L’aide d’autrui c’est le service dans le Temple

 «En ce temps-là, Moïse, ayant grandi, se rendit vers ses frères et fut témoin de leurs souffrances» (Exode 2:11). La première question qui se pose est: Que veut exactement dire la Torah par «il se rendit vers ses frères»? Ce n’est certainement pas dans le palais royal de Pharaon que Moïse a été témoin des travaux pénibles dont on accablait les enfants d’Israël.

La suite également requiert des éclaircissements. «Le jour suivant, peut-on lire ensuite, il vit deux Hébreux qui se querellaient» (id. 13). Stupéfait il dit au mécréant d’entre eux: «Pourquoi frappes-tu ton prochain?» (id.). Pourquoi fut-il stupéfait? le Talmud enseigne que le second (Aviram) n’était pas meilleur que le premier (Dathan) (Chémoth Rabah 1:29; Rachi, ad. loc.).

C’est que la Torah veut nous montrer les vertus de Moïse. Déjà dans le palais royal de Pharaon, il souffrait beaucoup des terribles conditions imposées aux enfants d’Israël. En effet, Pharaon l’avait nommé intendant sur sa maison (Rachi sur Exode 2:11) et sa situation en parfaite contradiction avec celle de ses frères le peinait grandement. Seulement il savait que ses sentiments seraient plus vifs s’il sortait et voyait de ses propres yeux le malheur de ses frères. Celui qui quitte le confort de son foyer pour voir sur le terrain la détresse de ses frères, pour s’immiscer dans leur monde en ruines, celui qui aide autrui et le réconforte se sanctifie et s’élève.

L’Admour de Gour s’étend largement sur la question dans son ouvrage «Beth Israël». Il montre combien on peut étendre son influence sur son prochain quand on cherche à rectifier sa propre conduite. On ne doit pas seulement penser à son monde spirituel et matériel, mais aussi à celui d’autrui, et cela avec beaucoup d’humilité et un esprit de grand sacrifice.

Voyant l’affliction de ses frères, Moïse se sanctifia; ses yeux s’illuminèrent et la Providence Divine résida en lui. «Tu as quitté ton palais pour voir la détresse d’Israël, lui dit le Saint, béni soit-Il, Moi aussi J’abandonne les mondes supérieurs et inférieurs pour venir converser avec toi.» Comme il est écrit: «L’Eternel vit qu’il s’approchait pour regarder; et Dieu l’appela du sein du buisson» (Exode 3:4)  Moïse devint désormais un prophète, un visionnaire (Chémoth Rabah 1:32).

Moïse compatit de tout son cœur au sort des enfants d’Israël; il commença même à travailler avec eux et à les aider même si ce n’était pas son rang. «Votre situation me désole», leur disait-il en sanglotant.

Une question se pose: comment Moïse a-t-il pu travailler avec eux, alors qu’il faisait partie de la tribu de Lévi, qui était exempte de la servitude? (Chémoth Rabah 5:20). Même les travaux les plus simples leur étaient interdits, parce qu’ils ne devaient servir que dans le Temple (cf. Bamidbar Rabah 5:2; Tan’houma, Beha’alotekha 3). Comment se fait-il d’autre part que Dieu ne l’ait pas réprimandé?

C’est que Moïse trouvait en tout Juif un aspect du «sanctuaire», comme il est écrit: «Il a créé de Ses deux mains l’homme et le sanctuaire» (Avoth deRabbi Nathan, chap.1 fin; Avoth, chap. 6 fin). Quand il vit la détresse de ses frères, il se permit donc de les aider, et cette assistance équivalait aux travaux des Lévites dans le Temple. Et Dieu approuva sa conduite puisqu’Il lui parla près du buisson ardent.

C’est pourquoi il fut stupéfait de voir l’un des Hébreux frapper son prochain: il ne pouvait concevoir qu’on puisse humilier et profaner le sanctuaire (l’homme). N’est-il pas écrit à cet effet: «Il ne profanera pas le sanctuaire de son Dieu» (Lévitique 21:12), et «Vous ne déshonorerez point Mon Saint Nom [l’homme a été créé à l’image de Dieu]» (id. 22:32). Il ne concevait pas comment on peut frapper et médire d’un lieu aussi saint — Moïse voyait donc en tout Juif quelque chose de saint. Il veillait à le corriger, l’élever, l’embellir et le sanctifier.

Chaque Rav doit prendre exemple sur Moïse notre maître; il doit sonder en profondeur le monde intérieur de son élève, considérer ses lacunes et ses besoins, et veiller à ce qu’il serve Dieu comme il convient, et non superficiellement. Il ne doit pas ressembler à un «puits vide et sans eau» (Genèse 37:24), l’eau étant comparée à la Torah, comme nous l’avons vu (Bava Kama 17a).

Le Rav doit voir en son élève un Temple «en miniature» si on peut s’exprimer ainsi. Il doit ressembler à un Cohen «dont les lèvres doivent conserver la connaissance; c’est de sa bouche qu’on réclame la Torah» (Malachie 2:7). Ce n’est qu’en sortant vers son élève avec un esprit de sacrifice, d’une façon désintéressée et en essayant de satisfaire ses besoins (comme Moïse) qu’il connaîtra la grandeur réelle et la compréhension authentique de tous les domaines de la Torah.

 

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