J’ai beaucoup appris de mes maîtres, et de mes égaux... (l’effacement devant le tsadik)

A propos du verset : « Ceci est la Torah [règle] de l’holocauste, c’est l’holocauste qui se consume sur le brasier de l’autel » (Lévitique 6, 2), les commentateurs ont tenté de comprendre la répétition du mot « holocauste ».

L’Ecriture nous dit par là en allusion comment l’homme doit se comporter dans son service de Dieu, et ce qu’il doit faire pour s’élever dans les degrés de la Torah et de la crainte du Ciel. Au début, il faut qu’il veuille étudier la Torah. Comment y parvenir ? Il ne le peut qu’en allant trouver un sage pour lui demander de le prendre en pitié (Bava Batra 116a) et de le mettre sur le bon chemin. Alors quelque chose en lui s’éveillera, son désir de continuer à monter de plus en plus haut s’accentuera, et il accomplira les mitsvoth de mieux en mieux. Ce processus est comparable au cas d’un homme qui dort dans son lit, et qui pour se lever doit dans un premier temps se réveiller. S’il se contente de se réveiller mais reste allongé sur son lit, son réveil ne lui a rien fait gagner, il est même possible au contraire qu’il y ait perdu... car ce n’est pas la théorie qui est l’essentiel mais l’action.

Qu’est-ce qui est meilleur pour l’homme, le réveil ou le lever ? Bien évidemment, les deux sont importants et agissent l’un sur l’autre, mais il faut savoir que le réveil n’a d’importance que s’il est effectif, s’il provoque un lever. Celui qui s’éveille un peu puis se rendort n’est pas considéré comme s’étant réveillé...

C’est le sens du verset : « Ceci est la Torah de l’holocauste, c’est l’holocauste ». La répétition de « C’est l’holocauste », le réveil et le lever, indique à l’homme la seule façon de s’élever au point que se réalisent en lui les paroles de la Torah et que la Présence divine descende et repose sur lui. En effet, il est par nature relié à Dieu, car son âme est une petite partie de la divinité, si bien qu’il doit chercher à se réveiller car son coeur l’est déjà, ainsi qu’il est écrit : « Je dors, mais mon coeur veille » (Chir Hachirim 5, 2). Cela signifie que cette même partie de la divinité doit s’éveiller de son sommeil. Ensuite seulement : « C’est l’holocauste qui se consume sur le brasier de l’autel ». Le mot brasier (mokdah) est composé des mêmes lettres que KOUM dalet hé (racine « se lever »), et aussi HaKeM vav-dalet (même racine), ce qui évoque le fait d’éveiller et faire lever le vav dalet (dont la valeur numérique conjuguée est dix), à savoir les dix sefirot et les Dix Paroles. L’homme doit s’éveiller de son engourdissement et se relier aux dix sefirot et à la Torah, se lever et passer à l’action. Alors il sortira totalement de l’obscurité, de la nuit et du brouillard qui l’entourent comme une écorce, et il arrivera au matin qui est la lumière des justes, comme le dit le verset : « La lumière se répand sur le juste » (Psaumes 97, 11), ce qui veut dire qu’il sera entièrement attaché à la Chekhinah qui est la lumière (Tikounei Zohar 33, 77a). C’est cela « Sur le brasier de l’autel, toute la nuit jusqu’au matin ».

