La remontrance précède la venue du Messie

« Ya’akov vécut dix-sept ans dans le pays d’Egypte » (Béréchith 45:28). Rachi rapporte le Midrach (Béréchith Rabah 98:3): « Cette section est ‘fermée’ parce que Ya’akov voulait révéler à ses enfants la fin des temps, mais la Présence divine l’a quitté ». Nous lisons par la suite (ibid. 49:1): « Ya’akov fit venir ses fils et leur dit: Rassemblez-vous, je veux vous révéler ce qui vous arrivera dans la suite des temps ». Rachi commente au nom des Sages (Pessa’him 56a): « Il voulait leur révéler la fin des temps, mais la Présence divine se retira et il commença à parler d’autre chose ».

Nos Sages utilisent trois termes différents pour désigner la fin des temps:

1) « les douleurs de l’enfantement du Messie » (Sanhédrin 98b),

2) « sur les talons du Messie » (Sotah 49b),

3) « l’époque messianique » (Sanhédrin 99a).

Ces trois termes décrivent le temps de la venue du Messie et le temps de la rédemption.

Tout d’abord, nous allons expliquer le sens de chacune de ces trois expressions.

Les douleurs de l’enfantement du Messie est un concept que l’on trouve dans le Traité Chabath (118a): « Quiconque remplit l’obligation des trois repas du Chabath échappe à trois catastrophes: les douleurs du Messie, le feu de l’enfer, la guerre de Gog et Magog ». Rachi commente ce passage ainsi: « Il est dit (Ketouboth 112b): la génération qui verra la venue du fils de David connaîtra des disputes entre les sages, comme il est dit (Ichaya 6:13): « A peine un dixième y survivra, qui à son tour sera dévasté... mais la race sainte verra subsister une souche », et les douleurs sont les douleurs de l’enfantement du Messie, comme il est écrit (Ochéa 13:13): « les douleurs d’une femme en travail lui arrivent ». De même qu’une femme sur le point d’accoucher ressent de fortes contractions avant l’enfantement, et plus le terme est proche, plus ces douleurs sont violentes jusqu’à « la délivrance », de même la venue du Messie sera accompagnée de douleurs violentes et de nombreuses souffrances dans le monde. Ensuite, la lumière du Messie sera dévoilée grâce au repentir, à la prière, à la bienveillance, et à l’observance de la Torah, comme le disent les Sages (Yérouchalmi Ta’anith 1:1): « La rédemption se fera par la douleur, la prière, le mérite des ancêtres, le repentir, le terme de la fin des temps », et ce sera un soulagement pour nous et pour le monde entier.

Il est dit (Brach’ot 8b): « César a demandé à Rabbi Yochoua ben ‘Hanina: en combien de temps le serpent se reproduit? Il lui répondit: tous les sept ans... » Le Gaon de Vilna explique que cette section se réfère à la période de la venue du Messie, que les écrits assimilent aux douleurs de la grossesse alors que la rédemption est comparée à l’enfantement. Il est dit (Sanhédrin 97a): « Des sept ans (du cycle marqué par une année de chômage de la terre) durant lesquels le fils de David viendra... la septième sera marquée par des guerres, et à la fin des sept ans, le fils de David viendra ». Il s’agit des sept ans de la grossesse et à la fin des sept ans, le Messie viendra. Et le Gaon de Vilna souligne que, d’après le Zohar, la communauté d’Israël conçoit le Messie en tout temps (Zohar III, 34b). Si le peuple juif le méritait, le Messie serait déjà là mais, à cause de nos fautes, la communauté perd son enfant sans cesse parce que nous n’adhérons pas à toutes les ordonnances de la Torah. C’est pourquoi le Messie est appelé dans le Talmud (Sanhédrin 96a) « un avorton », car la communauté subit un avortement.

