Le zèle et la joie sont au centre de la sainteté et du service de Dieu

A propos du verset : « Quand on fut au huitième jour, Moïse appela Aaron » (Lévitique 9, 1), le Zohar (III, 35b) cite ce que dit Rabbi Yitz’hak sur le verset de Job (38, 7) : « Tandis que les étoiles du matin chantaient en choeur et que tous les fils de Dieu émettaient un son brisé (YAReou) ». Il explique que quand tous les justes et l’assemblée d’Israël chantent ensemble à la façon des étoiles du matin et poussent des cris de joie, quelque chose s’éveille (hitORerouth) et se brise (TeROUah : « son brisé »), car tous les décrets sévères, qui s’appellent « fils de Dieu », se brisent quand arrive le matin qui s’éveille sur le monde (Zohar III 36a).

Quel rapport a ce verset avec la parachat Chemini ?

Pour l’expliquer, il faut rappeler que le projet de créer les benei Israël est antérieur à la création du monde (Béréchith Rabah 1, 5), et que c’est à eux que Dieu a donné la Torah, qui fait Ses délices quotidiennes (voir Proverbes 8, 30) ; nos Sages ont écrit (Béréchith Rabah Ibid., Chabath 68b) qu’elle est aussi l’instrument de Son art, le modèle qu’Il a regardé quand Il a voulu créer le monde (Béréchith Rabah 1, 2, Zohar Teroumah 161b). De plus, Il a gravé Son Nom dans chaque lettre individuelle de la Torah. Il est donc présent en chaque chose créée, et si l’homme jouit de quelque aliment que ce soit sans avoir prononcé de bénédiction, c’est comme s’il avait détourné un objet consacré, et il mérite le nom de voleur (Bérakhoth 38b, Zohar III 44b). En effet, le Nom de Dieu se trouvant en toute chose, et c’est comme s’il avait volé ce Nom qui est gravé sur l’objet dont il jouit, car si « la terre, Il l’a donnée aux hommes » (Psaumes 115, 16), c’est uniquement après qu’ils aient prononcé la bénédiction adéquate (Bérakhoth Ibid.).

Par conséquent, tout ben Israël doit se rapprocher de Dieu en prenant conscience de ce que Son Nom est présent dans toute la Création. Comment y parvient-on ? En faisant preuve de zèle, selon les recommandations du Tour et du Choul’han Aroukh (Ora’h ‘Haïm 1) de se montrer aussi fort que le lion pour se lever le matin au service de son Créateur. C’est cela l’essentiel. Certes, la Torah purifie l’homme au maximum (voir Bérakhoth 22a), mais il lui faut de son côté manifester de l’empressement, qualité qui l’élève au-dessus de la nature, à un niveau de l’ordre du huit (chemini). De cette façon, il progressera avec une force toujours croissante (Psaumes 84, 8), car le matin, au saut du lit, son ardeur le fera immédiatement arriver au sommet. Ce saut-là peut le rattacher à la Chekhinah pendant toute la journée. Le Arizal parle dans ses écrits du fait que le matin, l’âme sainte descend du monde supérieur, après avoir passé toute la nuit à l’ombre des ailes de la Chekhinah dans un état de grande élévation. Les Intelligences suivent le même processus, évoqué dans le verset « Elles se renouvellent chaque matin, infinie est Ta bienveillance » (Lamentations 3, 23) (à propos des intelligences, voir ce que nous avons écrit dans la parachat Béréchith, « Le renouvellement de l’œuvre de la Création »).

Mais le matin (BoKeR) peut également se transformer en fossoyeur (KoVeR), allusion au paresseux qui mérite le nom de « mort », de la même façon que les méchants sont appelés « morts » de leur vivant (Bérakhoth 18b, Béréchith Rabah 39, 7, Zohar II 106b). Il se rattache à l’écorce d’impureté nommée « mort », car tout dépend du zèle de l’homme et du courage qu’il manifeste le matin : ou il s’élève et brise l’écorce en sautant du lit immédiatement pour remercier Dieu, dans un état d’esprit qui relève du huit (chemini), ou il déchoit et s’attache à la kelipah.

C’est à cela que fait allusion Rabbi Yitz’hak en évoquant le verset : « Tandis que les étoiles du matin chantaient en choeur ». Il s’agit de ceux qui s’occupent de Torah toute la nuit en reliant le jour et la nuit par l’étude (Michnah Berourah Ora’h ‘Haïm 1, par. 2), se lèvent le matin avec empressement pour servir Dieu, et relèvent alors du huit (chemini) qui est au-dessus de la nature, au point qu’un fil de ‘hessed s’étend sur eux pendant la journée (‘Haguiga 12b, Midrach Michlei 31, 15). De plus, ils brisent la sévérité du jugement et affaiblissent la force de la kelipah. C’est cela le rapport avec la parachat Chemini.