Nous pourrons expliquer à merveille la signification de ce verset en commençant par aborder un sujet très profond : les benei Israël, dans l’exil amer qui a suivi la destruction du Temple, croyaient qu’ils n’avaient plus aucune possibilité de relever la tête. En constatant que l’exil se prolongeait au-delà des soixante-dix ans dont parlait le prophète (« Voici, en vérité, ce que dit l’Eternel : Quand Babylone sera au terme de soixante-dix ans pleinement révolus, je prendrai soin de vous et j’accomplirai en votre faveur ma bienveillante promesse de vous ramener en ces lieux » (Jérémie 29, 10)), ils sont tombés dans un grand désespoir, au point de souhaiter ressembler à tous les peuples. Ce désir les a menés à participer au festin d’Assuérus (Méguilah 12a), ce qui leur a valu une lourde condamnation. Et même si nous disons qu’ils n’ont pas vraiment partagé ce festin mais que chacun a mangé ce qu’il avait apporté de chez lui, cela leur a néanmoins été compté comme s’ils avaient mangé des aliments interdits, considérés comme des sacrifices aux morts (Avodah Zarah 8, voir la conclusion du Beit Yossef dans Yoré Déa). Sans compter qu’ils ont joui de la fête et de la beauté du palais rempli d’idoles, et plus encore, ont profité de ce qu’Assuérus a sorti devant eux tous les ustensiles du Temple et les vêtements du Grand Prêtre (Méguilah 11b, Esther Rabah 2, 11). Tout cela a donné de la force au côté de l’ombre, car Assuérus, comme il savait que les benei Israël était un peuple dispersé et disséminé (Esther 3, 8), n’avait pas imaginé qu’ils viendraient lui rendre hommage... or ils sont venus. Ils ont donc renforcé la kelipah et l’obscurité en leur permettant de régner sur les juifs.

De plus, Assuérus, en constatant que l’exil avait créé chez les juifs un état d’abattement et de déchirement (Yébamoth 47a), a fait étalage de son immense fortune et de toute la gloire de son royaume, pour les décourager et les désespérer encore plus. Les sources rapportent une anecdote qui évoque le même sujet à propos de Rabbi Yéhochoua ben Lévy (Béréchith Rabah 33, 1, Vayikra Rabah 27 A, Tan’houma Emor 6). Se trouvant à Rome, il a vu des colonnes de marbre recouvertes, pour que le froid et la chaleur ne les abîment pas, puis ensuite, au marché, un pauvre qui était enveloppé dans une natte parce qu’il n’avait pas de vêtements. Sur les colonnes, il a dit « Ta justice est comme les montagnes de Dieu » (Psaumes 36, 7), et sur le pauvre il a dit : « Tes arrêts sont comme l’immense abîme » (Ibid.). De même ici, Assuérus a voulu montrer aux benei Israël la différence entre son immense richesse et leur pauvreté, afin de les briser moralement.

A ce moment-là, les juifs ont été condamnés à la destruction, parce qu’ils avaient donné de la puissance à la kelipah et aux forces de l’ombre. C’est pourquoi la reine Esther, quand elle a entendu que Mardochée s’était revêtu d’un sac et de poussière, lui a envoyé demander par ‘Hatakh de quoi il s’agissait (mah zeh vé-al mah zeh) (Esther 4, 5). Cela signifie que pour annuler le décret, il leur fallait d’abord sortir du désespoir et de la mélancolie où ils étaient plongés, s’éveiller au repentir et se rattacher de nouveau à Dieu dont ils avaient dit autrefois : « C’est mon Dieu (zeh E-li) et je lui rends hommage » (Exode 15, 2). Ils devaient aussi accomplir à nouveau les Dix Paroles dont la Torah dit qu’elles étaient écrites des deux côtés (mi-zeh ou mi-zeh, Ibid. 32, 15), et de plus découvrir ce qui était caché dans leur intériorité, à savoir le mah (quoi), dont la valeur numérique est la même que celle de adam (« homme »), ainsi que celle du Tétragramme quand on écrit le détail de toutes les lettres (Zohar ‘Hadach Ruth 102b). Cela signifie qu’en se rattachant à la parcelle de divinité en eux au moyen de zeh (zeh E-li, c’est mon Dieu), ils pourraient s’éveiller de leur sommeil, et le salut arriverait. Ils mériteraient en outre une élévation spirituelle, évoquée par al mah zeh (la racine « al » signifie s’élever). En se rattachant au zeh et au al, ils s’élèveront et seront sauvés.

