La sainteté et la chasteté sont les bases du foyer juif

Sur le verset : « Soyez saints car Je suis saint » (Lévitique 19, 2), les Sages disent : « Ecartez-vous de l’impudicité et du péché » (Vayikra Rabah 24, 4, Rachi Ibid.), ou encore : « « Soyez saints », est-il possible que ce soit comme Moi ? « Car Je suis saint » signifie plutôt : Ma sainteté est supérieure à la vôtre » (Vayikra Rabah 24, 9).

Apparemment, ces deux interprétations se contredisent, car d’un côté la Torah met en garde contre certaines fautes très graves, alors que de l’autre elle parle d’un niveau tellement élevé qu’il consiste presque à rejoindre la sainteté de Dieu. Comment peut-on dire les deux choses à la fois ?

La Torah nous enseigne une façon de vivre et de mener la guerre contre nos instincts, en nous indiquant les moyens à utiliser pour nous défendre contre eux. Dans cet esprit, le verset « tu es un peuple saint » (Deutéronome 14, 21) est commenté ainsi : « Sanctifie-toi dans ce qui t’est permis » (Yébamoth 20a), car si l’homme ne se domine pas dans ce qui lui est permis, il risque de tomber ensuite dans des fautes beaucoup plus grossières. Il doit faire particulièrement attention à l’intérieur de son foyer, où le mauvais penchant s’exerce avec le plus de puissance. Sachant que l’homme s’imagine n’avoir aucun témoin, il cherche d’abord à le persuader dans le domaine de choses permises, comme manger, boire, ou avoir des rapports avec sa femme quand elle est pure. Mais en réalité, les pierres et les poutres de la maison seront là pour témoigner au jour du jugement (Ta’anith 11a).

C’est pourquoi la parachat Kedochim a été écrite après A’harei Mot : c’est un enseignement sur le fait qu’après la mort (« A’harei Mot »), l’homme devra rendre compte de tous ses actes. On trouve cette idée à de nombreuses reprises chez les Sages, par exemple : « Sache devant Qui tu rendras des comptes » (Avoth 3, 1), ou encore : « Même la plus petite conversation entre un homme et sa femme lui est rappelée au moment de sa mort » (‘Haguigah 5b, Vayikra Rabah 26, 7). Ces réflexions peuvent mener l’homme à la sainteté et lui faire atteindre le niveau spirituel de Rabbi Eliezer, qui se conduisait avec sa femme « comme si un démon l’obligeait à commettre cet acte » (Nédarim 20b).

Or l’homme doit savoir que Dieu lui donne force et désir pour qu’il puisse s’unir à sa femme saintement aux moments où elle est pure, c’est pourquoi il doit mettre à profit ces moments-là pour honorer Sa volonté en participant à la perpétuation du monde, de même que lorsqu’il mange et boit, il doit le faire uniquement pour avoir la force de servir Dieu (comme l’explique longuement Kedouchat HaChoul’han), dans l’esprit de la maxime : « Avant de prier pour que les paroles de Torah rentrent dans ses entrailles, l’homme ferait mieux de prier pour qu’une trop grande abondance de nourriture et de boisson n’y rentre pas » (Tossafoth sur Ketouboth 104a au nom de Tana Debei Eliahou 25), ce qui n’empêche pas de trouver plaisir à ce qu’on mange, ce plaisir étant destiné à nous aider à mieux servir Dieu. La même idée s’applique à l’union avec la femme : le plaisir vient du Créateur, qui nous le donne pour que le monde puisse continuer à vivre, et il doit conduire au bonheur de participer à l’acte créateur et à la joie de la mitsvah.

