La bénédiction de l’homme simple

Comme on le sait, l’Eternel paie mesure pour mesure (Chabath 105b; Nédarim 32a). Pourquoi alors Moïse s’est-il vu interdire l’accès en Terre Sainte pour avoir frappé le rocher au lieu de lui parler, comme le lui avait ordonné l’Eternel? Quel rapport peut-on établir entre les deux faits?

D’autre part, essayons de comprendre pourquoi Moïse a accusé les enfants d’Israël de l’avoir mis en colère et incité ainsi à frapper le rocher. N’aurait-il pas d-, lui, le Tsadik de la génération, qui doit donner l’exemple au peuple, maîtriser sa colère?

Finalement, pourquoi les enfants d’Israël n’ont-ils pas prié en faveur de Moïse pour que Dieu exauce sa prière et le laisse entrer en Terre Sainte, lui qui avait tant prié pour eux? Leur prière aurait certainement été exaucée, car nos Sages nous avertissent de ne pas négliger la prière ou la bénédiction du simple (Bérakhoth 7a; Méguilah 15a).

Comme nous l’avons vu, la grandeur de Moché équivaut à celle de toute l’Assemblée d’Israël (Mekhilta Béchala’h 15a). Tout le peuple savait que le maître avait accédé à la perfection, qu’il avait tracé le chemin à tous les Tsadikim et les Sages des générations suivantes (Zohar III, 273a), et que le Saint, béni soit-Il, lui avait montré tous les nouveaux éclaircissements que les commentateurs de la Torah devaient trouver (Méguilah 19b): de telle façon qu’il ne restait plus aux Sages qu’à s’engager dans l’étude de la Torah et à innover ce qui avait déjà été préparé pour eux.

Si les enfants d’Israël n’ont pas prié pour Moché, c’est essentiellement parce qu’ils se sentaient très inférieurs à lui. Si le Saint, béni soit-Il, n’a pas accepté les 515 prières et supplications du géant des hommes, se sont-ils dit, Il n’accepterait certainement pas la nôtre!

Moïse voulait faire comprendre aux enfants d’Israël qu’à leur sortie d’Egypte, après leur asservissement à Pharaon, ce sont eux, et pas lui, qui devaient entonner le Chant de la Mer (ChiRaH dont la valeur numérique est la même que VaEt’HaNaNe: Ba’al HaTourim), car en fait Moïse n’a jamais été asservi à Pharaon et aux Egyptiens. En effet, commentant le verset (où Pharaon ordonne): Pourquoi, Moïse et Aharon, débauchez-vous le peuple de ses travaux? Allez à vos affaires! (Exode 5:4), Rachi explique: Rentrez chez vous, occupez-vous de votre foyer! car vous n’êtes pas asservis aux travaux d’Egypte. Toutefois, quand le Saint, béni soit-Il, a fait sortir les enfants d’Israël en accomplissant des miracles comme la traversée de la Mer Rouge, etc. Moché a partagé leur joie et chanté avec eux, lui le premier, comme il est écrit: Alors Moïse (puis) les enfants d’Israël... (id. 15:1).

Pourquoi ne partagez-vous pas ma détresse? Pourquoi ne priez-vous pas en ma faveur? leur demanda Moïse. Ne dites surtout pas que vous n’êtes pas dignes de prier pour moi. N’est-il pas écrit: Que la bénédiction du simple ne soit pas négligeable à tes yeux! (Méguilah 15a).

La question de la colère de Moïse reste toutefois posée. Comment un grand Tsadik de son envergure ne s’est-il pas contrôlé? Pourquoi Moché prétend-il que c’est à cause des enfants d’Israël qu’il n’a pas pu entrer en Terre Sainte?

Si Moché tenait tant à entrer en Erets Israël, c’est essentiellement pour y accomplir de nombreuses mitsvoth qu’on ne peut pas accomplir en Diaspora. D’autre part, si Moché avait construit le Temple, il n’aurait jamais été détruit et le peuple d’Israël ne serait pas parti en exil (cf. Sotah 9a).

Nous savons d’autre part que le Saint Temple se dresse sur le Mont Moriah, où se trouve la pierre d’assise au-dessous de laquelle sont concentrées toutes les eaux du monde. La Guémara raconte que lorsque le Roi David a creusé les fondations du Saint Temple, l’abîme a menacé d’inonder le monde. Il a écrit sur une plaque d’argile le nom ineffable de Dieu et l’a jeté au fond des eaux qui sont redescendues... (Makoth 11a).

Le Yérouchalmi (Sanhédrine 10) rapporte quant à lui que c’est en soulevant un morceau d’argile que ce dernier lui a crié: Ne m’ôtes pas d’ici car j’empêche les abîmes d’inonder le monde depuis le jour du don de la Torah au Sinaï où toute la terre a tremblé. Mais David ne lui a pas obéi...

En interdisant à Moché l’accès de la Terre Sainte, Dieu a donc agi envers lui mesure pour mesure. Ayant frappé le rocher par deux fois, il n’a pas non plus été digne de construire les deux Temples dont les fondations étaient posées sur l’eau.

Le moment où Moïse s’est mis en colère était un temps propice devant le Saint, béni soit-Il, et si tous les enfants d’Israël s’étaient unis, ils auraient pu annuler la sentence rigoureuse qui était prononcée contre eux depuis la faute des explorateurs, qui avaient commis le péché de médisance contre la Terre Sainte et entraîné les pleurs des générations à venir qui jusqu’à nos jours se lamentent sur la destruction des deux Temples... S’ils l’avaient mérité, Moïse aurait conduit alors le monde à un état de perfection...

La colère de Moché était due à la controverse qui sévissait au sein des enfants d’Israël et contre lui. Il a donc frappé deux fois le rocher: il n’a pas su maîtriser sa colère précisément en ce moment favorable et n’a pas eu le mérite d’entrer en Israël.

C’est donc à cause de la haine gratuite des Juifs que Moïse n’a pas pu entrer en Terre Sainte. Comme nous l’avons vu plus haut, peut-être l’union entre eux et leur prière commune auraient pu annuler la sentence rigoureuse. Ils ont plutôt fait preuve de petitesse en prétendant que leur prière ne serait d’aucune efficacité pour Moïse, le grand Tsadik, le maître de tout le peuple. Or, comme l’enseignent nos Sages, tout Juif, aussi humble soit-il, peut prier pour tout autre et implorer l’Eternel pour son salut.

 

 

La vertu de la téchouvah avant la prière
TABLE DE MATIERE
L’ouïe, instrument d’élévation dans le service divin

 

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