Sur les talons du Messie: Les Sages disent (Sanhédrin 98a): « Le Messie est assis aux portes de Rome parmi les mendiants, et il souffre de la peste, comme il est écrit (Ichaya 53:5): « C’est pour nos péchés qu’il a été meurtri », et (ibid. 4): « Il est chargé de nos maladies... » Et le Talmud raconte qu’il enlève un bandeau, nettoie sa plaie, remet le bandeau, puis en défait un autre... il ne retire jamais deux bandeaux en même temps, « pour ne pas être retardé s’il est appelé pour aller sauver Israël » (Rachi ad. loc.). Ainsi, il est assis et souffre à cause de nos fautes, afin d’obtenir notre pardon et de précipiter le temps de notre rédemption. Il attend avec tellement d’impatience qu’on lui demande de venir nous délivrer qu’il panse ses plaies de manière à ne pas tarder, le moment venu, ne serait-ce qu’un seul instant.

Il y a pourtant une condition: qu’Israël se repente de ses fautes comme le disent les Sages (Sanhédrin 98a): « Lorsque Rabbi Yochoua ben Lévi demanda au Messie: Quand donc viendra mon maître? il lui répondit: Aujourd’hui! Qu’est-ce à dire aujourd’hui? Aujourd’hui, si seulement aujourd’hui vous écoutez Sa voix! » (Téhilim 95:7). Tant que le Messie n’est pas guéri de ses plaies, c’est une indication qu’Israël ne s’est pas repenti de ses fautes. Entre temps, il est assis et il attend, et il se lamente que la Présence divine soit encore en exil et il pleure le malheur de ses fils...

Cela nous permet de comprendre le sens de l’expression « sur les talons du Messie ».

Ce que nous venons de dire montre clairement que nous sommes la cause des plaies de notre Messie et, plus l’exil se prolonge, plus nous lui causons de blessures. Les générations antérieures l’atteignaient à la tête et ces plaies-là guérissaient du jour au lendemain, les générations suivantes l’atteignaient dans les membres, et en fonction de la dégradation des générations suivantes, les plaies descendirent sur le corps du Messie, jusqu’à ce que nous, génération qui a perdu le sens de toutes les valeurs humaines et spirituelles, l’atteignions au plus bas, aux talons. Il est donc clair que cette maladie se guérit par étapes, et il ne reste plus beaucoup de temps au Messie pour guérir complètement. Lorsque les talons aussi seront guéris, le temps de la rédemption viendra.

Nous apprenons qu’à l’époque où les plaies du Messie ne toucheront que les talons, l’humanité aura atteint le niveau spirituel le plus bas, celui où la peur et la frayeur se répandront à cause des tyrans qui régneront par l’injustice, la cruauté et l’immoralité, car ils verront que la fin de leur suprématie est proche et qu’ils sont condamnés à la destruction et à l’oubli. Et donc, en ce temps-là, la méchanceté pèsera de tout son poids, les tyrans essayeront d’étendre leur influence partout dans le monde, ils causeront des guerres sanglantes, pratiqueront l’immoralité, la haine, l’incroyance, la négation de la Providence divine et commettront tous les péchés afin d’empêcher  l’humanité de reconnaître D. Nous vivons aujourd’hui des événements que l’humanité n’a jamais connus depuis sa naissance, une époque de destruction aux proportions effrayantes, avec la menace atomique ou autres instruments de destruction massive si répandus dans le monde. De même, les relations immorales ont pris des proportions énormes et bénéficient d’une approbation légale. Chacun se donne la liberté de se conduire comme bon lui semble et de penser ce qu’il veut, et la profanation se propage dans le monde entier. Bien que les déités et les pratiques idolâtres aient été éliminées, elles ont été remplacées par des pratiques que nos pères n’avaient pas imaginées et qui proviennent du rejet des treize principes fondamentaux de la foi, de la négation de l’existence du D. Vivant et de l’insoumission à Sa volonté.