La fatigue que l’on ressent après avoir accompli cette mitsvah est aussi un enseignement : l’homme a l’impression qu’il ne lui reste plus aucune vitalité, afin que cela lui rappelle la mort qui l’attend (Bérakhoth 17a), et cette pensée annule tout désir ou plaisir provenant du mauvais penchant. Il faut donc aborder cette mitsvah avec prudence, bien qu’elle soit licite s’il y a eu ‘houpah et Kidouchin (Ketouboth 7b), car le mauvais penchant y joue une très grande part, et il faut s’efforcer de l’accomplir « comme si on y était obligé par un démon » (« CHeD »), mot fait des mêmes lettres que DaCH (qui évoque la mitsvah en question). Dans ce cas-là, on sera entièrement habité par l’idée de faire ce qui a été ordonné et par la crainte du Créateur, comme y est parvenu Rabbi Eliezer (Nédarim 20a), et alors le désir et le plaisir viendront de Dieu, pour faire participer l’homme à la continuation du monde, ainsi qu’il est écrit : « Il l’a créé (...) non pour demeurer désert mais pour être habité » (Isaïe 45, 18), ou encore : « Croissez et multipliez, foisonnez sur la terre et devenez-y nombreux » (Genèse 9, 7).

Mais pour en arriver à ce niveau de sainteté dans la pensée et de joie de la mitsvah, il faut beaucoup de travail et de préparation. Un autre exemple en est Rabbi A’ha, qui prenait les jeunes mariées sur ses épaules pour danser avec (Ketouboth 17a). Ses disciples lui ont demandé si eux aussi avaient le droit de faire la même chose, et il a répondu : « Si elle est à vos yeux comme une poutre et qu’elle n’éveille aucunement votre imagination, c’est permis. » Quelle merveille ! Quelle grandeur, qu’une jeune mariée leur paraisse comme une poutre tout en étant littéralement dans leurs bras, sans que le mauvais penchant les dérange le moins du monde ! Et s’il en était ainsi avec des étrangères, à plus forte raison avec leur propre femme.

A présent, nous allons tâcher d’expliquer un passage de la Guemara qui parle de Rabbi Ychmaël fils de Rabbi Yossi et de Rabbi Elazar fils de Rabbi Chimon. Ils avaient le ventre tellement gros que s’ils s’étaient tenus l’un en face de l’autre, un troupeau de bœufs aurait pu passer sous leurs ventres joints sans les toucher (Baba Metsia 84a). La Guemara raconte qu’une non-juive leur a dit que leurs enfants n’étaient pas d’eux, et Rachi explique qu’à son avis, ils ne pouvaient pas accomplir la mitsvah avec leur femme. Ils lui ont répondu : « l’amour resserre la chair », et Rachi explique que parce que le désir de leur femme était plus grand que le leur, leur chair à tous deux se resserrait.

C’est absolument stupéfiant ! Pourquoi la Guemara nous raconte-t-elle comment ces saints Tannaïm se comportaient avec leur femme, en quoi est-ce que cela nous concerne ? N’est-ce pas une atteinte à leur honneur que de détailler de cette façon des choses qu’il vaudrait mieux passer sous silence ?

Mais si les Sages estiment devoir nous le raconter, c’est pour nous enseigner comment accomplir cette sainte mitsvah en toute pureté, car « c’est de la Torah, et par conséquent je dois l’étudier » (Bérakhoth 62a, Méguilah 28a). C’est pourquoi ils expliquent que l’amour resserre la chair, c’est-à-dire que ces femmes se serraient contre leur mari, et non le mari contre sa femme. En effet, il se trouvait en situation de quelqu’un qui est obligé d’accomplir une mitsvah de façon désintéressée, pour que sa joie soit uniquement celle de la mitsvah, et seule la femme obtenait un désir suffisant pour pouvoir se serrer contre son mari.

On peut également dire que du fait que les femmes se serraient contre leur mari, c’est de toutes façons elles qui faisaient tout, Rabbi Ychmaël et Rabbi Elazar n’ayant aucune raison de se serrer, puisqu’ils ne recherchaient aucun plaisir pour eux-mêmes : ils aidaient simplement leur femme pour engendrer une descendance.

Dans l’état d’esprit de A’harei Mot (« après la mort »), c’est un immense enseignement qui nous est donné : tout l’accomplissement de la mitsvah a pour but d’avoir une descendance et une continuation après la mort, c’est ainsi qu’on mérite la sainteté et la domination de ses instincts, car c’est justement dans les choses permises qu’on risquerait de tomber dans l’excès.

