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Rabbi David Oppenheim

A trois cents ans de distance, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de retrouver dans leur détail les événements, les histoires ou les décisions qu’a vécus le Gaon Rabbi David Oppenheim. Qui pourra nous raconter aujourd’hui de quelle nature exactement étaient les sujets qui entre 1689 (5449) et 1737 (5497) troublaient le repos des juifs de Nickelsbourg, de Moravie et de la région, ou de Prague ? Ce qui nous reste en revanche, c’est le nom et les traits frappants de sa personnalité exceptionnelle, un homme qui voyait déferler et s’entasser sur sa table et dans sa chambre tout ce qui se passait dans le monde juif de ces quelques dizaines d’années.

Rabbi David Oppenheim compte parmi les plus grands décisionnaires de sa génération. Dans presque tous les domaines, il a laissé un nombre incalculable de responsa où scintille le point de vérité. Il parle de ses Maîtres, les grands de la génération précédente, avec un respect et une vénération immenses. Il les cite avec tremblement et amour. Mais il n’en reste pas moins que lorsqu’il arrivait à une conclusion différente après avoir longtemps travaillé sur la question qui lui était posée, il n’hésitait pas à exprimer son opinion, et comme dans toute dissension provoquée par l’amour du Ciel, il commençait par dire combien il se sentait petit par rapport à ceux dont il contestait la décision.

Il gardait envers ses disciples une relation d’affection toute particulière. Ses commentaires sont souvent écrits comme s’il leur parlait... et ils le savaient. C’est pourquoi nous sommes en possession de rouleaux de lettres qu’ils adressaient à leur grand Rav longtemps après avoir grandi et être sortis dans le vaste monde. Elles contiennent non seulement des questions de halakhah, mais aussi des demandes d’aide pour gagner leur vie ou des questions concernant leur rôle de rabbins dans différentes communautés. Rabbi David était pour eux non seulement un Rav, mais aussi un père. Dans une lettre que lui a envoyée un disciple, Rabbi Méïr Segal Horowitz, du Beith Midrach de Hanovre, l’expression « Adoni Hamélekh », « mon Seigneur et mon roi », revient sans cesse pour désigner Rabbi David, ce qui témoigne de la vénération que l’auteur gardait pour son grand Maître. Quand on regarde le manuscrit original, on s’aperçoit que Rabbi David, qui apparemment ne pouvait pas supporter le titre honorifique dont il faisait l’objet, avait effacé à l’encre tous les endroits où figurait le mot « roi » pour le désigner...

Ses premières années comme rabbin de Nickelsbourg virent une époque difficile pour les juifs. Quatre ans auparavant, en 1686 (5446), l’Autriche avait conquis la forteresse d’Oben, et dans le cadre de cette guerre les juifs de la région avaient souffert des troubles locaux. De nombreuses communautés furent détruites et d’autres décimées. Un écho douloureux de ces jours de malheur apparaît dans ses responsa. Rabbi David avait pris sur lui la tâche ardue – physiquement et moralement – de prendre en charge les nombreuses agounot dont les maris avaient disparu dans les tourmentes du temps. Il ne s’accordait aucun repos et travaillait d’arrache-pied pour leur procurer une aide conforme à la halakhah.

Ses activités en faveur de la communauté n’ont pas diminué au cours des années suivantes, quand il a été désigné comme Rav et Av Beith Din de Prague. Bien au contraire, il était reconnu comme rabbin de l’Etat et autorité suprême en tout ce qui concernait la communauté, instituait des édits et surveillait tout ce qui se passait, important ou non. Il ne détournait pas son attention un seul instant de l’état de la communauté. Dans l’une de ses réponses, il décrit son emploi du temps écrasant : « Vous connaissez parfaitement le poids des besognes qui m’incombent, en commençant par les soucis de notre yéchivah où l’on étudie du milieu de la nuit jusqu’au milieu du jour, et en poursuivant par les affaires de la communauté et de l’Etat. Je n’ai même pas le temps d’avaler ma salive... »

Il est né en 1664 (5424) à Worms. Il a appris la Torah de Rabbi Guershon Achkénazi de Metz, Rabbi Ya’akov Achkénazi (le père du ‘Hakham Tsevi), le Rav Binyanim Wolf Epstein de Fridberg et le Rav Yitz’hak Binyanim Wolf de Lensberg (auteur de Na’halat Binyamin).

A vingt-cinq ans, il fut nommé rabbin de la communauté de la grande ville de Nickelsbourg ainsi que de la province de Moravie. Il fonda une yéchivah, qu’il soutenait à ses propres frais et où il donnait des cours à de nombreux élèves.

