Le rattachement à la Torah et l’existence de Dieu

Encore trois questions sur le premier verset de la sidrath Rééh:

1) Pourquoi le verset utilise-t-il le verbe Nothen, Je vous donne la Torah. Il aurait d- dire tout simplement: Si vous recevez la Torah, vous serez bénis...

2) Pourquoi les deux termes bénédiction et malédiction sont-ils juxtaposés? Les enfants d’Israël étaient tous Tsadikim à l’époque et dignes seulement de la bénédiction. Pourquoi alors cet avertissement comportant la malédiction?

3) Qu’entend-on exactement par Rééh?

Comme nous le savons, la création visait essentiellement l’étude de la Torah, sans laquelle le ciel et la terre n’auraient pas été créés (Pessa’him 68b), comme il est écrit: Si mon pacte (l’étude de la Torah) le jour et la nuit ne subsistait pas, je cesserais de fixer des lois au ciel et à la terre (Jérémie 33:25). C’est, comme nous l’avons vu, avec la Torah que Dieu a créé le monde... Le rôle de l’homme consiste donc essentiellement à fixer et réfléchir sur la créature et y ressentir la force de la Torah. Il finira ainsi par se rattacher automatiquement à Dieu. D’immenses efforts sont requis pour accéder à ce niveau; il faut surmonter d’innombrables épreuves pour en arriver à la conclusion que la Torah se trouve dans tous les détails de la création, et que c’est elle qui a tout façonné ici-bas.

Ceci ressemble à l’impact que laisse le soleil sur l’endroit qu’il chauffe: cet endroit reste chaud même après la disparition du soleil. L’endroit qui était humide et mouillé a été asséché et quand on le touche on ressent l’impact que le soleil y a laissé. Cet impact que Dieu a laissé dans la création, il convient de le ressentir dans le domaine de la Torah aussi: en s’engageant sérieusement dans son étude. Ce qu’il faut essentiellement viser dans l’étude de la Torah, c’est Rééh, voir le Saint, béni soit-Il, en tout lieu et en toute circonstance. On se rattache alors à Lui. S’Il a donné aux enfants d’Israël la Torah en cadeau, comme il est écrit: du désert à Matanah (cadeau) et de Matanah à Na’haliel (Nombres 21:19), c’est pour qu’ils accèdent à l’objectif principal de la vie, ressentir l’impact puissant de Dieu dans la création du monde, grâce à la Torah.

La bénédiction divine consiste à percevoir l’Eternel, à prendre conscience du cadeau (la Torah) qu’Il nous a offert, de se souvenir du Anokhi qu’Il a prononcé sur le Mont Sinaï regard de l’Eternel jeté sur la Création... Nous le verrons ainsi partout et nous nous attacherons à Lui. Autrement, c’est une malédiction pour nous, à Dieu ne plaise. Car à quoi sert de s’engager dans l’étude de la Torah, si nous ne Le voyons pas partout... Comme nous l’avons vu (RéEH-vois et RaZ-secret, ont la même valeur numérique: 206 + 1), celui qui s’attache à la Torah de toutes ses forces, on lui en révèle les secrets (Zohar II, 99a): n’est-ce pas là la plus grande bénédiction? Il finit même par voir le visage de Dieu, comme il est écrit: Trois fois par an, tous les mâles paraîtront par-devant le Souverain, l’Eternel (Exode 23:17). Le verset ne dit pas: Trois fois par an, tu monteras à la Maison de Dieu, car monter sans rien ressentir n’aboutit à rien. Il faut donc que ce pèlerinage conduise l’homme à voir partout l’existence et l’oeuvre du Saint, béni soit-Il. On vient voir et on se fait aussi voir (‘Haguigah 2a): la vue du Saint Temple, celle de la Chékhinah sur le Mont sacré, raffermit alors le culte divin.

On sait combien il est difficile de s’abaisser devant quelqu’un de plus important que soi: ceci n’engendre pas la joie. Il n’en est pas de même devant le Créateur du monde, devant qui on s’efface volontiers en échangeant ses plaisirs et passions contre la joie de servir Dieu.

