Plantez des arbres fruitiers

Dans le Midrach, Rabbi Yéhouda fils de Rabbi Simon commence une explication en citant le verset : « Vous suivrez l’Eternel votre Dieu » (Deutéronome 13, 5), et demande s’il est possible à un être de chair et de sang de suivre le Saint béni soit-Il, Lui dont il est écrit : « Tu frayes Ta route à travers la mer, Ton sentier à travers des eaux épaisses » (Psaumes 77, 20) ; il est aussi écrit : « Attachez-vous à Lui » (Deutéronome 13, 5) ; est-il donc possible à un être de chair et de sang de monter au ciel pour s’attacher à la Chekhinah, dont il est dit : « Car l’Eternel ton Dieu est un feu dévorant » (Ibid. 4, 24), « Ses roues un feu incandescent » (Daniel 7, 9), ou encore : « Un torrent de feu jaillissait et s’épandait devant Lui » (Ibid. 7, 10) ! Comment peut-on exiger qu’on s’attache à Lui ? C’est qu’au début de la création du monde, le Saint béni soit-Il s’est occupé d’abord et avant tout de planter, ainsi qu’il est écrit : « L’Eternel Dieu planta un jardin dans l’Eden » (Genèse 2, 8) ; vous aussi, quand vous rentrerez en Erets-Israël, occupez vous d’abord et avant tout de planter, ainsi qu’il est dit : « Quand vous entrerez dans le pays, plantez des arbres fruitiers » (Lévitique 19, 23) (Vayikra Rabah 25, 3).

J’ai lu la question suivante dans ‘Hessed LeAvraham du Rav Aaron HaCohen, gendre du ‘Hafets ‘Haïm : Etant donné que les Sages ont manifesté un tel étonnement qu’il soit possible de s’attacher à la Chekhinah, avec de nombreux versets à l’appui, comment tous ces versets constituent-ils une réponse, alors qu’ils disent une petite chose, à savoir que si l’on plante un arbre, on peut de cette façon s’attacher au Saint béni soit-Il ? Est-ce que cela résout les très graves questions qui ont été posées ?

Nous allons tenter d’expliquer la chose. Le Saint béni soit-Il a créé l’homme pour qu’il fasse la volonté de son Créateur et lui ressemble par ses actes, en ne faisant que des choses bénéfiques au monde. Il est en effet Celui qui donne l’abondance et la diffuse dans le monde, alors qu’Il n’a besoin de rien de la part des hommes, ainsi qu’il est écrit : «  (I Chroniques 29, 14) : « Car de Toi tout provient, et c’est de Ta propre main que nous T’avons donné ». Il ne désire que la satisfaction, ce qui est exprimé par l’expression : « C’est une satisfaction pour Moi qu’on ait fait ce que J’ai demandé » (Torath Cohanim sur Lévitique,1, 55), à savoir qu’on Le serve, qu’on Le craigne et qu’on fasse Sa volonté en tout ce qui concerne Ses lois et Ses statuts.

Au moment où Il a créé le monde, tout s’est fait par la parole de Sa bouche sans aucune action de sa part, comme l’ont écrit nos Sages : le monde a été créé par dix paroles (Avoth 5, 1), et comme dit le verset : « Par la parole de l’Eternel les Cieux ont été faits et par le souffle de Sa bouche toutes ses armées » (Psaumes 33, 7). Cependant, au moment où Il en est venu à créer l’homme, le Saint béni soit-Il a fait intervenir une action directe, ainsi qu’il est dit : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance », « Et Dieu créa l’homme » (Genèse 1, 26).

Il y a là une difficulté : comment le premier homme n’a-t-il pas été consumé au moment de sa création ? C’est bien sûr un décret de la sagesse divine que cet homme créé des mains du Saint béni soit-Il n’ait pas été brûlé et que le grand feu de l’Eternel (« car Il est un feu dévorant » (Deutéronome 4, 24)) n’ait eu aucune action sur lui. En effet, c’est considéré pour le Saint béni soit-Il comme un honneur de créer un homme qui Lui ressemble par ses actes et ses caractéristiques. Non seulement cela, mais les Sages ont dit : « La poussière dont a été fait le premier homme a été ramassée de tous les coins du monde » (Sanhédrin 38a) ; comment cette poussière a-t-elle donc tenu si longtemps sans s’effriter ? La raison en est bien sûr ce que nous avons déjà cité, à savoir que l’homme était l’œuvre des mains du Saint béni soit-Il (Kohélet Rabah 3, 14) et a été formé pour Lui donner satisfaction, et que lorsque le Saint béni soit-Il lui a insufflé la vie (voir Genèse 2, 7), il a commencé à vivre, car c’était le désir de l’Eternel que cet homme règne sur l’œuvre de Ses mains et puisse s’élever et même modifier les lois qu’Il avait assignées à la nature. Et de même qu’il n’a pas été brûlé au moment de sa création, il pourra se relier à l’Eternel pendant toute sa vie par la Torah et les bonnes actions, comme Moïse qui est monté aux Cieux et craignait d’être consumé par le souffle de la bouche des anges (Chabath 88b), mais qui a saisi le trône de gloire, par la force de Sa Torah, la Torah de Moïse, qui lui a conservé sa vie et sa vigueur.

