Dieu joint une bonne pensée à l’action

Commentant le verset: «Le peuple dit à Moïse: «Parle-nous toi-même, et nous écouterons, mais que Dieu ne nous parle point, de peur que nous ne mourions» (Exode 20:18). L’auteur de Min’hath Yéhoudah demande pourquoi les enfants d’Israël craignent maintenant de mourir, alors qu’ils ont entendu l’Eternel proclamer: «Je suis l’Eternel ton Dieu» et sont restés vivants?

Le Talmud (Chabath 88a; Mékhilta 2 et 9) enseigne qu’en entendant chacune des paroles divines, les enfants d’Israël reculaient de douze mille, comme il est écrit: «A ce spectacle, le peuple tremblait et se tenait loin» (Exode 20:16). Effrayés, ils s’enfuirent et les anges durent les ramener comme des enfants. Or, le Psalmiste écrit: «Les rois des armées fuirent, fuirent...» (Psaumes 68:13). Ne lis pas yidodoun (fuirent), mais yédadoun, (marchent à quatre pattes comme un bébé). Nous voyons que les enfants d’Israël ne furent pas du tout effrayés par les anges, au contraire, ce sont les anges qui les aidaient à entendre la voix divine et à recevoir la Torah.

Comme nous l’avons déjà vu, les Sages enseignent que, lorsque Moïse monta au ciel, les anges demandèrent au Saint, béni soit-Il: «Maître de l’Univers, que fait le fils de la femme parmi nous?» «Il est venu recevoir la Torah» leur répondit-Il. «Vas-tu donner ce trésor gardé chez Toi neuf cent soixante-quatorze générations avant la Création, à un homme de chair et de sang? Lui demandèrent-ils. Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui?» (Psaumes 8:5). «Réponds-leur» demanda le Saint, béni soit-Il, à Moïse. «Maître de l’Univers, dit Moïse, j’ai peur qu’ils me brûlent de l’haleine de leur bouche...» Si Moïse avait peur des anges, que doit-il en être des enfants d’Israël...(Chabath 88b; Avoth deRabbi Nathan 2:3; Zohar I, 5b).

Ces deux paragraphes semblent se contredire: d’un côté les anges aidèrent les enfants d’Israël à retourner vers la montagne, de l’autre Moïse eut peur d’eux car ils s’étaient opposés au don de la Torah.

C’est que, on le sait, l’accomplissement d’une mitsvah engendre la création d’un ange (Zohar ‘Hadach, Ruth 92a). C’est ce qui se passe également lorsqu’on ne fait qu’y penser (Kidouchine 40a). Ainsi, les deux seules paroles: na’asséh vénichma’ (nous ferons et nous comprendrons) prononcées par les enfants d’Israël avant le don de la Torah, donnèrent naissance à des milliers d’anges. Car c’était comme s’ils avaient accompli toute la Torah. Ce sont ces anges qui leur placèrent des couronnes sur leur tête (Chabath 88a; Pirké deRabbi Eliézer 47; Tana Débé Elyahou Zouta

4), qui les ont protégés de la mort au moment où ils recevaient la Torah et les ont ramenés comme des bébés au Mont Sinaï. Car le Saint, béni soit-Il, est «un feu dévorant» (Deutéronome 4:24), ainsi que la Torah, comme il est écrit: «ll leur a de Sa droite envoyé le feu de la Loi» (id. 33:2). De même, les anges qui sont engendrés par l’accomplissement de mitsvoth et de bonnes uvres, sont des êtres spirituels qui se baignent tous les jours dans le fleuve Dinor qui est fait de feu (Zohar III, 16b, 161b; cf. Mékhilta Yithro 19:18; Tan’houma id. 12). Ainsi, lorsque les enfants d’Israël proclamèrent: «Nous ferons, puis nous comprendrons», ils se purifièrent et accédèrent au niveau d’anges, qu’ils pouvaient désormais toucher sans crainte...

Cependant, même ces anges qui réconfortèrent les enfants d’Israël et les préservèrent de la mort, ne purent entendre la voix de Dieu... Le peuple, effrayé, demanda alors à Moïse: «Parle-nous toi-même, et nous écouterons, mais que Dieu ne nous parle point, de peur que nous ne mourions.» Ils avaient bien entendu les premières paroles «Je suis l’Eternel, ton Dieu» mais ils ne pouvaient plus entendre le reste (nous répondons ainsi à la question posée par l’auteur de Min’hath Yéhoudah).

On peut dire aussi que les anges créés par les enfants d’Israël ne disparurent pas, mais restèrent pour veiller sur eux. Mais après avoir entendu: «Je suis l’Eternel, ton Dieu... Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face» (Exode 20:2-3), ils craignirent les conséquences du péché de leur idolâtrie en Egypte (Chémoth Rabah 16:2; Tan’houma, Béha’alotékha 8). Craignant d’être dévorés par le feu, ils demandèrent à Moïse de leur rapporter les paroles de l’Eternel en dépit du fait qu’ils s’étaient sincèrement repentis de leur péché.

