La mitsvah de chemittah, fondement de la liberté de l’homme

Il est écrit : « L’Eternel parla à Moïse au mont Sinaï pour lui dire (...) la terre chômera en l’honneur de l’Eternel » (Lévitique 25, 1, 2), verset à propos duquel les Sages ont dit : « Quel est le rapport entre la chemittah et le mont Sinaï ? De même que la chemittah avec ses principes généraux et tous ses détails a été donnée au Sinaï, c’est aussi le cas de toutes les mitsvoth » (Torath Cohanim, Rachi Ibid.).

Mais cela reste insuffisant, et je vais m’efforcer de répondre de mon mieux et le plus exactement possible aux questions qui se posent :

A. Qu’est-ce que cela vient nous apprendre de nouveau que toutes les mitsvoth ont été données au Sinaï avec leurs principes généraux et leurs détails ? On sait bien que Moïse a appris la totalité de la Torah au mont Sinaï ! (Chemoth Rabah fin de Michpatim) A propos du verset « L’Eternel m’a donné deux Tables de pierre (...) sur lesquelles sont écrites toutes les choses que l’Eternel vous a dites », les Sages disent que le Saint béni soit-Il a montré à Moïse les détails de la Torah et des commentaires, y compris toutes les explications qui seront données plus tard (Méguilah 19b). Par conséquent la question reste entière : quel rapport y a-t-il entre la chemittah et le mont Sinaï ?

B. Il faut également comprendre comment on peut envisager un instant qu’une mitsvah soit donnée sans tous ses détails : si on ne les connaissait pas, il serait impossible de l’observer parfaitement !

Il faut comprendre qu’ici, au mont Sinaï, l’Eternel veut dévoiler un grand secret aux benei Israël dans la mitsvah de chemittah. D’ailleurs le mot Behar (« Sur le mont ») a la valeur numérique de raz (« secret »). Elle permettra aux benei Israël de s’unir et de respecter la liberté de chacun, qu’il soit esclave ou homme libre. On sait en effet combien la terre d’Israël est chère aux benei Israël, celui qui possède de la terre peut accomplir de nombreuses mitsvoth qui en dépendent, comme les dîmes et les prélèvements, les prémices, les fruits des trois premières années, etc. (voir Kidouchin 36b). On sait également que grâce à l’unité entre les benei Israël, ils ont reçu le don de la Torah, ainsi qu’il est écrit (Exode 19, 2) : « Israël campa là », ce que les Sages expliquent ainsi : « Comme un seul homme, avec un seul cœur » (Mekhilta).

Par conséquent, si quelqu’un avait le malheur de se voir privé d’une terre qui lui vient en héritage de ses ancêtres, parce qu’il a dû la vendre à cause d’une dette qu’il avait ou pour toute autre raison, il aura une grande douleur de ne plus pouvoir accomplir les mitsvoth qui dépendent de la terre, et gardera même peut-être rancune à d’autres, ce qui entraînera le contraire de l’unité entre les benei Israël, au point d’empêcher qu’ils accomplissent la Torah. Il est vrai qu’elle a été donnée dans le désert, avant l’entrée en Erets-Israël et avant que les benei Israël possèdent des terres (voir Kidouchin 37b), mais par la suite, quand ils entreront dans le pays, ce risque de perdre des terres peut entraîner des dissensions.

C’est pourquoi les benei Israël ont reçu la mitsvah de chemittah, et précisément au mont Sinaï, où l’Eternel leur a révélé ce secret qui leur permettrait de continuer à vivre dans l’unité même s’ils en venaient à perdre leur terre. Comment cela ? A cause de la notion : « Six années tu sèmeras ton champ (...) et la septième année sera un Chabath complet pour la terre » (Lévitique 25, 3-4). C’est pour cela que le juif doit se rappeler ce grand rassemblement du six Sivan où la Torah a été donnée, quand tout le monde était uni comme un seul homme avec un seul cœur, et dont la conséquence est qu’il faut continuer à vivre dans l’unité même une fois installé dans le pays. Alors on travaillera pendant six ans pour renforcer l’unité avec le prochain la septième année, entièrement destinée aux benei Israël, et ils vivront une véritable unité, qui évoque le septième millénaire (voir Avodah Zarah 9a, Sanhédrin 97a).

