La sainteté d’Israël et ses conséquences

Sur le verset : « Soyez saints car Je suis saint » (Lévitique 19, 2), Rachi écrit au nom des Sages : « Ma sainteté est supérieure à la vôtre » (Vayikra Rabah 24, 9), ce qui signifie « vous n’êtes pas aussi saints que Moi ». Il écrit aussi de même source que ce passage a été dit devant toute la communauté, parce que la plupart des principes fondamentaux de la Torah en dépendent (Vayikra Rabah Ibid. par. 5), ce qui demande explication à plusieurs points de vue.

1) Au nom de quoi l’homme, mortel et rempli de fautes, pourrait-il bien s’imaginer qu’il est aussi saint que Dieu, au point qu’il faille lui dire « Ma sainteté est supérieure à la vôtre » ? Le contraire pourrait-il lui venir à l’esprit un seul instant ?

2) Rachi donne en outre l’explication suivante : « Soyez saints – Ecartez-vous de l’impudicité et du péché » (Vayikra Rabah 24, 4, 6). Or si la plupart des principes fondamentaux de la Torah dépendent de cette parachah, il faudrait commencer par les exposer, et ensuite seulement mettre en garde contre l’impudicité et le péché. Tant qu’on ne nous a pas dit quels sont ces principes, comment pourrions-nous en tenir compte ? Certes, si nous admettons avec Ramban que cela veut dire éviter tout ce qui risque de mener à la faute, en accord avec la notion de « Sanctifie-toi dans ce qui t’est permis » (Yébamoth 20a, Sifri voir 14, 21), il est clair que c’est un grand principe, mais selon Rachi, la difficulté demeure.

Je crois pouvoir dire qu’il s’agit de nous faire saisir combien le domaine de l’impudicité est grave aux yeux de l’Eternel. Au moment du don de la Torah, Il a ordonné aux benei Israël de se séparer de leurs femmes, ainsi qu’il est écrit : « Ne vous approchez pas d’une femme » (Exode 19, 15), et comme on le sait, Moïse a rajouté un jour de sa propre initiative (Chabath 87a, Yébamoth 62a), décision entérinée par Dieu. Moïse s’est donc montré encore plus sévère, car il était impossible de recevoir la sainte Torah en état d’impureté. Il reste malgré tout surprenant que bien que la mitsvah d’avoir des enfants soit indispensable à la continuité du monde (« Il ne l’a pas créée pour demeurer déserte mais pour être habitée » (Isaïe 45, 18)), Moïse ait néanmoins ajouté un jour de séparation. C’est qu’il craignait qu’une pensée indécente ne provoque une impureté nuisible à la fois au corps et à la pensée au moment du don de la Torah, et Dieu l’a approuvé.

Certes, Il avait estimé qu’il suffisait de deux jours de séparation pour recevoir la Torah, étant bien entendu que la vie conjugale devait être vécue dans l’esprit d’assurer la continuité du monde et le désir d’arriver à la pureté. Mais Moïse a pensé que mieux valait établir une barrière supplémentaire pour être certains de pouvoir recevoir la Torah en état de préparation totale, sans aucune espèce de trace d’impureté. Cela nous enseigne jusqu’où les précautions doivent aller, même dans le domaine du permis. Avoir des enfants avec sa femme en toute pureté exige aussi un effort de sainteté particulier, et si l’on veut atteindre un niveau encore supérieur, il faut se séparer davantage et établir des barrières supplémentaires. A combien plus forte raison est-ce vrai de ce qui nous est interdit !

Tout ceci nous permet de comprendre ce que dit Rachi, à savoir que ce que la Torah entend par sainteté, c’est l’éloignement de l’impudicité et de la faute, ce qui représente la plupart des principes de la Torah, sinon tous, car sans abstinence et pureté on risque d’enfreindre toutes les mitsvoth. En effet, ce sont non seulement les relations interdites mais même le simple fait de ne pas bien garder ses yeux, ou d’avoir une parole ou une pensée pernicieuse, qui peuvent causer du mal, et la sainteté est une préparation à toutes les mitsvoth.

