On peut mériter le monde futur en un instant

Commentant le verset: «Et les enfants d’Israël marchaient à pied sec au milieu de la mer» (Exode 15:19), l’auteur de No’am Elimélekh écrit: «Tout comme les enfants d’Israël sur la Mer Rouge, les grands Tsadikim perçoivent la grandeur illimitée de l’Eternel, même à pied sec comme s’ils se trouvaient au milieu du miracle de la Mer Rouge.»

On peut se poser un certain nombre de questions sur ce passage:

1) Comment peut-on concevoir que, d’une part, les enfants d’Israël aient accédé à un niveau spirituel tel, qu’ils virent la Providence Divine, purent désigner Dieu du doigt et avoir l’inspiration divine pour chanter la Chirah avec Moïse, et que d’autre part, ils aient été obligés de se purifier des quarante-neuf degrés d’impureté, une fois sortis de la mer? (Zohar, Yithro 39a).

2) Pourquoi ont-ils eu le mérite de voir le Char Céleste lors du passage de la Mer Rouge, alors qu’ils étaient encore enfoncés dans leur impureté et continuaient à adorer des idoles? Les enfants d’Israël auraient dû normalement se purifier et se sanctifier d’abord, et n’avoir le privilège de voir la Chékhinah qu’après la réception de la Torah.

C’est que nos Sages enseignent qu’on peut mériter le monde futur en un instant (Avodah Zarah 10b; 17a), (...et également le perdre). Ils ne pouvaient ainsi s’attarder une seconde de plus, et bien qu’ayant failli franchir le seuil de la cinquantième porte de l’impureté, ils ont accédé à des niveaux sublimes. «Ils avaient été chassés d’Egypte, sans pouvoir tarder VéGaM tsédah (et aussi emporter avec eux des provisions)...» VéGaM a la même valeur numérique (49) que Mem, Tet (quarante-neuf degrés d’impureté). Dans leur impureté, ils n’en ont pas néanmoins offert le sacrifice de Pessa’h, et se sont circoncis, mélangeant ainsi, comme nous l’avons vu, le sang du brith avec celui du sacrifice de Pessa’h. Bien que se sachant non méritants, ils crurent en Dieu, qui promit de frapper tous les premiers-nés d’Egypte au milieu de la nuit (Exode 12:29): S’ils aspergeaient de sang les frontons de leur porte, Il passerait au-dessus d’eux et les épargnerait (id. 13).

La conduite des enfants d’Israël était ainsi unique dans les annales de l’Histoire: Quel autre peuple a pu croire en Dieu et Lui offrir des sacrifices, perdu dans le désert, sur une terre inculte, extrêmement éloigné de Dieu, dépourvu de Torah pour le guider?...

Ce sont les survivants de la plaie des ténèbres qui se sont repentis, et ont mérité le monde futur en quelques instants. Voyant que, tout en étant impurs, ils se dévouaient complètement à Lui, l’Eternel les bénit de chéfa’, de lumière et sainteté, et les fit accéder à de très hauts niveaux (en leur permettant de voir les miracles de la Mer Rouge). C’est qu’Il lisait dans leur cœur et voyait qu’ils ne visaient qu’à Lui obéir...

Les enfants d’Israël durent néanmoins rectifier toutes leurs fautes dans le désert. Imprégnés de sainteté lors du passage de la Mer Rouge, ils surent parfaitement se débarrasser de leur impureté, et se rapprocher du Saint, béni soit-Il.

Mais ceux qui n’améliorèrent pas leur conduite, montrèrent en fait qu’ils refusaient de se rapprocher de Dieu et de sortir d’Egypte. Ils moururent donc au cours de la plaie des ténèbres, parce qu’ils voulaient «aider» les forces du mal qui sévissent dans la nuit (Zohar II, 164b). Ce sont donc les ténébres qui les châtièrent (cf. Chabath 105b; Nédarim 32b)... L’Eternel se révéla aussi bien à ceux qui ne croyaient pas en Lui, qu’à ceux qui Le reconnurent sans même recevoir la Torah, et accomplit des miracles en leur faveur sur la Mer. Ils purent ainsi corriger tous leurs mauvais traits et mériter le monde futur en un instant.

Le pouvoir du chant contre les forces du mal

Commentant le verset: «Miriam la prophétesse, sœur d’Aharon, prit en sa main un tambourin...» (Exode 15:20), l’auteur de Péné ‘Hamah se pose deux questions:

1) Pourquoi le nom de Miriam n’est-il mentionné que lors du passage de la Mer Rouge?

2) Pourquoi le verset précise-t-il: «Miriam, sœur d’Aharon?» Ne le savions-nous pas auparavant? [Le Talmud (Sotah 12b; Mekhilta, id.) pose, quant à lui, la question: «Pourquoi le verset ne stipule-t-il pas aussi que Miriam était la sœur de Moïse?»]

