Le péché du veau d’or et la routine

On peut dire que le péché du veau d’or a été engendré par la routine: si les enfants d’Israël n’avaient pas accompli les ordonnances divines par habitude, s’ils s’étaient émerveillés chaque fois des miracles que l’Eternel accomplissait en leur faveur, s’ils s’étaient efforcés de se rapprocher davantage de Dieu, ils ne seraient certainement pas arrivés jusqu’à renier Son existence.

«Ne crois pas en toi-même jusqu’au jour de ta mort», nous inculque la Michnah (Avoth 2:4)... Un écart, serait-il minime, de notre Créateur est susceptible de nous faire chuter. Les exemples ne manquent pas. Contentons-nous de rappeler le cas du Grand Prêtre Yo’hanan qui devint Saducéen après quatre-vingts ans de prêtrise (Bérakhoth 29a; Tan’houma, Béchala’h 3). C’est qu’il ne s’émerveillait sans doute pas de son sacerdoce tant qu’il le pratiquait.

La force et la ruse du mauvais penchant consistent à faire accomplir à l’homme un grand nombre de mitsvoth, tout en l’incitant à atténuer, si ce n’est à refroidir, son ardeur.

Nous devons par conséquent veiller à nous attacher constamment à Dieu. Appliquons-nous à observer les préceptes les moins importants aussi bien que les commandements importants, car nous ne savons pas quelle est la récompense attachée à chacun d’entre eux: en d’autres termes, nous ignorons si cette aptitude à l’accomplissement de mitsvoth provient de l’aide divine, ou du mauvais penchant qui veut nous faire tomber dans ses filets, à Dieu ne plaise. Si nous nous rattachons à Dieu, nous dissiperons toutes ces craintes et tous ces doutes. Veillons surtout à accomplir ces mitsvoth «faciles» avec le maximum de concentration (cf. Tan’houma, ‘Ekev 1).

Au lieu de s’émerveiller des nombreux miracles qu’aucun être humain n’avait vus avant eux, au lieu de se renforcer chaque jour et se rapprocher de plus en plus de l’Eternel, les enfants d’Israël restaient passifs. Ils s’y étaient déjà habitués! Même la montagne qui était tout en flammes, ne les impressionna pas outre mesure!

Cette indifférence et cette passivité se sont malheureusement introduites également dans le monde religieux. Des érudits en Torah peuvent s’engager dans de longues discussions pendant la prière, au lieu de répondre Amen. Oublient-ils que celui qui répond Amen yéhé cheméh rabah de toutes ses forces, se voit annuler les sentences rigoureuses qui étaient prononcées contre lui pendant soixante-dix ans? (Chabath 119b; Zohar III, 20a). C’est que le mauvais penchant les a habitués à prier et étudier sans concentration. Nos sages enseignent (Soucah 52a), que plus on s’élève spirituellement, plus on est attaqué par le mauvais penchant. Ces étudiants ne doivent pas un instant oublier devant Qui ils se trouvent pendant leurs prières (Bérakhoth 28b; Avoth de Rabbi Nathan 19:4); ils doivent prendre conscience du fait que le Saint, béni soit-Il, étudie avec eux (Tamid 32a). Pendant qu’on étudie et qu’on accomplit des mitsvoth, il convient de s’imaginer au Mont Sinaï, recevant la Torah, entendant les enfants d’Israël proclamer de tout coeur, à l’unanimité: «Nous ferons, puis nous entendrons» (Exode 24:7).

