La Torah et les mitsvoth aboutissent à la sainteté et annulent les désirs et les kelipoth

Sur le verset : « Si vous marchez dans Mes statuts » (Lévitique 26, 3), Rachi explique au nom des Sages (Torath Cohanim Ibid.) que cela désigne l’étude de la Torah dans l’effort. Il ne suffit pas d’observer les mitsvoth, il faut les aimer pour les accomplir en toutes circonstances, et bien qu’elles n’aient pas été données comme un plaisir (Erouvin 31a, Yérouchalmi fin de Teroumoth) mais plutôt comme un joug, on doit sentir qu’elles ne sont nullement pesantes. Comment y parvenir ? Uniquement par l’étude de la Torah.

Mais encore devons-nous comprendre pourquoi il faut absolument que cette étude s’accompagne d’efforts et de difficultés (Sanhédrin 99b). Dans toute la Torah, on ne trouve nulle part écrit explicitement qu’il faille étudier dans l’effort, pourquoi les Sages ont-ils donc interprété de cette façon ?

De plus, il faut s’interroger sur le rapport entre la fin de la parachat Béhar, où il est question du Chabath et de la révérence envers le Sanctuaire (Lévitique 26, 2), et le début de la parachat Bé’houkotaï.

Nous allons tenter d’expliquer tout cela. La Guemara dit que quand l’homme est jugé, la première question que lui pose le Tribunal céleste est s’il a fixé des temps d’étude de la Torah (Chabath 31a, voir Sanhédrin 7a). Par conséquent à partir du moment où l’homme vient en ce monde, il a l’obligation d’étudier la Torah et de fixer des temps d’étude. Même auparavant, l’embryon apprend toute la Torah d’un ange dans le ventre de sa mère (Nidah 30b), afin qu’à sa venue au monde il puisse immédiatement l’étudier sans aucune difficulté. Et au moment de sa mort, on proclame : Heureux celui qui vient ici accompagné de son étude (Pessa’him 50a, Baba Batra 10b, Kohélet Rabah 9, 8).

Par conséquent, tout le but de l’homme dans le monde est de donner de la satisfaction à son Créateur (Bérakhoth 17a), de grandir avec l’amour de la Torah, d’arriver par elle à un certain niveau de foi et de confiance en Dieu, et par là d’accomplir les mitsvoth de tout cœur. Lorsqu’il arrive à la prise de conscience que c’est cela le but de la Création, il n’a plus besoin que la Torah lui rappelle de s’investir dans l’étude pour se perfectionner, car il comprend de lui-même que c’est elle qui permet à son esprit et à son âme de respirer, et que sans elle il ne pourrait subsister fût-ce un seul instant. Il est donc certain qu’il l’étudiera constamment.

On peut comparer cette situation à celle d’un homme qui se trouve au sommet d’une haute montagne : il n’y a nul besoin de lui dire de faire attention à ne pas tomber, car il comprend de lui-même que s’il ne fait pas attention il se met en danger. De même, il est inutile de dire à quelqu’un qui voit à côté de lui des pierres précieuses de se baisser pour les ramasser, il le fait spontanément pour s’enrichir. Il en va ainsi de la Torah : elle représente les membres et les tendons dont est fait l’homme (Nédarim 32b, Makoth 23b, Chemoth Rabah 33, 8), 238 et 365 qui correspondent aux 613 mitsvoth, et qui se développent dans le ventre de la mère avec la voix de la Torah que l’embryon entend de l’ange. Il est écrit : « Et tout le peuple a vu les voix » (Exode 20, 15), car au moment du don de la Torah chacun a vu et entendu les mêmes voix qu’il avait entendues de l’ange, à partir desquelles ses membres s’étaient développés. C’est pourquoi la Torah se contente d’une allusion à la nécessité de l’effort dans l’étude, sans la préciser en toutes lettres, car l’homme comprend spontanément que pour réussir en tout et connaître la Torah, il doit l’étudier de toutes ses forces. La Torah n’en donne pas l’ordre spécifique, parce que c’est évident.

