eternel dut «veiller sur eux» la nuit de leur délivrance (cf. id. 12:42). Pourquoi les mitsvoth qu’ils avaient accomplies ne les ont-elles pas sauvés? Nos Sages nous ont enseigné que seule la tribu de Lévi ne fut pas asservie en Egypte (Chémoth Rabah 5:20). Est-ce un miracle? Pourtant, Dieu avait dit à Avraham: «Sache-le bien, ta postérité séjournera sur une terre étrangère où elle sera asservie et opprimée...» (Genèse 15:13) sans distinction, et les Lévites en faisaient partie. D’autre part, Pharaon avait décrété de «jeter dans le fleuve tout garçon qui naîtra» (Exode 1:22). Cela concernait donc tous les enfants d’Israël, y compris la tribu de Lévi. A preuve: Amram, le chef de la tribu de Lévi, père de Moïse, avait divorcé de sa femme pour qu’elle n’engendre pas d’enfants susceptibles d’être victimes de la sentence de Pharaon. Sa fille Miriam lui avait dit alors: «Ta sentence est plus rigoureuse que celle de Pharaon. Alors que le Roi d’Egypte a décrété l’extermination des garçons, tu décrètes toi, celle des filles également» (Sotah 12a). Amram reprit donc sa femme. Enfin, à sa naissance, Moïse fut placé dans un berceau de jonc parce que sa mère ne «pouvait plus le cacher» (Exode 2:3). Elle craignait les Egyptiens, explique le Midrach (id.). Ainsi le décret de Pharaon de tuer les enfants mâles s’appliquait aussi à la tribu de Lévi. Pourquoi donc les Egyptiens n’asservirent-ils pas la tribu de Lévi comme les autres tribus?

Avant de descendre en Egypte, Jacob envoya Juda en avant, vers Joseph, pour qu’il lui préparât (léhoroth) l’entrée de Gochen (Genèse 46:28). S’appuyant sur nos Sages (Béréchith Rabah 95:3; Tan’houmah, Vayigach 11), Rachi explique qu’il lui avait donné ordre de fonder des établissements d’enseignement (horaah) religieux. Un certain nombre d’éclaircissements sont nécessaires ici:

1) Jacob savait que l’exil commençait dès la descente en Egypte. Pourquoi donc a-t-il envoyé Juda? La descente en Egypte ne visait pas l’étude de la Torah, mais l’asservissement. Les Egyptiens ne pouvaient laisser aux enfants d’Israël le temps d’étudier.

2) Pourquoi Jacob n’a-t-il pas fondé lui-même ces Yéchivoth au lieu d’en charger Juda? Etait-il difficile pour notre patriarche de trouver un endroit chez lui ou autre part en Egypte dans ce but? Son fils Joseph qui y régnait en maître absolu ne pouvait-il lui trouver un lieu d’étude et de prière dès son arrivée en Egypte.

C’est que Jacob savait que ses descendants seraient esclaves en Egypte, mais il désirait faire précéder la plaie du remède. Avant même la descente des enfants d’Israël en Egypte, il voulait y fonder des Yéchivoth: chaque minute d’étude de la Torah peut-elle être sacrifiée? Et même le temps passé à la recherche d’un endroit propice à la diffusion de la Torah peut être réservé à l’étude de la Torah. Jacob savait que seule l’étude de la Torah préserverait les enfants d’Israël de la servitude de l’exil (Zohar III, 270a). La Guémara (Nédarim 32a) pose à cet effet la question: «Pourquoi notre patriarche Avraham fut-il puni, et les enfants d’Israël asservis pendant deux cent dix ans en Egypte, comme il est écrit. «Avram arma ses fidèles, (’hanikhav) enfants de sa maison» (Genèse 14:14). Parce qu’il fit guerroyer ceux qu’il avait éduqués pour l’étude de la Torah. Si Avram les mena en guerre, c’était pour libérer des prisonniers et donc pour une grande mitsvah, mais il aurait dû en engager d’autres à leur place. Et Dieu aurait certainement accompli un miracle en sa faveur, et lui aurait fait gagner la bataille pour avoir préservé l’étude de la Torah. Notre patriarche fut donc puni pour avoir détourné de leur étude ses disciples de la Yéchivah.