D’après tout ce que nous venons de dire, nous comprenons mieux pourquoi Ben Azaï ne s’était pas marié (Yébamoth 62b). Les Sages lui ont demandé comment c’était possible, alors que lui-même, à propos du verset « Croissez et multipliez » (Genèse 9, 7), expliquait que quiconque ne se marie pas, c’est comme s’il versait le sang et rapetissait l’image de Dieu ? Il a répondu : « Que puis-je faire si mon âme désire la Torah, le monde sera perpétué par d’autres. » Il faut également expliquer l’expression utilisée par les Sages à propos de Rabbi Eliezer : « comme si un démon l’y obligeait » (Nédarim 20b).

Ben Azaï pouvait difficilement se marier tout en continuant à être marié avec la Torah, il a donc préféré s’abstenir d’épouser une femme, pour rester attaché tout entier à l’étude. Alors que Rabbi Eliezer, même s’il ressentait la même chose, plutôt que de conclure à l’impossibilité, s’est obligé comme si un démon le forçait à accomplir la mitsvah d’avoir des enfants, uniquement parce que c’est la volonté du Créateur. Il est donc encore plus grand que Ben Azaï.

Mais tout n’est pas encore clair. On se souvient qu’Ezéchias, roi d’Israël, ne s’était pas marié et que le prophète Isaïe était venu lui dire : « Donne des ordres à ta maison car tu vas mourir et tu ne vivras pas » (Isaïe 38, 1), ce qui signifie : tu vas mourir en ce monde, et tu ne vivras pas dans le monde à venir. Quand Ezéchias a demandé pourquoi, le prophète lui a répondu : parce que tu n’as rien fait pour avoir une descendance (Bérakhoth 10a, Tana Debei Eliahou Rabah 8). On voit mal la différence entre Ben Azaï et Ezéchias, pour qu’Ezéchias ait été passible de mort, alors qu’il aurait pu dire comme Ben Azaï : « Que puis-je faire si mon âme désire la Torah ? »

C’est qu’Ezéchias ressemblait à Rabbi Eliezer qui considérait le mariage comme une obligation. Son unique raison de ne pas se marier était qu’il avait vu que devaient sortir de lui des fils impies (ainsi que le raconte la Guemara Ibid.), et bien que cette raison nous paraisse justifiée, il aurait dû savoir que tout homme est doué de libre arbitre, ainsi qu’il est écrit : « Tu choisiras la vie, pour que tu vives, toi et ta descendance » (Deutéronome 30, 19) [ce qui est peut-être à prendre au pied de la lettre, toi et tes fils vous vivrez, indépendamment du fait qu’ils ne suivent pas le droit chemin...]. Lui-même affirme : « Même si un glaive acéré est posé sur le cou de quelqu’un, qu’il ne désespère pas de la miséricorde » (Bérakhoth 10b), donc à combien plus forte raison l’homme peut-il (lui et plus encore ses enfants) choisir a priori la bonne voie ! Il n’y a pas lieu de croire qu’une décision soit déjà prise, et même s’il lui naît des enfants qui ne vont pas dans le droit chemin, ils gardent toujours la possibilité de se repentir, comme l’a fait Menaché, qui après avoir adoré toutes les idoles du monde (Tana Debei Eliahou Zouta 16) et versé beaucoup de sang innocent (II Rois 21, 16) a fini par revenir à Dieu. C’est de lui qu’on apprend que les portes du repentir ne sont jamais hermétiquement fermées, et que la main de Dieu est ouverte pour accueillir ceux qui reviennent à Lui (Tan'houma Nasso 28). Il a même pratiqué une ouverture sous Son trône de gloire (Sanhédrin 103a) pour permettre à son repentir de parvenir jusqu’à Lui.