Enfin, commentant le verset: «et toutes les femmes sortirent après elle, avec des tambourins et en dansant» (id.), l’auteur se demande pourquoi le verset ne dit pas tout simplement: «Toutes les femmes prirent des tambourins et se mirent à danser.»

C’est qu’à notre humble avis, aux quatre mondes de la sainteté (Atsilouth, Bériah, Yétsirah, ‘Assiah) (Zohar II, 167b; 262b), s’opposent quatre mondes de la kélipah. Les quatre mondes de la sainteté sont «régis» par la séfirah Malkhouth (l’élément féminin de Zéer Anpin), tandis que ceux des forces du mal sont régis par Lilith, dont la valeur numérique (480) est équivalente à tof (le tambourin). Nous avons vu en outre qu’à la sortie d’Egypte, Moïse a entonné un cantique (allusion au Zéer Anpin) qui fait allusion à Malkhouth, et qu’Aharon et les enfants d’Israël lui répondirent en vue d’éliminer l’«élément masculin» de la kélipah (le Satan). Il ne restait donc que l’élément féminin à éliminer. Dans la terminologie de la Kabalah, Miriam la prophétesse, qui correspond à Malkhouth de la sainteté, doit entonner un cantique avec les autres femmes, pour éliminer le pouvoir de Lilith, qui régit les forces du mal. C’est ce qu’elle fit en se concentrant sur les lettres complémentaires des lettres du nom Aharon (Aharon c’est ALeF, Hé, ReICH, NouN, les lettres complémentaires sont les mêmes lettres auxquelles on a enlevé le nom de AHaRoN, c’est-à-dire qu’il reste le LeF, I, ICH, N) dont la valeur numérique (480) est similaire à celle de Lilith. Le verset stipule: «prit en sa main...» parce que Miriam conquit les forces de l’impureté (Lilith, qui est Malkhouth de Atsilouth de la kélipah) par son chant, par le fait qu’elle était prophétesse et sœur d’Aharon... Comme nous l’avons plus haut: l’élément masculin de la sainteté doit donc éliminer l’élément masculin des forces du mal, et l’élément féminin celui de la kélipah.

«Toutes les femmes nachim sortirent après elle»: Les lettres complémentaires du nom MiRIaM ont la même valeur numérique que NaCHIM; elles aussi doivent entonner un hymne pour éliminer Malkhouth des mondes successifs de Bériah (la Création), de Yétsirah (la formation) et de ’Assiah (l’Action), des forces du mal. Les enfants d’Israël et leurs femmes chanteront en bas, et les forces de la sainteté élimineront celles de la kélipah en haut. Le verset utilise le pluriel, toupim et mé’holoth, qui constituent l’élément féminin du reste des mondes, comme nous le verrons plus bas. Miriam leur fit répéter: «Chantez l’Eternel, Il est souverainement grand; coursier (sous) et cavalier, Il les a lancés dans la mer...» (id. 21). En d’autres termes, Miriam, qui correspond à Malkhouth de la sainteté, dit aux femmes: «Chantez l’Eternel (Havayah)» qui est Zéer Anpin, «car Il est souverainement grand», car l’élément féminin de Zéer Anpin de la sainteté (qui est Malkhouth) élimine l’élément correspondant des forces du mal, (qui se nomme sous). [On pourrait ainsi expliquer pourquoi le verset utilise le pluriel (toupim oumé’holoth): la guématria de ces termes avec le nombre de leurs lettres et le collel est équivalente à celle de Yétsirah, Béryah, ‘Assyah et Sous. Quant au cavalier, qui est l’élément masculin des forces du mal (le Satan lui-même), conclut l’auteur, Il l’a élancé dans la mer, les abîmes, élément féminin de l’impureté].

Cet hymne a été chanté la veille du septième jour de Pessa’h,  Pessa’h où on est gardé (cf. Exode 12:42)  qui préserve de la kélipah. Cette fête marque la chute des forces du mal, et tout levain et toute pâte levée (allusion aux forces négatives) qui se trouvent en notre possession... doivent être considérés comme anéantis, comme n’étant plus que poussière. Ayant éliminé le mauvais penchant, la kélipah, les enfants d’Israël, hommes et femmes, sont désormais libres.