L’effort est donc évoqué en allusion par le mot « marcher », la marche étant un effort. Par exemple, un homme faible et malade se lève au prix d’un effort considérable parce qu’il sait que le fait de marcher va lui apporter la guérison en améliorant sa circulation. De même dans le domaine de la Torah, « Si vous marchez dans mes statuts » évoque un effort considérable pour vaincre le mauvais penchant qui affaiblit l’homme. Quand on étudie intensément, le gain est double, car on vainc le mauvais penchant tout en découvrant la saveur de la Torah. La Torah elle-même devient un remède, ainsi qu’il est écrit : « Ce sera la santé pour ton corps, une sève généreuse pour tes membres » (Proverbes 3, 8). La Guemara donne le conseil suivant :  « Celui qui a mal à la tête, qu’il étudie la Torah, (...) à tout le corps, qu’il étudie la Torah » (Erouvin 54a), car c’est une « marche », comme pour cet homme malade et faible, et par dessus tout, il mérite une abondance de bénédictions, ainsi que le dit la suite du verset : « Je donnerai vos pluies en leur temps, etc. » (Lévitique 26, 4).

J’ai vu que le ‘Hidouchei HaRim de Gour explique pourquoi il est écrit « si vous marchez dans mes statuts », avec le verbe « marcher » : il s’agit de ne pas s’arrêter dans le service de Dieu mais de toujours continuer à progresser jusqu’au niveau supérieur, sans jamais revenir en arrière, ce qui serait une chute.

Il faut expliquer pourquoi cela représenterait une chute. On peut dire que c’est en rapport avec « Je donnerai vos pluies en leur temps », car les Sages ont expliqué que l’ « éveil d’en bas » provoque l’« éveil d’en haut » (Zohar I, 88a, III 44a), si bien que lorsque l’homme désire sans cesse s’élever, dans l’esprit du verset « ils s’avancent avec une force toujours croissante » (Psaumes 84, 8), et monter au niveau supérieur, le Saint béni soit-Il lui ajoute d’en haut une abondance de lumière, de bénédiction et de force, et lui donne des pluies d’abondance, pour qu’il puisse accomplir la Torah et les mitsvoth en leur temps (le mot et, temps, nous rappelle qu’il faut fixer des moments (itim) d’étude réguliers). Le ‘Hidouchei HaRim explique que le verset « Je Me libérerai (paniti) pour vous, Je vous ferai croître et multiplier » (Lévitique 26, 9) emploie le terme paniti qui évoque la notion de pnaï, se rendre libre, car tout serviteur de Dieu a un moment libre pour chaque chose. De quoi s’agit-il ? Quand l’homme trouve toujours du temps libre pour étudier la Torah, plutôt que de dire « Quand je me libérerai j’étudierai » (Avoth 2, 14, Cho’her Tov 119, 57), Dieu aussi quitte tout pour s’occuper uniquement de cet homme qui trouve le temps de Le servir, mesure pour mesure (Chabath 105b, Sanhédrin 90a), dans l’esprit de ce que dit le Midrach : « Je Me libère de toutes mes occupations pour m’occuper de lui » (Torath Cohanim 20, 92). De quelle façon ? En lui donnant une abondance de lumière et de joie qu’Il tient en réserve, et dont il est dit : « Aucun œil ne l’a vu, Dieu, si ce n’est Toi » (Isaïe 64, 3).

Mais pour trouver du temps libre, il faut beaucoup étudier la Torah, c’est ce qui donne du mérite, et c’est aussi un remède, car si quelqu’un est malade de l’un de ses membres, son étude assidue lui vaut que Dieu lui envoie l’eau de la pluie, l’eau de la guérison spirituelle. Mais la Torah étudiée sans effort n’a pas la force d’amener la guérison. Ce n’est que le travail dans l’étude qui produit ce résultat, c’est pourquoi il faut s’investir de toutes ses forces dans la Torah.

A partir de là, nous pouvons ajouter que la force de la Torah est considérable et qu’elle est capable d’arracher l’homme à ses désirs aussi bien intérieurs qu’extérieurs. En effet, avant de monter au Ciel, Moïse est resté au mont Sinaï pendant six jours, ainsi qu’il est écrit : « La nuée enveloppa [la montagne] pendant six jours, et Il appela Moïse le septième jour » (Exode 24, 16) ; il n’est donc monté vers Dieu que le septième jour. Pourquoi cela ? Les Sages ont dit (d’après une opinion) : pour purifier son corps de la nourriture et de la boisson, qu’il n’y ait plus rien dans ses entrailles, et qu’il soit véritablement comme un ange de Dieu (Yoma 4b, Yalkout Chimoni Michpatim 362).