Voilà donc tout ce que renferme l’idée : « Ecartez-vous de l’impudicité et du péché », même avec sa propre épouse il faut se conduire avec sainteté et pureté, dans le but que le monde continue à exister. On peut trouver cette idée en allusion dans les mots « A’harei Mot » : même quand quelqu’un se trouve A’harei, c’est-à-dire « derrière » un mur, dans une pièce hermétiquement fermée, et qu’il se figure que personne ne le voit, il doit évoquer le jour de la mort (Mot) (voir Bérakhoth 5a), ce qui entraînera une conduite sainte et pure comme s’il se sentait contrait par un démon. C’est uniquement comme cela que l’on peut progresser dans la sainteté, avec l’aide de Dieu dont la sainteté est infinie. On ressemblera ainsi à Rabbi Elazar, Rabbi Ychmaël et Rav A’ha, qui s’étaient radicalement coupés de la moindre affinité avec les relations interdites.

Cependant, même quand on a atteint ce genre de niveau, il faut savoir qu’on n’est pas encore arrivé au summum de la sainteté exigée par Dieu, la Sienne étant incommensurable, c’est pourquoi le seul moyen d’éviter l’orgueil est d’augmenter en soi la crainte du Ciel. En effet, les Sages comparent l’orgueil à l’adultère, et la véritable sainteté ne pourra être atteinte que si l’on se débarrasse de cet orgueil et de toute attitude de légèreté envers ce qui est permis, qui entraînent aux relations interdites et autres infractions.

Nous allons à présent pouvoir expliquer aussi le passage suivant : « Rabbi ‘Hanina a dit : On constate que Dieu ne se comporte pas de la même façon que l’homme. Un roi humain est assis à l’intérieur et ses serviteurs le protègent de l’extérieur, alors que dans le cas de Dieu, ses serviteurs sont à l’intérieur et c’est Lui qui les protège de l’extérieur (par la mezouzah), ainsi qu’il est dit : « L’Eternel te garde, l’Eternel est ton ombre à ta droite » (Psaumes 121, 5) » (Mena’hoth 33b). Apparemment, il faut comprendre pourquoi la mezouzah doit être dehors, étant donné que même si on la mettait à l’intérieur, Dieu resterait différent de l’homme ! La différence tient dans le fait que c’est Lui qui protège ses serviteurs au lieu que ce soit l’inverse.

Si la mezouzah était à l’intérieur, l’homme vivrait constamment sous le regard de Dieu, ce qui lui rendrait toute faute impossible, alors que lorsqu’il est dehors, il peut croire que personne ne le surveille et que tout lui est donc permis. C’est la raison pour laquelle il faut la fixer à l’extérieur de la maison et de la pièce : l’homme doit prendre conscience que le roi connaît le moindre de ses actes, même s’Il se trouve dehors et que « l’œil voit et l’oreille entend » (Avoth 2, 1, Zohar III, 275).

C’est le sens de « Ma sainteté est supérieure à votre sainteté », Je sais de toutes façons ce qui se passe à l’intérieur et vous ferez bien de vous conduire saintement même dans l’intimité la plus stricte, dans le même ordre d’idées que la Guemara qui dit : « Tout ce que les Sages ont interdit pour ne pas susciter les soupçons, c’est interdit même dans la plus stricte intimité » (Chabath 146b). Et n’allez pas vous imaginer que vous avez déjà atteint la sainteté, car cette pensée même provient de l’orgueil et vous est nuisible.

De plus, « Ma sainteté est supérieure à la vôtre » implique que l’homme ne peut jamais se comparer à son Créateur, car Il est au-dessus de nous et nous protège, ce qui est une grande preuve d’humilité et de sainteté de la part du Roi des rois. Aucun homme ne pourra jamais y parvenir, parce que quel que soit son niveau, il aura toujours besoin de la protection du Roi pour ne pas se laisser entraîner par la force de ses instincts.

Si ce raisonnement est juste, il va nous aider à comprendre ce qui est dit du cohen gadol : on l’isole sept jours avant Kippour, les délégués de la communauté lui disent de ne rien changer au service de ce jour, il s’écarte et pleure, eux en font autant (Yoma 2a, 18b, 19b).

