La Torah et l’humilité sont les fondements de la sainteté (La grandeur de la fête de Pessa’h)

Il est écrit : « Soyez saints, car Je suis saint, Moi l’Eternel » (Lévitique 19, 2). Nous allons devoir comprendre le rapport entre les parachioth A’harei Mot et Kedochim, qui sont lues ensemble la plupart du temps, ainsi que la raison pour laquelle le Saint béni soit-Il parle très souvent d’Israël au singulier, par exemple : « Je suis l’Eternel ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte » (Exode 20, 2), « Souviens-toi du jour du Chabath pour le sanctifier » (Ibid., 8) ou « Honore ton père et ta mère », alors qu’ici Il a utilisé le pluriel, « Soyez saints ». Quelle différence y a-t-il ?

On peut comprendre ainsi : Dieu annonce aux benei Israël que pour atteindre le niveau de « saint » et accéder aux cinquante portes de la sainteté, ils doivent observer deux conditions.

La première, c’est d’étudier la Torah, qui a été donnée à Moïse au Sinaï au bout de quarante jours (Mena’hoth 99b, Chemoth Rabah 41, 7). De plus, cette étude doit être intense au point qu’on soit disposé à se tuer pour les paroles de la Torah (Bérakhoth 63b, Zohar II, 158b), comme il est expliqué à propos du verset : « Voici la loi (« la Torah »), quand un homme meurt dans la tente », ce qui représente un effort intense.

La deuxième, c’est de s’efforcer d’acquérir l’humilité, car c’est la racine de toute la Torah. Il est dit : « Moïse a reçu la Torah du Sinaï » (Avoth 1, 1), parce que le mont Sinaï s’était rabaissé et fait tout petit, ce qui lui a valu que la Torah soit donnée sur lui (Sotah 8a, Yalkout Chimoni Ytro). Moïse a appris cette humilité du mont Sinaï, et étant devenu le plus humble de tous les hommes de la terre (Nombres 12, 3), il était le seul par qui la Torah puisse être donnée à Israël, car la Torah ne subsiste que chez celui qui est rempli de modestie (Ta’anith 7a), et chez celui qui s’abaisse (Derekh Erets Zoutah 8).

Il faut donc deux choses pour accéder aux cinquante portes de la sainteté : étudier la Torah en se tuant pour elle, et être rempli d’humilité. Or on sait que même le roi Salomon n’y est pas parvenu, tant c’est difficile : comment donc un homme ordinaire le pourrait-il ? C’est qu’en tout homme il y a une étincelle de Moïse, qui est presque arrivé à la cinquantième porte de sainteté (voir Nédarim 38a), ainsi qu’il est écrit : « Moïse s’étend sur toutes les générations » (Tikounei Zohar 69, 114a), par conséquent tout homme peut arriver au moins à un niveau qui lui sera compté comme s’il avait atteint la cinquantième porte de la sainteté, au moyen de l’étincelle de Moïse qui est en lui. Il goûtera ainsi à toutes les cinquante sortes de sainteté que contient cette étincelle.

Cela permet d’expliquer pourquoi le verset dit « saints » (kedochim) au pluriel : c’est une allusion au mot kadoch Y-M, car les lettres Yod et Mem ont ensemble la valeur numérique de cinquante, évocation des cinquante portes de sainteté auxquelles l’homme doit arriver par la Torah, les mitsvoth et les bonnes actions. Ces lettres font également allusion aux dix (Yod) Commandements que Dieu a données au mont Sinaï, et à la Torah qui a été donnée en quarante (Mem) jours. Ce n’est pas par hasard que les parachioth A’harei Mot et Kedochim sont reliées. Si l’on se rappelle que le deuxième principe est l’humilité et l’effacement de soi, alors que le premier est de se tuer pour la Torah, on comprend que c’est cela A’HaRei Mot : le mot A’HaRei est de la même racine que A’HaRon (dernier), ce qui désigne la modestie et l’effacement, dans l’esprit de la michnah qui enseigne : « Mieux vaut être le dernier parmi les lions que le premier parmi les renards » (Avoth 4, 14). Quand on se conduit modestement avec les autres, on arrive à la « mort », qui est de se tuer soi-même pour acquérir la Torah, et on atteint une sainteté (Kedochim) et une pureté considérables.