Ce sont des choses absolument surprenantes. Fallait-il donc six jours consécutifs pour purifier le corps de Moïse déjà si pur, ne suffisait-il pas d’un seul jour, étant donné ce qu’il mangeait ? De plus, il se nourrissait lui aussi de la manne (« l’homme mangeait du pain des puissants » (Psaumes 78, 25), le pain que mangent les anges du service), et ce pain était intégralement absorbé par les 248 membres (Yoma 75b), par conséquent il n’en restait rien dans ses entrailles, puisqu’on sait bien que c’était une nourriture qui rentre et ne ressort pas (Yoma Ibid.). Alors pourquoi fallait-il six jours consécutifs pour que la nuée purifie son corps ?

J’ai pensé à ce propos que c’est un exemple de l’ampleur du devoir d’étudier la Torah dans une sainteté suprême. N’était que l’homme a besoin de nourriture pour subsister, il faudrait étudier la Torah sans jamais manger, comme Moïse qui n’a pas mangé pendant quarante jours et quarante nuits, se nourrissant uniquement du pain de la Torah (Chemoth Rabah 47, 8, 9, 10), car la Torah elle-même s’appelle vie (Avoth Derabbi Nathan 34, 10), elle a donc le pouvoir de faire vivre sans aucune nourriture ceux qui se trouvent à des niveaux très élevés. Il est dit que dans l’avenir, quand le corps pourrit et qu’il n’en reste rien, le Saint béni soit-Il fait sortir de la rosée pour en nourrir les morts (Pirkei Derabbi Eliezer 34, Zohar début de Toldot), ainsi qu’il est dit : « Car ta rosée est une rosée de lumières » (Isaïe 26, 19) – la lumière de la Torah.

Il ressort de ce que nous avons dit que même si la manne était une nourriture spirituelle et n’avait pas la moindre parcelle de matérialité, pour que Moïse atteigne la sainte Torah, il fallait malgré tout éliminer de son corps toute cette nourriture, pour le laisser tel que le Saint béni soit-Il l’avait créé, avant que quelque nourriture que ce soit ne parvienne à sa bouche. C’est pourquoi il fallait bel et bien six jours, comme Adam qui avait été créé le sixième jour (voir Sanhédrin 38a), et qui était l’œuvre du Saint béni soit-Il (Kohélet Rabah 3, 14), propre et pur de tout soupçon de salissure. Ce serait la même chose pour Moïse qui était dans la même situation qu’Adam. De quelle façon ? Adam comprenait en lui toutes les âmes des benei Israël (Tikounei Zohar 56, 90b), et de même Moïse pesait autant que tous les benei Israël (Chir Hachirim Rabah  1, 64, Mekhilta Béchala’h 15, 1, Tan'houma Ibid.). Adam, quand il a été créé, était propre et pur, et ses entrailles ne contenaient aucune nourriture, et Moïse s’est lui aussi transformé à ce moment-là en un être semblable à Adam, totalement pur de toute nourriture, pour mériter la Torah. De plus, pour donner au peuple d’Israël la Torah, infiniment propre et pure, il devait éliminer de son corps tout ce qui touche à la matérialité, dans une annulation de soi et une grande humilité.

Par-dessus tout, Moïse ressemble à Adam parce que c’était le premier homme de la création, et que même ainsi il devait se rappeler qu’il avait été tiré de la terre (« Tu es poussière et tu retourneras à la poussière » (Genèse 3, 19)). Sa création est écrite après celle des animaux, ce qui signifie que même un moustique a été créé avant lui (Sanhédrin 38a, Vayikra Rabah 14, 1), afin qu’il ne s’enorgueillisse pas. De même, Moïse s’est effacé totalement, ainsi qu’il est écrit : « L’homme Moïse était le plus humble de tous les hommes de la terre » (Nombres 12, 3), il ne s’est pas enorgueilli le moins du monde et s’est effacé plus encore qu’Adam, qui était l’œuvre des mains du Saint béni soit-Il (Kohélet Rabah 3, 14). En effet, non seulement Moïse a renoncé à la nourriture pour son corps, mais il a aussi renoncé à ses instincts, au point qu’il est devenu difficile à mettre en colère et facile à apaiser (Avoth 5, 14), parce que pour recevoir la Torah, il faut annuler non seulement les appétits extérieurs mais aussi les instincts intérieurs.