L’Eternel connaît le fond du cœur de tout homme, et sait qu’il ne lui est pas facile d’ouvrir son champ à tout le monde la septième année, au bénéfice de tous ceux qui n’ont pas la chance de posséder une terre, en particulier l’étranger, l’esclave, etc. Il doit donc vraiment travailler à se perfectionner pendant six ans d’affilée pour que la septième année il ait des sentiments favorables envers chacun, et que tous ressentent véritablement l’unité. On peut en prendre pour exemple un homme qui travaille tous les jours de la semaine : quand arrive le Chabath, il a une sensation de liberté et de repos, alors que s’il se reposait pendant toute la semaine, le Chabath il ne ressentirait ni repos ni élévation dans la Torah. Celui qui ne se repose que le septième jour sent bien que l’Eternel l’a choisi et sanctifié, et aussi qu’il s’accompagne d’une âme supplémentaire (Beitsah 16a).

Dieu a sanctifié la septième année de la même façon que le Chabath... et si le Chabath nous nous souhaitons mutuellement « Chabath chalom » en signe d’unité, toute la semaine étant comme une préparation à ce sentiment d’union, de la même façon la septième année il faut ressentir la liberté et l’unité, non seulement en paroles, mais en mettant ses biens de tout cœur à la disposition de tous, afin que chacun ressente la véritable liberté, même ceux qui n’ont pas la chance de posséder une terre.

De plus, les années de chemittah précèdent le jubilé, où chacun doit rendre la terre à son propriétaire initial, ainsi qu’il est écrit : « Chacun de vous rentrera dans son bien (...), pendant cette année de jubilé vous rentrerez chacun dans votre possession » (Lévitique 25, 10, 13). Or il est difficile à l’homme de rendre à ses premiers propriétaires une terre qu’il a achetée, car il se dit à ce moment-là qu’il aurait mieux valu ne pas l’acheter du tout et investir l’argent dans autre chose. Mais celui qui s’habitue une fois tous les sept ans à mettre ses biens à la disposition de tout passant et à donner à tout le monde la permission d’entrer pourra accomplir la mitsvah du jubilé avec la même perfection et rendre la terre à ses premiers propriétaires, afin qu’eux aussi puissent ressentir la véritable liberté dont ils ont été privés pendant toutes ces années.

L’Eternel a révélé ce secret à Moïse et aux benei Israël au mont Sinaï, pour qu’il demeurent unis, et tout particulièrement au moment de la fête de Chavouoth où nous célébrons le don de la Torah (moment où est lue la parachat Béhar). Il faut être prêt à travailler sur les quarante-huit qualités par lesquelles la Torah s’acquiert (Avoth 6, 5), dont la plupart concernent les rapports des hommes entre eux, et qui recouvre le même enseignement que le décompte du Omer, entre Pessa’h et Chavouoth : quarante-huit jours correspondant à quarante-huit qualités, le dernier jour étant le quarante-neuvième pour réviser le tout, comme l’écrit Rabbi Israël Salanter. Ainsi on peut arriver à la perfection le cinquantième jour, jour du don de la Torah, dans toutes les qualités, d’ailleurs le mot midah (« qualité ») a la valeur numérique de quarante-neuf.