Là-dessus, Mardochée lui a raconté et kol acher karahou (tout ce qui lui était arrivé) (Esther 4, 7). ACHeR est formé des mêmes lettres que ROCH (la tête), KaRahou peut être compris comme évoquant KeRiRout (le refroidissement). Cela signifie qu’il lui a mandé que les benei Israël étaient arrivés à un tel désespoir que leur tête et leur cerveau s’étaient complètement refroidis et qu’ils étaient loin de Dieu, tout cela ayant été provoqué par KaRaou, à cause du premier KaRaou, qu’on rencontre dans la Torah à propos d’Amalek. En effet, Haman était descendant d’Amalek, à propos de qui il est écrit : « ACHeR KaRekha badérekh (qui t’a surpris [ce qu’on peut traduire par « refroidi » dans l’interprétation des Sages] en chemin) » (Deutéronome 25, 18). ACHeR, ce sont les lettres de ROCH (la tête), KaRekha est le même mot que KaRahou. Cette froideur (KeRirout) à conduit Israël à profiter du festin d’Assuérus.

A ce moment-là, Esther lui a répondu : « Rassemble tous les juifs ... jeûnez pour moi et ne mangez ni ne buvez rien pendant trois jours et trois nuits; mes servantes et moi-même jeûnerons également, et alors je me présenterai devant le roi » (Esther 4, 16). Cela signifie : avant tout, tu dois rassembler tous les juifs pour qu’ils viennent écouter tes remontrances, que cela provoque en eux un réveil; alors seulement ils seront sauvés, car ils ne peuvent pas l’être avant d’être unis (Tan’houma Nitsavim 1, Yalkout Chimoni Amos 549). Ce sont les reproches du juste qui leur seront plus utiles même que des actes. Sur le péché commis en jouissant du festin d’Assuérus, ils obtiendront le pardon en jeûnant, ce qui servira à annuler en eux la force du désir. En effet, l’homme doit réparer dans le domaine même où il a fauté, c’est ainsi qu’il s’éveille au repentir et peut renouer le lien initial avec le saint béni soit-Il. C’est cela « alors je me présenterai devant le roi », à savoir le Roi du monde.

Nous apprenons de là la grandeur et l’importance du jeûne, qui diminue la graisse et le sang comme si l’on s’offrait en sacrifice sur l’autel (Bérakhoth 17a). Quand l’homme domine ses désirs et ses appétits matériels, la lumière de Dieu commence à briller en lui, et il la reçoit mieux que lorsque la matière vient faire obstacle entre celui qui envoie la lumière et celui qui la reçoit. De plus, à ce moment précis l’homme trouve la force de faire sortir de son coeur la sainteté cachée en lui et de la faire jaillir à l’extérieur, comme un roi qui brise toutes les barrières sans que rien ne puisse l’en empêcher (Pessa’him 110b). Il met alors en pièces ces barrières de pierre qui étaient devenues comme un rempart fortifié entre lui et l’Eternel.

Mais tout cela n’est possible que quand l’homme est habité d’une grande humilité, et qu’il va vers Mardochée, à savoir le juste, pour entendre ses remontrances, étudier la Torah près de lui, et se laisser influencer par lui, qui est sans cesse relié à l’Eternel.

Maintenant que nous en sommes arrivés là, nous allons pouvoir comprendre ce que signifie le verset « Ceci est la Torah de l’holocauste, c’est l’holocauste qui se consume sur le brasier de l’autel». Tout d’abord, il faut réparer le mah zeh, pour comprendre de quoi il retourne... à savoir : « ceci est la Torah de l’holocauste, c’est l’holocauste », l’élévation (cf. holocauste) ne provient que de l’effacement de soi et l’humilité. Quand l’homme se fait petit il commence à s’élever, comme il ressort de l’histoire de Rabbi Elazar ben Dourdaya, (Avodah Zarah 17b) qui a écouté les remontrances d’une prostituée. Il s’est effacé à ce point, ce qui lui a permis de s’élever jusqu’à « gagner son monde en un seul instant ».