Il ressort de tout ce qui précède qu’aujourd’hui, l’effort à investir dans l’étude de la Torah consiste essentiellement à annuler les forces de l’intempérance, ce qui permet d’arriver à la douceur de la Torah, comme chez Moïse. Et bien que nous trouvions dans la Torah beaucoup de mitsvoth qui sont en rapport avec la nourriture (la dîme, le sacrifice de Pessa’h et autres), il faut tout de même annuler les forces animales et matérielles que comportent l’acte de manger ou de boire (voir à ce propos un long développement très intéressant dans Kedouchat HaChoul’han). Tout cela vient de la puissance de Moïse, qui l’a étendue aux benei Israël de toutes les générations, si bien que le désir de manger est facile à dominer.

Ces notions nous permettent de comprendre parfaitement le rapport entre la fin de la parachat Béhar, où il est écrit : « Vous observerez mes Chabath et vous révérerez mon Temple » (Lévitique 26, 2), et le début de la parachat Bé’houkotaï. Si l’on veut ressentir la sainteté du Chabath, et celle du Temple et du Sanctuaire partout où elle se trouve, par exemple dans les synagogues et les maisons d’étude qui sont comme un petit Temple (Méguilah 29a), ainsi que les Sages l’ont expliqué sur le verset d’Ezéchiel (11, 16), et si l’on désire ressentir la réalité de Dieu, alors il faut s’atteler à l’étude. En effet, le Chabath a autant de valeur que toutes les mitsvoth réunies (Yérouchalmi Bérakhoth 1, halakhah 5, Chemoth Rabah 25, 16), et les mitsvoth et la Torah s’acquièrent par le travail, donc en observant le Chabath on arrive à toute la Torah (voir Or Ha’haïm fin de Béhar, et Ba’al Hatourim début de Bé’houkotaï). C’est cela « Je suis l’Eternel » (fin de Béhar) – « Si vous marchez dans mes statuts et si vous observez mes mitsvoth » (début de Bé’houkotaï), lorsque vous ressentirez la réalité de Dieu, vous pourrez arriver à l’étude intensive de la Torah et à l’accomplissement de toutes les mitsvoth.

On peut encore ajouter à ce sujet ce qu’ont dit les Sages : « Celui qui s’est donné du mal la veille du Chabath mangera pendant Chabath » (Avodah Zarah 3a, Kohélet Rabah 1, 26), à savoir que celui qui a beaucoup travaillé avant le Chabath arrivera aisément à en observer tous les détails et à en ressentir la sainteté. Il ne s’agit pas seulement du travail destiné à assurer la nourriture et la boisson en l’honneur de Chabath, même pour l’âme supplémentaire qui nous est accordée ce jour-là (Beitsah 17a et Rachi Ibid.), mais surtout de l’effort dans l’étude de la Torah – Si vous marchez dans mes statuts, c’est cela la préparation essentielle, et la preuve en est que les Sages ont dit : « Que le Chabath soit fait entièrement de Torah » (Tana Debei Eliahou Rabah 1).

J’ai pensé à une autre explication du rapport entre la fin de la parachat Béhar (Chabath et le Temple) et le début de la parachat Bé’houkotaï. On sait que Dieu a créé le monde en dix paroles (Avoth 5, 1), avec énormément de travail. Déjà les groupes d’anges du service (et les midoth) discutaient entre eux de savoir si l’homme devait être créé ou non ; la vérité a dit : « Qu’il ne soit pas créé, car il est entièrement mensonge », et ainsi de suite., et pendant ce temps-là le Saint béni soit-Il créait le monde et le premier homme (Béréchith Rabah 8, 5), et leur a dit de se taire, car même si l’homme péchait il aurait la puissance du Chabath pour se repentir (Béréchith Rabah 22, 28), et pourrait se reposer de ses fautes. C’est cet argument qui a fait taire tous les accusateurs créés pendant la semaine, et le Saint béni soit-Il a immédiatement fait tomber la pluie, ainsi qu’il est dit : « « Je donnerai vos pluies en leur temps », par le mérite du « temps » qui est celui de la Torah (on fixe des temps d’étude).

