De l’obligation d’apprendre la motivation de chacune des Mitsvoth

Commentant le verset: «Et voici les statuts que tu leur exposeras» (Exode 21:1), Rachi cite le Talmud (’Irouvin 54b; Mekhilta, id.) qui enseigne: «Le Saint, béni soit-Il, dit à Moïse: «Ne pense pas un moment à leur enseigner une fois ou deux un chapitre ou une halakhah. Ne t’abstiens pas de leur expliquer le motif des mitsvoth. Tu exposeras clairement les lois devant eux, comme on dresse une table.»

Rabbi Yossef ‘Haïm, le célèbre auteur du Ben Ich ‘Haï, explique ainsi le verset: «Tu observeras donc la loi, les décrets, et les règles, que Je t’ordonne d’exécuter aujourd’hui» (Deutéronome 7:11). Les six cent-treize mitsvoth sont divisées en trois catégories: les décrets ’houkim, dont on ne perçoit pas la raison et que l’esprit n’arrive pas à concevoir; les lois, mitsvoth, qui sont compréhensibles, mais qu’on n’accomplit que parce qu’elles ont été ordonnées par Dieu; et les règles, michpatim, qu’on arrive à comprendre par l’esprit et qui sont motivées: nous les aurions accomplies même si Dieu ne nous les avait pas ordonnées.

Or cette parachah commence par cette dernière catégorie de mitsvoth, et elle soulève un certain nombre de problèmes:

1) Si les michpatim sont motivés, pourquoi Dieu ordonna-t-Il à Moché de les exposer aux enfants d’Israël comme on dresse une table? Puisqu’ils peuvent les comprendre par l’esprit, il les accompliront sans qu’on les leur ordonne.

2) Pourquoi cette section de la Bible commence-t-elle précisément par les lois concernant l’esclave hébreu?

3) Comme nous l’avons expliqué à maintes reprises, le terme TaSsiM (mets, du verbe mettre, mentionné au début de la parachah) est constitué des trois premières lettres de Téfiline, Chabath, Milah (circoncision). Nous ne voyons pas ici le rapport entre ces trois préceptes (inclus dans le mot TaSsiM) et les lois concernant l’achat de l’esclave hébreu.

Rabbi Avraham Ibn Ezra explique que Moïse voulait mettre l’accent sur la difficulté à s’asservir à quelqu’un. Car tout homme est libre, et les enfants d’Israël sont des fils de roi (Chabath 67a; Tana Débé Elyahou Zouta 16). Qui aime être esclave et souffrir?

Dieu ordonna donc à Moïse d’inciter les enfants d’Israël à se comporter avec douceur à l’égard de leurs esclaves; à ne pas les considérer comme une possession personnelle.

Le Ramban explique, quant à lui, que la parachah commence par les lois concernant l’esclave hébreu parce qu’elle mentionne la septième année où il doit se libérer, et qui fait allusion à la sortie d’Egypte. Comme il est écrit: «Souviens-toi que tu étais esclave au pays d’Egypte, et que l’Eternel, ton Dieu, t’a affranchi; c’est pourquoi je te prescris aujourd’hui ce commandement» (Deutéronome 15:15)... Quand tu auras un esclave, conduis-toi bien envers lui.

Rabbi Avraham Ibn Ezra et le Ramban expliquent que l’esclave constitue certes une possession de son maître, mais il convient de le traiter avec le maximum de tact. Les enfants d’Israël qui avaient été privés de leur liberté en Egypte, où ils subissaient les atrocités de l’asservissement les plus terribles, ne doivent pas traiter leurs esclaves comme ils avaient été traités au pays de Pharaon.

Bien que toutes ces notions semblent très claires, Moïse dut les leur exposer «comme on dresse une table.» Et s’il ne les avait pas exposées aux enfants d’Israël, ils auraient certainement fauté. Ils ne comprenaient peut être pas l’essence de la servitude et de la libération d’Egypte... Le mauvais penchant s’efforce de faire échouer l’homme précisément dans les domaines qu’il croit maîtriser...

La parachah commence donc par les lois concernant l’esclave hébreu, pour montrer que «c’est à Moi que les Israélites appartiennent comme esclaves» (Lévitique 25:55); que ce ne sont pas les serfs des esclaves (Kidouchine 22b; Bava Metsia’ 10a). Ce sont certes des détails mineurs, mais il convient de bien les expliquer aux enfants d’Israël afin qu’ils ne faiblissent pas.

Comme nous l’avons vu, c’est grâce à l’observance du Chabath (Yérouchalmi, Ta’anith 1:1; Chémoth Rabah 25:16), leur circoncision avant la sortie d’Egypte (Tan’houma, Béchala’h 7, voir aussi Tana Débé Elyahou Zouta 25), et à la mitsvah des téfiline (Exode 13:16), que les enfants d’Israël ont été libérés de l’esclavage.

Dieu leur rappelle les trois mitsvoth. Il expose (et leur demande de mettre), TaSsiM, devant eux ces signes pour les rattacher et Se les asservir. Car, on le sait (Ména’hoth 36b), les préceptes successifs de Chabath, circoncision et téfiline, portent chacun le nom de Oth (signe). La Torah ne mentionne la parachah de l’esclave hébreu que par la suite, pour faire comprendre aux Israélites que ce n’est que par l’observance de ces trois mitsvoth qu’ils sont passés de la servitude à la liberté. Celui qui a été vendu comme esclave hébreu, a dû souiller ces trois mitsvoth.

Moïse a donc expliqué aux enfants d’Israël que s’ils observaient ces trois mitsvoth, ils ne seraient pas esclaves et ne s’asserviraient pas au mauvais penchant. Autrement, ils se souillent et souillent tout l’Univers qui a été créé en six jours («il restera six années esclave»). Mais par l’observance stricte du Chabath, qui, comme nous l’avons plus haut, fait allusion à la septième année, ils seraient remis en liberté, c’est-à-dire ne seraient plus sous la tutelle du mauvais penchant, mais sous celle du Saint, béni soit-Il.

 

 

 L’asservissement dans l’humilité
TABLE DE MATIERE
«Car ils sont Mes esclaves»

 

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