« Dis et tu diras » – la réparation du mal qu’on fait avec la langue

Sur le verset : « Dis aux cohanim fils d’Aaron et tu leur diras » (Lévitique 21, 1), Rachi explique au nom des Sages : « Dis et tu diras – c’est pour enjoindre aux grands de mettre en garde les petits » (Yébamoth 114a). Nous voyons là un grand principe : la Torah met en garde les grands, les talmidei ‘hakhamim, et leur enjoint de veiller à leurs paroles pour les faire entrer dans le cœur des petits, car le Rav doit parler agréablement et se conduire correctement (‘Haguigah 14b) ; non seulement cela, mais il doit parler du fond du cœur, pour que ses paroles rentrent dans le cœur des autres (voir Bérakhoth 6b), car s’il s’adresse à ses élèves avec amour et fraternité, ceux-ci accepteront ses paroles, elles rentreront dans leur cœur, et ils s’élèveront.

C’est le sens de la suite du verset : « Il ne se rendra pas impur au contact d’un mort de son peuple » (Lévitique 21, 1), car si le grand ne veille pas à son langage, il se rend impur par ses paroles au milieu de son peuple. Le Rav doit aussi faire attention à ce que ses élèves ne se rendent pas impurs dans leur peuple, tout cela au moyen de « dis et tu diras », qu’il leur fasse des remontrances, comme l’ordonne la Torah : « Tu feras certainement des remontrances à ton prochain » (Ibid. 19, 17).

Pour rester dans le même sujet, ajoutons que le discours doit être empreint de sainteté et de pureté, ce qui le fera rentrer dans les cœurs. Il se peut que ce soit cela le rapport entre Kedochim et Emor. De plus, il faut parler avec humilité, ce qui évoque le rapport avec la parachat Béhar qui suit, où il est question du mont Sinaï, cette montagne qui s’est abaissée, si bien que la Torah a été donnée sur elle (Sotah 5a). S’il n’y a pas d’humilité, les paroles prononcées comporteront une faute, car le mot anavah (« humilité »), en ajoutant le mot lui-même, a la même valeur numérique que avon (« péché »). La Torah nous en prévient par « dis et tu diras » : il faut parler saintement et purement, et aussi avec humilité et abaissement.

Un point encore : par les mots « dis et tu diras », la Torah nous enseigne à ne dire à la maison que des choses constructives, afin de ne provoquer aucun incident fâcheux, car « Le Saint béni soit-Il n’envoie aucun incident fâcheux par l’intermédiaire des justes » (Yébamoth 28b, ‘Houlin 5b), sujet sur lequel la Guemara s’est longuement étendue (voir Guittin 7a). L’homme doit également faire preuve de qualités dans sa conduite, et ne dire à ses élèves que des choses positives, car c’est ainsi qu’ils pourront apprendre de lui. Nous constatons effectivement l’influence extrême de ce qu’on entend à la maison, pour le meilleur et pour le pire.

La fin de notre parachah appuie cette idée, dans le verset : « Le fils d’une femme israélite sortit, et c’était le fils d’un Egyptien » (Lévitique 24, 10), à la suite de quoi il est amené à blasphémer. De quelle manière ? Par le Tétragramme (Vayikra Rabah 32, 4), qu’il avait entendu au Sinaï. La Torah nous dit que : « Le nom de sa mère était Chlomit bat Divri de la tribu de Dan » (Ibid. 11). Pourquoi nous donne-t-on le nom de sa mère ? Rachi explique que c’est elle qui a commis une faute (voir Vayikra Rabah 32, 5). On l’appelle « Bat Divri » (littéralement : « fille de la parole ») parce qu’elle était bavarde et parlait à tout le monde, ce qui a entraîné la faute. On a du mal à comprendre comment quelqu’un qui a entendu ce qui a été dit au Sinaï peut blasphémer !

