La grandeur des mitsvoth, et la fermeté dans l’épreuve.

Sur le verset : « Si vous marchez dans Mes statuts et si vous observez mes mitsvoth » (Lévitique 26, 3), Rachi explique au nom des Sages (Torath Cohanim Ibid.) qu’il s’agit de l’étude de la Torah, car l’observance des mitsvoth est évoquée séparément. Dans la suite de la parachah (26, 14), il est écrit « Si vous n’écoutez pas », et là aussi Rachi explique : si vous n’étudiez pas la Torah ; il ne peut pas s’agir de l’observance des mitsvoth, car il est écrit : « et si vous n’accomplissez pas toutes ces mitsvoth », par conséquent les mitsvoth étant évoquées de leur côté, il s’agit de l’étude de la Torah.

Or on sait que quelqu’un qui n’étudie pas ne peut pas observer les mitsvoth correctement, car elles doivent être exécutées avec l’intention de faire une mitsvah (Bérakhoth 13a, Zohar III 306b), et le Rambam dit que cette intention consiste à connaître la nature et l’essence de la mitsvah. Faute de cette connaissance, il ne peut y avoir d’intention, et une mitsvah sans intention n’a pas grande valeur.

Voici les questions qu’on peut se poser à ce propos :

A. Pourquoi la Torah s’exprime-t-elle au pluriel, « Si vous marchez dans Mes statuts » et non au singulier, alors qu’on trouve souvent le singulier dans ce genre de contexte ?

B. Pourquoi l’étude de la Torah s’appelle-t-elle « statut », et non « mitsvah » ? Il faut comprendre par ailleurs ce qu’est exactement une mitsvah.

Nous allons essayer d’y répondre. Sur le verset : « Dieu, parfaite est Sa voie, la parole de l’Eternel est raffinée, Il est un bouclier pour tous ceux qui s’abritent en Lui » (Psaumes 18, 31), Rav a dit : « Les mitsvoth n’ont été données que pour perfectionner les créatures, car qu’importe au Saint béni soit-Il qu’on égorge la bête par le cou ou par la nuque ? » (Béréchith Rabah 44, 1). Les mitsvoth n’ont donc été données que pour nous affiner, et il faut comprendre cette affirmation.

De plus, l’observance des mitsvoth mène l’homme à reconnaître Dieu, ce qui entraîne la crainte du Ciel. De quelle façon ? Quand quelqu’un observe les mitsvoth méticuleusement, c’est un signe qu’elles sont importantes pour lui. Mais s’il les traite à la légère, dans l’esprit de l’explication que donne le Midrach sur le verset : « Comme conséquence (« Ekev ») de votre obéissance » (Deutéronome 7, 12), il s’agit des mitsvoth que l’homme foule au talon (« Akev ») (Tan'houma début de Ekev), c’est un signe qu’elles n’ont aucune importance à ses yeux, et qu’il cherche même à se trouver des échappatoires. Inutile de dire qu’il est loin de la crainte du Ciel.

L’homme doit savoir qu’une mitsvah ressemble à un statut, qui n’a pas besoin d’être expliqué et ne souffre aucune modification. Il n’y a pas que la mitsvah, l’étude de la Torah est également assimilée à un statut, ainsi qu’il est écrit : « Voici le statut de la Torah » (Nombres 19, 2) (il s’agit de l’étude), ou encore : « Voici la Torah [la loi], quand un homme meurt dans la tente » (Ibid. 14). L’étude de la Torah est un décret immuable, pour lequel il faut mourir à la tâche en ce monde, comme l’expliquent les Sages à ce propos : « Les paroles de Torah ne se maintiennent que chez celui qui se tue pour elles » (Bérakhoth 63b, Chabath 83b, Zohar , 158b). De plus, en accomplissant les mitsvoth, l’homme montre qu’il est le serviteur de Dieu. On trouve une idée de ce genre à propos d’Adam : au moment où il a été créé par le Saint béni soit-Il, les anges ont cru qu’il était une divinité (Béréchith Rabah 8, 9), jusqu’à ce que Dieu lui donne une seule mitsvah à observer (qu’il a transgressée), et à ce moment-là les anges ont reconnu qu’il n’était qu’un serviteur de son Seigneur et non une divinité.

Cela nous enseigne que quand on observe les mitsvoth, il faut le faire en fonction de ses forces et de sa proximité à Dieu, car le Saint béni soit-Il n’a pas d’exigences injustes envers Ses créatures (Avodah Zarah 3a), et Il ne les charge jamais au-delà de leurs forces (Chemoth Rabah 34, 1, Tan'houma Tissa 10, Pessikta Rabati 16, 8). Il tient compte des forces humaines, car lorsqu’Il a donné la Torah à Israël, s’Il l’avait fait en fonction de Sa propre puissance, personne n’aurait pu la supporter, ainsi qu’il est dit : « Si nous continuons à entendre la voix de l’Eternel, nous sommes morts » (Deutéronome 5, 22). Il a parlé aux benei Israël en fonction de leurs propres forces, comme en témoigne le verset : « La voix de l’Eternel est dans la force » (Psaumes 29 4), il n’est pas écrit « dans Sa force » mais « dans la force », ce qui désigne la force de tout un chacun. Une certaine puissance est donc accordée à chacun pour servir Dieu et observer les mitsvoth.

