Index Tsadikim Index Tsaddikim

Rabbi Yits’hak Eizik Krassilchtikov • Le Rav De Poltava En Russie

Rabbi Israël Méïr, auteur de ‘Hafets ‘Haïm, disait : « Quand l’homme s’apprête à faire quelque chose, qu’il ne se demande pas s’il pourra l’accomplir ; il doit agir et travailler de toutes ses forces, et le Saint béni soit-Il l’aidera à réussir ce qu’il a entrepris, afin que le projet se réalise dans les faits. »

Cette idée m’a traversé l’esprit quand j’ai vu le premier volume du Talmud de Jérusalem, traité Berakhot, avec le commentaire de Rabbi Yitz’hak Eizik, le gaon de Poltava. C’est un exemple vivant de ce concept.

Rabbi Yitz’hak Eizik, auteur des commentaires Toldot Yitz’hak et Tevounah sur le Yérouchalmi, était installé à Moscou, en face du Kremlin, dans une pièce hermétiquement fermée, et dans la solitude et l’obscurité il a écrit son merveilleux commentaire du Talmud de Jérusalem. Bien entendu, il s’est posé plus d’une fois la terrible question : « Je lèverai mes yeux vers les montagnes, d’où me viendra l’aide ? » Est-ce que je réussirai dans ce que j’ai entrepris ? Est-ce que je pourrai espérer que mon commentaire soit un jour imprimé ? Mais il ne désespérait pas de la miséricorde divine. Tout au fond de lui-même, il sentait que ce qu’il faisait serait récompensé, et qu’il pouvait espérer une suite. Il écrit : « Quand je priais notre Père miséricordieux en Lui demandant d’avoir pitié de moi, j’avais le ferme espoir qu’Il entendrait la voix de ma supplication, venant du plus profond du cœur, et qu’Il me viendrait en aide, car « mon aide vient de Dieu Qui a fait le Ciel et la terre » » (Introduction générale à l’ouvrage).

Et effectivement, Dieu a entendu sa prière et lui a envoyé quelqu’un pour préserver le fruit de sa réflexion, dans la personne du fidèle Rav Tsvi Bronstein, président de l’association « Al Tidom » (« Ne reste pas silencieux »), qui a récupéré le manuscrit avec dévouement et l’a édité, afin que les lèvres de son auteur s’agitent dans la tombe, et pour que les générations sachent comment on étudie la Torah dans le dénuement total. Cela aussi c’est de la Torah, et il faut l’étudier.

L’histoire du sauvetage du manuscrit est émouvante. Voici ce que raconte le Rav Bronstein :

Le matin du 10 Iyar 5725 (1965), je me trouvais dans le bureau de Rabbi Yéhouda Leib Lévine, le Grand Rabbin de Moscou. Le Rav me chuchota à l’oreille : « Dépêchez-vous d’aller à l’hôpital, vous y trouverez sur son lit de souffrances le gaon Rabbi Yitz’hak Eizik, et ses instants sont comptés. Vous devez partir immédiatement, de peur d’arriver trop tard. » Naturellement, j’ai immédiatement pris un taxi qui m’a mené à l’hôpital. Le Rav était déjà très faible. Je me suis approché de son lit et je lui ai dit qui j’étais. Un léger sourire a paru sur ses lèvres livides. Avec grande difficulté, il m’a murmuré : « Bien, c’est bien que vous soyez venu. J’ai besoin de vous maintenant. » Il a ouvert les yeux, a regardé de tous les côtés pour voir si l’on ne nous observait pas, puis s’est tourné vers moi, de nouveau en murmurant : « Ecoutez, ces dernières années, j’ai travaillé jour et nuit à la rédaction d’un commentaire complet sur le Yérouchalmi. Il contient des milliers de pages sur le Talmud de Jérusalem, et en facilitera l’étude, car il est facile et clair. » Il me révéla où se trouvait ce manuscrit, et insista pour que je lui promette de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour le publier. Je le lui promis.

Le lendemain, Rabbi Yitz’hak Eizik rendit son âme à son Créateur. L’enterrement eut lieu le surlendemain.

