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Rabbi Yerou’ham Halevi Levovitz • Le Machguia’h de la Yechivah de Mir

J’ai entendu son nom et j’ai vu sa photo pour la première fois chez un cousin de notre famille, Rabbi Abba Grossberg, le Roch Yéchivah de Beit Oulpana Rabta à Poniewitz, en Lituanie (qui est devenu plus tard le machguia’h de la yéchivah de Poniewitz à Bnei Brak). Dans la chambre d’hôte la photo était accrochée au mur. Il avait un noble aspect, un visage très sérieux, des yeux intelligents remplis de grâce et de pureté et une longue barbe blanche. Son regard pénétrant jusqu’au plus profond de l’âme et la splendeur d’une calme sérénité planaient sur tout son être. J’ai demandé à mon cousin Rabbi Abba Grossberg qui était ce personnage, et il m’a répondu : le machguia’h de la yéchivah de Mir. Il ne me dit pas le nom, car c’était son Rav principal, et par respect pour lui il s’abstenait de prononcer son nom.

Je me souviens qu’une fois, il reçut une lettre de son Rav Rabbi Yérou’ham. Toute la journée il était occupé à la yéchivah et n’ayant pas la sérénité nécessaire, il n’ouvrit pas la lettre. Tard dans la nuit, quand tous les habitants de la maison furent endormis, il s’installa avec la lettre, et l’ouvrit avec des mains tremblantes. Presque toute la nuit il resta assis à lire cette lettre. Tel était le Rav, et tel était l’élève.

J’ai entendu une fois de Rabbi Yé’hezkel Lewinstein, le machguia’h de la yéchivah de Poniewitz à Bnei Brak, que ce que Rabbi ‘Haïm de Brisk était dans l’étude, Rabbi Yérouh’am l’était dans le moussar. Les deux avaient inventé une façon nouvelle et originale d’aborder les paroles des Sages.

Rabbi Yérou’ham était pour ses élèves un symbole et un modèle. Non seulement il parlait bien, mais il se conduisait selon ses propres enseignements. Il exigeait de lui-même plus que de ses élèves. Il était un homme de moussar dans toute l’acception du terme.

Une fois, à la fin de Yom Kippour, l’un des élèves s’aperçut que Rabbi Yérou’ham tardait à sortir de la yéchivah. Il se cacha sous un banc et vit qu’une fois le hall de la yéchivah vidé, Rabbi Yérou’ham avait commencé à se promener de long en large en pointant de l’index et en répétant le verset : « Peut-être mon père me touchera-t-il, et je serai à ses yeux comme un trompeur » (Genèse 27, 12). Et cela se passait après une longue journée de service de Dieu et de prière intense. Ce n’est pas pour rien que sa femme a dit à ses fils, le jour de sa mort : « Sachez, mes enfants, que votre père était un ange de Dieu ».

Rabbi Yérou’ham est né de Rabbi Avraham, en 5633 (1873) à Louban, près de Slotsk. Dans son enfance il étudia dans les petites villes proches de Pohost, Halousk, et à la yéchivah de Bobroïsk. De là il partit étudier à la yéchivah de Slobodka. Rabbi Nathan Zvi Finkel, connu sous le nom de « Saba de Slobodka », voyant en lui une étoile brillante dans le ciel de la Torah, se consacra à lui et lui communiqua son amour du moussar. Plus tard, le « Saba de Slobodka » l’envoya étudier dans la grande maison spéciale en son genre du Talmud Torah de Kelem, fondée par Rabbi Sim’ha Zissel Ziv, le plus grand des disciples de Rabbi Israël Salanter.

C’était pendant la dernière année de la vie de Rabbi Sim’ha Zissel, mais il lui suffit de ce peu de temps pour absorber la Torah de son maître, à la lumière de laquelle il marcha pendant le restant de ses jours. Lui-même a raconté ce qu’il avait ressenti à la mort de son maître, Rabbi Sim’ha Zissel. « Dans ma jeunesse, quand je suis arrivé à Kelem, après la brève période pendant laquelle j’ai eu la chance d’entendre Rabbi Sim’ha Zissel, il a quitté ce monde ; et moi dans l’amertume de mon cœur je suis allé derrière le mur de la pièce qui se trouvait là, et je suis resté à cet endroit pendant toute cette journée à pleurer et à crier, sans manger ni sans boire, je me disais seulement en moi-même:  « Je viens à peine de commencer à comprendre ce que c’est que l’homme, et quels sont ses devoirs, je viens à peine d’ouvrir les yeux en entendant tes paroles quelques petites fois, et voilà que tu m’as quitté ! »

