La vertu de la manne: faire connaître Dieu

Il est écrit: «Le sixième jour, lorsqu’ils prépareront ce qu’ils auront apporté, il s’en trouvera le double de ce qu’ils ramasseront jour par jour» (Exode 16:5).

Comme nous l’avons vu, la manne avait tous les goûts qu’on voulait: des pierres précieuses et des perles descendaient avec elle (Yoma 75b; Chémoth Rabah 5:9, 25:3; Zohar II, 62a).

1) Pourquoi le sixième jour la manne descendait-elle en double quantité? Dieu aurait pu accomplir un miracle supplémentaire et faire descendre le vendredi une quantité de manne normale qui aurait suffi pour deux jours.

2) Pourquoi les enfants d’Israël «génération de la connaissance» devaient-ils manger dans le désert? Ils auraient pu y vivre comme des anges qui ne mangent ni ne boivent (Béréchith Rabah 48:16; Bamidbar Rabah 10:18). Toute leur vie dans le désert n’était qu’une suite de miracles: «leurs vêtements ne s’étaient pas usés sur eux, et leurs pieds n’ont pas été meurtris» (Deutéronome 8:4). Ils n’avaient pas besoin de se soulager après la consommation de la manne (Yoma 75b), etc...

3) Si tous les enfants d’Israël étaient si pieux (Midrach Cho’her Tov 119:6), pourquoi le Saint, béni soit-Il, tint-Il ces propos sur eux: «Pendant quarante ans J’ai été écœuré de cette génération, et Je disais: «C’est un peuple au cœur égaré, qui ne veut pas connaître Mes voies. Aussi jurai-Je dans ma colère, qu’ils n’entreraient point dans ma paisible résidence» (Psaumes 95:10-11)?

C’est que, si le pain est la Torah, selon l’interprétation de nos sages du verset: «Venez, mangez de mon pain...» (Proverbes 9:5), la manne constitue une nourriture céleste extrêmement sainte, qui prodigue sagesse et intelligence à celui qui la consomme. C’est elle qui, comme nous l’avons vu, a transformé les enfants d’Israël accablés de travaux pénibles par les Egyptiens, en «génération de la connaissance.» C’est grâce à elle qu’ils étaient en mesure d’interpréter si intelligemment la Torah (cf. Mekhilta, Béchala’h 17; Tan’houma, id. 20).

Si le sixième jour la manne tomba en quantité double, c’était pour apprendre aux enfants d’Israël qu’il faut fuir la routine... L’homme ne doit pas étudier la Torah et stagner. Qu’il sache que, s’il le veut, il est en mesure de s’élever... jusqu’à doubler (Michnéh) ses connaissances et sa perspicacité. La preuve en est que chez les Tsadikim la manne arrivait jusqu’à l’entrée de la tente, les gens moyens devaient sortir, et les méchants se disperser pour la ramasser.

En outre, le goût de la manne ne faisait que s’améliorer chaque jour pour culminer le Chabath. C’était vraiment un pain bizarre, méchounéh, dont le goût et l’odeur variaient hichtanou, proportionnellement au niveau spirituel auquel accédaient les enfants d’Israël chaque jour. Le Juif qui se conduit comme il convient tous les jours de la semaine, s’imprègne le Chabath des bons effets d’une âme supplémentaire (Betsah 16a). S’il exploite le jour sacré, où l’on ressent un avant-goût du monde futur, pour étudier la Torah, il s’imprègne de sa sainteté toute la semaine qui suit. Car tous les jours de la semaine sont bénis par le Chabath (Zohar II, 63b)... Il observera ainsi encore mieux le Chabath qui suit, et son plaisir spirituel ne fera que doubler...

MiCHNéh (double) a les mêmes lettres que NéCHaMah l’âme, et que MiCHNah. En d’autres termes on doit consacrer le Chabath à l’étude et la répétition, la révision (chinoun) de la Torah (cf. Tana Débé Elyahou Rabah 1).

Par conséquent, les enfants d’Israël durent consommer cette manne céleste dans le désert pour accroître leur connaissance de Dieu et L’adorer de tout cœur. Vivant dans un monde physique, matériel, ils avaient ainsi l’occasion de réciter des bénédictions sur ce qu’ils mangeaient (n’est-ce pas là le but de la création de toute nourriture?), et de ne perdre aucun des goûts créés par l’Eternel dans Son univers. La consommation de la manne visait à les transformer en anges, à les faire accéder au but final de l’homme: s’élever constamment en sachant cohabiter avec le mauvais penchant, et en triomphant de lui. En agissant de la sorte, il fait subsister toute la Création, car, nos Sages l’ont enseigné, tout ce que Dieu a créé dans le monde, Il l’a créé pour Sa gloire (Pirké Avoth, 6 fin; Yoma 38a; Chémoth Rabah 17a; Avoth de Rabbi Nathan 41:16).