Tout cela se trouve en allusion dans l’ordre donné aux benei Israël de manger à Pessa’h de la matsah, le pain de pauvreté, et ceci au moment précis où l’homme a une sensation de liberté, où il doit se conduire comme un fils de roi (voir Pessa’him 99b), dans une élévation extraordinaire, car comme on le sait, à Pessa’h on décore sa maison et sa table avec ce qu’on possède de plus beau, selon les instructions du Choul’han Aroukh (Ora’h ‘Haïm 472, 2). Mais par ailleurs on doit manger le pain de pauvreté (Deutéronome 16, 3), tout cela pour que l’homme, même entouré de luxe et de plaisirs, brise son cœur et mange le sacrifice de Pessa’h avec la matsah et les herbes amères (Exode 12, 8), afin de ressentir l’effacement et l’abaissement.

Ce n’est pas par hasard que nous avons reçu l’ordre de vérifier le ‘hamets et le levain avant Pessa’h dans tous les trous et toutes les fentes (Pessa’him 2a). Nous avons déjà dit que le levain représente les péchés graves (Bérakhoth 17a) : le levain qui est dans la pâte (le mauvais penchant) empêche l’homme de progresser. Les trous et les fentes sont les petits péchés dont on ne s’aperçoit pas. Après avoir tout soigneusement vérifié, on peut arriver à l’annulation, alors que si le cœur reste orgueilleux, rien n’aura la moindre utilité. Après la vérification vient l’annulation de soi devant le Ciel, à l’image de ce qui est dit : « selon la loi stricte de la Torah, il suffit de l’annulation » (Pessa’him 4b).

Quant à la matsah, le fait qu’elle est difficile à manger et ne se digère pas vite est une allusion à l’humilité, car même si l’on travaille pour l’acquérir, il faut un effort considérable accompagné de beaucoup d’amertume pour atteindre un réel niveau en ce domaine.

Voici une histoire personnelle. Il y a quelques années, j’ai beaucoup travaillé à nettoyer la maison pour Pessa’h, j’ai vérifié le ‘hamets plusieurs fois, en faisant attention au moindre petit détail, ce nettoyage de fond m’a pris plusieurs nuits, jusqu’à la veille de Pessa’h. Ce soir-là, quand je suis rentré de la synagogue, j’ai monté avec difficulté mes cinq étages car j’étais très fatigué de ce travail épuisant que j’avais fait avec joie. Mais dès que je suis arrivé à la maison et que je l’ai vue claire et toute brillante de l’éclat de la fête, j’ai eu un sentiment de sainteté tel que je ne l’avais jamais ressenti de ma vie.

Je me suis donc dit que tout ce que j’avais fait de mes mains en l’honneur de Pessa’h valait la peine, ne fût-ce que pour ressentir pendant quelques minutes un goût du monde à venir... Et au moment où j’ai vu le plateau de matsoth, je me suis dit : toute la nature de cette fête, c’est la matsah et les herbes amères, au point que les Sages ont dit : « Quiconque n’a pas dit ces trois choses à Pessa’h n’a pas accompli son devoir » (Pessa’him 116b), car elles représentent le souvenir même des tortures et de l’amertume que les Egyptiens ont fait endurer à nos pères. Par conséquent, me suis-je demandé, est-ce que tous les efforts que j’ai faits pour ma maison en l’honneur de la fête valaient vraiment la peine, toute cette fatigue uniquement pour voir sur la table des matsoth et des herbes amères, est-ce vraiment par leur mérite qu’on ressent la sainteté ?

Mais je me suis tout de suite rappelé la michnah qui dit : « Ce n’est pas l’étude qui est l’essentiel mais les actes » (Avoth 1, 17). Dans notre cas, toute la préparation de la fête ressemble à l’étude, alors que les actes sont la matérialisation de cette étude, à savoir la matsah et les herbes amères, pour nous faire ressentir cette sainteté qui rappelle celle du monde à venir. De quoi s’agit-il donc ?

L’homme travaille comme un esclave pour débarrasser sa maison de la moindre trace de ‘hamets. Même dans le cas d’un grand homme, s’il ne connaît même pas la signification de la servitude, comment va-t-il mentir la nuit de Pessa’h en disant : « Nous avons été esclaves de Pharaon en Egypte » (Deutéronome 6, 21), alors qu’il ignore tout de l’esclavage ? Quand il travaille effectivement et nettoie la maison de toutes ses forces, il a un petit aperçu de l’esclavage et de la souffrance que nos pères ont connus en Egypte, et il ressent alors le miracle qui leur a été fait. S’il est orgueilleux, cela l’aidera à se repentir de son orgueil et à s’abaisser et s’humilier devant Dieu, c’est comme cela qu’il Le servira, car servir l’Eternel est le seul domaine dans lequel on a le droit à la fierté, comme en témoigne le verset : « Il fut rempli de fierté dans les voies de Dieu » (II Chroniques 17, 6). Tout autre forme de fierté relève d’un orgueil interdit, dont il est dit : « Tout orgueilleux est en abomination à Dieu » (Proverbes 16, 5), et celui qui s’y complaît ne sert pas Dieu mais Pharaon, qui représente la kelipah.