Apparemment, il faut comprendre pourquoi le Saint béni soit-Il a fait des plantations, alors qu’il n’a nul besoin d’elles ni de leurs fruits. Naturellement, Il les a plantées pour l’homme, qui doit en apprendre à planter lui-même et à constater les fruits de son travail. Quels sont ces fruits ? Les plantations sont des arbres, et il s’agit de l’arbre de la vie. Quand l’homme plante un arbre de vie, et qu’ensuite cet arbre donne des fruits, ceux-ci lui appartiennent. De même, quand l’homme plante et grandit dans la Torah, il est lui-même semblable à un feu dévorant et il peut s’attacher à l’Eternel et traverser ce fleuve incandescent, en restant toujours attaché à l’arbre de vie, la Torah, qui faisait les délices du Saint béni soit-Il avant la Création (Chabath 89a) ainsi qu’il est dit : « Et je serai Ses délices jour après jour » (Proverbes 8, 30), et il pourra rester dans la proximité de Dieu, ce qui explique qu’il n’ait pas du tout été brûlé au moment de sa création.

Il s’agit donc d’une allusion que le Saint béni soit-Il a faite à l’homme : de même qu’Il a fait des plantations afin que l’homme puisse en tirer de la vitalité, Il demande aux benei Israël, quand ils rentreront en Erets-Israël, de faire des plantations, car dans le désert ils ont vu beaucoup de miracles et se nourrissaient de manne, un pain spirituel « tous eurent à manger de ce pain des puissants » (Psaumes 78, 25), un pain mangé par les anges du service (Yoma 75b), tout cela gratuitement, alors qu’après l’entrée en Erets-Israël il n’y aura plus de miracles directs comme ils en avaient l’habitude ; ils devront donc planter immédiatement, faire des bonnes actions et travailler dur, pour qu’au moyen de ces plantations ils continuent à être attachés à Dieu et méritent de continuer à voir ce dont ils avaient l’habitude dans le désert, comme la révélation de la Chekhinah et les lumières d’en haut, sans être consumés, à l’instar d’Adam qui n’a pas été consumé au moment de sa création.

Un dur travail est donc imposé à l’homme : il doit labourer, semer et planter des arbres, dans l’esprit de ce qu’ont dit les Sages : « Que de mal Adam a dû se donner avant d’obtenir du pain ! » (Bérakhoth 58a). En effet il est impossible de planter un arbre en toute sérénité, il faut transpirer, creuser et ainsi de suite. C’est cela « Si vous vous conduisez selon mes lois (Lévitique 26, 3) : quand on se comporte dans l’intention de servir Dieu au point de transpirer, alors on Le suit vraiment. Si les Sages ont affirmé que le Saint béni soit-Il avait ordonné au premier homme d’observer une mitsvah facile (Tan'houma Chemini 8), c’est pour souligner que cela entraînerait en lui l’attachement à Dieu, car cette mitsvah facile le conduirait à rester en vie et à ne pas être consumé , ainsi il pourrait attirer sur lui la lumière de la vie. On peut en apprendre à quel point l’homme est capable de s’attacher à Dieu sans être brûlé pour autant, s’il se saisit de la Torah et des mitsvoth. Le Zohar écrit à ce propos (Kora’h 176a) que celui qui étudie la Torah dans l’effort s’agrippe à l’arbre de la vie, et reste attaché à l’arbre lui-même, qui est l’Eternel.

Nous voyons maintenant que c’est la raison pour laquelle le Saint béni soit-Il a planté un arbre au milieu du jardin, ainsi qu’il est écrit : « L’arbre de la vie était au milieu du jardin » (Genèse 2, 9). En effet, s’Il avait créé l’homme pour qu’il vive éternellement, pourquoi aurait-il eu besoin de créer l’arbre de la vie ? C’est une allusion faite à l’homme que de même que Dieu a planté pour faire vivre le monde, y compris lui-même, il doit lui aussi prolonger sa force de vie en accomplissant la Torah et les bonnes actions, méritant ainsi de rester sans cesse attaché à l’arbre de la vie, qui est la Torah, et qui lui permettra d’adhérer constamment au Saint béni soit-Il.