Le manuscrit qu’il m’avait confié était la deuxième partie de son livre Tevounah, la première partie ayant paru en 5686 (1926), et ce fut le dernier livre de Torah publié sous le régime communiste en Russie. Le Rav Bronstein tint sa promesse. Il n’eut aucun repos avant d’avoir trouvé le manuscrit, qui fut publié par l’Institut « Moutsal MeEch » (« Sauvé du feu ») sous les auspices du mouvement « Al Tidom ».

Rabbi Yitz’hak Eizik, fils de Rabbi Douber Krassilchtikov, faisait partie des derniers vestiges du judaïsme orthodoxe en Russie. Il est né en 5648 (1888) dans la petite ville de Kritchev, en Russie Blanche, a étudié à la yéchivah de Mir chez le gaon Rabbi Eliahou Baroukh Kamaï, et c’est de lui qu’il apprit l’essentiel de sa Torah.

Avant la révolution bolchevique, il fut Rav de la ville de Heditz, puis de la ville de Poltava, et devint célèbre sous le nom de « gaon de Poltava ». Il imprima dans cette ville son livre Tevounah, qu’il avait composé quand il n’avait que vingt-trois ans.

Quand les persécutions commencèrent contre ceux qui étudiaient la Torah, et que les communistes se mirent à déverser toute leur colère essentiellement sur les grands rabbanim, il quitta la rabbanout et s’installa à Moscou où il prit un travail comme comptable.

Il vivait avec son épouse dans une modeste petite pièce. Après son travail pour le gouvernement, il se plongeait dans la Torah jour et nuit. Dans cette chambre, les derniers rabbanim de Russie venaient entendre la Torah de sa bouche. Il ne vivait que de nourriture sèche, car dans sa cuisine il y avait aussi une non-juive russe qui cuisait des aliments interdits (la cuisine était commune à tous les habitants de la maison). Il ne changea pas son vêtement rabbinique, et toute sa vie, il se conduisit comme un Rav de l’ancienne génération.

Dans ses dernières années, il travailla à son merveilleux commentaire sur le Yérouchalmi. Dans ces conditions difficiles, alors que la peur de l’ennemi sévissait à la maison, l’étude du Yérouchalmi était pour lui une consolation. Le verset du prophète (Jérémie 51, 50) : « Songez de loin à Hachem ; que Jérusalem soit présente à votre cœur » se réalisait en lui. Pendant les dernières années de sa vie, le Rav de Poltava vécut dans la Jérusalem céleste.

Quand l’orphelin se tient sur la tombe, il dit le kadich. Il ne prie pas pour lui-même et n’évoque pas la grande catastrophe qui l’a frappé, mais il prie et supplie le Créateur pour la construction de Jérusalem. Le Rav de Poltava se tenait sur la tombe du judaïsme russe, et quelle était sa prière ? « Notre père, père miséricordieux qui a pitié, aies pitié de nous et donne à notre cœur de comprendre et d’être sage, d’écouter, d’apprendre et d’enseigner, d’observer, de faire et d’accomplir toutes les paroles de l’étude de Ta Torah, le Talmud de Babylone et le Talmud de Jérusalem. » Son principal souci était la Torah d’Erets Israël, le Yérouchalmi.

La grande âme du Rav de Poltava restera désormais à jamais liée au faisceau de la vie de ceux qui étudient le Yérouchalmi.

Terminons par les paroles du gaon Rabbi Yossef Chalom Eliachiv de Jérusalem, qui écrit dans sa recommandation du livre : « Que soit béni cet homme d’action, le Rav Tsvi Bronstein, qui s’est consacré à lui et a réussi  à sortir le manuscrit de la fournaise et à le publier. En cela, il a montré et montre de la générosité envers le défunt vivant pour faire connaître le nom du gaon qui l’a écrit sur son héritage. Et c’est aussi un acte de bonté envers les vivants, car il donne à ceux qui étudient en profondeur un livre important sur le Yérouchalmi. »

 

 
INDEX TSADIKIM
 

 

Hevrat Pinto • 32, rue du Plateau 75019 Paris - FRANCE • Tél. : +331 42 08 25 40 • Fax : +331 42 06 00 33 • © 2015 • Webmaster : Hanania Soussan