Nos Sages ont prédit notre époque et ils l’ont décrite avec précision. « A l’époque qui précédera la venue du Messie, l’audace sera extrême, le sens du respect sera perdu, la vigne produira son fruit et pourtant le vin sera hors de prix, les dirigeants blasphémeront et il n’y aura personne pour les réprimander, les assemblées des sages seront abandonnées au vice et l’on s’y adonnera à la prostitution, la Galilée sera détruite et le Golan déserté, les gens des frontières erreront de ville en ville sans trouver de repos, la sagesse des maîtres sera dédaignée et les gens vertueux méprisés, la vérité disparaîtra, les jeunes insulteront les vieux, les vieillards se tiendront debout devant les enfants, le fils insultera son père, la fille attaquera sa mère, la belle-fille sa belle-mère, les gens d’une même maisonnée seront ennemis, la face de la génération ressemblera à la face du chien, le fils n’aura pas honte devant son père, et sur qui pourra-t-on s’appuyer? Uniquement sur notre Père qui est dans les Cieux » (Sotah 49b).

La vision prophétique de nos Sages est étonnamment précise, d’autant plus que les faits décrits ne sont pas naturels, au contraire, ils sont imprévisibles et inexplicables. Qui peut prédire une époque de grande prospérité agricole et économique où pourtant les produits « seront hors de prix »? Ce sont deux choses qui s’excluent mutuellement, et qui se risquerait à de tels pronostics? Nous voyons de nos propres yeux se réaliser tout ce que les Sages décrivent et « leurs paroles sont comme un fleuve de feu » (Avoth 2:15). Que la cendre remplisse la bouche de quiconque voudrait dénigrer leurs saintes paroles! Quant à nous, nous sommes heureux d’avoir eu le mérite de connaître effectivement la sainteté de nos Sages, et cela nous oblige à avoir une foi entière en eux, une foi qui nous permet de nous élever dans le service de D.

Sans aucun doute, ces prophéties ont pour but de nous faire comprendre clairement que lorsque nous verrons les événements décrits, nous pourrons nous préparer à la venue du Messie, nous repentir de tout cœur, multiplier les actes de bienfaisance et l’étude de la Torah et donner à nos enfants une éducation conforme à la tradition ancestrale. Tout cela, afin de guérir rapidement les plaies du Messie, surtout celles dont il souffre aux talons - les talons du Messie, d’où cette époque tire son appellation. La guérison du Messie ne dépend que de nous.

L’époque messianique: C’est le temps qui suit l’époque où se réaliseront les signes décrits et où le Messie se révélera. Cette période ne durera que quelques jours seulement si nous le méritons, comme le disent les Sages (Sanhédrin 98a): « Le fils de David ne viendra que dans une génération entièrement méritante, ou entièrement fautive ». Dans ce cas, il est évident que les signes néfastes décrits ne sont que les tentatives entêtées du Satan pour retarder la rédemption. Si effectivement la génération est entièrement méritante, toutes les difficultés décrites ne dureront que peu de temps. Mais dans le cas contraire, malheureusement, les souffrances que nous endurerons justifieront les paroles de Oula (Sanhédrin 98b): « Que le Messie vienne, pourvu que je ne le voie pas ». Il est dit que, dans ce cas, le Messie se révélera « comme un pauvre monté sur un âne » (Zakharia 9:9), c’est-à-dire qu’il se révélera très lentement, et avec beaucoup de difficultés.

A propos du verset: « On lavera son vêtement dans le vin, et dans le sang des raisins sa tunique » (Béréchith 49:11), le Or Ha’hayim (Chemoth 21:11) commente: « S’il n’y a pas d’hommes de Torah au temps de la rédemption, elle adviendra à cause du poids et de la sévérité de l’exil, car les étincelles de sainteté seront purifiées par les souffrances, comme elles auraient pu l’être par la Torah. Le Messie viendra alors comme un pauvre monté sur un âne et son apparition se fera conformément aux lois de la nature. Mais si la rédemption se fait grâce au mérite d’Israël, elle se réalisera de façon merveilleuse, et le Messie se révélera miraculeusement, dans une colonne de feu venue du Ciel ».