On le constate chez tous les juifs, dont même la pensée et les mouvements sont différents de ceux des non-juifs. Dans les voies de Dieu, tout ce qui concerne le juif a une grande signification, car celui qui se donne du mal pour une mitsvah devient serviteur de la mitsvah, dans l’esprit de l’enseignement de nos Sages : « Les mitsvoth n’ont pas été données pour en jouir » (Erouvin 31a, Yérouchalmi fin de Teroumoth), mais comme un joug autour du cou de l’homme. Quand il devient serviteur de Dieu, il ressent un contentement qui évoque le monde à venir, et au moment où il donne satisfaction à son Créateur par l’accomplissement des mitsvoth, la sainteté de la mitsvah provoque en lui une élévation considérable, qui représente un goût du monde à venir.

De plus, quand quelqu’un transpire en faisant une mitsvah, c’est un signe qu’il ne sert que Dieu, et s’il transpire en s’effaçant totalement devant l’Eternel, il est évident qu’il reçoit un grand épanchement de bénédictions, et que ses fautes lui sont pardonnées, car cet épanchement ne descend que sur un homme saint que rien ne relie à l’impureté. Dans le même ordre d’idées, j’ai vu dans Noam Elimelekh qu’avant de faire une mitsvah, il faut se repentir, ce qui est tout à fait compréhensible d’après ce qui précède, car l’abondance ne s’épanche que sur une personne sainte et sans aucun péché.

On voit donc que la qualité de la sainteté et le sentiment qu’on en a ne peuvent s’atteindre que par l’annulation du moi et l’étude intensive de la Torah. Cette idée nous permet de comprendre le verset : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lévitique 19, 18), dont Rabbi Akiba a dit : « C’est un grand principe de la Torah » (Yérouchalmi Nédarim 9, 4), à savoir que quand l’homme veut enseigner la Torah à quelqu’un afin qu’il lui ressemble, il lui faut beaucoup d’amour pour consentir à lui transmettre toute la Torah qu’il a apprise et acquise à force de travail et d’efforts. Pour arriver à ce niveau de transmission de la Torah, de tout son cœur et de toute son âme, dans un amour extraordinaire, il faut faire totalement abstraction de soi-même et se réjouir de ce que l’autre comprenne ce qu’on lui transmet, même s’il comprend mieux que son maître et découvre de nouvelles explications. C’est une façon de porter le joug avec son prochain, et de ne pas s’enorgueillir de son étude (Avoth 6, 5). Quant à l’élève, il doit aussi faire abstraction de lui-même devant son ami afin de bien comprendre ce que celui-ci lui enseigne.

Pour rester dans le même sujet, c’est une grande qualité de s’effacer devant l’autre, d’être de ceux qui « sont humiliés mais n’humilient pas, et entendent qu’on leur fait honte sans répliquer » (Chabath 88b, Guittin 36b). Ainsi même quand l’autre fait quelque chose qui nous semble déplaisant, il faut s’effacer, ne rien répondre et ne pas se mettre en colère. Il n’y a pas de plus grande humilité que cela, et c’est la base de la progression spirituelle de l’homme. Quelqu’un qui ne répond pas quand on lui fait honte ne proteste pas non plus envers Dieu (qui l’a mis dans cette situation), et fera certainement le raisonnement que s’il s’efface devant un homme, à plus forte raison doit-il le faire devant l’Eternel. Ces pensées doivent imprégner tous ses actes, vis-à-vis de Dieu ou d’autrui, auquel cas il recevra certainement une profusion de sainteté, de l’ordre du monde à venir, car il s’efface en toute chose devant la volonté de Dieu.