Outre quantité d’introductions et de recommandations à divers ouvrages, et outre les nombreux manuscrits qu’il ne réussit pas à faire imprimer de son vivant, il publia plus de trente livres. Il était rabbin de Nickelsbourg et de Prague. Il mourut en 1737 (5497).

La bibliothèque de la providence divine

Si l’on avait demandé à un contemporain de Rabbi David Oppenheim de donner un titre à cette histoire, il est probable qu’il en aurait choisi un qui exprime la malchance de cette série d’événements. Aujourd’hui, plus de deux cent cinquante ans après la disparition de Rabbi David, il s’avère qu’en fait, le titre devrait être : L’ampleur de la providence divine. A présent, tout paraît totalement différent...

La bibliothèque de Rabbi David comptait sept mille ouvrages, ce qui est un chiffre énorme, même pour nous, et à plus forte raison à l’époque, où un livre était un objet rare et précieux. Mais ce n’est pas encore tout. Les étagères étaient également remplies de plus d’un millier de parchemins qui n’avaient pas été imprimés. Il n’existait pas un seul livre imprimé à l’époque sur un sujet de Torah dont il ne possédait pas un exemplaire. S’il entendait parler d’un manuscrit quelconque, il essayait de se le procurer, ou si c’était impossible, tout au moins le faire copier. Quand fut imprimé le Talmud d’Amsterdam en 1714 (5475), il confectionna un parchemin particulier fait de peau de cerfs, et demanda qu’on lui imprime dessus un exemplaire du Talmud, qui était le plus beau à cette époque. Il le paya mille écus !

Aujourd’hui aussi, il y a beaucoup de collectionneurs. Mais Rabbi David Oppenheim n’était certainement pas un collectionneur. Sa grande ardeur ne lui venait pas des étagères surchargées ni des volumes brillants : il aimait la Torah de toutes les fibres de son âme, l’étudiait de toutes ses forces et l’avait sans cesse en bouche. Il possédait parfaitement la Guemara, et dans ses nombreuses réponses il cite différentes versions, ainsi que des passages de commentateurs pris dans les livres de sa bibliothèque. Il est donc stupéfiant de s’apercevoir que pendant toute sa vie, il n’a presque jamais eu sa bibliothèque à portée de la main, et a à peine pu à en profiter !

Au début, la bibliothèque était à Nickelsbourg. Mais quand il partit à Prague, il la fit suivre par la route de Worms. Il attendit en vain à Prague l’arrivée des livres si chers à son cœur : tous prirent feu, jusqu’au dernier. Dans une lettre de cette année-là, il écrit : « Je ressemble à un artisan qui n’a plus les instruments de son état... » Se résigner ? Désespérer ? Pas lui ! Il recommença à zéro. Un livre après l’autre, un manuscrit après l’autre. Mais de nouveau, il ne put les avoir à ses côtés. Pour une raison ou pour une autre, il dut passer quelques années à Vienne, alors que les livres étaient à Nickelsbourg. Il écrit : « Je ne possède que ce que je connais oralement, je monte et descends dans le Talmud que j’ai en bouche... »

Puis il retourna à Prague, mais à ce moment-là intervint une censure officielle qui interdisait de les faire entrer dans la ville, de peur qu’ils ne comportent des livres insultants envers le christianisme. Le Rav de Prague fut obligé à sa grande douleur d’aller chez son beau-père à Walfendithal, près de Hanovre, à chaque fois qu’il avait besoin de consulter un de ses ouvrages. Il quitta ainsi ce monde loin de ses livres, qui furent vendus après la mort de son fils et achetés par la bibliothèque Bodléienne de l’Université d’Oxford en Angleterre.

Dans cette histoire, la providence divine nous apparaît aujourd’hui dans toute sa puissance. Beaucoup d’ouvrages et de manuscrits auraient certainement été brûlés au fil des années et des persécutions diverses. Seul le refus des bibliothécaires de laisser sortir les livres a permis de garder intacts jusqu’à nos jours un grand nombre de livres, qui ont été publiés ultérieurement et dont les érudits font grand usage. Le Rav Itz’hak Dov Feld de Londres, rescapé de l’Holocauste, a beaucoup travaillé à la publication des ouvrages que Rabbi David Oppenheim avait écrits. Les Nazis ne lui ont laissé qu’un seul doit entier, et il l’a utilisé pour taper à la machine les œuvres de Rabbi David Oppenheim, qui ont ainsi été sauvées !

 

 
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