De là, l’homme doit apprendre que Dieu a créé le monde en travaillant pendant six jours et s’est reposé le septième jour, bien qu’Adam ait déjà fauté le vendredi soir à la dixième heure (Sanhédrin 38b, Avoth Derabbi Nathan 1), tout cela pour que l’homme ait le Chabath pour se repentir. C’est pourquoi l’homme doit se reposer le jour du Chabath des fautes qu’il a commises, se repentir, étudier la Torah, ainsi qu’il est dit : « Que le Chabath soit entièrement fait de Torah » (Tana Debei Eliahou Rabah 1), et savoir qu’il n’y pas de plus grand repos que cela devant l’Eternel, quand Il constate que toute la Création est au summum de sa perfection dans l’observance absolue du Chabath, qui compte autant que toute la Torah et les mitsvoth réunies (Yérouchalmi Bérakhoth 1, 5).

C’est donc là le lien entre l’observance du Chabath (fin de Béhar) et l’étude de la Torah (début de Bé’houkotaï). L’observance du Chabath dépend essentiellement de l’étude, et par la Torah on peut ressentir la Création en six jours et la force de la techouvah contenue dans le Chabath, comme l’a ressentie Adam. Mais cela ne suffit pas, il faut également ressentir la sainteté du Temple et de la synagogue, s’installer dans les maisons de prière et d’étude et mettre tout son effort dans la Torah, ainsi on arrivera au « Je suis l’Eternel », à la connaissance et à la crainte du Créateur, et à la conscience de la sainteté du lieu.

A cause de nos nombreux péchés, on trouve aujourd’hui beaucoup de gens qui ne ressentent pas la sainteté des maisons de prière et d’étude, parce qu’ils n’étudient pas la Torah, et quand ils s’y retrouvent ils se racontent entre eux des choses sans intérêt, ce qui porte atteinte à leur crainte du Ciel. Cela est dû au fait qu’à moins d’étudier avec assiduité, l’homme ne peut pas en arriver à ces hautes conceptions, mais quand il étudie, il devient capable de ressentir la sainteté du Chabath et celle de la synagogue, et alors il s’élève dans la Torah et la crainte du Ciel. C’est pourquoi la Torah souligne : « Si vous marchez dans mes statuts, etc. ».

On trouve des appuis à cette idée dans l’affirmation selon laquelle celui qui jouit de ce monde sans dire de bénédiction, c’est comme s’il volait le Saint béni soit-Il et l’assemblée d’Israël, ainsi qu’il est dit : « Celui qui vole son père et sa mère en disant que ce n’est pas un crime est le compagnon du meurtrier » (Proverbes 28, 24) (Bérakhoth 35b). Son père représente le Saint béni soit-Il, ainsi qu’il est dit : « N’est-il pas ton père, ton Créateur ? » (Deutéronome 32, 6), et sa mère n’est autre que la communauté d’Israël, comme il ressort du verset : « Ecoute, mon fils, les remontrances de ton père, et ne  délaisse pas la Torah de ta mère »(Proverbes 1, 8).