La raison en est que tout homme est doué de libre arbitre, ainsi qu’il est écrit : « Tu choisiras la vie » (Deutéronome 30, 19), c’est lui qui doit faire pénétrer dans son coeur les choses qu’il a vues, et que le Saint béni soit-Il ne l’oblige jamais à accepter. A la maison, ce fils de l’israélite a entendu de sa mère des paroles interdites, et il en a tiré la leçon, car : « Ce que l’enfant raconte dans la rue, il l’a entendu à la maison, ou de son père ou de sa mère » (Soukah 56b), c’est pourquoi il a blasphémé : il avait probablement entendu ce genre de discours, et il était bavard comme sa mère.

Pour expliquer l’expression « Dis et tu diras », on peut encore y voir une allusion au calcul du Omer. On lit en effet cette parachah pendant l’époque du compte, qui est un temps propice à se perfectionner dans le domaine des rapports entre les hommes. Ce travail sur soi-même constitue une préparation à recevoir la Torah. Les quarante-huit qualités par lesquelles elle s’acquiert (Avoth 6, 5) correspondent aux quarante-huit jours du compte, le dernier jour comprenant l’ensemble. Certes, en Egypte les benei Israël avaient réparé la faute de la médisance, comme l’ont expliqué les Sages à propos du verset « Moïse prit peur et dit : la chose est donc connue » (Exode 2, 14), à savoir qu’il a perçu que l’esclavage était dû à la médisance et à la déloyauté (Chemoth Rabah 1, 30). De plus nos Sages ont dit, enseignement repris par Rachi (Chemoth Rabah 1, 28, Bemidbar Rabah 20, 22, Chir Hachirim Rabah 4, 12, Yalkout Chimoni Béchala’h 226, Tan'houma Balak 16 et d’autres), que les benei Israël ont été délivrés par le mérite de quatre choses, l’une d’elles étant qu’ils n’ont pas changé de langue, c’est-à-dire qu’ils se sont abstenus de toute médisance. Mais l’essentiel de la préparation à recevoir la Torah restait l’acquisition des quarante-huit qualités, et il a fallu quarante-neuf jours bien que la médisance soit déjà réparée, car la trace en demeurait, et a demandé longtemps à effacer. Par ailleurs si l’on se contente d’arrêter de dire des calomnies sans travailler sur le reste de ses défauts, on n’a rien fait du tout.

Il y a une allusion à cette idée dans le fait que pendant la période du Omer nous célébrons deux Hilouloth, celle de Rabbi Méïr et celle de Rabbi Chimon bar Yo’haï à Lag Baomer. Or Rabbi Méïr représente la Torah écrite, et Rabbi Chimon bar Yo’haï (qui a parlé de la réparation de la médisance) la Torah orale (garder sa langue). C’est l’essentiel de la préparation au don de la Torah.

Voilà le message de la Torah dans « Dis et tu diras » : il s’agit d’enseigner à l’homme à pratiquer la Torah écrite et la Torah orale. C’est cela Emor (« dis ») : répare ton langage en t’abstenant de dire du mal, puis Véamarta (« et tu diras ») : développe les quarante-huit qualités par lesquelles la Torah s’acquiert. Cette idée se trouve en allusion dans le mot VéAMaRTa, car la lettre T représente la Torah, la lettre M (valeur numérique : quarante) représente aussi la Torah qui a été donnée en quarante jours (Mena’hoth 29b), et les lettres V, A et R valent numériquement neuf (d’après la méthode où l’on compte les dizaines et les centaines comme des unités), ce qui avec la lettre M (quarante) fait quarante-neuf, les quarante-neuf jours du Omer, pour réparer les quarante-huit qualités, le dernier jour englobant l’ensemble. En effet, par la calomnie on porte atteinte à toutes ces qualités, et il faut les réparer toutes pour mériter d’arriver au don de la Torah en sainteté et en pureté.

 

« Dis et tu diras » – Que les grands prennent soin des petits...
Table de matière
Les remontrances aident l’homme à s’élever en sainteté

 

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