En y réfléchissant, on retrouve ce sujet à propos du mois de Nissan. C’est le mois des miracles, et aussi le premier mois de l’année (Exode 12, 2). Si pendant Nissan nous ressentons les miracles faits à nos pères, nous pourrons les ressentir aussi pendant tous les mois de l’année et recevoir l’abondance de la sainteté, c’est pourquoi il est dit (Deutéronome 16, 3) : « Pour que tu te souviennes du jour où tu es sorti d’Egypte tous les jours de ta vie ». Cela nous permet de puiser de la sainteté des miracles de Pessa’h, et de la lumière du passage de l’esclavage à la Rédemption du mois de Nissan, pour tous les mois de l’année. De plus, il est important de se rappeler la sortie d’Egypte et de la ressentir nuit et jour, ainsi qu’il est écrit : « Les jours de ta vie, ce sont les journées, tous les jours de ta vie, ce sont les nuits » (Bérakhoth 12b), car chaque jour nous sortons d’Egypte, à savoir de l’emprise de nos instincts. Ceux-ci ont chaque jour la possibilité de nous réduire en esclavage, mais nous, par un réveil venu d’en haut, du fait que nous nous rappelons la sortie d’Egypte, nous les vainquons et nous passons de la servitude à la liberté et de l’esclavage à la Rédemption.

Il est en effet dit : « A chaque génération, l’homme doit se considérer comme s’il était sorti d’Egypte » (Pessa’him 116b). Nous avons donc un devoir de sentir que nous en sommes sortis. La chose est difficile à comprendre : nulle part on ne trouve le devoir de ressentir qu’on a été esclave et qu’on a été libéré, d’ailleurs dans notre vie individuelle nous n’avons jamais été esclaves, donc comment accomplir cet ordre ?

D’après ce qui a été dit, on comprend parfaitement que quand l’homme prépare Pessa’h en vérifiant le ‘hamets, par ses propres forces, et l’annule, il ressent presque l’esclavage de ses ancêtres, et vit l’idée que si Dieu ne les avait pas sortis de là, lui aussi aurait été esclave là-bas. Or si la Torah se contente d’une simple annulation du ‘hamets (Pessa’him 4b), ce n’est pas le cas des Rabbanim, qui exigent une vérification soignée (voir le Ran sur le début de Pessa’him), tout cela pour faciliter une véritable sensation d’esclavage et de Rédemption.

Mais l’essentiel de cette sensation doit se manifester dans l’aide à autrui, car au moment où l’on vérifie son ‘hamets, on sait qu’il y a des pauvres qui n’ont rien à vérifier... et on sait qu’en Egypte, les benei Israël ont fait monter des étincelles de sainteté. Comment s’y sont-ils pris ? En aidant le prochain. C’est pourquoi l’on dit au début du séder : « Que quiconque a faim vienne manger », car c’est cela l’essentiel de la Rédemption, aider le pauvre dans un esprit d’effacement et de soutien au moment où sa situation est difficile matériellement et spirituellement.

C’est là-dessus que porte la fête de Pessa’h : se sanctifier, s’effacer, s’abaisser, et ne pas ressembler aux non-juifs, ainsi qu’il est écrit : « Vous direz : c’est un sacrifice de Pessa’h, car Dieu a passé (passa’h) par-dessus les maisons des benei Israël » (Exode 12, 27), pour sauver Israël et frapper les Egyptiens. C’est cela Pessa’h : L’Eternel a passé par-dessus le samekh (du mot PeSSa’H, ce qui laisse Pa’H), six cent mille benei Israël (évoqués par la valeur numérique de samekh, soixante), et Il a tué le Pa’H, à savoir les Egyptiens, qui ressemblent au piège (Pa’H) du verset : « C’est Lui qui te préserve du piège (Pa’H) de l’oiseleur, de la peste meurtrière » (Psaumes 91, 3). L’homme doit vivre tout cela et se préparer à ce que Dieu le sauve et annihile le piège (Pa’H), réalisant ainsi le verset : « le piège s’est rompu et nous nous sommes échappés » (Ibid. 124, 7).

Mais pour cela, il est impératif de ne pas sortir des normes du judaïsme. C’est pourquoi Moïse a dit aux benei Israël sur l’ordre de Dieu : « Pour vous, que personne ne sorte de sa maison jusqu’au matin » (Exode 12, 22), à savoir qu’il faut rester chez soi et ne pas sortir vers des coutumes mauvaises et étrangères, mais demeurer dans la maison d’étude et de prière. Il faut se préparer beaucoup pour obtenir cette liberté-là. Mais quand on se conduit avec humilité et qu’on étudie la Torah, on parvient au judaïsme et à la sainteté, et on reçoit du Ciel de bonnes influences pour aider à s’élever et à se rapprocher de Dieu.

 

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