Mais dans cette observance des mitsvoth, il faut savoir à laquelle donner la priorité, laquelle lui sera utile en fonction de la racine de son âme. On trouve des appuis à cette idée chez les Sages (Sotah 13a) à propos de Moïse, qui au moment où tous les benei Israël étaient occupés à dépouiller l’Egypte, s’affairait à chercher le cercueil de Joseph, et à propos de qui il est écrit : « Le sage de cœur prend les mitsvoth » (Proverbes 10, 8). Or dépouiller l’Egypte était aussi une mitsvah, et « Celui qui est occupé par une mitsvah est exempté d’une autre mitsvah » (Soukah 25a, Zohar III, 186a). Alors pourquoi Moïse a-t-il délaissé la mitsvah de dépouiller l’Egypte pour aller s’occuper d’une autre mitsvah ?

On voit de là que quand deux mitsvoth se présentent en même temps, il faut se demander laquelle des deux sera le plus utile à son âme et laquelle le plus utile à son corps. Et s’il est impossible d’accomplir les deux à la fois, il faut choisir celle qui est le plus utile à son âme, et ensuite seulement la deuxième, comme Moïse qui a commencé par s’occuper du cercueil de Joseph, ce qui serait utile à son âme, car c’est au moyen du cercueil de Joseph que la mer s’est fendue devant les benei Israël , ainsi qu’il est écrit : « La mer a vu et s’est enfuie » (Psaumes 114, 3), et les Sages ont dit : « Qu’a-t-elle vu ? Elle a vu le cercueil de Joseph » (Midrach Cho’her Tov 114, 9) ; c’est donc grâce à lui que les benei Israël sont sortis d’Egypte, et ont fini par arriver au don de la Torah.

Mais en même temps, on constate la grandeur des mitsvoth, car il est écrit qu’Esaü respectait son père Isaac plus que Jacob, c’est pourquoi Isaac voulait le bénir (Pessikta Rabati 24, 55, Zohar I, 146b).

L’homme doit savoir que la seule observance des mitsvoth ne suffit pas. Quelqu’un peut être connu pour sa générosité (comme Esaü qui était connu pour sa façon d’honorer son père), mais sans Torah, rien ne l’empêche d’être totalement mauvais ! Ainsi Bilaam, qui était un grand prophète, au point que les Sages ont dit de lui que chez les nations, il s’est levé un prophète comme Moïse (Bemidbar Rabah 14, 34, Sifri Berakhah 34, 10, Zohar II, 21a), et connaissait même l’instant exact où le Saint béni soit-Il se fâche (Bérakhoth 7a, Sanhédrin 105b, Zohar III 205a), était malgré tout un grand scélérat, au point de conseiller à Balak de faire tomber les benei Israël dans l’impudicité (Sanhédrin 93a, Yérouchalmi Ibid. ch. 10 halakhah 2). Pourquoi cela ? Parce qu’il n’avait pas de Torah du tout ! Or sans Torah, il n’y a rien.

Et malgré tout, il faut bien réfléchir, car il existe un autre moyen de s’élever, indépendamment de la Torah et des mitsvoth, et c’est la voie de la fermeté dans l’épreuve. Quand un homme surmonte une épreuve, il s’élève encore plus. On trouve cette idée à propos de Jacob : « Jacob sortit de Beershéva et partit vers ‘Haran » (Genèse 28, 10). Pourquoi y allait-il ? Il aurait pu envoyer un messager pour prendre femme à sa place, puisqu’il est possible d’épouser une femme par l’intermédiaire d’un tiers (Kidouchin 41a). Mais il désirait aller vers le lieu de la colère (« ‘HaRoN Af ») pour être mis à l’épreuve, à cause des imperfections qu’il ressentait en lui-même. Pourquoi cela ? Parce qu’il savait qu’Esaü n’était pas assez mauvais pour lui permettre de s’élever, car lui aussi étudiait et observait les mitsvoth, en particulier la mitsvah de respecter son père. Laban était plus méchant encore, lui qui était le père des trompeurs (Tan'houma Vayichla’h 1), il a donc décidé d’aller à ‘Haran pour être éprouvé et sortir vainqueur de l’épreuve. Mais celui qui entendait dire qu’il était allé à ‘Haran croyait qu’il était lui aussi devenu mauvais comme Laban. Par conséquent même Esaü ne l’a pas fait poursuivre pour le tuer, car il a estimé qu’il avait pris une mauvaise voie et était devenu vraiment méchant, or le méchants sont appelés morts même pendant leur vie (Bérakhoth 18b, Béréchith Rabah 39, 7, Zohar II, 106b). Il le considérait donc comme mort, sans aucune valeur, et a estimé inutile de lutter contre lui.

