La mer vit et recula... par le mérite de Joseph

Commentant le verset «la mer vit et s’enfuit» (Psaumes 114:3), les Sages expliquent que ce que la mer vit, c’était le cercueil de Joseph. Le Saint, béni soit-Il, dit: «Que la mer s’enfuie devant celui qui abandonna son vêtement dans sa main, s’enfuit et s’élança dehors» (Genèse 39:12) (Téhilim Rabah, id.).

Traitant du même sujet, un autre Midrach (Midrach Péliah I, 52) explique que la mer s’enfuit en voyant la béraïta des treize attributs de Rabbi Ichmaël, comme enseigne la Guémara: «Rabbi Ichmaël dit: Voici les treize principes d’interprétation de la Torah, le raisonnement à fortiori, la décision déduite par comparaison de deux contextes, etc...» (Sanhédrine 86a; ’Houline 63a).

1) Ces deux Midrachim semblent se contredire.

2) Quel rapport y-a-t-il entre Joseph et la division de la Mer Rouge, et quel rapport y-a-t-il entre la béraïta de Rabbi Ichmaël et la division de la Mer Rouge?

Voici ce qu’écrit à cet effet Rabbi ‘Haïm Chmoulévitch dans son ouvrage Si’hoth Moussar: «l’abstention même de Joseph de commettre le péché, lui valut une grande récompense», comme l’écrivent nos Sages (Béréchith Rabah 90:3): «La bouche qui n’a pas commis d’acte malveillant lo nachak [n’a pas embrassé la femme de Poutiphar], le peuple d’Egypte l’embrassera», comme il est écrit: «tout mon peuple sera nourri (littéralement: embrassé) par ta parole véal pikha ICHAK kol ‘ami» (Genèse 41:40). Le corps qui n’a pas touché celui de la femme de Poutiphar, sera «habillé de vêtements de lin» (id. 42). Sur le cou qui ne s’est pas penché pour commettre le péché, Pharaon plaça un collier d’or (id.). Sur la main qui s’est abstenue de fauter, «il mit un anneau» (id.). Les pieds qui refusèrent de pécher, Pharaon les fit «monter sur son char...» (id. 43). L’esprit qui ne pensa pas au péché, «on cria devant lui Avrekh (id.), sage malgré son jeune âge.»

Nous apprenons de cet enseignement que, lorsqu’on s’abstient de commettre un péché, chacun des membres de son corps qui n’en a pas volontairement joui est récompensé. On en touche l’intérêt dans ce monde et le capital est réservé pour le monde futur. Cette maîtrise épargne ses enfants et tous les enfants d’Israël de leurs ennemis, et les préserve de toutes les sentences rigoureuses...

La mer vit donc le cercueil de celui qui fuit le péché... et recula. Les enfants d’Israël pouvaient ainsi par la suite pénétrer en toute sécurité dans la mer, par le mérite de Joseph qui recula devant le péché.

Nous comprenons à ce stade pourquoi Joseph ne demanda pas à ses frères de porter ses ossements en terre de Canaan immédiatement après sa mort, comme le lui avait demandé notre patriarche Jacob. Joseph adjura les fils d’Israël en disant: «Le Seigneur se souviendra de vous, et vous ferez monter mes ossements hors d’ici avec vous» (Genèse 50:25), c’est-à-dire quand vous monterez en Erets Israël... Commentant le verset: «les muscles de son bras sont restés fermes» (Genèse 49:24), le Midrach (Sotah 36b) explique que la semence lui coulait d’entre les doigts. Joseph préféra les pires souffrances et l’emprisonnement au péché.

Joseph savait qu’à leur sortie d’Egypte, les enfants d’Israël seraient poursuivis par les Egyptiens, et ne pourraient fuir nulle part, car la mer se trouvait devant eux et leur ennemi derrière (Chémoth Rabah 21:8). Sa fuite devant le mauvais penchant engendra le retrait de la mer, et les enfants d’Israël la traversèrent à pied sec.

Nous voyons ici que le mérite des Tsadikim est plus grand après leur mort que pendant leur vie (’Houline 7b). La mer ne se fendit ni devant Moïse, ni devant Aharon, ni devant toute la tribu de Lévi qui n’était pas asservie en Egypte et était constituée de grands Tsadikim qui étudiaient la Torah, mais elle se fendit devant les ossements de Joseph qui ne succomba pas au péché (Cho’her Tov 114:13).

Un certain nombre de questions se posent malgré tout:

1) Si la mer se fendit par le mérite du cercueil de Joseph, pourquoi l’Eternel dit-Il à Moïse: «Lève ta verge, étends ta main sur la mer, et fends-la» (Exode 14:16)?

2) Pourquoi l’Eternel arrêta-t-Il Moïse pendant sa prière sur la Mer Rouge? Les enfants d’Israël étaient exposés à un danger certain, et le fait de traverser la mer, comme l’ordonna Dieu, représentait un réel danger. Or il est interdit de se mettre en danger à priori; de plus, qui d’autre pouvait prier pour eux?

3) Que la mer fût fendue par le mérite du cercueil de Joseph ou par la verge que leva Moïse, pourquoi Na’hchon, fils d’Aminadav, dut-il se dévouer (et se sacrifier au péril de sa vie) et sauter le premier dans la mer? La Torah n’interdit-elle pas de défier le danger (Chabath 32a) sans l’ordonnance de Dieu?