On a du mal à le concevoir : ne s’agit-il pas du cohen gadol dont dépend le destin de tout le peuple juif, et qui a été choisi entre tous pour pénétrer dans le Saint des Saints afin d’implorer la miséricorde divine pour tout le peuple d’Israël ? Comment peut-on donc le soupçonner au point qu’il faille l’isoler et le mettre en garde contre une attitude saducéenne (Ibid. 19b) ?

Il faut également expliquer la signification de ces pleurs. Le cohen gadol pourrait leur dire tout simplement de ne pas le soupçonner de ce qu’il n’a jamais envisagé, pourquoi a-t-il besoin de pleurer ?

Cette histoire cache un grand principe, à savoir que comme l’homme se trouve en ce monde, si grand soit-il, il reste sous l’emprise de ses instincts qu’il n’est jamais sûr de pouvoir dominer (« Personne ne peut se porter garant en ce qui concerne les relations interdites » (Ketouboth 13b, ‘Houlin 11b)). On commence donc par l’isoler et on va même jusqu’à le soupçonner, car il n’est qu’un homme, et en ce qui concerne les relations interdites il n’y a aucune différence entre le cohen gadol et un homme ordinaire. Ensuite, quand il pleure, il fait son examen de conscience et prend la ferme décision de demeurer chaste quoi qu’il arrive. Ce sont ces larmes qui l’aident à annuler l’influence du mauvais penchant. En effet, même s’il n’y avait en lui aucune faute, il lui reste dans le cœur un peu d’orgueil du fait qu’il a été choisi parmi tous et que le sort de tout le peuple dépend de lui. Or l’orgueil a quelque chose de l’impudicité, c’est pourquoi ses larmes abolissent également l’orgueil, si bien qu’il devient véritablement digne qu’on lui demande pardon de l’avoir soupçonné.

Ce n’est pas pour rien que les deux mots kedouchah (« sainteté ») et kedéchah (« prostituée ») se ressemblent, bien que leur signification soit oppposée, puisque l’un désigne la plus grande élévation et l’autre la prostitution (voir Rambam Hilkhoth Ichouth ch. halakhah 4), comme dans le verset : « Qu’il n’y ait pas de prostituée (« kedéchah ») parmi les filles d’Israël » (Deutéronome 38, 21 et Rachi Ibid.). Ce rapprochement nous enseigne que la distance entre les deux est fort mince, et que le même acte peut conduire à la sainteté s’il est accompli comme il convient, ou à quelque chose qui rappelle la prostitution s’il ne s’accompagne d’aucune chasteté. L’essentiel est de garder ses yeux, comme nos Sages l’ont dit sur le verset : « Où est la prostituée ? Elle se trouve à Eïnaïm (nom de lieu, mais qui signifie également : « les yeux »), sur le chemin » (Bérakhoth 38, 21).

C’est pourquoi on doit sans cesse faire preuve d’une extrême vigilance même dans ce qui est permis, pour ne pas se rendre « méprisable avec l’autorisation de la Torah ». On fera bien de se rappeler Adam, qui a été créé la veille du Chabath en sainteté et pureté, pour lui permettre d’entrer dans le Chabath prêt à la plus grande élévation (voir Sanhédrin 38a), mais qui n’a pas su attendre jusque là pour s’unir à Eve son épouse. Il a fauté, ce qui lui a valu d’être chassé, et que les Sages disent de lui : « Il a renié l’existence de Dieu et cherché à recouvrir sa circoncision [Note du rédacteur : voir ce que dit à ce propos Rabbeinou ‘Hananel] » (Sanhédrin Ibid.). Tout cela pourquoi ? Parce qu’il est pour ainsi dire devenu semblable à une « prostituée ». Il est descendu jusqu’à ce point, et il a été chassé du jardin d’Eden et presque perdu. Il faut garder tout cela présent à l’esprit pour se préserver de toute faute dans les domaines permis, et à plus forte raison dans ce qui est interdit, sans rien mépriser ou négliger, alors on accomplira « Sanctifie-toi dans ce qui t’est permis » (Yébamoth 20a).