Deuxième volet

La Michna (à la fin du traité Sotah) dit: « A l’époque qui précédera la venue du Messie, il n’y aura pas de remontrance ». Rachi explique: « Il n’y aura personne capable de faire des remontrances, car tous commettront des transgressions. Si quelqu’un fait un reproche à un autre, il lui sera rétorqué: Tu fais la même chose! Il est dit de tels gens: « Recueillez-vous, tâchez de vous ressaisir, ô gens sans vergogne » (Tséphania 2:1). C’est-à-dire: « Tout d’abord corrige-toi, après tu pourras t’en prendre aux autres » (Baba Metsya 107b). Qu’as-tu à me faire des remontrances alors que tu commets toi-même des transgressions? Ainsi, plus personne ne fait de remontrances, et les gens fautent sans frein et sans borne.

1. Il va de soi qu’une société ne saurait se perpétuer sans possibilité de remontrance, dont la raison d’être est de redresser les torts et de guider les hommes dans le droit chemin, comme la Torah l’ordonne: « Reprends ton prochain et tu n’assumeras pas de péché à cause de lui » (Vayikra 19:17). L’une des quarante-huit qualités requises pour l’acquisition de la Torah est « d’accepter les remontrances » (Avoth VI:6). Sans remontrance, comment la société peut-elle être saine et comment ceux qui errent dans des sentiers perdus peuvent-ils revenir dans le droit chemin?

2. Apparemment, cela ne concerne pas spécifiquement la génération du temps du Messie, puisqu’à propos du verset « Du temps des juges... » (Ruth 1:1), Rabbi Yo’hanan dit (Baba Bathra 15b): « Du temps où les juges étaient eux-mêmes jugés. Le juge dit: enlève l’épine d’entre tes dents, et il lui est répondu: enlève, toi, la poutre d’entre tes yeux ». A propos de la section « Dans la quarantième année, le onzième du mois, le premier jour du mois... » (Devarim 1:3), le Midrach ajoute (Sifri  ad. loc.): « Moché n’a fait des remontrances au peuple d’Israël qu’avant de mourir, chose qu’il a apprise de Ya’akov qui n’a fait des remontrances à ses enfants qu’avant de mourir, leur disant: Réouven, je ne t’ai pas fait de reproches pendant toutes ces années afin que tu ne t’enfuies pas pour aller t’associer à Essav. De même, les dirigeants Yochoua et Chmouel n’ont fait des reproches au peuple qu’avant de mourir ».

Il est extrêmement difficile d’accepter les remontrances et c’est effectivement ce que disent nos Maîtres, comme Rabbi Tarfon (Arach’in 16b): « Je serais étonné de trouver aujourd’hui quelqu’un qui accepte de recevoir des remontrances ».

3. Pourquoi ces dirigeants ont-ils jugé bon de faire des remontrances justement avant de mourir?

4. Comment est-il possible que les fils de Ya’akov, ancêtres des douze tribus d’Israël, aient mal agi, ce que Ya’akov leur reprocha avant de mourir, comme il fit des reproches à son fils aîné Réouven? Le but des remontrances est de redresser les cœurs, de montrer à l’homme en quoi il a mal agi afin de l’amener à se perfectionner, mais ici, la conséquence aurait pu être, malheureusement, inverse. D’autant plus qu’il ne s’agit pas de n’importe quel père envers un fils quelconque, mais de Ya’akov, « le plus parfait des Patriarches » (Béréchith Rabah 76:1), celui qui symbolise la perfection et la vérité, et d’un fils comme Réouven dont il est écrit (Béréchith 49:3): « Tu es mon premier-né, mon orgueil et le prémice de ma vigueur ». C’est Réouven qui le premier a ouvert la voie du repentir et il est dit (Pessa’him 87b; Béréchith Rabah 84:19) que son descendant Ochéa a aussi appelé au repentir. Est-il possible que la remontrance puisse être mal acceptée justement de sa part?