Jacob estima donc que l’étude de la Torah supprimerait la sentence rigoureuse de l’esclavage; il espérait que ses enfants ne seraient pas torturés dans un pays étranger jusqu’à ce que passe le temps fixé pour l’exil, grâce à la Torah qui préserve ceux qui l’étudient (cf. Sotah 21a). C’est pourquoi il envoya en toute hâte Juda fonder en Egypte des établissements d’enseignement religieux.

Nous pouvons maintenant comprendre pourquoi la tribu de Lévi ne fut pas soumise à la servitude: ils avaient continué à étudier intensément la Torah, qui sauve l’homme de tout mal (cf. Kidouchin 81a) et de l’exil. La Michnah (Pirké Avoth 3:5) enseigne d’autre part: «Celui qui porte le joug de la Torah, sera délivré du joug des exigences politiques et sociales.» Il se peut que les autres enfants d’Israël aient également étudié la Torah en Egypte. Autrement, comment seraient-ils arrivés au degré de conserver leur langue, leur nom, et leur habillement. Cependant, certains arrivèrent au quarante-neuvième degré d’impureté parce que leur étude fut moins intensive que celle des membres de la tribu de Lévi.

Nous apprenons ainsi qu’on a beau accéder aux niveaux spirituels les plus élevés, on peut chuter sans même s’en rendre compte et se plaindre de son châtiment auprès de Dieu. C’est cependant la force du mauvais penchant, qui fait tomber l’homme dans le piège au moment où il cesse d’étudier la Torah (Kidouchine 30b) et qui croit toujours se trouver au même degré avant sa chute.

Les enfants d’Israël furent asservis en Egypte parce qu’Avraham avait mobilisé ses élèves. Mais, voulant rectifier cette erreur, Jacob envoya Juda fonder des établissements d’enseignement toranique. Contrairement aux autres tribus, la tribu de Lévi, qui poursuivit en terre d’Egypte l’étude de la Torah, ne fut pas soumise à la servitude, même après la mort de Jacob.

Les enfants d’Israël n’ont pas interrompu l’étude de la Torah d’un seul coup, mais graduellement. Ils finirent par tomber dans les filets tendus par le mauvais penchant, et se soumettre aux dures servitudes de l’esclavage... tout en veillant aux trois fondements de la Torah (Pirké deRabbi Eliézer 48). Ils se rendaient compte qu’ils étaient esclaves parce qu’ils avaient totalement cessé d’étudier la Torah... et se confortèrent malgré tout dans leur erreur: ayant réussi à triompher du mauvais penchant et à observer les bases du Judaïsme, pourquoi n’ont-ils pas, à l’instar de la tribu de Lévi, cherché à s’élever davantage dans leur service divin au lieu de régresser?... En effet, il ne suffit pas de veiller à la pureté de la famille, à la cacherouth de sa nourriture, à la dévotion dans ses prières: l’étude assidue de la Torah est primordiale avant tout. Comme l’enseigne le Talmud: «Tous les malheurs de l’homme viennent du fait qu’il n’étudie pas la Torah» (Bérakhoth 5a). Et même s’il s’en rend compte, il continue malgré tout à ne pas étudier et le péché est alors trop lourd à porter.

L’homme doit donc vaincre toutes ses passions pour s’engager dans l’étude de la Torah, seule capable de le préserver du mauvais penchant et de le sauver du joug des nations (Kéthouvoth 66b)... Si les enfants d’Israël en sont arrivés au quarante-neuvième degré d’impureté, à adorer des idoles en Egypte, c’est parce qu’ils ont négligé l’étude de la Torah, qui n’était pas pour eux d’une importance primordiale (Chémoth Rabah 16:2), ressemblant ainsi à ceux qui les asservissaient (Zohar II, 170b; Cho’her Tov 15:5).

 

Article précédent
Table de matière
Article suivant

 

Hevrat Pinto • 32, rue du Plateau 75019 Paris - FRANCE • Tél. : +331 42 08 25 40 • Fax : +331 42 06 00 33 • © 2015 • Webmaster : Hanania Soussan