Le zèle et les réprimandes ouvrent la voie à la téchouvah

Il est écrit : « Ordonne à Aaron et à ses fils ce qui suit : Ceci est la règle de l’holocauste, c’est l’holocauste qui se consume sur le brasier de l’autel. » (Lévitique 6, 2).

Selon Torath Cohanim (6, 1), le mot « tsav » constitue une incitation au zèle, maintenant et pour toutes les générations. Pour Rabbi Chim’on, l’Ecriture estime cet encouragement nécessaire là où il y a une perte ou un manque. Dans notre cas, le cohen chargé d’exécuter le sacrifice de l’holocauste est également la personne qui nettoie les cendres, purifie les lieux et accomplit tous les travaux nécessaires. Il risque donc d’en concevoir un grand orgueil, surtout dans le cas d’Aaron qui, de plus, change de vêtements le jour de Kippour pour pénétrer dans le Saint des Saints. La Torah vient par conséquent le mettre en garde, afin qu’il ne se laisse entraîner à aucune mauvaise pensée.

Il ne peut parvenir à éviter ce piège et à continuer à s’élever qu’en manifestant un zèle extrême dans le service de Dieu. C’est pourquoi la Torah insiste en disant que « le feu de l’autel doit y brûler » : pour continuer à progresser, il doit investir sans aucune interruption tout son zèle et tout son enthousiasme (le feu de l’autel).

Nous retrouvons cette qualité chez Joseph, qui, dans l’épisode avec la femme de Putiphar, a été préservé de la faute par le mérite de l’élan qui l’habitait, et dont témoigne le verset : « il laissa son vêtement et sortit en s’enfuyant » (Genèse 39, 12). S’il n’avait pas agi précipitamment, sans tarder un seul instant pour récupérer son vêtement, il n’aurait pas réussi à vaincre la puissance de son désir et aurait risqué de pécher.

A ce même propos, Jacob s’est lui aussi empressé d’envoyer Juda en Egypte, ainsi qu’il est écrit : « il envoya Juda devant lui pour préparer l’entrée en Gochen » (Genèse 46, 28). Pourquoi donc ? Afin d’organiser une maison d’études d’où sortirait l’enseignement de la Torah (Béréchith Rabah 95, 3, Tan’houma Vayigach 11). Cette rapidité d’action est due au fait que Jacob et toute sa famille s’étant habitués à baigner dans la sainteté d’Erets-Israël, la descente en Egypte risquait de provoquer chez eux un état de manque profond qui résulterait en un affaiblissement de leur service de Dieu, car l’Egypte est la source de l’impureté par excellence (Zohar I, 81b). Certes, l’Eternel avait promis à notre père Jacob « Je descendrai avec toi en Egypte et je t’en ferai certainement remonter » (Genèse 46, 4), mais il voulait agir lui-même sans s’appuyer uniquement sur cette promesse. Il a donc immédiatement envoyé Juda préparer un endroit de Torah, pour qu’en Egypte aussi ses descendants puissent ressentir une sainteté comparable à celle de la terre d’Israël et respirer l’essence de la sainte Torah.

Ce sujet est également traité dans le Choul’hane Aroukh (Ora’h ‘Haïm 459 par. 2), à propos de la cuisson de la matsa mangée pendant la nuit du séder : tout doit être fait avec la plus grande rapidité, de peur qu’elle ne fermente, ce qu’on apprend du verset : « vous prendrez grand soin des matsoth » (Exode 12, 17). Or les mots mitsvoth et matsoth s’écrivent de la même façon, si bien que la matsa fait allusion à la mitsvah, comme il ressort de l’explication des Sages sur le verset en question : Une mitsvah qui passe à ta portée, ne lui laisse pas le temps de « fermenter », ne la laisse pas s’abîmer (voir Choul’hane Aroukh Ora’h ‘Haïm 1, 1). De cette façon, l’homme évitera quand il accomplit une mitsvah d’en concevoir de l’orgueil. Mais à lui seul, le zèle est insuffisant pour s’élever et revenir à Dieu. De notre verset, « Ceci est la règle de l’holocauste, c’est l’holocauste », nous apprenons aussi l’importance d’écouter les remontrances et de s’effacer devant l’Eternel quand on veut se rapprocher de Lui.

La Guémara (Avodah Zarah 17a) raconte l’histoire de Rabbi Elazar ben Dourdaya, qui avait eu commerce avec toutes les prostituées (...). Il s’est rendu chez l’une d’elles de l’autre côté de la mer (...). Elle lui a dit : « De même que le souffle ne reviendra jamais d’où il est sorti, on n’acceptera jamais le repentir d’Elazar ben Dourdaya. » Il est allé demander aux montagnes et aux collines d’intercéder pour lui, et elles lui ont répondu : avant d’intercéder pour toi, nous demanderons d’abord miséricorde pour nous-mêmes, ainsi qu’il est dit : « Que les montagnes chancellent, que les collines s’ébranlent » (Isaïe 54, 10). Le ciel et la terre lui ont répondu : nous demanderons d’abord miséricorde pour nous-mêmes, ainsi qu’il est dit : «Les cieux s’évanouissent comme la fumée, la terre s’en va comme un vêtement usé » (Ibid. 51, 6). Le soleil et la lune lui ont répondu : nous demanderons d’abord miséricorde pour nous-mêmes, ainsi qu’il est dit : «la lune sera couverte de honte, le soleil de confusion » (Ibid. 24, 23). Les étoiles et les planètes lui ont répondu : nous demanderons d’abord miséricorde pour nous-mêmes, ainsi qu’il est dit : «toute la milice céleste se dissout » (Ibid.34, 4). Alors il s’est dit : la chose ne dépend que de moi. Il a posé la tête sur ses genoux et s’est mis à sangloter si violemment que son âme s’est échappée. Une voix céleste s’est alors écriée : Rabbi Elazar ben Dourdaya est invité à la vie du monde à venir.