Véhayah ‘Ekev Tichmé’oun.On accède à la joie (Véhayah) en faisant preuve d’humilité, aspect de ‘Ekev. Les paroles de Torah se font tichmé’oun bien entendre, imprègnent le coeur de celui qui les étudie et le remplissent d’une joie immense. Sa récompense: il voit le Saint, béni soit-Il, en tout lieu et en toute circonstance... Ce n’est malheureusement pas le cas de nos jours où il est tellement difficile de percevoir la vérité. A l’avènement du Machia’h, enseignent nos Sages (Sotah 49b), la vérité sera absente; on ne pourra pas la distinguer du mensonge, et toutes sortes de faux prophètes troubleront l’esprit des gens. Même les grands d’Israël tomberont dans les filets de ces voyants qui n’ont aucune notion de la vérité.

On ne peut échapper à cet état de fait qu’en recherchant la Torah de vérité, comme il est écrit: Tu donneras la vérité à Jacob (Michée 7:20). Nous devons absolument prendre conscience du fait que tant que nous vivons nous pouvons changer, en bien ou en mal, à Dieu ne plaise. Même en Ses saints, Il n’a pas confiance! (Job 15:15). N’aie pas confiance en toi-même jusqu’au jour de ta mort, nous avertit Rabban Gamliel (Avoth 2:5). N’oublions pas le cas du grand Pontife Rabbi Yo’hanan qui est devenu Saducéen après avoir servi dans ses hautes fonctions durant quatre-vingts ans (cf. Bérakhoth 29a). Mais quand on disparaît de ce monde, on revêt l’aspect de vérité EMeTh qui a la même valeur numérique (440 + 1) que MeTh (la mort) car on ne peut plus changer.

Pour accéder à la vérité, on doit se tuer dans la tente de la Torah (cf. Nombres 19:14; Bérakhoth 63b; Chabath 83b; Zohar II, 158b). La vérité va germer du sein de la terre (Psaumes 85:12). Elle croît à mesure qu’on s’y soumet et améliore sa conduite. On finit alors par vraiment voir la Divinité. Au cas inverse, même la Torah qu’on étudie constitue un joug et une malédiction, car on ne manifeste pas le désir de se rapprocher de Dieu. Rappelons-nous à ce propos le cas d’Elicha’ ben Avouya qui, malgré sa grandeur en Torah, a renié sa foi du fait qu’il lisait aussi des livres athées (‘Haguigah 15b). Dans notre contexte, il n’a pas accédé à l’objectif de la vie, et au lieu d’une bénédiction, sa fin a été une vraie malédiction.

Citons aussi le cas de Guéhazi, serviteur d’Elyahou, qui était un érudit en Torah, a pris à Na’aman, chef des armées d’Aran, deux kikars d’argent, deux saccoches avec des vêtements de rechange (Rois II, 5:23), en dépit du refus de son maître, profanant ainsi le nom de Dieu. Elicha’ se mit en colère contre lui et l’insulta: La lèpre de Na’aman s’attachera à toi et à ta postérité à jamais (id. 27). Dans notre contexte, ayant eu une vue (rééh) déficiente et s’étant abstenu de se soumettre (‘ékev) à son maître, il s’est complètement perverti à cause de son orgueil et de sa cupidité.

Commentant le verset: Cette fois, je rends grâce à l’Eternel! C’est pourquoi elle le nomma Judah (Genèse 29:35) prononcé par Léah après la naissance de son quatrième fils, nos Sages font remarquer qu’elle était la première personne qui ait exprimé sa gratitude à l’Eternel depuis la Création du monde (Bérakhoth 7b). Pourquoi ne L’a-t-elle pas remercié après la naissance de Réouven, Chimon ou Lévi?

Si les yeux de Léah étaient ternes (Genèse 29:17), c’est qu’elle se soumettait constamment à Dieu, et si Ra’hel lui a transmis les signes (Méguilah 13b), c’est parce qu’elle était consciente de la grandeur de Léah, qui était digne de se marier avec notre patriarche Jacob... C’est parce qu’elle a toujours exploité sa vue pour accéder à la vérité. Sa vue spirituelle était tellement grande qu’elle avait prévu l’épisode de Judah avec Tamar (Sotah 7b). Elle a rendu grâce à l’Eternel pour son fils le Tsadik qui n’a pas éprouvé de honte à avouer (Yéhoudah: vient du mot hodaah qui veut dire remercier et aussi reconnaître) sa faute. Ce qui était très difficile pour un homme de son rang. En dépit du fait qu’il était roi, il était conscient de l’humiliation engendrée par son aveu, au lieu de chercher des excuses, il n’a eu en vue que la vérité et avoué sa faute sans la moindre hésitation.