Or on sait qu’en plantant, on peut accomplir de nombreuses mitsvoth, comme les prélèvements à opérer sur les fruits, l’interdiction de manger des fruits des trois premières années de l’arbre, l’interdiction de manger de la nouvelle récolte, les parties de la moisson à laisser dans les champs pour les pauvres, les dons aux pauvres, et ainsi de suite. Dieu a donc signalé à l’homme que de la même manière qu’Il avait fait des plantations pour son bien, il devait agir de même, ce qui lui permettrait de rester attaché à l’Eternel, particulièrement du fait que ces mitsvoth sont appelées « mitsvoth qui dépendent de la terre » (Kidouchin 36b) . Par conséquent c’est précisément en Erets-Israël qu’il atteindra la perfection, comme le dit le Zohar (début de Lekh Lekha) sur le verset « Lekh lekha », littéralement « Va vers toi », vers le perfectionnement de ta personnalité, pour ton bien, car en Erets-Israël l’homme méritera de s’élever de plus en plus. C’est cela : « Plantez des arbres fruitiers », quand cela ? A l’arrivée en Erets-Israël. Ce n’est pas par hasard que nos Sages ont parlé de la souffrance éprouvée par Moïse le jour où il a été condamné à ne pas entrer en Erets-Israël : il désirait atteindre la perfection par l’intermédiaire de la Terre Sainte (Devarim Rabah 11, 10).

En fin de compte, il ressort de tout cela que l’homme doit effectivement faire une petite plantation, or on aide celui qui cherche à se purifier (Chabath 104a, Yoma 38b). Il a besoin d’aide, car les instincts qui cherchent à le détourner de sa tâche sont très puissants, et ces obstacles se manifestent de deux façons : par une difficulté extrême, et par l’esclavage, comme celui de nos pères en Egypte, qui étaient esclaves de Pharaon et se voyaient soumis à un dur labeur (le travail des briques et les travaux des champs (Exode 1, 14)), sans aucune liberté, sans religion et sans aucun choix. De plus on les obligeait à travailler le Chabath et à adorer des idoles (Chemoth Rabah 16, 2) pour les rabaisser aux quarante-neuf portes d’impureté (Zohar Ytro 39a), de façon à ce qu’ils ne puissent jamais être délivrés, comme l’ont dit les Sages sur le verset : « Ils ne s’étaient pas non plus munis de provisions » (Exode 12, 39), le mot « végam » (« non plus ») a la valeur numérique de quarante-neuf, car s’ils étaient restés fût-ce un instant de plus, ils y seraient restés à jamais en tombant dans la cinquantième porte de l’impureté. De la même façon, le mauvais penchant réduit l’homme en esclavage, sans lui laisser aucune liberté ni aucun attachement à Dieu. La deuxième voie, plus douloureuse encore, est celle de l’exil sans esclavage. L’exil avec libre arbitre, sans idolâtrie, l’exil avec la Torah... mais l’exil avec un mauvais entourage. C’est la voie la plus dure de toutes ! Car l’entourage est très perturbant, surtout quand on cherche à devenir un juif parfait.

Par conséquent, l’homme doit faire une plantation dans son pays, de peur de se trouver exilé d’Erets-Israël. Mais aujourd’hui, à cause de nos nombreuses fautes, maintenant que nous sommes exilés et loin de notre terre, le travail à accomplir est considérable. C’est en étudiant la Torah et les mitsvoth qui dépendent de la terre qu’elles pourront nous être comptées comme si nous les avions observées, et c’est cela « plantez des arbres fruitiers ». L’arbre qui donne des fruits comestibles fait allusion à la Torah, ainsi qu’il est écrit : « Venez, mangez de mon pain » (Proverbes 9, 5), il s’agit du pain de la Torah (Yalkout Chimoni Vayetsé), qui permet de s’attacher à l’Eternel.

Et si nous avons raison, cela nous permet de comprendre ce qui est écrit au début du Lévitique : « Dieu appela Moïse et lui parla de la Tente d’assignation » (Lévitique 1, 1), à savoir que lorsque l’homme a un lien avec la Tente d’assignation, qui est la maison d’étude, la tente de la Torah [quand le texte nous dit que Jacob vivait « sous la tente », il s’agit de la tente de la Torah (Béréchith Rabah 63, 8)], même si ce lien est faible, comme le petit aleph du mot Vayikra (« Il appela ») (Zohar I, 234a), il est néanmomins solidement ancré, le mot « moed » (« assignation ») désignant la régularité. L’homme devient alors digne que Dieu parle avec lui et que la Chekhinah repose sur lui, car nos Sages ont dit : « Quiconque répète sans cesse son étude, Dieu la répète avec lui » (Tamid 32a), surtout quand il étudie la nuit (« Quiconque étudie la Torah la nuit, un fil de grâce est tendu sur lui pendant le jour » (‘Haguigah 12b)). Ceci parce qu’il est attaché à la Torah, à l’arbre de vie, selon la volonté de Dieu.

 

La Torah et l’humilité sont les fondements de la sainteté (La grandeur de la fête de Pessa’h
Table de matière
« Dis et tu diras » – Que les grands prennent soin des petits...

 

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