Quand on fait tout pour la préserver, même si l’on a le malheur de trébucher plusieurs fois, par exemple en regardant des photos indécentes, ce qui à cause de nos nombreux péchés est fréquent aujourd’hui dans les rues, Dieu dans Sa grande bonté nous protège (« L’Eternel veille sur les simples » (Psaumes 116, 6)), car on aide l’homme à suivre la voie qu’il désire vraiment (Makoth 10b, Bemidbar Rabah 20, 11). S’il veut faire attention, Dieu le protège, et même s’il tombe sept fois, Il le relèvera, , ainsi qu’il est écrit : « Le juste tombe sept fois et se relève » (Proverbes 24, 16).

C’est pourquoi Dieu a réuni toute la communauté pour commencer par les mots : « Soyez saints – écartez-vous de l’impudicité et du péché», ainsi vous pourrez observer toute la Torah. Le simple fait de rassembler tout le monde fait allusion à cette idée, car quand beaucoup de gens se trouvent rassemblés comme pour une fête familiale, c’est à ce moment-là qu’il faut faire tout particulièrement attention à se garder de l’impureté et de la faute, et à se conduire saintement.

L’homme ne doit surtout pas s’imaginer qu’il est déjà saint au point d’être devenu incapable d’enfreindre une interdiction, par les yeux, la pensée ou l’action, car c’est la façon de procéder du mauvais penchant : il conduit l’homme à croire qu’il est déjà devenu parfait. Or celui-ci ne doit pas oublier que sa fin est la vermine (Avoth 3, 1) et que par sa mort il rend impur, il n’y a donc pas de quoi se vanter. C’était déjà la manoeuvre du serpent, qui a dit à Adam et Eve « Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal » (Genèse 3, 5), ce qui signifie : « Dieu ne veut pas que vous mangiez de l’arbre de la connaissance du bien et du mal de peur que vous deveniez comme Lui, car tout artisan déteste ceux qui pratiquent le même art que lui » (Béréchith Rabah 32, 2, Zohar I, 36a). Il cherche donc à leur instiller la conviction qu’ils se trouvent à un niveau quasi divin. C’est pourquoi Dieu dit aux benei Israël : « Ma sainteté est supérieure à la vôtre » (Vayikra Rabah 24, 9), devant toute la communauté, pour faire savoir qu’en toute situation, même d’abstinence, il y a quelqu’un qui est plus grand encore, et qu’il n’y a donc pas lieu de tomber dans ce piège du mauvais penchant.

On peut illustrer cette explication par des exemples de la vie quotidienne. Quand on demande à quelqu’un s’il a fait la prière ou s’il a donné de la tsedakah, il répond : Bien entendu ! Mais la question signifie en réalité : As-tu prié comme il convient, du début jusqu’à la fin, as-tu donné de l’argent avec l’intention d’accomplir une mitsvah, d’aider le prochain (« Tu aimeras ton prochain comme toi-même », (Lévitique 19, 18)), sans quoi la mitsvah n’est pas parfaite et cet homme a menti, car il n’a pas prié convenablement et il n’a pas donné de la tsedakah comme il convenait. Tout cela provient donc de ce que le Satan veut habituer l’homme à croire qu’il fait des mitsvoth, alors qu’il en est encore bien loin.

De même, un garçon qui étudie à la yéchivah mais perd beaucoup de temps peut raconter qu’il est à la yéchivah, alors que c’est un mensonge et une simple illusion. Il se peut qu’il se soit trouvé physiquement à la yéchivah mais en y perdant son temps et celui des autres, dans l’esprit de la Michnah : « Il pèche et fait pécher les autres » (Avoth 5, 21-22). Tout cela est l’œuvre du Satan qui pousse l’homme à mentir en disant qu’il a étudié à la yéchivah alors qu’il n’en est rien. C’est à ce propos que Dieu nous enjoint de fuir l’impudicité et la faute, la sainteté étant la plus importante des mitsvoth, car si on la néglige on porte atteinte à toutes les autres. Mais en même temps, il ne faut pas perdre de vue que la sainteté de Dieu est plus grande que nous ne sommes capables de l’imaginer, car Il n’a aucun besoin de nous, et ne possède ni corps ni forme corporelle (Rambam Yessodoth HaTorah ch. 1 halakhah 8). C’est cela : « Ma sainteté est supérieure à la vôtre ».

C’est pourquoi « Soyez saints » précède toutes les mitsvoth de la parachah, car tout en dépend. Même pour le Ramban, partout où l’on trouve une barrière à l’impudicité, on trouve la sainteté, ce qui revient à la notion de « Sanctifie-toi par ce qui t’est permis » (Yébamoth 20a), qui est le début de tout. La même chose s’applique à Rachi pour qui il faut s’éloigner de l’impudicité en oubliant absolument tout, car cela mènera à accomplir toutes les mitsvoth, qui relèvent aussi de l’éloignement et de la sainteté. Il n’y a donc aucune divergence d’avis entre Rachi et Ramban.