5. Il faut aussi expliquer pourquoi il est dit que c’est de Ya’akov que Moché a appris à ne faire des remontrances qu’avant de mourir. Qu’y a-t-il d’exceptionnel à cela? N’est-ce pas une chose naturelle qu’un père dirige ses enfants dans le droit chemin, surtout avant de mourir, car au seuil de la mort ses paroles ont le plus grand effet? Pourquoi Moché doit-il apprendre de Ya’akov quand faire des remontrances aux Enfants d’Israël?

6. Beaucoup de commentateurs demandent comment réaliser le commandement « Reprends ton prochain » avant la venue du Messie, puisque la Torah est éternelle et n’est pas soumise aux changements de lieu et de temps.

7. Est-il possible de dire que Moché et Ya’akov n’ont pratiqué ce commandement qu’avant de mourir?

Rappelons une anecdote: On critiqua Rabbi Leib « Comment peux-tu faire tous les jours des remontrances aux Juifs? Les Sages n’ont-ils pas conseillé de n’exprimer des reproches qu’avant de mourir? » A cette critique, il répondit: Les Sages ont dit aussi: « Repens-toi un jour avant de mourir » (Avoth 2:10). Chaque jour est pour l’homme le jour qui précède sa mort, et c’est pourquoi je fais des remontrances tous les jours.

Avant de répondre à toutes les questions posées, citons ce que disent les Sages (Torat Kohanim Chmini, 27): « Pourquoi est-il dit que tous les Enfants d’Israël (hommes et femmes) ont pleuré la mort d’Aharon, tandis qu’à la mort de Moché il est dit: « Les Enfants d’Israël (seulement les hommes) pleurèrent la mort de Moché... » (Devarim 34:8) et non pas tous les Enfants d’Israël? C’est parce qu’Aharon n’a jamais dit à un Juif, homme ou femme, « tu t’es rendu coupable », mais à la mort de Moché, qui leur fit des reproches à maintes occasions, il est dit seulement « les Enfants d’Israël ». Le Midrach Sifri rapporte que Moché rappelle au peuple chaque endroit où celui-ci a provoqué la colère de D., mais il ne rappelle leurs fautes que par allusion, par respect pour eux.

Il y a deux façons de faire des remontrances. Soit directement, soit indirectement. Lorsque l’on dit à quelqu’un: « tu t’es rendu coupable » et qu’on lui décrit sa faute, il ressent sans doute de la honte et cela peut lui être d’un grand service pour se corriger et s’élever spirituellement. Mais en même temps, cela risque de le vexer et de le conduire au désespoir.

Il est certain que l’acceptation d’un reproche dépend de la personne qui l’adresse. Si le reproche est prononcé par quelqu’un qui lui-même n’est pas dénué de faute, celui à qui il s’adresse ne sera pas convaincu qu’il se soucie de son bien, et il le soupçonnera d’agir par intérêt personnel. Il lui rétorquera: « avant de me faire des critiques, corrige-toi toi-même car tu n’es pas moins coupable et honteux que moi. » Parfois, on obtient le contraire de l’effet désiré, et le fautif continue et persévère dans sa mauvaise conduite. Modifier sa conduite serait exprimer son acceptation de la remontrance et il s’imagine qu’une telle acceptation serait une atteinte à son honneur, une marque de faiblesse, et donc il s’entête dans sa mauvaise voie. Si, par contre, la remontrance est prononcée avant de mourir, elle peut s’exprimer directement (c’est la différence entre Moché et Aharon) puisqu’il n’y a plus de rivalité inter-personnelle et le fautif n’a aucune raison de soupçonner que celui qui lui fait des reproches cherche à le rabaisser ou poursuit un intérêt personnel quelconque. Alors, le cœur de celui auquel s’adresse le reproche s’ouvre et il peut accepter les remontrances qui lui sont faites. Il n’aura pas non plus besoin d’avoir honte des critiques lorsque celui qui les prononce n’est plus.