Les enfants d’Israël furent cependant «dégoûtés de cette misérable nourriture» (Nombres 21:5); ils voulaient une nourriture normale, terrestre, qui ne fond pas dans l’estomac (Yoma 75b). L’Eternel en fut irrité.

La manne leur traçait certes le chemin spirituel vers l’Eternel, mais les enfants d’Israël furent aussitôt dégoûtés de cette nourriture céleste. La question se pose alors: l’Eternel n’aurait-Il pas mieux fait de ne faire descendre du ciel ni manne ni «pain double»?

Avant de répondre à cette question, demandons-nous pourquoi Dieu a créé des riches et des pauvres. Il aurait mieux valu que cette notion de richesse n’existe pas du tout sur terre: l’Eternel aurait alors pourvu chacun de ses besoins personnels, sans plus. N’oublions pas non plus que l’abondance de bien peut rendre l’homme insensé, «que l’ambition abrège la vie de l’homme» (Pirké Avoth 4:28; Pirké de Rabbi Eliézer). L’argent peut s’avérer en fin de compte une malédiction, et constitue l’une des plus grandes épreuves de l’homme. «Ne me donne ni pauvreté, ni richesse» (Proverbes 30:8) demandait le Roi Salomon à Dieu.

Dieu peut certes réduire l’abondance qu’Il envoie à l’homme, mais le combler de bénédictions. Ce que le Midrach appelle un minimum qui contient le maximum (cf. Vayikra Rabah 10:9). Mais la richesse aussi peut constituer une bénédiction pour l’homme s’il suit la voie tracée par Dieu, et s’en sert pour aider autrui. Commentant à cet effet le verset: «Si vous observez tous Ses commandements... pour vous attacher à Lui», le Talmud (Sotah 14a; Rachi, Rééh 13:5) demande: «Comment peut-on s’attacher à Dieu? En imitant ses attributs miséricordieux, élément bienfaisant...» La plus grande épreuve consiste à étudier la Torah, accomplir des mitsvoth et de bonnes actions, grâce à sa richesse. L’argent montre à l’homme, qui est le vrai esclave (lui, de son argent, ou le contraire)... Il aurait donc mieux valu que cette notion de richesse n’existe pas, mais elle a été précisément créée pour que le riche en exalte et magnifie son Créateur; s’il y réussit, il s’élèvera deux fois plus que s’il était pauvre.

La manne n’aurait donc pas dû exister, mais elle a été créée pour tester celui qui la consomme. Cette nourriture céleste peut sanctifier et élever l’homme, et le faire accéder au niveau d’ange.

Nous pouvons maintenant comprendre pourquoi Dieu a dit de cette génération de la connaissance: «Pendant quarante ans J’ai été dégoûté de ce peuple au cœur égaré.» C’est que les enfants d’Israël s’étaient habitués aux miracles, et rien ne les étonnait plus. Nos Sages vont jusqu’à dire que la génération du désert n’a pas sa part au monde futur (Sanhédrine 110b). Les nombreux miracles auxquels ils avaient assistés, auraient dû normalement les sanctifier davantage, d’autant que la convoitise n’existait pas chez eux... Ils la cherchèrent cependant. La manne a donc fait son œuvre, mais eu égard à leur niveau extrêmement élevé, les enfants d’Israël auraient dû transformer tout domaine physique, matériel, en spirituel. S’étant abstenus de le faire «à cause» de leur habitude des miracles, ils irritèrent Dieu, qui jura de ne pas les laisser monter en Terre d’Israël.

Tout ce que demanda David à l’Eternel, c’est «d’habiter toute ma vie dans la maison de l’Eternel, pour admirer Sa magnificence, et fréquenter Son Temple» (Psaumes 27:4). En d’autres termes, que lors de son séjour dans la maison de l’Eternel, il fasse preuve d’autant d’humilité, de soumission, d’effacement, et de sanctification, que lors de son passage au parvis de Dieu: que la routine ne le lèse pas... Ce que nous a appris la génération du désert, celle de la manne, c’est qu’il ne faut cesser de s’élever et se sanctifier, et ne pas s’habituer à la routine.

 

L’épreuve de la manne  La valeur de l’étude de la Torah
Table de matière
L’abondance (chéfa’) provient de nos trois pasteurs

 

Hevrat Pinto • 32, rue du Plateau 75019 Paris - FRANCE • Tél. : +331 42 08 25 40 • Fax : +331 42 06 00 33 • © 2015 • Webmaster : Hanania Soussan