Suite à l’hymne entonné par les anges au Saint, béni soit-Il, la nuit de Pessa’h, les armées de San’hériv, qui assiégeaient Jérusalem, furent décimées (Sanhédrine 95b; Yalkout Chimoni, Rois II, 241)... En d’autres termes, on ne peut éliminer la kélipah (sitra téméah (le côté impur) ou Samekh Tet en abréviation, ou yagon véana’hah (tristesse et lamentation), qui ont la même valeur numérique que par la joie et le chant, comme il est écrit: «Adorez l’Eternel avec joie, présentez-vous devant Lui avec des chants d’allégresse. Reconnaissez que l’Eternel est Dieu...» (Psaumes 100:2). Sans joie on n’arrive pas réellement à Le connaître: c’est grâce à elle qu’on s’élève et s’attache à Lui. On est alors en mesure d’éliminer les forces du mal, comme le montre la similitude des valeurs numériques de SiM’HaH (joie) et BITOuL KéLIPATh Sitra A’hra (annulation de la kélipah de «l’autre côté»). Ainsi, lorsque les armées de San’hériv furent décimées, tout le monde chantait et louait Dieu, sauf le roi ‘Hizkyahou  qui fut puni et ne put devenir le Machia’h.

Le Talmud (’Houline 91a) enseigne que les anges n’ont été créés que pour chanter les louanges de Dieu et Le sanctifier, après quoi ils sont brûlés pour la sanctification du nom de Dieu. Nous savons en outre que si notre patriarche Jacob demanda à l’ange contre qui il avait lutté toute la nuit de le laisser partir, «car l’aube est venue» (Genèse 32:27), c’était pour qu’il entonne un cantique en l’honneur de l’Eternel (’Houline, id.)... Le chant exprime la gratitude, l’amour, la joie, l’élévation ou l’épanchement de l’âme, et ne vise qu’à louer Dieu. Le Roi David, doux chantre d’Israël qui aimait tellement le chant et la musique, disait déjà: «Tes préceptes sont devenus pour moi un sujet de cantiques» (Psaumes 119:54). Il vivait dans cinq univers, et entonnait des hymnes (Bérakhoth 10a) [allusion aux quatre univers (Atsilouth, Bériah, etc...) dont nous avons parlé plus haut, surmontés du monde supérieur]. Chacun de ses membres louait le Saint, béni soit-Il. Il convenait à son chant, et son chant lui convenait (Midrach Cho’her Tov 24:1). Une harpe pendait placée à sa tête (Bérakhoth 3b). David, chef des chantres (Esther Rabah, intr. 1), descendait de Miriam la prophétesse, qui chantait elle aussi (Sotah 11b; Chémoth Rabah 1:21), éliminant ainsi, avec les autres femmes, les forces du mal, et accroissant le pouvoir de la sainteté.

Que doit-on apprendre de la mort des cent quatre-vingt cinq mille soldats de San’hériv par le chant des anges dont nous avons parlé plus haut?

Le Roi A’haz avait annulé l’offrande quotidienne (Sanhédrine 103b). Le mécréant voulait aussi annuler l’étude de la Torah pour le peuple d’Israël. Il fit ainsi disparaître la joie du monde. Son nom d’ailleurs dit tout: il voulait que les forces du mal se saisissent (Ya’HaZou) de la sainteté. L’affliction et la tristesse, qui font allusion à la kélipah, remplacèrent donc la joie et le chant.

A’haz fut remplacé par son fils, ‘Hizkyahou, qui restaura la joie au sein du peuple d’Israël par l’étude extrêmement intense de la Torah. Le Midrach rapporte à cet effet qu’on chercha en vain de Dan à Béer Chéva, un petit garçon ou une petite fille qui ne maîtrisaient pas l’étude des lois de la pureté et de l’impureté (Sanhédrine 94b). La voix de la Torah se faisait entendre dans toutes les synagogues et Yéchivoth. Or, comme on le sait, la Torah engendre la joie, comme il est écrit «la doctrine de l’Eternel est parfaite: elle réconforte l’âme» (Psaumes 19:9), et «les préceptes de l’Eternel sont droits: ils réjouissent le cœur» (id. 9). Comme l’enseigne le Talmud (Méguilah 32a), l’étude de la Torah doit se faire par le chant; l’homme doit «adorer l’Eternel avec joie» (Psaumes 100:2); elle porte d’ailleurs le nom de cantique, comme il est écrit: «Et maintenant, écrivez pour vous ce cantique» (Deutéronome 31:19). Le chant et la joie sont en mesure d’imprégner de Torah et de sainteté l’univers entier.