Avec le temps, il devint l’élève de Rabbi Na’houm Zéev Ziv et Rabbi Tsvi Broïda, le fils et le gendre de Rabbi Sim’ha Zissel. Rabbi Tsvi Broïda dit un jour que si Rabbi Sim’ha Zissel avait pu se lever de la tombe et voir devant lui Rabbi Yérou’ham, il aurait certainement dit : « Le voici, c’est lui que j’avais en tête. »

En 5667 (1907), il fut reçu par Rabbi Israël Méïr Hacohen, auteur du ‘Hafets ‘Haïm, comme machguia’h de sa yéchivah à Radin. On raconte que Rabbi Yérou’ham consacra son premier cours à la foi. Son élève Rabbi Yé’hezkel Lewinstein a témoigné sur lui-même qu’à partir de ce moment-là, il a pris sur lui de ne plus détourner sa pensée de la foi fût-ce pour un instant pendant tous les jours de sa vie.

En 5669 (1909), il passa à la yéchivah de Mir où il resta jusqu’à son dernier jour. A la yéchivah de Mir commence une nouvelle période dans la vie de Rabbi Yérou’ham. Il s’est mis à donner des conférences de moussar quatre fois par semaine, ouvrant aux élèves de la yéchivah des mondes nouveaux. « Chaque chose des mots de la grande et large Torah est une grande lumière dans les principes de la religion et de la foi, qui dévoile des choses cachées par la profonde sagesse du moussar et qui révèle la profondeur simple des paroles des Sages selon la vérité de la Torah. » (Séfer HaTevounah, imprimé en Amérique). Les élèves s’attachèrent à leur Rav et l’aimaient d’un très grand amour. La yéchivah grandissait d’année en année et de près et de loin on venait écouter la Torah de sa bouche. Et, chose extraordinaire, des jeunes gens d’Amérique et d’Allemagne qui venaient étudier à la yéchivah de Mir le comprenaient et le suivaient et devenaient d’autres hommes. Rabbi Dov Revel, le Roch Yéchivah de la yéchivah « Rabbi Yitz’hak El’hanan », entendit parler de lui et l’invita à venir en Amérique pour influencer les élèves de sa yéchivah. Rabbi Yérouh’am lui répondit : « Je peux avoir une influence sur les jeunes américains quand ils viennent chez moi à la yéchivah de Mir, mais je doute fort d’avoir une influence sur eux si j’étais en Amérique » (entendu de Rabbi Dov Revel).

Il était très dévoué à ses élèves. Il était conscient et sensible envers chacun en particulier, sachant ce qui faisait mal à qui, qui craignait le Ciel véritablement et qui s’élevait dans la sainteté. Il se préoccupait de chacun comme si c’était son fils. Quand l’une de ses connaissances s’étonna de voir que ses cheveux avaient blanchi avant l’âge, Rabbi Yérou’ham lui répondit : « Tu es père de quelques enfants et moi j’ai des centaines de fils. » Quand arrivait le tour d’un garçon d’être enrôlé dans l’armée, il ordonnait de dire des psaumes en public pour le sauver, et quand il réussissait à être libéré, il était rempli de joie et ressentait ce jour-là comme une fête.

Il servit pendant trente-sept ans comme directeur spirituel de la célèbre yéchivah de Mir. Son nom était célèbre dans toutes les yéchivot et son influence sur elles était extrêmement grande. Pendant l’été de l’année 5696 (1936), Rabbi Yérouh’am fit une hémorragie cérébrale et tous les efforts des médecins pour le sauver furent vains. Le lundi 18 Sivan, il rendit son âme pure à son Créateur, alors qu’il n’avait que soixante-deux ans. Son nom brille à jamais dans le cœur de ses élèves, comme celui de l’un des plus grands propagateurs de la Torah.

Après sa mort on imprima ses commentaires de Torah dans le livre Da’at ‘Hokhmah OuMoussar, et aussi dans Da’at Torah sur les parachiot de la Torah.

 

 
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