On peut encore donner une autre explication. « Tandis que les étoiles du matin chantaient en choeur » fait allusion aux sept planètes (Zohar I, 24a, 188b), qui chantent à l’Eternel le matin en venant se prosterner devant Lui après avoir terminé leur service de la nuit. Alors, immédiatement, « tous les fils de Dieu poussent des cris de joie (autre traduction possible de YAReou) », ce sont les justes qui se lèvent d’un bond le matin et prennent la place de ces sept planètes pour remercier et louer Dieu. Le monde existe par leur mérite, car ils sont au niveau du huit (chemini), au-dessus de la nature. Le monde ne subsiste en effet que par le mérite de la Torah et du service de Dieu, ainsi qu’il est écrit : « Si mon alliance avec le jour et la nuit cessait de subsister, Je n’aurais pas fixé de lois au ciel et à la terre » (Jérémie 33, 25), ce que les Sages ont interprété ainsi : Sans la Torah, le ciel et la terre n’existeraient pas (Nédarim 32a). Cette intervention de l’homme est plus importante que le chant des étoiles. Il est écrit : « Tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie », ce sont les benei Israël, les enfants de l’Eternel [rappelons-nous que : « Vous êtes des fils pour l’Eternel votre Dieu » (Deutéronome 14, 1)]. Par leur prière, ils attirent une abondance de grâce et de générosité sur le monde entier, et ils sont au niveau du huit (chemini) en ce qu’ils maintiennent le monde entier à l’existence.

Si notre démarche est exacte, cela doit nous permettre de comprendre le Midrach (Midrach Pliah 70) sur le verset « Et Aaron se tut » (Lévitique 10, 3) : « Qu’aurait-il pu dire ? Il aurait eu lieu de se plaindre à propos de la circoncision ». Cela demande à être expliqué : quel rapport y a-t-il entre la mitsvah de la circoncision et la mort des deux fils d’Aaron ? C’est tout à fait clair d’après ce que nous venons de dire : par la circoncision, le bébé arrive à la sainteté du huit (chemini), qui est au-dessus de la nature. C’est ce qui est arrivé aux deux fils d’Aaron, qui le huitième jour ont atteint une sainteté considérable, dépassant le niveau naturel. Certes, ils ont cherché à honorer Dieu en offrant un feu qui ne leur avait pas été ordonné (Ibid. 10, 1), mais c’est parce qu’ils aspiraient profondément à se rapprocher. Et c’est là-dessus qu’Aaron aurait pu protester, en arguant du fait que ses fils étaient arrivés au niveau qu’atteint l’enfant le huitième jour, au moment où on le circoncit. Et pourtant, « Aaron se tut », il n’a protesté ni contre Dieu ni contre Ses décisions.

Au bout du compte, nous voyons que l’essentiel du service réside dans le zèle mis à accomplir les mitsvoth et à étudier la Torah. Cette idée permet de mieux comprendre le verset : « Voici la chose qu’a ordonnée l’Eternel, accomplissez-la et la gloire du Seigneur vous apparaîtra  » (Lévitique 9, 6). En effet, beaucoup de commentateurs se sont déjà posé la question de savoir quelle était cette chose ordonnée par l’Eternel, ce que le verset ne précise nullement. Peut-être peut-on supposer que Moïse a dit aux benei Israël : « Pourquoi vous tenez-vous là sans rien faire ? Déjà au moment du don de la Torah, quand vous avez dit « Nous ferons et nous écouterons » (Exode 24, 7), vous n’avez rien fait en fin de compte de tout ce que vous aviez dit ni de tout ce que vous aviez entendu ! » C’était une sorte de reproche qu’il leur adressait avant que la présence divine ne repose sur eux le huitième jour (Torath Cohanim, Séder Olam 7), afin de leur briser le cœur et qu’ils se repentent rapidement.

Dans : « Cette chose qu’a ordonnée l’Eternel, accomplissez-la », l’accent est mis sur l’accomplissement, car « Ce n’est pas l’étude qui est l’essentiel mais l’action » (Avoth 1, 17, Zohar III 218b, 278b). Par ailleurs, le mot « a ordonnée » (tsiva) évoque également la diligence, puisque les Sages ont dit que le mot tsav (« ordonne ») est employé pour inciter au zèle (Torath Cohanim Tsav 6, 2). Par conséquent, il faut lutter contre le mauvais penchant dans ces deux domaines, l’action et l’empressement, sans se contenter de rester là où l’on est, afin d’éviter de ressembler à ces gens qui entendent des remontrances sans du tout mettre en action ce qu’ils entendent, parce qu’ils ne manifestent aucun empressement immédiatement après avoir entendu les reproches. Plus tard, le mauvais penchant a déjà eu le temps de pénétrer en eux et de les déranger.