Cependant, comme nous l’avons déjà mentionné, on aide l’homme à suivre la voie qu’il désire vraiment (Makoth 10b), et si quelqu’un se sanctifie un peu ici-bas, on le sanctifie en haut (Yoma 38b), car il n’y a aucune limite à la sainteté que Dieu peut prodiguer à l’homme, s’il ne croit pas comme un sot à tout ce que lui souffle le mauvais penchant. D’ailleurs à ce propos, voici une anecdote qui m’est arrivée. J’ai toujours eu l’habitude, quand j’entreprends un voyage en avion, seul ou avec un compagnon, de prier Dieu qu’il ne m’arrive rien de fâcheux et qu’on ne nous mette pas à l’épreuve de l’impudicité, moi ou mon compagnon, en nous faisant asseoir à côté d’une femme. En général, cette prière est exaucée. Pourtant un jour, je suis allé de France à New York, ce qui représente un long trajet, avec le Rav Chlomo Elmalem. Nous avons prié pour que le troisième siège de la rangée reste libre, mais une femme est venue s’y asseoir, et comme tout l’avion était complet, il n’y avait rien d’autre à faire que de tenir bon dans l’épreuve, surtout mon compagnon auprès de qui la femme s’était assise. C’est alors que tout à coup nous avons vu de nos yeux un miracle : la femme a été prise d’une peur effroyable et nous a regardés comme si nous étions des terroristes, en suppliant que quelqu’un accepte de changer de place avec elle. Toute vociférante, elle a été emmenée dans une autre partie de l’avion, et nous avons remercié Dieu de la bonté qu’Il nous avait montrée, tout cela parce qu’on aide l’homme à suivre la voie qu’il désire vraiment.

Je vais encore raconter dans quelles circonstances j’ai toujours ressenti ce principe : A chaque fois que je commençais à parler en public, une certaine personne, toujours la même, sortait sous un prétexte différent à chaque fois pour bavarder de futilités au lieu de consacrer ce moment libre à écouter des paroles de Torah et à se rapprocher de Dieu. C’est assez étonnant car il s’agit de quelqu’un qui a la crainte du Ciel, observe les mitsvoth, donne de la tsedakah, croit dans les tsaddikim et soutient l’étude de la Torah. Pourquoi donc sort-il, d’autant plus qu’il n’écoute aucun autre Rav au moins une fois par semaine ? C’est qu’on aide l’homme à suivre la voie qu’il désire vraiment, si bien que quelqu’un qui n’a aucun désir profond d’écouter des paroles de Torah trouve toujours une raison de sortir exactement au moment où le cours commence. Comme le cours l’ennuie en réalité, du Ciel on lui envoie une raison de sortir, par exemple parce que son fils se met à pleurer. Mais tout cela n’est que prétexte, la véritable raison est l’indifférence aux paroles de Torah. Et une fois qu’on est sorti, le Satan souffle d’aller ailleurs se reposer, ou d’aller voir sa famille, ou simplement de bavarder, tout sauf étudier.

Or l’homme doit appliquer cet enseignement à la sainteté : s’il se sanctifie en bas on le sanctifie d’en haut, la plupart des principes fondamentaux de la Torah en dépendent, et s’il se sanctifie par la chasteté, il sera saint et pur dans la totalité des mitsvoth.

Comment faut-il se conduire ?

La plupart des principes de la Torah dépendent de la sainteté d’Israël, particulièrement quand la communauté est rassemblée, comme dans une fête de famille où il faut veiller aux interdictions sur les mœurs, fût-ce en pensée. Si l’on fait attention à cela, on peut faire attention à toutes les mitsvoth, car on aide l’homme à suivre la voie qu’il désire vraiment. Alors il se renforcera dans la sainteté, vaincra le mauvais penchant qui cherche à le faire échouer, il ne mentira pas à propos des mitsvoth et aura envie d’écouter des paroles de Torah sans chercher de prétexte pour s’y soustraire, car la Torah réjouit le cœur de Dieu et des hommes.

 

La sainteté et la chasteté sont les bases du foyer juif
Table de matière
De la sainteté des parents dépend celle des enfants

 

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