Cette histoire est très difficile à comprendre. On sait parfaitement que ce qui vient du coeur va droit au coeur de l’interlocuteur (voir Bérakhoth 6b, Chirat Israël du Rav Moché Ibn Ezra p. 156), et l’on conçoit que le repentir puisse en résulter, car les paroles en question proviennent d’un feu intérieur. On ne voit pas en revanche comment cette prostituée, dont les paroles ne sortaient certainement pas du coeur, a réussi à avoir une telle influence sur Elazar ben Dourdaya.

Il semble qu’il y ait une autre voie que l’homme puisse emprunter pour transcender sa nature et faire téchouvah : c’est l’effacement de soi et l’humilité, en même temps que l’attention portée aux paroles de réprimande, vinssent-elles même d’un méchant. Quand on adopte cette attitude, elles peuvent avoir une bonne influence. Rabbi Elazar ben Dourdaya nous a enseigné une nouvelle voie vers la téchouvah en prêtant attention aux reproches d’une femme de mauvaise vie, et c’est lui-même qui a utilisé les forces immenses qui étaient en lui et le remplissaient de désirs impurs pour transformer ses propos en bénédiction, faisant totalement abstraction de lui-même dans la profondeur de son repentir. Tout homme peut choisir entre le bien et le mal, ainsi qu’il est écrit : « Tu choisiras la vie » (Deutéronome 30, 19); il a également le pouvoir de changer le mal en bien. S’il prête attention aux reproches même de la part d’un homme impie, il a le pouvoir de se transformer, de faire pénétrer lui-même dans son coeur les paroles qu’il a entendues au lieu d’attendre qu’elles y entrent toutes seules, et de donner une nouvelle direction à sa vie.

C’est ce qui s’est passé pour Nevouzeradan (Guittin 57b). Il a trouvé le sang de Zacharie en train de bouillonner, et les benei Israël ne voulaient pas lui dire de qui c’était le sang. Ils ont fini par avouer que c’était celui d’un prophète qui leur avait fait des remontrances et qu’ils avaient tué. Alors il a fait venir le Grand et le Petit Sanhédrin et a tué tous leurs membres, des jeunes gens et des jeunes filles et les a tués, de très jeunes enfants et les a tués. Le sang ne s’apaisant toujours pas, il a dit : « Zacharie, Zacharie, j’ai tué les meilleurs de ton peuple. Veux-tu donc que je les tue tous ? » Alors seulement le sang s’est apaisé. A ce moment-là, Nevouzeradan s’est repenti, en se disant que si le meurtre d’un seul homme était si difficile à expier, combien écrasante était sa propre faute, à lui qui avait tué tant de personnes ! Il finit par se convertir au judaïsme. Or son repentir et sa conversion ultérieure étaient dus à la méchanceté avec laquelle il avait tué un si grand nombre de benei Israël. De la même façon, Rabbi Elazar ben Dourdaya est arrivé à la téchouvah par les reproches que lui a adressés une femme de mauvaise vie au-delà des mers.

Tout ce qui a été dit jusqu’à présent nous permet de comprendre la répétition : « Ceci est la règle de l’holocauste, c’est l’holocauste ». Il y a deux voies (donc deux fois le mot holocauste) qui permettent de s’éveiller à la téchouvah. Dans la première, l’homme entend des paroles de reproche de la part d’un juste, ce qui l’aide à s’élever (‘O-L-H, même racine que le mot ‘OLA, holocauste). La deuxième est plus difficile. Elle consiste à prêter attention aux paroles de reproche d’un racha, qui ne devraient pas normalement rentrer dans le coeur, mais que l’intéressé lui-même peut y faire pénétrer, en faisant usage de son libre arbitre et en s’effaçant totalement devant Dieu. C’est cela « Ceci est la règle de l’holocauste, c’est l’holocauste », deux fois le mot ola, une montée vers l’Eternel à travers les remontrances du Tsadik ou du racha, et c’est pourquoi le mot mokda (brasier) est écrit avec un petit mem, car il fait allusion à cette soumission absolue envers l’Eternel.

Les midrashim (Mekhilta Yitro 18, 66, Tan’houma Yitro 6) racontent que Yitro avait pratiqué toutes les formes d’idolâtrie possibles, et qu’il a malgré tout réussi à s’éveiller de lui-même et à dire : « Maintenant, je sais que l’Eternel est plus grand que tous les dieux » (Exode 18, 11). Il a mérité d’être l’ami de Dieu, et de recevoir le nom de Yeter (littéralement « superflu », mot qui évoque la modestie et l’effacement) (Chemoth Rabah 27, 8), car c’est précisément au travers de l’idolâtrie qu’il en est arrivé là, ce qui nous montre que tout un chacun peut s’incliner et s’élever spirituellement en s’abaissant devant Dieu et en écoutant les remontrances, et se rapprocher ainsi de Lui.

 

L’importance du zèle dans le service de Dieu
Table de matière
De l’enthousiasme pour la Torah et les mitsvoth quand il s’accompagne du zèle et de l’humilité

 

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