Les Sages (Chabath 88b; Chir Hachirim Rabah 6:3) enseignent: «Quand ils entendirent chacune des paroles sur le Sinaï, l’âme des enfants d’Israël quitta leur corps.» Rabbi Chimon Bar Yo’haï dit: «C’est la Torah, que leur donna l’Eternel, qui les ressuscita», comme il est écrit: «La loi de l’Eternel est parfaite, elle restaure l’âme» (Psaumes 19:8). En d’autres termes, ce sont les anges créés par la Torah (na’asséh vénichma’ prononcé par les enfants d’Israël) qui les ressuscitèrent... Quant aux anges que rencontra Moïse dans les cieux, ils appartenaient à une tout autre catégorie: c’étaient «les flammes de feu dont Il fait ses serviteurs» (Psaumes 104:4). C’est avec eux que Moïse entretint une vive discussion; il finit d’ailleurs par les vaincre, comme nous l’avons vu. Cette dernière catégorie d’anges n’était pas du tout impliquée dans le processus du don de la Torah.

Le Saint, béni soit-Il, et le Peuple d’Israël, constituant un seul et même concept (Zohar, A’haré-Moth, 73a), la Torah, ainsi que le monde entier, ne peut subsister que par le mérite des enfants d’Israël. Portant le titre de réchith, c’est grâce à eux que le monde a été créé, comme il est écrit: «L’Eternel m’a créé la première de ses uvres» (Proverbes 8:22) et «Israël était les prémices de Sa récolte» (Jérémie 2:3).

Une question se pose: pourquoi n’est-ce qu’après neuf cent soixante-quatorze générations que le Saint, béni soit-Il, regarda le monde et le créa? (cf. Chabath 88b; Avoth de Rabbi Nathan 31:3).

Le Midrach (Béréchith Rabah 3:9; Midrach Cho’her Tov 34:1; Zohar I 25b), enseigne en outre que Dieu créa et détruisit des mondes. Pourquoi alors les créer! Dieu ne sonde-t-Il pas le monde d’une extrémité à l’autre? Ne voit-Il pas le cours entier de l’histoire de l’homme? S’Il savait que les mondes qu’Il détruit fourmillent de méchants, ne valait-il pas mieux ne pas les avoir créés du tout? (Voir Zohar, Béréchith 45, qui explique qu’Il ne les a pas à proprement créés).

En fait, on ne peut pas dire que Dieu ait littéralement créé et détruit ces mondes. Comme la Torah constituait un trésor caché qu’Il gardait, il Lui était difficile de s’en séparer. Il pensa donc créer des mondes sans leur donner la Torah. Mais comme Il voyait que le monde ne peut subsister sans la Torah et le Peuple d’Israël, et qu’Il ne pourrait pas manifester Sa grâce et Sa miséricorde s’ils fautaient contre Lui, Il la sortit de Sa trésorerie, et en se basant sur elle, Il créa le monde pour l’éternité en donnant la Torah aux enfants d’Israël.

Moïse répondit donc aux anges qui lui demandaient pourquoi Dieu livrerait Son Trésor à Israël: «La Torah n’est plus gardée chez Lui, avec elle Il a créé le monde après avoir détruit tous les mondes qui n’étaient pas éclairés par la Torah. Il pourrait ainsi manifester Ses attributs de grâce et miséricorde (qui sont écrits dans la Torah). Et même si les enfants d’Israël fautent, ils peuvent toujours faire

téchouvah (et être pris en pitié par Dieu), qui, comme l’enseigne le Talmud (Pessa’him 54b; Zohar III, 34b) fait partie des sept choses qui ont existé avant la Création du monde. Le repentir est extrêmement précieux aux yeux de l’Eternel. La Torah le mentionne d’ailleurs, comme il est écrit: «Tu retourneras vers l’Eternel...» (Deutéronome 30:2). Celui qui a créé l’Univers par Sa parole, prévoyait que Ses enfants Le mettraient en colère. Mais grâce à la téchouvah qu’ils font, Il leur pardonne. Ainsi, si de béréchith, on ôte le rech, on obtient béchith, qui a la même valeur numérique (713) que téchouvah. La lettre rech représente réchith (le début, le principal) ainsi béréchith ou réchith béchith ou réchith téchouvah: le monde n’a été créé que pour le repentir qui permet aux Juifs de revenir vers Dieu.

«Saisis Mon trône de gloire, rétorqua l’Eternel à Moïse, et dis-leur une téchouvah», en d’autres termes, explique leur l’importance du repentir. Vous les anges, proclamez «qu’est-ce que l’homme, pour que Tu Te souviennes de lui»? Moi au contraire Je prétends «faire rentrer l’homme dans la poussière...» L’âme la plus affligée (Yérouchalmi, ‘Haguigah 2:1) peut se rapprocher de Dieu et même accéder à la Torah. Dieu joint une bonne pensée, celle du repentir et de l’étude de la Torah à l’action. Grâce à eux, le Juif crée les anges protecteurs.

 

La Torah révélée et la Torah cachée
TABLE DE MATIERE
Paracha Michpatim

 

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