J’ai aussi pensé ajouter que le mot Yovel (« jubilé ») a la valeur numérique de quarante-huit, c’est-à-dire que pendant quarante-huit ans l’homme apprend comment acquérir un cœur bon pour pouvoir rendre la terre à ses propriétaires initiaux. Il doit en effet se rappeler  qu’il n’est pas son propre maître mais qu’il est comparé à un esclave, ainsi qu’il est écrit : « Car les benei Israël sont mes serviteurs » (Lévitique 25, 55). Et s’il est esclave d’un être de chair et de sang, qu’il sache qu’il finira par retrouver sa liberté pour pouvoir servir l’Eternel et accomplir les mitsvoth qu’il n’a pas eu la possibilité d’observer quand il était esclave, et aussi qu’il a la possibilité d’obtenir un champ à lui où il observera les mitsvoth qui dépendent de la terre.

La Torah ordonne à celui qui a un esclave : « Ne le domine pas avec rigueur » (Lévitique 25, 43, 46), et sur le verset : « Les Egyptiens asservirent les benei Israël avec rigueur » (Exode 1, 13), la Guemara (Sotah 11b) explique que le mot parekh (« rigueur ») peut être lu comme peh rakh, « une bouche douce » qui cherche à convaincre de travailler de plus en plus. Or un juif n’a pas le droit d’asservir quelqu’un, bien au contraire, il doit se conduire fraternellement.

Le Ba’al Lev Sim’hah écrit : « Quarante-huit est la valeur numérique de Lev Tov (« un cœur bon »), ce qui signifie que pendant le période du décompte du Omer, où l’on compte quarante-neuf jours, il faut travailler à se forger un cœur bon, pour pouvoir arriver à la perfection à la fête de Chavouoth, puisque c’est le cœur qui abrite toutes les autres qualités (voir Avoth 2, 9, Avoth Derabbi Nathan 14, 5). Quelqu’un qui a bon cœur aime les créatures, or nous avons expliqué ci-dessus qu’avant le don de la Torah, l’essentiel est d’arriver à la solidarité et à l’amour du prochain, « comme un seul homme avec un seul cœur ».

Le mot chemittah comporte encore une autre allusion : les lettres de CHeMITTaH sont celles du mot CHaÏ (« cadeau »), auxquelles s’ajoutent mem et tet (valeur numérique : quarante-neuf). Cela signifie qu’il faut travailler à s’améliorer pendant quarante-neuf ans, pour que l’année du jubilé on puisse rendre le CHaÏ, le « présent », à ses propriétaires initiaux avec amour et de bon cœur. De plus, la chemittah a ceci de merveilleux qu’elle préserve l’homme d’une grave impureté, car la valeur numérique de chemittah évoque une souillure involontaire dont celui qui croit en Dieu et le sert se trouve protégé. C’est également la valeur numérique du verset « Vegam bekha ya’aminou léolam » (« En toi aussi, ils croiront à jamais ») (Exode 19, 9) ainsi que du verset « Véhaya ma’haneikha tahor » (« Et ton camp sera saint ») (Deutéronome 23, 15). Or on sait déjà que l’humilité protège l’homme et l’empêche de tomber au pouvoir de la kelipah (voir Zohar III, 240a). La valeur numérique du mot Anavah (« humilité ») est la même que celle des mots Haahavah Véhaemounah (« l’amour et la foi »), et le mot A’hdout (« unité ») a la même valeur numérique que Véïch Emounah (« Et un homme de foi »). Les deux valent ensemble la même chose que Kedouchah Ilaah (« une sainteté supérieure »).

Donc la chemittah nous apprend en particulier l’humilité, l’unité et la liberté de chaque homme, ainsi que la nécessité ne pas oublier le don de la Torah, et de travailler pour obtenir un cœur bienfaisant envers le prochain. Par la chemittah, l’homme peut atteindre la perfection dans toutes les qualités, sans compter qu’il se renforce dans le service de Dieu et se trouve protégé de l’impureté.

Par le mérite de l’observance de la chemittah dans son intégralité, avec humilité, dans l’union et la foi, puissions-nous mériter la lumière du « pays de la vie » (« Eretz Ha’haïm », même valeur numérique que chemittah) et la venue du Machia’h, amen qu’il en soit ainsi.

 

 

 

La mitsvah de chemittah : fondement de la foi, et amour du prochain
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