On constate donc que si l’on est habité d’un véritable désir de s’abaisser pour mieux s’élever, on peut accepter les remontrances et la morale même d’un méchant, sans prendre la peine de lui dire de s’occuper de ses propres fautes avant d’examiner celles d’autrui (Bava Metsia 107b, Talmud de Jérusalem Ta’anith ch. 2, 1). Alors s’accomplit la michnah  : « Sois humble devant tout homme » (Avoth 4, 6, Tana Debei Eliahou Rabah 11), ce qui est une très grande et très noble qualité. On peut ajouter une allusion supplémentaire. Les Sages ont dit : « Sois très, très humble » (Avoth 4, 4, Kalah début du ch. 3). Le mot meod (très) est écrit deux fois; comme il a la même la valeur numérique que mah, cela donne deux fois mah (mah zeh vé-al mah zeh), deux fois adam (« homme », même valeur numérique), et aussi la même valeur numérique que le Tétragramme quand on écrit le détail de ses lettres, car par l’humilité (meod meod), on s’élève et on se rapproche de Dieu.

Nous savons que Nevouzeradan a fini par se convertir au judaïsme (Guittin 57a, Sanhédrin 96b) uniquement à cause de la quantité de sang qu’il avait versée pour apaiser le sang de Zacharie : ce sont précisément ses crimes qui ont été à l’origine de son repentir. Il en va de même de Jéthro qui a pratiqué toutes les idolâtries du monde (Mekhiltah ad loc 18, 66, Tan’houma Ytro 6), comme il l’a dit lui-même : « Maintenant je sais que Dieu est plus grand que tous les dieux » (Ibid. 18, a). Or il a fini par venir se convertir, tout cela par effacement de soi. Mais au contraire, les benei Israël n’avaient pas écouté Mardochée quand il leur avait dit de ne pas profiter du festin d’Assuérus, ce qui leur a valu d’être condamnés, comme le dit la Michnah : « Le fait qu’Assuérus ait donné sa bague à Haman a eu plus d’influence que quarante-huit prophètes et sept prophétesses qui ont prophétisé pour Israël » (Méguilah 14, Eikha Rabah 4, 27).

C’est le sens de « Voici la Torah [règle] de l’holocauste ». L’élévation (OLaH) ne vient que par l’effacement de soi-même et l’humilité. Certes, l’homme peut apprendre la Torah tout seul, mais pour s’élever et mériter un grand bien, il doit aussi écouter les autres et ne pas étudier dans la solitude. Il est écrit : « Epée sur les trafiquants de mensonge (habadim), ils perdront la tête » (Jérémie 50, 36), ce qu’on peut lire : guerre aux ennemis des Talmidei ‘hakhamim [euphémisme désignant les Talmidei ‘hakhamim eux-mêmes] qui s’occupent seuls (bad be-bad, à savoir levad (seuls)) de Torah, alors que les Sages ont dit : « Les paroles de Torah ne s’acquièrent que par une étude en commun » (Kalah 8, Bérakhoth 63b, Ta’anith 7a); l’épée les vaincra. Les Sages ont dit de plus : « De toi et de moi le sujet s’éclaircira » (Pessa’him 68a, Méguilah 14a). Par conséquent, c’est en étudiant en commun qu’on en arrive au fond de l’étude de la Torah, à l’assiduité, au brasier, avec feu et élévation, maintenant et à jamais, jusqu’à la venue rapide du libérateur. « Toute la nuit », c’est la période de l’exil, « jusqu’au matin », c’est le matin d’Israël, quand une lumière nouvelle brillera sur Sion et que nous mériterons tous d’en être illuminés, Amen, qu’il en soit ainsi.

Comment faut-il se comporter ?

L’élévation vient principalement par l’étude en commun. Il faut apprendre des autres, étudier avec eux et écouter leurs remontrances, ne pas non plus rester endormi sur son lit... mais se réveiller et se lever afin de servir le Créateur, car c’est uniquement ainsi qu’on peut élever les Dix sephiroth et les Dix Paroles et se rapprocher de Dieu

 

La valeur du service de l’homme dépend de la sincérité de son dévouement
Table de matière
L’humilité conduit a l’élévation dans le service de D-ieu

 

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