Nous comprenons donc pourquoi Ya’akov, qui désirait reprocher à son fils Réouven d’avoir attenté au lit paternel (Chabath 55b), ne le fit qu’à la fin de sa vie. La motivation de Réouven, qui voulait réparer l’affront fait à sa mère, l’aurait empêché d’accepter les remontrances, et il se serait senti tellement insulté qu’il aurait pu aller se réfugier chez Essav (ce qui répond à la question 4). Ya’akov fut le premier à le comprendre.

Moché, Yochoua et Chmouel ont appris de lui à ne faire des remontrances au peuple qu’avant leur mort (ce qui répond aux questions 3 et 5), mais il ne suffit pas de faire des reproches, il faut aussi savoir que la remontrance est une arme à double tranchant. Avant de l’utiliser il faut comprendre en quoi et pourquoi un tel a mal agi, faute de quoi on risque de manquer le but visé.

Même si celui qui fait des remontrances a une influence semblable à celle de Ya’akov ou de Moché, il doit veiller à ne pas prononcer de paroles dures qui ne seront pas acceptées.

Il est vrai que Moché parla au peuple, car il était leur maître et leur dirigeant, et il est certain qu’il ne voulait que leur bien, mais tout le monde ne l’a pas pleuré à sa mort, tandis que tous les Enfants d’Israël ont pleuré la mort d’Aharon qui ne leur avait jamais rappelé directement leur culpabilité, et ne chapitrait les coupables que par allusion. Nous en concluons que Moché a réprimandé les Enfants d’Israël durant toute sa vie par allusion mais, avant de mourir, il a employé un langage direct, et malgré tout, certains n’ont pas pu accepter ces remontrances et n’ont pas pleuré sa mort. Cela n’empêche pas qu’il avait réprimandé les Enfants d’Israël par allusion durant toute sa vie (ce qui répond à la question 7).

Les Sages disent que durant la période précédant la venue du Messie, nul ne pourra faire de remontrances. Il va sans dire que la remontrance n’est efficace que lorsque celui qui la prononce n’a pas d’intérêt personnel et parle uniquement par souci du bien des autres (ce qui répond à la question 6). Il faut ajouter qu’une remontrance prononcée avec délicatesse permet de préserver de bonnes relations. Avant la venue du Messie la remontrance sera sans effet car les conditions nécessaires feront défaut. Pour être efficace, elle doit être prononcée par des gens parfaits comme Moché ou Ya’akov. La remontrance prononcée par quelqu’un qui est lui-même fautif est refusée d’emblée: Corrige-toi toi-même, car tu n’es pas meilleur que moi! (ce qui répond à la question 2). Avant la venue du Messie, il peut se trouver des gens qui feront des remontrances par allusion et indirectement et ce commandement pourra être pratiqué, à cette époque aussi, par une personne compétente. Effectivement, nous voyons de nos propres yeux et à tout instant un grand nombre de Juifs qui retournent à leur source et à leur origine.

« La fin des temps » que Ya’akov mentionne est divisée en trois périodes: les douleurs de l’enfantement du Messie, la période précédant la venue du Messie, et l’époque messianique. Chaque période est caractérisée par une certaine sorte de remontrance. Celui qui les prononce doit viser le bien de la personne à qui il s’adresse sans avoir d’intérêt personnel à ce qu’il dit. Il doit aussi parler avec délicatesse et peser chacun de ses mots - qu’il parle directement ou par allusion - et être lui-même sans reproche. Ce n’est que lorsque tous reviendront à D. que le Messie sera guéri de ses plaies et qu’il se révélera à nous, rapidement.

Même dans ses critiques, Moché avait beaucoup de respect pour les Enfants d’Israël et il prononçait ses reproches avec délicatesse. Rachi remarque à propos du verset « ...dans le désert, dans la plaine en face de Souf » (Devarim 1:1) que « tous ces lieux rappellent par allusion des fautes commises ».