S’il en est ainsi, quand l’homme n’étudie pas, ou qu’il n’investit pas assez d’efforts dans son étude, c’est comme s’il avait volé. En effet, il est dit « Si vous marchez dans mes statuts » – si vous mettez tous vos efforts dans l’étude de la Torah, alors seulement « Je donnerai vos pluies en leur temps » (Lévitique 26, 4). Cela signifie que la condition pour que la pluie tombe et que l’abondance vienne sur le monde est uniquement de s’investir dans l’étude de la Torah, et il s’ensuivra une abondance intarissable. Mais si l’homme ne s’investit pas réellement et qu’il profite néanmoins de cette abondance, il vole l’Eternel. [Il y a une allusion à cette idée dans le fait qu’il est écrit : « quiconque jouit de ce monde sans bénédiction » ; de quelle bénédiction s’agit-il ? De celle de l’étude, comme en témoigne la Guemara : A cause de quoi le pays a-t-il été dévasté – donc absence d’abondance – parce qu’ils avaient délaissé ma Torah, en ne disant pas de bénédiction au début de l’étude (Nédarim 81a), ils n’ont donc pas étudié avec empressement (voir à ce propos les choses merveilleuses que dit le Ran au nom de Rabeinou Yona). C’est cela « Ne délaisse pas la Torah de ta mère », ne relâche pas ton effort.]

C’est effrayant ! Combien il faut porter attention à l’application dans l’étude, si c’est la condition pour qu’il y ait de l’abondance dans le monde, qu’on ressente la sainteté du Chabath et du Temple, et qu’on reconnaisse son Créateur !

D’après ce que nous avons dit jusqu’à présent, on comprend à quel point l’homme doit se purifier et se sanctifier par la sainte Torah. On sait ce qui disent les Sages et le Zohar (I 10b, III 73b) sur l’extrême impureté des lieux d’aisance, au point que la Guemara (Bérakhoth 60b) a édicté de dire hitkabedou mekhoubadim et acher yatsar quand on entre et qu’on sort des toilettes. Et bien qu’aujourd’hui il y ait moins d’esprit mauvais, car ces lieux sont propres, il en reste tout de même, ainsi que d’impureté.

Or cela demande explication : pourquoi la kelipah et les forces de l’impureté viennent-elles en ce lieu pour le rendre impur ? Et pourquoi ce qui sort du corps de l’homme est-il transformé en esprit mauvais au moment de son évacuation ?

A mon humble avis, en voici l’explication. Quand nous observons la génération du désert qui était sainte, et qui était la génération de la connaissance (Vayikra Rabah 9, 1), nous comprenons que ce niveau était dû au fait que la nourriture des benei Israël était entièrement absorbée dans les entrailles et que rien n’était rejeté, c’est pourquoi les Sages ont dit : « La Torah n’a été donnée à expliquer qu’à ceux qui mangent la manne » (Mekhilta Béchala’h 17, Tan'houma Ibid. 20), car leur corps était saint, et ils ne donnaient à la kelipah aucune occasion de rentrer dans le camp où ils vivaient pour les rendre impurs.

Or on sait que la nourriture symbolise le sacrifice ; en particulier, quand c’est un tsaddik qui la touche, elle devient vraiment comme un sacrifice à Dieu. Pour ne pas donner à la kelipah la possibilité de s’accrocher à la nourriture, on se lave les mains à la fin du repas (maïm a’haronim), ce qui est un cadeau qu’on lui fait (Zohar II, 154b, 169a, 266b), et qui s’appelle l’« arrière » (Ibid., I, 204b), à savoir la souillure qui se trouve dans les restes de nourriture. Cela, nous le donnons à la kelipah pour qu’elle n’accuse pas, et on le jette à terre, qui est le lieu de la kelipah.

L’homme doit savoir que dans ses entrailles s’opère le tri de la nourriture, la partie bonne allant au corps et au sang pour le service de Dieu, (c’est le sacrifice), alors que la partie mauvaise qui est restée sort à l’extérieur. Or on a également dit sur elle des bénédictions au moment où elle était unie avec la partie bonne, ce n’est qu’ensuite qu’elle se sépare de la nourriture sainte qui a touché la bouche du tsaddik, c’est pourquoi la kelipah veut s’y attacher et en profiter avec un grand appétit, car pour elle c’est considéré comme le saint des saints. Par conséquent les toilettes deviennent un lieu d’impureté, où la kelipah attend de profiter de la nourriture qui sort des entrailles, et elle jouit aussi de la mauvaise odeur. Mais quelqu’un qui étudie et met tous ses efforts dans la Torah n’a rien à craindre, car la Torah le protège, le sauve (Sotah 21a) et le garde contre tous les accusateurs des forces de l’ombre (Zohar I, 190a). Pour ne pas leur donner de force ni de possibilité de se fixer, il est interdit de penser à des paroles de Torah dans cet endroit (Bérakhoth 24b).