Mais quand Jacob est revenu de chez Laban, il a envoyé des messagers à son frère Esaü (Genèse 32, 3), en lui annonçant : « J’ai habité (GARTI) chez Laban tout en observant 613 (TARIAG) mitsvoth, et je n’ai pas appris de sa conduite » (Midrach Aggada sur le début de Vayichla’h). Il voulait respecter la mitsvah : « Soyez irréprochables envers Dieu et envers Israël » (Nombres 32, 22), il lui a donc fait savoir que bien qu’il n’ait pas pu accompli la mitsvah d’honorer son père pendant ce temps-là, il avait tout de même appris beaucoup de Torah, ainsi qu’il est écrit : « L’étude de la Torah vaut autant que toutes les mitsvoth » (Péah 1, 1), et c’est un signe qu’il avait tenu bon dans l’épreuve.

On peut tirer de là une morale et une règle de vie. Quiconque quitte la maison de ses parents et continue à servir Dieu là où il se trouve, montre par là que la nature de sa vie n’a pas changé et qu’en toutes circonstances il s’occupera de Torah, comme Jacob qui avait toujours été installé dans les tentes de Sem pour étudier (Méguilah 17a, Béréchith Rabah 63, 8). Même quand il est rentré de chez Laban à Beerchéva, il est écrit : « Et Jacob s’installa » (Genèse 37, 1), il a continué à être installé dans l’étude.

On trouve une allusion à cette idée dans les trois parachioth Vayetsé, Vayichla’h, Vayéchev, qui commencent toutes trois par les lettres vav, yod, or trois fois vav yod vaut numériquement quarante-huit (‘HaM), pour nous signaler que Jacob n’avait nullement été influencé par son mauvais entourage, et que son cœur était toujours resté chaud (‘HaM) pour le service de son Créateur, car seul un homme au cœur chaud peut en toutes circonstances étudier la Torah et observer les mitsvoth. Peu importe à celui qui a le cœur froid d’observer les mitsvoth ou d’étudier la Torah, et même s’il se trouve dans une yéchivah ou dans une maison pratiquante, la chaleur ambiante n’aura pas d’influence sur lui, car son cœur est froid à l’intérieur. Ainsi Esaü le méchant, bien qu’il habitât chez deux tsaddikim, n’a pas appris de leurs bonnes actions (Yoma 38b) et a quitté le droit chemin. En revanche, quelqu’un dont le cœur brûle pour la Torah et les mitsvoth ne change jamais, même s’il se trouve parmi les méchants, car son cœur est toujours chaud en lui pour le service du Créateur, et c’est Vayetsé, Vayichla’h, Vayéchev, même quand on sort d’un endroit de Torah et qu’on est envoyé de chez soi, il reste malgré tout Vayéchev, on continue d’être installé dans la Torah.

On raconte que le Ba’al Chem Tov a vu un jour en Russie un non-juif qui gravait dans la glace une forme de croix. Il a dit : « Ce n’est que l’hiver, quand il fait froid, qu’il peut graver une croix dans la glace, mais l’été, quand il fait chaud et qu’il n’y a pas de glace, il est impossible de graver... de même quand le cœur du juif est froid, il se laisse influencer et on peut graver sur lui n’importe quoi, mais quand il est réchauffé par la Torah et les mitsvoth, on ne peut rien y graver, car il est consacré à Dieu ».

C’est cela : « Si vous marchez dans Mes statuts », l’étude de la Torah et l’observance des mitsvoth, tout en tenant bon dans l’épreuve d’un cœur chaud. Et en allusion on peut dire que : Im Bé’houkotaï Télékhou (« si vous marchez dans Mes statuts » a exactement la même valeur numérique que Amal hatorah vélev ‘ham meod leHakadoch Baroukh Hou (« l’étude de la Torah et un cœur très chaud pour le Saint béni soit-Il »), car c’est le principal devant notre Père des Cieux.

Comment faut-il se conduire ?

« Mon cœur est chaud à l’intérieur de moi, en méditant un feu brûle » (Psaumes 39, 4), car seul celui qui a le cœur chaud pour le service de Dieu peut continuer à observer les mitsvoth et à étudier la Torah en toutes circonstances et en tous lieux, même en dehors de la yéchivah et de la maison. C’est toujours à cela qu’il faut tendre, car c’est ainsi qu’on peut surmonter les épreuves.

 

L’étude de la Torah : la récompense d’une mitsvah est une autre mitsvah
Table de matière
La Torah et les mitsvoth aboutissent à la sainteté et annulent les désirs et les kelipoth

 

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