Ce premier verset du livre Devarim dit: « Ce sont là les paroles que Moché adressa à tout Israël de l’autre côté du Jourdain, dans le désert, dans la plaine en face de Souf, entre Paran et Tofel, Laban, ‘Hatseroth et Dey-Zahav ». Expliquons chaque partie de ce verset:

« Ce sont là les paroles... » - Moché désire que le peuple retourne sincèrement à D. et se repente, comme il est dit « Armez-vous de paroles et revenez à D. » (Ochéa 14:3);

« ...que Moché adressa à tout Israël » - il n’est pas dit « aux Enfants d’Israël », car il parle aussi pour toutes les générations futures;

« ...de l’autre côté du Jourdain » - le mot Hayarden, du Jourdain, dont les lettres comptées avec le mot ont la même valeur numérique que le mot Raa, mal, indique qu’il faut se repentir de tout le mal commis dans le passé car éver, « de l’autre côté » signifie aussi le passé;

« ...dans le désert, dans la plaine » - le mot Midbar, le désert, veut dire aussi la parole (Dibour), et le mot Arava, la plaine, est formé des mêmes lettres que le mot Avérah, la transgression, c’est-à-dire qu’il faut aussi corriger les fautes commises en paroles, comme la médisance et les indiscrétions auxquelles on ne prête pas assez d’attention et qu’il faut regretter; c’est pourquoi Moché les mentionne séparément.

Comment peut-on parvenir à un repentir complet? La réponse est donnée par la suite du verset:

« ...en face de Souf » - indique qu’il faut toujours se rappeler la fin (Sof), du jour de la mort, comme disent les Sages (Brach’ot 5a): « L’homme doit toujours se rappeler le jour de la mort » et tous les jours de sa vie, il doit entraîner ce vilain vers la maison d’étude (Soucah 52b) afin de le vaincre. Une telle attitude est utile en toute circonstance et permet de surmonter les épreuves;

« ...entre Paran et Tofel » - que l’on se trouve dans une situation honorable (Paran  est associé au mot tipheret)  et respectable, ou que l’on se trouve dans une situation humiliante et abaissante (Tofel est associé au mot Tiflout), ayant rejeté le joug divin, D. nous en préserve; « Vous retournerez à Ramatta » (un lieu élevé) grâce au repentir et à un retour à D., loué soit-Il au-dessus de toute louange.

Si nous effectuons un retour sincère à D., Moché nous promet « et Laban, ‘Hatsérot et Dey-Zahav » - Laban signifie « blanc », et il est dit: « Vos péchés fussent-ils comme le cramoisi, ils peuvent être blanchis comme la neige » (Ichaya 1:18), c’est-à-dire que nous serons blanchis de nos péchés, et nos fautes, même intentionnelles, seront comptées comme des mérites (Yoma 86b). Alors D. acceptera notre repentir et nous pardonnera, comme le disent les Sages (Chavouoth 39a): « Il pardonne à ceux qui reviennent à Lui »;

‘Hatsérot (qui veut dire les cours intérieures) indique que nous marcherons dans la Maison de D., comme il est écrit (Téhilim 92:14): « Plantés dans la Maison de l’Eternel, ils sont florissants dans les parvis de notre D. », et alors nous aurons mérité la construction du Temple et nous recevrons la récompense de Dey Zahav, de l’or en quantité suffisante, comme il est écrit: « Je répandrai sur vous la bénédiction au-delà de toute mesure » (Malakhi 3:10), et nous serons bénis. Le mot Zahav, l’or, a la même valeur numérique que le mot Day, en suffisance, et il est dit: « Jusqu’à ce que vos lèvres s’usent à dire: assez! (Day) » (Chabath 32b; Yérouchalmi Ta’anith III:9). Les Sages remarquent (Devarim Rabah 1:6): « Chlomo HaMelekh nous enseigne que celui qui accepte les remontrances est béni, comme il est écrit (Michley 24:25): « La bienveillance à ceux qui réprimandent, ils seront bénis de bonheur ». Ainsi soit-il.

 

 

Article précédent
Table de matière
Article suivant

 

Hevrat Pinto • 32, rue du Plateau 75019 Paris - FRANCE • Tél. : +331 42 08 25 40 • Fax : +331 42 06 00 33 • © 2015 • Webmaster : Hanania Soussan