C’est à cela que fait allusion le roi David dans le verset : « Ta Torah est dans mes entrailles » (Psaumes 40, 9). Cela ne signifie pas que la Torah sera préservée à l’intérieur de lui, mais il est véritablement question de nourriture, car quand on mange il faut le faire dans la sainteté, pour prendre des forces au service de Dieu, et à ce moment-là c’est considéré comme si la Torah était dans les entrailles, car c’est pour elle qu’on s’alimentait. C’est pourquoi il est écrit : « Voici la Torah de l’holocauste » (Lévitique 6, 2) ; si l’homme mange en sainteté, la nourriture se transforme pour ainsi dire en holocauste, et quand elle rentre dans ses entrailles c’est comme si la Torah s’y trouvait. Dans le même esprit, il est écrit « Un homme qui offrira un sacrifice de vous » (Ibid., 1, 2), car c’est lui-même qu’il offre en sacrifice à Dieu par le fait de manger saintement, et cette démarche peut être qualifiée du nom de Torah. De plus, on sait que les membres de la bête qui tombaient de l’autel ne pouvaient plus y remonter pour être sacrifiés (Sanhédrin 34a, Zeva’him 83b), donc, toute proportion gardée, ce qui sort de l’homme représente aussi un sacrifice qui devient interdit.

Il ressort de tout cela qu’on ne peut soumettre la kelipah et l’annuler qu’en étudiant la Torah dans l’effort et la sainteté, en accord avec l’expression : « Sa royauté s’étend partout » (même dans les lieux malpropres, Dieu est roi et extirpe l’impureté). Cela nous permet de comprendre parfaitement pourquoi on purifie un cadavre en le lavant, et en nettoyant aussi ses entrailles le mieux possible. On pourrait se dire que le corps lui-même va être enterré, qu’il est impur à l’intérieur et à l’extérieur, que le cohen n’a pas le droit de s’approcher de lui, et que par conséquent peu nous importe s’il reste de la nourriture dans ses entrailles ou non !

C’est un sujet très profond et merveilleux. Les Sages ont dit : « Sache d’où tu viens, où tu vas et devant qui tu es appelé à rendre des comptes » (Avoth 3, 1) (on dit cette michnah dans tous les enterrements, dans le tsiddouk hadin). A quoi est-ce que cela ressemble ? A quelqu’un qui voyage en avion dans le but d’arriver chez un grand roi, mais qui doit changer d’avion au milieu du voyage pour atteindre sa destination. Avant de partir, il se prépare en réfléchissant bien à toutes les questions que va lui poser le roi, car il doit lui rendre des comptes, et s’annihiler totalement devant lui. C’est cela « Sache d’où tu viens », sache que tu n’es absolument rien devant le grand roi. Quand on a ce sentiment d’insignifiance, on aura toujours des réponses pour le roi, car on s’abaisse et s’efface constamment devant lui, qui est roi du monde, et on se sent quasiment inexistant à côté de lui.

« Et où tu vas », signifie que bien que tu doives changer souvent d’avion pendant le voyage, tu ne dois pas oublier que le but final est uniquement d’arriver auprès du roi, et que ce périple a une fin. Tu dois donc préparer des provisions de route : la Torah, qui est de l’ordre de la marche, « Si vous marchez dans mes statuts ». Donc même si tu n’es absolument rien comparé au roi, le roi te respectera si tu as de bonnes réponses à ses questions, à savoir la Torah. Mais pour que tu ne tombes pas dans l’orgueil, ce qui te rendrait abominable à ses yeux, ainsi qu’il est écrit : « Tout orgueilleux est en abomination à l’Eternel » (Proverbes 16, 5), et que tu ne t’imagines pas avoir de bonnes réponses, tu dois savoir devant qui tu dois rendre des comptes, devant le Roi des Rois, le Saint béni soit-Il.