C’est ce même trait que nous trouvons chez le Roi David qui voyait partout l’existence de Dieu, comme il est écrit: Je fixe constamment mes regards sur le Seigneur (Psaumes 16:8). C’est ce qui lui a permis de se représenter toujours ses péchés devant lui. Mon péché est sans cesse devant moi (id. 51:4) n’hésite-t-il pas à avouer. Comme il veillait sans cesse à corriger ses fautes dont il en avait sincèrement honte, et qu’il se considérait plutôt comme un serviteur de Dieu qu’un roi et s’effaçait devant Lui, il a accédé à la joie dans l’étude de la Torah, comme il est écrit: David dansait de toutes ses forces devant l’Eternel (Samuel II, 6:14).

En dépit de ses connaissances extrêmement vastes en Torah, David s’est toute sa vie soumis à l’Eternel et humilié devant Lui. Nous avons déjà vu que la nuit où il a fui Chaoul, il a appris du prophète Elie ce que le Sage le plus érudit apprend en cent ans. Lui, le Roi d’Israël, qui n’avait appris d’A’hitophel que deux Halakhoth, l’a appelé son maître, son conseiller et son ami (Avoth 6:3), comme il est écrit: Mais c’est toi, en tout mon pareil, mon ami et mon confident (Psaumes 55:14). S’il a agi de la sorte, c’est essentiellement pour accroître la valeur de la Torah aux yeux des Juifs de sa génération, qui étaient vaincus dans les batailles qu’ils livraient à leurs ennemis car ils médisaient l’un de l’autre (Vayikra Rabah 26:2). Il les incitait à s’engager dans l’étude de la Torah plutôt que de médire l’un de l’autre. Comme il ne prenait pas égard à son honneur personnel, c’est lui qui fera la bénédiction sur la coupe de vin dans l’avenir. Avraham n’en sera pas digne, car il a engendré Ychmaël; Yits’hak n’en sera pas non plus digne, car il a engendré Essav; Ya’akov non plus du fait qu’il a épousé deux soeurs, ce que la Torah interdira par la suite (Lévitique 18:18; Kidouchine 50b). Moïse n’en sera pas non plus digne parce qu’il n’a pas eu le mérite d’entrer en Terre Sainte (cf. Deutéronome 50b). Comme il n’a pas eu de fils, Yéhochoua’ ben Noun enfin, ne sera pas non plus digne de réciter la bénédiction sur le vin. Seul, le Roi David lèvera la coupe du salut et proclamera le nom de l’Eternel (Psaumes 116:13; Pessa’him 119b).

Nous voyons aussi l’humilité du Roi David dans le fait qu’il suivait volontiers les railleurs de la génération qui l’invitaient à s’engager avec eux dans l’étude de la Torah, et leur montrait un visage souriant. Je suis dans la joie quand on me dit: Nous irons dans la maison de l’Eternel (Psaumes 122:1). La Guémara interprète différemment ce verset: Les mécréants se moquaient de David: Quand ce vieillard mourra-t-il, se disaient-ils, pour laisser la place à son fils Salomon qui construira le Saint Temple où nous irons en pèlerinage (Makoth 10a; voir aussi Cho’her Tov 122). Comme il en a éprouvé de la joie, l’Eternel lui dit: Assurément, un jour dans tes parvis vaut mieux que milles [autres]... (Psaumes 84:11): Je préfère un seul jour où tu t’engages dans l’étude de la Torah aux mille sacrifices que ton fils Salomon est destiné à offrir sur l’autel... La Torah de David était plus importante, car il était humble et voyait partout l’existence de Dieu. Il a accédé à ces vertus parce qu’il se réjouissait de Dieu et de Sa Torah, en se conformant à Sa volonté.