Comme nous l’avons vu, le mauvais penchant s’est retranché de leur coeur lorsqu’ils entendirent: «Je suis l’Eternel ton Dieu, tu n’auras pas d’autre dieu...» (Chir Hachirim Rabah 1:15). Comment a-t-il pu les inciter à la routine? Mais ce ne sont, en fin de compte, que des êtres en chair et en os: Adam, qui était dépourvu de toute trace de mauvais penchant a fini par pécher... Le Zohar (Tikouné Zohar 66, 78), enseigne que Dieu lui a montré la voie du bien et celle du mal, et Adam a choisi celle du mal, parce que si l’interdiction de manger de l’Arbre de la Connaissance, qu’il avait l’habitude de voir tout le temps, était profondément ancrée dans son coeur et dans celui d’Eve, et qu’ils avaient pris à coeur d’écouter le commandement de Dieu, ils ne seraient pas du tout entrés en contact avec le serpent; ils l’auraient congédié sans merci et il n’aurait eu aucune influence sur eux. Mais le seul fait d’entamer un dialogue, montre qu’ils étaient dominés par le pouvoir de la routine... Car si Adam s’abstenait de manger de l’Arbre, ce n’était pas pour se conformer à la volonté divine, mais par simple routine.... C’est ce qui est également arrivé à la génération du désert: ils s’étaient tellement habitués aux miracles qu’ils ne ressentaient même pas leur existence. Ils réintroduisaient ainsi le mauvais penchant dans leur coeur.

L’accomplissement de mitsvoth par simple routine, peut mener au dégoût, et même à l’exil... Commentant à cet effet le verset du prophète: «Pourquoi le pays est-il détruit?... Parce qu’ils ont abandonné Ma loi» (Jérémie 9:11), les Sages (Nédarim 91a; Bava Metsia 85a; Eikha Rabah, introduction 2) expliquent qu’ils n’ont pas récité la bénédiction sur la Torah «en premier» (baTé’hilah): en d’autres termes, ils ne s’y concentraient pas suffisamment, ils le faisaient par simple routine. D’ailleurs, la valeur numérique de té’hilah (au début), est égale à celle de mikoa’h haherguel bé’alma (par simple routine)... c’est notamment ce péché qui a engendré la destruction du Temple. Car la routine éloigne la Providence Divine. Celui qui ne s’efforce pas de ressentir la Chékhinah, la Chékhinah s’éloigne assurément de lui. En jetant le plateau sur lequel était inscrit: «Monte, ô bœuf», le ’érev rav, la tourbe, obtint un ’éguel, veau, allusion au dégoût, gui’oul, avec lequel ils accomplissaient les mitsvoth par habitude, et surtout se rattachaient au Créateur.

La faute du ’éGueL (’Ayin: 70; GaL:GaLouth: l’exil) les conduisit à la galouth, la dispersion et l’exil au sein des ’ayin, soixante-dix nations. Ils finirent par se moquer: La’aG et par tout tourner en dérision.

Si donc les enfants d’Israël n’ont pas réprimandé la tourbe pour le péché du veau d’or, c’est parce qu’à l’origine ils adoraient eux-mêmes des idoles (Chémoth Rabah 16b; Tan’houma Béha’alotekha 8). En les voyant adorer le veau d’or, ils estimaient qu’ils ne faisaient que suivre l’habitude qu’ils avaient acquise en Egypte, et se turent. Leur silence constituait un vrai péché même s’ils éprouvaient du mépris pour le veau d’or (Yoma 87b; Pessikta de Rabbi Eliézer 39). C’est en fin de compte la routine qui a empêché les enfants d’Israël de réprimander la tourbe, car ils s’étaient habitués à tous les miracles, au lieu de s’en émerveiller chaque fois de nouveau.

Tout péché provient donc en fin de compte de la vie de routine qu’on mène, s’étant abstenus de réprimander la tourbe pour le péché du veau d’or, les enfants d’Israël continuent à le payer tout au long des générations, comme nous l’avons vu (Sanhédrine 102a; Yérouchalmi Ta’anith 4:5, Exode 34:34).

Par conséquent, il convient d’étudier la Torah et d’accomplir toutes les mitsvoth avec beaucoup de ferveur, de faire en sorte que selon les termes de l’auteur du Séfath Emeth, la Torah passe dans notre coeur et notre sang, de fuir radicalement la routine, et de réprimander ceux qui accomplissent les mitsvoth sans aucun enthousiasme. Nous les élèverons alors et renforcerons considérablement leur étude de la Torah.

 

 

Les vertus de Moïse et Aharon face aux ruses du mauvais penchant
TABLE DE MATIERE
«Va! descends» — Toute chute ne vise qu’une élévation

 

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