‘Hizkyahou n’avait par conséquent qu’à entonner un cantique devant le Saint, béni soit-Il, pour exterminer toutes les troupes de San’hériv, pour faire disparaître l’affliction et la tristesse engendrées par la conduite d’A’haz, son père, et les remplacer par le chant, la joie et la sainteté. Il nantit le monde du pouvoir de la Torah, seule capable d’éliminer les forces du mal... Commentant à cet effet le verset: «De nouveau alors vous verrez la différence entre le juste et le méchant, entre le serviteur de Dieu et celui qui ne l’aura pas servi» (Malachie 3:18), le Talmud (’Haguigah 9b) explique, qu’on ne peut comparer celui qui a étudié cent fois un passage de la Torah, à celui qui l’aura étudié cent une fois: il faut l’étudier cent fois dans la joie pour éliminer les forces du mal (Samekh Mem dont la valeur numérique est équivalente à 100), puis une fois de plus pour l’Eternel UN. Celui qui n’agit pas de la sorte, ressemble à celui qui sème sans moissonner (Sanhédrine 99b)... S’il avait récité des cantiques en l’honneur de l’Eternel, ‘Hizkyahou aurait pu annuler complètement le pouvoir négatif de son père A’haz, et celui de San’hériv et ses troupes.

Le Midrach (Eikhah Rabah 4:15; Cho’her Tov 79), rapporte aussi que ‘Hizkyahou demanda à Dieu de l’aider à livrer bataille, pendant qu’il se reposerait en toute sérénité dans son lit. Remarquons à cet effet la similitude des termes chénah (sommeil) et chinoun (répétition, étude assidue). ‘Hizkyahou savait ainsi qu’il était une étincelle du Machi’ah, et que seule l’étude de la Torah est en mesure d’imprégner le monde entier de joie, cette joie que son père et tous les rois d’Achour avaient fait disparaître.

Mais comme nous l’avons vu, ce sont les anges engendrés de l’élément féminin (Zohar I, 232a), qui entonnèrent un hymne la veille du septième jour de Pessa’h, éliminant ainsi le pouvoir de Lilith  élément féminin des forces négatives. Voyant que San’hériv vivait encore, ‘Hizkyahou aurait dû se hâter de l’anéantir par le chant, avec l’aide des enfants d’Israël, éliminant de la sorte l’élément masculin des forces du mal... Une question se pose à cet effet: Pourquoi San’hériv, qui savait que ‘Hizkyahou et toute sa génération étaient ignorants de l’art de la guerre, puisqu’ils étaient constamment engagés dans l’étude de la Torah, vint lui livrer bataille avec un si grand nombre (cent quatre-vingt mille) de soldats. C’est qu’il savait que ‘Hizkyahou était destiné à être le Rédempteur d’Israël; aussi voulut-il l’effrayer, le faire chuter de son niveau pour triompher des enfants d’Israël. Les premières lettres des trois mots San’hériv Mélekh Achour, (San’hériv roi d’Assyrie), forment Samekh MEm, élément masculin des forces du mal, et les dernières lettres font allusion à l’élément féminin sur lequel il monte, RoKheV.

Mais ‘Hizkyahou et ses hommes ne se laissèrent pas impressionner. Leur foi en Dieu devint si forte, que Dieu Lui-même leur livra bataille... Le cantique entonné par les anges décima toutes les légions du roi d’Assyrie... Afin de se débarrasser des forces du mal qui s’emparaient de son père A’haz, ‘Hizkyahou a traîné ses os sur un lit de ’havalim (cordes)... (Pessa’him 56a; Avoth de Rabbi Nathan 2:4; voir aussi Isaïe 10:27, et Sanhédrine 94b).

San’hériv, aspect de Gog et Magog (id.), élément masculin des forces du mal, survécut donc. Par le pouvoir du chant, ‘Hizkyahou aurait pu l’éliminer, puisqu’il était (virtuellement) le Machia’h. Mais comme il s’en abstint, le Roi d’Assyrie s’enfuit, et ‘Hizkyahou perdit son mérite de délivrer le Peuple Juif. C’était d’autant plus dommage que tous ces évènements se produisirent à Nissan, mois de la délivrance (cf. Roch Hachanah 11a). Les forces du mal s’intensifièrent, l’exil se prolongea et le Saint Temple fut détruit et il n’est pas encore reconstruit aujourd’hui.

Le verset dit: «Entonnez des cantiques, faites résonner le tof, le tambourin, le nével, la harpe mélodieuse, et le luth» (Psaumes 81:3); «Qu’ils célèbrent Son nom avec le tambourin et la harpe» (id. 149:3). En d’autres termes, la musique et le chant de l’étude de la Torah éloignent les forces du mal, rapprochent la Rédemption, «se vengent sur les nations pour châtier les peuples, pour lier leurs Rois avec des chaînes et leurs Grands avec des ceps de fer, pour exécuter contre eux le jugement qui est écrit» (id. 149:7-9), et imprègnent de sainteté tous les Univers.

 

La mer vit et recula... par le mérite de Joseph
Table de matière
Le pouvoir du chant contre les forces du mal

 

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