C’est cela que dit Moïse : « Voici la chose qu’a ordonnée l’Eternel, accomplissez-la », il ne suffit pas d’être là sans bouger, « le temps est venu d’agir pour l’Eternel, on a violé Ta Torah » (Psaumes 119, 126), à savoir qu’il faut agir pour l’Eternel, sans quoi on aura violé Sa Torah, car le mauvais penchant sera venu déranger l’homme dans son service. Par conséquent l’homme doit toujours se dépêcher d’agir au service de Dieu.

S’il parvient à acquérir cet empressement, il arrivera au niveau du « huit », au-dessus de la nature, ce qui provoque une grande souffrance aux forces de l’ombre et du mal. Dans le cas contraire, cette grande souffrance sera celle de l’homme lui-même. Ces notions permettent de comprendre ce qui est écrit au début de la parachah (Lévitique 9, 1-2) : « Quand on fut (VaYéHi) au huitième jour, Moïse appela Aaron... et il dit à Aaron : prends un veau adulte, etc. ». Cela demande explication, car nous savons que l’expression VaYéHi indique toujours un événement triste (Méguilah 10, Vayikra Rabah 11, 7), comme il ressort du verset : « Il arriva (VaYéHi) à l’époque où gouvernaient les Juges qu’il y eut une famine dans le pays » (Ruth 1, 1), ou encore : « Il arriva (VaYéHi) au temps d’Assuérus », suivi de l’histoire de Haman (Esther 1, 1). Or ici, au moment où la présence divine est venue résider chez les benei Israël le huitième jour (Torath Cohanim, Séder Olam 7), il s’agissait d’une joie immense, il aurait donc fallu écrire « VéHaYa », mot qui dénote un événement heureux. Pourquoi s’exprimer comme si c’était un malheur ?

Il y a une autre difficulté : Moïse a dit à Aaron de prendre un veau adulte. Pourquoi a-t-il éprouvé le besoin auparavant d’appeler tous ses fils et tous les Anciens d’Israël, ainsi que le rapporte le verset ?

Pour l’expliquer de façon satisfaisante, nous allons voir qu’une question constitue la réponse de l’autre. On sait qu’Aaron avait fauté pour les benei Israël au moment du Veau d’Or, ainsi qu’il est écrit : « Aaron leur dit : détachez les pendants d’or qui sont aux oreilles de vos femmes... ayant reçu cet or de leurs mains, il le jeta en moule et en fit un veau de métal » (Exode 32, 2, 4). Par conséquent, Moïse dit à présent à Aaron de prendre un veau comme sacrifice expiatoire, afin de racheter le péché du Veau d’Or (Tan’houma Chemini 10). S’il lui dit cela devant ses fils et devant les Anciens d’Israël, c’est pour que tous voient la réparation de la faute. Bien qu’Aaron ait fait le Veau sans intention d’idolâtrie, Moïse lui a ordonné de prendre un veau expiatoire pour effacer tout soupçon envers lui chez les benei Israël. On apprend de là que l’homme ne doit pas avoir honte de réparer en public le mal qu’il a causé, de la même façon que la faute a été publique.

On comprend donc parfaitement pourquoi le « VaYéHi » qui exprime la tristesse, car il y a ici une tristesse sur la faute du Veau d’Or qu’il fallait réparer, et qu’Aaron n’a atteint la perfection qu’à travers de grandes difficultés, ainsi que l’écrit le Zohar (Chemini 38a) : « Rabbi Yéhouda a commencé son discours en disant : « Quand on fut (VaYéHi) au huitième jour », une fois qu’Aaron a atteint la perfection au long de ces sept jours ». La réparation de toute faute implique en effet de passer par la souffrance pour arriver à l’intégrité, même si la faute a été involontaire.

Il est donc parfaitement clair que l’expression « le huitième jour »  montre que la réparation a été accomplie pendant les sept premiers jours, qui correspondent aux sept jours de la semaine, et que l’homme ne peut devenir totalement accompli et s’appeler « parfait » que le huitième jour, qui est au-delà de la nature, dans le même ordre d’idées que le verset : « Donne une part au sept, et aussi au huit » (Ecclésiaste 11, 2).

On peut également dire qu’ici, toute la souffrance était celle du mauvais penchant quand il a vu comment l’homme réparait ses actes, même les fautes involontaires. En effet, il souffre beaucoup quand l’homme s’élève au niveau du « huit », au-dessus de la nature, en sainteté et en pureté. Plus encore, il regrette amèrement que l’homme s’améliore au moyen du « tsav », en montrant un zèle extrême, car c’est l’un des échelons de l’échelle de Rabbi Pin’has ben Yaïr (Avodah Zarah 20b, Chekalim 9b), qui permet d’arriver au degré de « huit », par humilité et effacement de soi-même. A ce moment-là, la Chekhinah vient reposer sur l’homme, ce qui constitue une grande souffrance pour la kelipah, et une grande joie pour Dieu qui se réjouit de la sainteté de son troupeau.

 

L’influence du tsadik sur le monde entier
Table de matière
La mort des justes est une expiation - (la grandeur de Nadav et Avihou)

 

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