En fait, la mer devait se fendre par le mérite du cercueil de Joseph, mais l’ange de la mer demanda: «Pourquoi me fendrai-je devant ceux qui, tout comme les Egyptiens, adorent des idoles (Chémoth Rabah 21:7; Ta’anith 15:5) et sont sur le point de franchir le seuil de la cinquantième porte de l’impureté?» (Zohar ‘Hadach, Yithro 39a). L’Eternel répondit cependant: «Ce n’est pas vrai! Contrairement aux Egyptiens, les enfants d’Israël se sont repentis devant Moi!»

C’est ainsi que Dieu parla à Moïse: «Il ne suffit pas que toi, Moché pries et te repentes, demande aux enfants d’Israël de «voyager» et d’avancer: de se réveiller, d’abandonner tout péché, de faire téchouvah, et la mer se fendra pour eux, et les laissera passer...» Ce que l’ange de la mer ignorait, c’est qu’ils se corrigeaient de leur impureté, ils étaient au milieu de la supputation du ’Omer, fuyant le mal comme Joseph et sortant des quarante-neuf degrés d’impureté petit à petit: leur téchouvah était intérieure, et seul le Saint, béni soit-Il, sonde le cœur et les reins.

Nous pouvons maintenant comprendre le lien entre le cercueil de Joseph et Na’hchon, fils d’Aminadav: Fortement inspiré par l’abnégation de Joseph le Tsadik, et par le repentir des enfants d’Israël, le chef de la tribu de Judah s’élança courageusement dans la mer pour sanctifier, comme Joseph, le nom de Dieu... On peut dire que son dévouement était plus grand que celui de Moïse, qui ne fit que frapper la mer de sa verge.

Nous avons là encore une fois la preuve de la grandeur des enfants d’Israël: la présence même du cercueil de Joseph les incita à l’imiter et à s’éloigner au maximum du péché. Sur le point de sortir d’Egypte, ils se préparaient à recevoir la Torah et à s’y dévouer... Ils comptaient cependant sur la prière de Moïse. Mais quand ils se rendirent compte qu’elle n’était pas exaucée, ils commencèrent à crier vers l’Eternel, à Lui adresser leurs prières... Leur repentir et la consolidation de leur foi leur firent prendre conscience du cercueil de Joseph et de tout ce qu’il avait fait, ce qui les incita à leur tour à sauter dans la mer. «La mer vit et s’enfuit.» Joseph était extrêmement vertueux; aussi le mérite des autres lui est-il attribué (cf. Pirké Avoth 5:21).

Néanmoins, les enfants d’Israël n’accédèrent à ce niveau qu’avec l’aide de Dieu... Que vit la mer? La béraïta de Rabbi Ichmaël contient le raisonnement à fortiori. La mer tint, si on peut dire, le raisonnement suivant: si, dans l’avenir, le Jourdain doit se fendre devant Yéhochoua’ ben Noune, serviteur de Moïse, comme il est écrit: «Aussitôt que les prêtres portant l’arche de l’Eternel... poseront la plante de leur pied dans les eaux du Jourdain, les eaux du fleuve s’arrêteront net, et resteront droites comme un mur» (Josué 3:13)  à plus forte raison la Mer Rouge se fendra devant Moïse, notre Maître  par l’assistance exclusive de Dieu.

Les treize principes d’interprétation de la Torah correspondent en outre aux treize attributs de miséricorde (Exode 34:6-7). Ensemble ils forment 26, la valeur numérique du Nom de Dieu. Ce n’est, comme nous l’avons dit, que grâce à Lui, que la mer fut fendue. Rappelons que Rabbi Ichmaël (ben Elicha’, grand Prêtre, victime du «décret royal») sanctifia le Nom de Dieu quand il fut capturé par les Romains (voir Séder HaDoroth, qui s’étend beaucoup là-dessus). Tout comme Joseph, c’est son dévouement (à la Torah) qui fit que la mer recula. La mer s’enfuit aussi parce que Rabbi Ichmaël était la réincarnation de Joseph, dont il partageait la beauté et les tribulations (Séfer HaDoroth id.; Mégaléh Amoukoth, 73; ’Hessed léAvraham; voir aussi Guitine 58a)...

Pourquoi donc Moïse dut-il frapper la mer de sa verge? C’était pour la châtier de ne pas s’être conformée à la volonté divine (en prétendant: les enfants d’Israël ne sont en fin de compte que des idolâtres comme les Egyptiens). La mer ne se fendit qu’en voyant les enfants d’Israël qui imitèrent Joseph, le Tsadik.

Celui qui veut qu’un miracle se produise en sa faveur, doit par conséquent prier et se repentir avant de demander la bénédiction du Juste... L’auteur de l’ouvrage Si’hoth Moussar fait remarquer à cet effet qu’aussi longtemps que les enfants d’Israël ne récitaient pas des prières et ne reprenaient pas le bon chemin, la prière de Moïse n’était pas exaucée... La prière du Tsadik n’est pas exaucée non plus quand on ne se fie pas exclusivement à Lui. «Heureux l’homme qui met sa confiance en l’Eternel» (Psaumes 40:5), avertit à cet effet le Roi David. Notons enfin l’importance de se recueillir sur la sépulture du Tsadik: en se rappelant les vertus du juste, on invoque l’assistance divine, et on se repent. Le mérite du Tsadik épargne alors toute la génération.

 

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