Nombreux sont mes persécuteurs et mes ennemis; je n’ai point dévié de Tes statuts (Psaumes 119:157) avouait David. Ses ennemis n’ont pas réussi à lui faire entretenir le moindre doute sur l’omniprésence de Dieu, bien au contraire: en toute chose, il voyait Sa gloire et était parfaitement convaincu que tout vient de Lui. C’est ainsi qu’il n’a pas laissé Avichaï, fils de Sérouya, son maître, tuer Chim’i, fils de Guéra, qui l’accablait d’injures. S’il insulte ainsi, lui expliqua-t-il, c’est que Dieu lui a inspiré d’insulter David (cf. Samuel II, chap. 16).

C’est essentiellement par le concept de vue que le Roi David en est arrivé à aimer la Torah, comme il est écrit: Vois, comme j’aime Tes prescriptions (Psaumes 119:159). C’est grâce à elle qu’il voyait partout l’existence de Dieu. J’ai observé les traîtres et j’en ai été écoeuré, car ils ne respectent pas Ta parole (id. 158), se plaint-il. C’est à cause de la déficience de leur vue que ces gens n’empruntent pas la voie divine. Et s’ils ne voient pas, contrairement au Roi David, ils ne peuvent pas se rattacher à Dieu et réfléchir à l’objectif de la vie.

Le pèlerinage au Saint Temple visait essentiellement la RéIyah (vue), celle de l’existence du Saint, béni soit-Il. Lorsque je contemple Tes cieux, oeuvre de Ta main... (Psaumes 8:4), j’en arrive à T’exprimer ma gratitude. Que Tes oeuvres sont grandes, ô Seigneur! (id. 104:24). La vue lui a permis de discerner l’impact que l’Eternel a laissé dans la Torah et la Création.

Commentant le verset: des renouveaux chaque matin, infinie est Ta bienveillance (Lamentations 3:23), le Ari zal, explique que toutes les nuits l’âme monte au Ciel où elle se renouvelle. Le matin, comme l’esprit de l’homme se renouvelle, la Providence Divine peut résider en lui, comme il est écrit: Et ils me construiront un Sanctuaire pour que Je réside au milieu d’eux (Exode 25:8). Le verset ne dit pas: au milieu de lui, mais au milieu d’eux: de chaque Juif. Pourquoi alors dans ces circonstances ne fait-on pas une bénédiction: Qui m’as créé Juif et lui préfère Qui ne m’as pas créé Gentil?

C’est que, quand l’homme se réveille le matin et voit que l’âme est retournée dans son corps, il se demande: qui suis-je pour avoir eu l’insigne honneur de m’attacher à Dieu? Cet émerveillement devant la gloire et la splendeur de son Créateur peut lui co-ter la vie tellement son attachement à Dieu est grand. Il procède alors par étapes. Au début, il exprime sa gratitude au Saint, béni soit-Il, de ne pas l’avoir créé esclave et non-juif... Par la suite, grâce à la Torah qu’il étudie, il prend conscience des bienfaits de Dieu et est fermement convaincu que rien de mal ne lui arrivera. Il porte alors désormais le titre de fils de Dieu comme il est écrit: Vous êtes les enfants de l’Eternel, votre Dieu... (Deutéronome 14:1). Il lui sied alors  de dire: Heureux sommes-nous; heureux est notre lot de nous rendre matin et soir aux synagogues et maisons d’étude. Heureux surtout que notre proximité à Dieu ne nous ait pas co-té la vie! Parlant des clochettes qui pendaient sur la robe du Grand Pontife, l’auteur de Aryeh Chaag explique que grâce à leur tintement, il ne mourait pas car il revenait à lui et se distançait de son grand attachement à Dieu qui pouvait lui être fatal au moment où il servait dans le Saint des Saints. Tout Juif est susceptible de subir ce sort, mais l’Eternel l’aide à continuer à vivre pour qu’il se rapproche davantage de Lui... Y a-t-il donc une plus grande bénédiction pour le Juif, qui constate l’omniprésence de Dieu à chaque pas qu’il fait sur terre?

 

 

Comment accéder à la lumière et aux secrets de la Torah
TABLE DE MATIERE
La modestie conduit à la bénédiction et transforme la malédiction en bénédiction

 

Hevrat Pinto • 32, rue du Plateau 75019 Paris - FRANCE • Tél. : +331 42 08 25 40 • Fax : +331 42 06 00 33 • © 2015 • Webmaster : Hanania Soussan