En outre, notre parachah traite également de la mitsvah de Chabath, ainsi qu’il est écrit : « Observez mes Chabath » (Lévitique 19, 30), afin de nous enseigner qu’il y a une sainteté plus grande que celle de l’homme, qui peut encore tomber même s’il a atteint un niveau tout à fait supérieur, comme Adam dont la sainteté était immense et qui a été chassé parce qu’il n’a pas su attendre jusqu’au Chabath. L’observance du Chabath permet d’ajouter encore à la sainteté, et c’est aussi par ce mérite qu’Adam a été sauvé et qu’il a pu dire : « Psaume, cantique en l’honneur du Chabath » (Psaumes 92, 1) (Béréchith Rabah 22, 28), sans toutefois que cela l’empêche d’être chassé (Béréchith Rabah 19, 18). En effet la sainteté du Chabath n’est pas semblable à celle des jours de semaine, le Chabath chacun possède une âme supplémentaire (Beitsah 16a).

On peut parfaitement dire que quand quelqu’un se préserve de l’impudicité même en ce qui lui est permis, Dieu lui rajoute de Sa propre sainteté, et il est préservé de toute profanation du Chabath, ce qui se trouve en allusion dans le verset : « Qui respecte le Chabath sans le profaner et garde son bras de toute action mauvaise (allusion à l’impudicité) » (Isaïe 56, 2). C’est également la raison de la juxtaposition des versets : « Ne déshonore point ta fille en la prostituant » et « Observez mes Chabath » (Lévitique 19, 29-30). Ce que dit le Or Ha’haïm (Ibid. 19, 26, 30) sur le rapport entre ces versets et le premier homme éclaire parfaitement la question.

Tout cela nous permet de comprendre pourquoi les Sages ont décidé qu’on épouse une femme en lui disant « Tu m’es consacrée » (« mékoudéchet », ce qui signifie également « sanctifiée ») (Kidouchin 5b) : l’homme ne doit pas s’imaginer que maintenant qu’il l’a épousée, tout lui est devenu permis. On lui rappelle donc que même dans le domaine du permis, la pudeur et la chasteté sont de rigueur, et que c’est la condition à respecter pour que le foyer soit conforme à la loi de Moïse et d’Israël. Le fait de dire « LI » (Tu m’es consacrée) est également une indication précise. En effet, ce mot a la valeur numérique de quarante, allusion aux quarante jours pendant lesquels Israël a attendu avant de recevoir la Torah (Mena’hoth 99b). De même qu’avant de recevoir la Torah les benei Israël se sont séparés de leurs femmes, ainsi qu’il est écrit : « Ne vous approchez pas d’une femme » (Exode 19, 15), l’homme doit se conduire chastement et saintement avec son épouse. De plus, il lui donne une bague, qui est ronde, pour se rappeler que le monde est rond, que la roue du destin tourne (Chabath 151b, Chemoth Rabah 31, 14), et que la fin de tout homme est la mort (Bérakhoth 17a). On évoque ces réalités au moment du mariage pour que tout reste dans le cadre de la sainteté.

On comprend maintenant parfaitement que quel que soit l’effort qu’il y investit, l’homme ne pourra jamais arriver à la sainteté de Dieu, dont il est dit qu’il n’a ni corps ni apparence de corps (Rambam Yessodoth HaTorah ch. 1 halakhah 7). Tout ce que Dieu lui demande, c’est de participer à la perpétuation de l’univers par une union emplie de sainteté. Or dans ce domaine il faut une mise en garde particulière, parce que partout où il y a de la sainteté, il y a un mauvais penchant correspondant (voir Rachi début de Kedochim). L’inverse est également vrai : partout où il y a de l’impudicité, il y a possibilité de sainteté. Il faut donc rechercher une sainteté particulière et se conduire comme si on était contraint par un démon, afin de donner à Israël une descendance sainte et pure.

Puisse l’Eternel nous aider à faire Sa volonté de tout cœur, saintement et purement, pour perpétuer le monde, à l’aide de la Torah, des mitsvoth et des bonnes actions, amen qu’il en soit ainsi.

 

La disparition des Justes
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La sainteté d’Israël et ses conséquences

 

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