De même que l’homme est venu au monde sans faute, il doit en partir sans faute, ainsi qu’il est écrit : « Béni es-tu quand tu entres, et béni es-tu quand tu sors » (Deutéronome 28, 6), ce que les Sages ont commenté ainsi : « Que ta sortie du monde soit sans faute comme a été ton entrée dans le monde » (Baba Metsia 107a) ; c’est nécessaire pour pouvoir rendre des comptes corrects au roi. Il faut donc examiner sans cesse ses actes, et ne jamais s’interrompre dans la préparation au monde à venir. En effet, l’intelligence humaine est impuissante devant la question « devant qui tu dois rendre des comptes », c’est pourquoi il faut beaucoup étudier la Torah, qui protège du terrible jugement. Toutes les mitsvoth sont des moyens de servir Dieu (Zohar II, 82b), et la Torah est également une source de conseils et un guide sur la façon de Le servir (Ibid. I, 10b, II 82a, III 202a, 260a), elle est donc l’essentiel. C’est pourquoi on nettoie un mort de la nourriture qui est dans ses entrailles pour qu’il soit propre. Cette nourriture a peut-être été absorbée par désir plutôt qu’avec sainteté, auquel cas elle ne pourrait être que nuisible. Même s’il s’agissait d’un juste, la kelipah s’est déjà attachée à sa nourriture, et désire continuer à le faire. Donc pour qu’elle ne puisse pas s’en nourrir, on nettoie les intestins et on en fait sortir ce qui reste, ainsi tout le corps reste saint, on le place dans un cercueil, Dieu le juge favorablement, sans accusateurs, et il n’a aucune souffrance après sa mort.

J’ai lu une histoire merveilleuse sur le Ba’h et de son gendre le Taz. Le Ba’h s’était engagé à subvenir aux besoins de son gendre en lui donnant de la viande tous les jours pour qu’il puisse étudier convenablement. Un jour, le Ba’h ne lui a donné que du poumon au lieu de vraie viande, alors le Taz l’a convoqué en din Torah parce qu’il n’avait pas tenu sa parole. Le Tribunal s’est prononcé en faveur du Ba’h, et a décrété que le poumon était aussi considéré comme de la viande et qu’il n’y avait rien à lui reprocher. Mais on a demandé au Taz pourquoi il avait jugé bon d’assigner son beau-père devant un tribunal pour un incident de ce genre. Avait-il donc réellement manqué de viande ? Il a répondu : Dans le Ciel, il y avait une grande accusation contre le Ba’h parce qu’il m’avait donné du poumon au lieu de vraie viande, et que ce jour-là j’ai moins bien étudié que quand je mange vraiment de la viande. Les accusateurs estimaient donc qu’il fallait le punir. Quand j’ai vu cela, je l’ai convoqué devant le tribunal rabbinique sur terre pour qu’il n’y ait pas d’accusation dans le Ciel, le décret a été en faveur du Ba’h et l’accusation a été levée.

Cela montre à quel point la nourriture peut jouer dans l’étude de la Torah (puisqu’en mangeant de la viande on étudie mieux). La Guemara (Baba Kama 72a) y fait allusion à propos de Rav Na’hman, qui, lorsqu’il ne mangeait pas de viande, ne prenait pas de décision halakhique. Et combien une négligence dans l’étude est grave, si le fait de ne pas donner de viande entraîne une accusation ! Par conséquent, en ce qui concerne la nourriture qui reste dans le corps après la mort, s’il s’agit de la partie bonne pour le corps, elle reste sainte et la kelipah ne peut pas du tout s’en emparer, mais quant à celle dont le corps n’a pas besoin et qu’il rejette, on l’enlève chez le mort, sinon la kelipah risque de rentrer et de s’en nourrir, en s’appropriant en même temps la bonne partie. Mais quand on vit la Torah dans la sainteté, et qu’on mange pour elle et non par désir, la kelipah se trouve annulée et l’impureté éliminée, et la part de sainteté et de pureté grandit en l’homme, dans sa vie et dans sa mort. La sainteté l’emporte tout particulièrement chez les justes, tout cela par l’étude de la Torah dans l’effort.

 

La grandeur des mitsvoth, et la fermeté dans l’épreuve.
Table de matière
Le peuple d’Israël est au-dessus de la nature par le mérite de la Torah

 

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